Gilberte, fille de la veuve Pontreau mère castratrice, femme autoritaire et fière âgée de cinquante ans, est mariée depuis un an à Jean Nalliers, jeune homme de vingt-huit ans, terne, sans autorité et atteint du haut mal, entendez l'épilepsie.
Tous les deux sont les propriétaires de la ferme la " Pré-aux-Boeufs ", ferme qu'a fait cadeau à son fils le père Nalliers.
C'est l'été, le battage du blé bat son plein. La chaleur est étouffante.
Parmi la vingtaine d'ouvriers agricoles engagés pour l'occasion, certains rechignent à la tâche, davantage portés qu'ils sont sur les litrons de vin blanc que sur le labeur.
Jean essaie en vain de les motiver.
Il s'agace.
Gilberte craint que son mari ne fasse une autre crise, car lors de l'une d'elles, il a fait naguère une mauvaise chute qui aurait pu lui être fatale.
Autour de sa mère, la veuve Pontreau, il y a Hermine sa soeur, célibataire âgée de trente ans, pâle copie conforme de sa génitrice, et aussi grande et maigre que Gilberte est petite et ronde. Il y a également une femme de ménage Madame Naquet, femme étrange et agitée âgée elle de soixante ans, employée pour les trois jours que devait durer le battage.
Soudain une altercation vient à opposer Jean et un ouvrier agricole.
Le patron tente de renvoyer sans succès l'ouvrier récalcitrant.
-Ton mari a l'air d'une marionnette, dit la veuve Pontreau à Gilberte.
Jean disparaît.
On s'inquiète.
Subrepticement, la veuve Pontreau retrouve l'infortuné inanimé dans le grenier à grains de l'écurie.
Elle le jette par la lucarne.
Le médecin appelé constate le décès qu'il impute à une crise d'épilepsie ayant entraîné la chute du malheureux.
Les gendarmes se rangent à l'avis du médecin.
Viève, la cadette de dix-huit ans des Pontreau, rentre de son travail dans une librairie de la Rochelle, et assiste effarée à la scène macabre.
La veuve Pontreau ramène ses trois filles à Nieul dans la maison familiale.
La ferme est mise en vente.
Le crime va-t-il rester impuni ? "L'accident" a-t-il eu des témoins ?
Vous le saurez en lisant ce très bon petit roman méconnu de
Simenon.
Simenon que j'ai souvent préféré au cinéma qu'en livre(s).
J'ai longtemps appartenu à ceux qui ne lui trouvaient pas de génie et le considéraient comme un auteur cinématographique... " un délassement intelligent".
Lorsqu'on voit -
le chat - avec Gabin dans son dernier grand rôle, Signoret magistrale, tout aussi stupéfiante dans -
La veuve Couderc -, qu'on prend -
le train - avec Trintignant,
Romy Schneider, Maurice Biraud et Régine, qu'on est
les témoins privilégiés du duo Serrault-Aznavour dans -
Les fantômes du chapelier -, ou ceux impuissants du désarroi de Noiret dans - L'horloger de Saint-Paul -, quand on prend la mesure du talent dramatique de
Michel Blanc - dans - Monsieur Hire -, et que notre coeur se pince pour Gabin découvrant sur son lit de mort qu'il est follement amoureux de Danielle Darrieux, sa femme qui vient de l'empoisonner après avoir espéré pendant des années l'amour d'un mari volage dans -
La vérité sur Bébé Donge -, sans compter tous les -
Maigret -, la lecture des romans qui ont inspiré ces grandes réalisations cinématographiques fait bien pâle figure en comparaison.
-
le train - est à mes yeux l'exemple qui illustre le mieux ce hiatus entre livres et films.
Simenon était un auteur prolifique. Songez qu'il lui fallait en moyenne six semaines pour écrire un bouquin.
Songez que sa bibliographie compte 192 romans... 75
Maigret et 117 romans qu'il appelait " ses romans durs "... et 158 nouvelles !
Impressionnant !
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le haut mal - appartient à ces romans dits durs.
Il y a dans cette oeuvre quelques éléments qui collent à l'univers du roman policier cher à l'auteur, mais la dimension principale est de l'ordre du psychologique.
C'est le roman des non-dits, un roman d'atmosphère.
On connaît d'emblée la coupable.
On ne court donc pas après un assassin, mais après des pourquoi.
On veut comprendre, donner des réponses à ces pourquoi.
Mais personne ne se livre. On agit au quotidien. On parle au quotidien. Mais aucune introspection, les sentiments ne sont ni fouillés, ni montrés, ni analysés... et la tension monte.
Tous les personnages ont une densité et une intensité remarquables.
Mais ils nous échappent.
Nous les voyons comme nous voyons tous les jours nos voisins, l'épicier, le boulanger, le boucher, le cafetier, le chauffeur de bus, le libraire, le médecin, le curé... pour ceux qui en voient encore ( je ne veux froisser personne )... mais nous ne pénétrons jamais au coeur du labyrinthe de leur âme.
Nous ignorons quels démons les habitent, quel enfer ils fréquentent.
Ainsi dans ce roman à découvrir, qu'on peut lire et relire tant il recèle de mystères, les réponses appartiennent au lecteur.
Plus que réponses, j'aurais dû dire conjectures.
Pour une fois, j'ai davantage apprécié le livre que le film... il n'y en a pas à ce jour... sauf erreur de ma part.
Du très très bon
Simenon !