Avec "
les maîtres des dragons",
Jack Vance signe une historiette sympathique, mais sans grande envergure. le coeur de l'intrigue, les relations entre dragons et humains, n'y seront traitées que de manière fort superflues, et pas avant d'avoir dépassé la moitié du roman. C'est fort dommage.
En résumé, sur la planète Aerlith, les humains vivent de façon rudimentaire, quasi-médiévale, mais avec des reliques de science ici où là. Plusieurs clans se partagent la gestion de diverses zones géographiques.
On suivra donc Joaz Banbeck (le protagoniste principal) et Carcolo, deux chefs de clans et rivaux.
Comme indiqué dans le titre, la spécificité d'Aerlith est l'élevage de "dragons". Dragons qui se déclinent en plusieurs catégories dictées par leur physionomie : les démons, les harpies, les mastodontes, et j'en passe.
Sur tout ce beau monde plane la menace d'une arrivée de Basiques, des aliens agressifs, déjà venus une éternité plus tôt, et qui pourraient bien (ou pas) revenir très prochainement...
Bref, vous l'aurez compris, l'intrigue est simple. le roman est court (187 pages) à tel point qu'il s'agit presque plus d'une grosse nouvelle. Les personnages principaux sont relativement antipathiques, et leur personnalité/psychologie est bien superficielle.
Carcolo l'impulsif un peu abruti mais avec du sens pratique. Bambeck froid, intelligent, calculateur.
Ces deux antagonistes vont rivaliser à coup de batailles de dragons.
Néanmoins, le problème de cette histoire c'est déjà que les dragons en question sont fort mal décrits. En gros il s'agirait plutôt de gros lézards dont on aurait accentué certaines caractéristiques : les araignées auraient plusieurs pattes et pourraient être chevauchées comme des chevaux, les mastodontes... Sont gros, il y en a avec des picots, etc.
Cela dit il y a beaucoup de variétés, et leurs noms ne sont pas particulièrement clairs.
Ils ont la particularité de manier des armes, de parler un langage ultra limité et d'avoir un entendement limité aussi.
Les batailles rangées entre armées de dragons se veulent épiques, mais sont réellement brouillonnes. On s'y perd, on ne sait plus qui fait quoi, qui a l'avantage ou pas, franchement c'est clair comme de la gadoue.
On n'est jamais pris par les événements décrits, qui m'ont laissé de marbre, pas d'entrain pour suivre ces aventures qui se veulent épiques, mais qui sont simplistes, à la limite d'être simplettes même.
Un petit sursaut d'intérêt poindra lorsqu'on aura la chance d'en savoir un peu plus sur les Basiques, sur leur précédente incursion sur Aerlith
et sur leur invasion actuelle. Mais il vous faudra attendre la page 140 pour que ça se passe, 140/187, ça fait long à attendre pour l'événement clé de l'ouvrage.
A leur arrivée, on comprendra la relation entre Basiques et dragons, et on verra que les Basiques eux-mêmes ont sombré dans l'élevage d'humains modifiés, ce qui est l'idée originale, quasi "cycle de Tshaï"