Le roi indien Akbar avait tout en excès. Traditionnellement, dans chaque cour royale, il y avait un sage. Lui en avait neuf, dit la légende.
Un jour, brusquement, il s'adresse à eux dans la salle d'audience : « Dites-moi donc qu'est-ce qui pourrait faire que, lorsque je suis dans la joie, je ne sois pas emporté par la joie ? Et lorsque je suis dans la tristesse, je ne sois pas emporté par la tristesse ? Répondez-moi rapidement. »
Les sages se regardent, se concertent, et disent au roi : « Maharaja, confie-nous ta bague royale, nous te répondrons demain. »
Surpris, le roi accepte.
Le lendemain, le plus jeune des sages, presque un enfant, s'avance vers lui et dit : « J'ai la réponse : mais pour l'écouter il te faut quitter le trône et me laisser la place ». Toujours surpris, mais déjà à demi courroucé, le roi accepté et se met en position d'entendre, d'un air sévère, la réponse à sa question. Le jeune homme installé sur le trône tend alors la bague royale au roi en disant : « Es-tu en ce moment dans la joie dans la tristesse ? »
« Non, répond le roi de plus en plus énervé, j'entre dans la colère et je sens qu'elle va m'emporter ! »
« Alors regarde ta bague », dit le jeune sage en descendant du trône.
Et le roi découvre alors, gravée sur l'anneau, cette phrase : « Même cela passe ».
(Conte indien)
La contemplation procure à l'homme l'unique faveur qu'il sache mériter : suspendre la marche, retenir l'impulsion qui l'astreint à obturer l'une après l'autre les fissures ouvertes au mur de la nécessité et à parachever son œuvre en même temps qu'il clôt sa prison ; […] chance, vitale pour la vie, de se déprendre et qui consiste – adieu sauvages ! adieu voyages ! – pendant les brefs intervalles où notre espèce supporte d'interrompre son labeur de ruche, à saisir l'essence de ce qu'elle fut et continue d'être, en deçà de la pensée et au-delà de la société : dans la contemplation d'un minéral plus beau que toutes nos œuvres ; dans le parfum, plus savant que nos livres, respiré au creux d'un lis ; ou dans le clin d'œil alourdi de patience, de sérénité et de pardon réciproque, qu'une entente involontaire permet parfois d'échanger avec un chat.
(Claude Lévi-Strauss)
Un maître se promenait dans la montagne. À son retour, un de ses disciples lui demanda :
« Maître, où êtes-vous allé vous promener ?
– Dans la montagne », répondit le maître.
Le disciple insista :
« Mais quel chemin avez-vous pris, qu'avez-vous vu ? »
Le Maître lui répondit :
« J'ai suivi l'odeur des fleurs et j'ai flâné selon les jeunes pousses. »
Il faut se laisser guider par le dharma du Bouddha, faire confiance aux herbes et aux fleurs qui poussent sans but, sans égoïsme, naturellement, inconsciemment. Cette réponse venait de la source de la sagesse. La véritable sagesse doit être créée au-delà du savoir et de la mémoire.
(Taisen Deshimaru)
Oui, même si l'humanité est détruite, si notre race est anéantie comme Sodome, il suffit qu'il y ait ce beau soir sur la terre et les arbres illuminés...
Ce qui l'anime est tout entier ici et ne peut jamais se perdre. Après tout, qu'est-ce que l'humanité sinon une expansion de l'incompréhensible ?
(D.H. Lawrence)
La sérénité ne peut être atteinte que par un esprit
désespéré et pour être désespéré il faut avoir beaucoup vécu et
aimer encore le monde.
(Blaise Cendrars)
Sagesses bouddhistes 27 10 2019