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EAN : 9782330005979
150 pages
Actes Sud (09/05/2012)
3.78/5   16 notes
Résumé :
"La réponse résidait dans la peau de l'amant. Ses pores contenaient de minuscules et invisibles traces de ce liquide noir qui génère tant de passions. Ce mélange dense et obscur au pouvoir illimité. De l'encre."
Dans la Mayence de Gutenberg, au début du XXe, une femme vit une passion insensée. Tous les mardis, contre son gré, elle rejoint dans une chambre d'hôtel un amant dont elle ne sait rien, et qui exerce sur elle une aberrante emprise.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Sous l'écrin d'une couverture mauve cartonnée, les éditions Actes Sud ont caché un petit bijou de texte, délicat, sensible, précieux, raffiné, ciselé avec une superbe habileté , chainon après chainon, maillon après maillon, boucle après boucle, par un très talentueux orfèvre-écrivain, l'espagnol barcelonais Fernando Trias de Bes.

L'histoire prend forme dans la Mayence du début du XXème siècle, la ville de Gutenberg et des imprimeurs baptisés à l'eau du Rhin.
Femme de libraire, Alice retrouve son amant à l'hôtel comme tous les mardis, un homme dont elle ne sait rien hormis ce terrible pouvoir d'attraction qu'il exerce sur elle comme un envoutement maudit depuis leur première rencontre.
Elle se rend à son rendez-vous la mort dans l'âme, accablée mais irrésistiblement aimantée, ne se doutant pas que de minuscules particules d'encre imprègnent la peau de l'homme et que cette encre en quantité infime, invisible, incolore, immatérielle, est la cause de la passion fatale dont elle est habitée.
Son mari, le libraire Johann Walbach, après plusieurs années de recherche acharnées à compulser un à un tous les livres de sa librairie pour découvrir la raison de leur infortune, s'adjoint l'aide de Sébastian von der Becke, un mathématicien anéanti par la mort brutale de son enfant, et qui a tout autant tenté de découvrir l'origine de son malheur mais à travers les chiffres à défaut des lettres.
Les deux hommes décident de joindre leurs efforts en réunissant lettres et science.
Par un système de probabilités, de résolution d'impossibilités numériques et littéraires et d'indentification de phrases identiques dans des livres distincts, Sébastian élabore alors ce qu'il se persuade être le « Nouveau Testament des lettres », un livre qui résout le mystère de son infortune, celui de Johan, mais aussi celui de n'importe quel individu !
Le grand livre de l'origine des injustices, de la raison originelle ! Un livre qui, par les réponses aux mystères de l'existence qu'il contient, ne doit pas tomber entre toutes les mains, ne doit pas être conservé après sa lecture et doit donc être imprimé avec une encre éphémère ! Un livre dont les pages s'effacent dès que l'oeil s'y pose ! Un livre aux pages vierges...
Un imprimeur, un correcteur et un éditeur vont se rallier à ce projet aussi délirant que chimérique, les trois hommes aspirant profondément à découvrir les réponses à leurs propres angoisses, peurs, troubles ou malheurs existentiels.
C'est ainsi que naît « Encre » un beau matin de juin 1910 à Mayence, un livre conçu avec les 25078 mots sélectionnés par le mathématicien Sébastian von der Becke parmi les livres fournis par le libraire Johan Walbach, imprimé « de lettres d'eau, transparentes et blanches comme la pluie, comme l'eau de mer, comme l'eau de la glace fondue », corrigé au hasard par le correcteur et chasseur de nuages Bressler, et édité par l'éditeur au flair littéraire imparable Eusebius Hofman…

Quelle belle histoire que celle-ci, inspirée à l'auteur par la lecture d'« Océan mer » d'Alessandro Baricco et citée en exergue en début d'ouvrage !
Fernando Trias de Bes, en imaginant le cheminement du livre, de sa création mentale à son édition et jusqu'à son arrivée entre les mains du lecteur, élabore une construction circulaire dans laquelle chaque personnage - libraire, mathématicien, imprimeur… - délivre sa propre histoire et révèle la raison traumatisante qui l'a poussé à mettre tant d'espoir entre les lignes d'un livre.
« Encre » s'enchaîne ainsi au rythme d'histoires plurielles serties entre elles par le seul pouvoir du livre, récits rivetés tels de minuscules anneaux s'ancrant les uns aux autres et s'amarrant en collier délicat dans un final étincelant.

Eloge, célébration, cette ode allégorique dédiée au livre l'est toute entière, tant est vraie l'adoration que nous autres lecteurs vouons à cet objet si précieux.
Mais « Encre » n'est pas seulement un hommage ; c'est aussi la métaphore de tout ce que nous apportent les livres en matière de rêves, de désirs, de besoins de réponses à nos questions existentielles, de recherche du savoir, même si ce savoir à quelque chose d'éphémère, d'aléatoire et de paradoxal.
Car qu'est-ce qu'un livre sinon la matière même de nos aspirations profondes à appréhender le monde et comprendre ce qui nous entoure, le matériau capable d'alimenter nos réflexions, nos croyances, nos convictions ou nos divagations, la substance par laquelle nous forgeons nos envies d'évasion, de rêves ou d'oubli ?
« Toutes les passions, toutes les réponses, toutes les raisons sont ici ». En lisant, chacun peut trouver ce qu'il est venu chercher, même ce qui n'existe pas, il s'agit simplement d'avoir la foi, de croire…Croire en la magie du livre, croire en sa poésie, en sa puissance, en son enchantement.

Alors raison ou déraison ? A vous de choisir ami lecteur, de ce que vous verrez dans les pages du livre…mais souvenez-vous, comme le dit la phrase de Paul Auster citée également en exergue de ce beau roman parabolique au charme poétique : « on ne devrait jamais sous-estimer le pouvoir des livres »…
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Conte philosophique

Pourquoi est-ce que je rentre si bien dans les oeuvres de ces auteurs espagnols : Pérez-Reverte, Ruiz Zafon, Somoza, Trias de Bes … ? Je ne connais pas la réponse tout comme Johann Wa-bach, librairie en prêt, et Sebastian von der Becker, mathématicien, qui cherchent tous deux la « raison de leur infortune » et qui tentent de découvrir la réponse et retrouver ainsi un sens à leur vie. Avec « Encre » - quel titre judicieux ! – on revisite les « artisans » du livre : libraire-bibliothécaire, auteur, imprimeur, encreur, correcteur, éditeur, lecteur… à travers l'histoire d'un livre à l'encre éphémère. Grâce à leur opiniâtreté, chacun va aller au bout de sa quête en ayant accompli son « grand oeuvre ». Tout est empreint de fantastique, d'émotion et de sentiment : un monde où l'atmosphère littéraire vous enveloppe d'une aura de sérénité, loin des futilités de ce monde. Quelle conséquence peut avoir une seule goutte d'encre sur la vie d'un homme ? Si vous êtes lecteur, vous comprendrez !

Lien : http://leoalu2.blogspot.com
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Encre est LE livre. A lire, acheter, offrir, se passer de mains en mains, faire découvrir, avaler, caresser. C'est un livre au fort pouvoir magnétique, déjà parce que c'est un bel objet, d'une couleur intense et d'une finition impeccable, ensuite parce qu'il est très énigmatique.

Encre est un livre dans ce livre, dont la raison se veut noble, universelle, intrigante, inexplicable, intrinsèque. Il prétend à résoudre les injustices non avec des calculs, des équations, des analyses mathématiques, mais avec des mots. Des mots pris au hasard dans des livres, qui n'ont rien à voir entre eux si ce n'est qu'ils ont en commun des phrases identiques en sens différent, et qui formeront un livre magique qui peut consoler sans connaître le mal, libérer ce qui ne peut l'être, faire revenir les personnes qui sont parties.

Vous avez là un très beau conte philosophique, intemporel, qui fait l'apologie du mot tout en le décortiquant jusqu'à ce qu'il en perde son sens. Il est tout et rien à la fois, voguant de théories en théories, n'ayant presque rien à envier à José Carlos Somoza et rappelant doucement Les Arpenteurs du Monde de Daniel Kehlman, avec une belle imagination qui appelle à chasser le nuages dans des cubes en verre, à se frotter la peau avec de l'encre, à penser que l'homme descend de la pluie...

(voir la critique intégrale sur le blog)
Lien : http://lecombatoculaire.blog..
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Il mit deux heures à finir le livre, parcourant de ses yeux chaque feuille, de gauche à droite, de ligne en ligne imaginaire, la peau parfois parcourue de frissons, à d’autres moments émus, en un merveilleux acte de rêverie et de liberté.
Quand il eut fini la dernière page, il retourna à la première et les fit toutes défiler rapidement.
Elles étaient vierges. Absolument vierges.
Il se sentit épuisé. Mais aussi libéré.
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Video de Fernando Trías de Bes (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Fernando Trías de Bes

MPAGE-20120704-1825_0.mp4
Payot - Marque Page - Fernando Trias de Bes - Encre
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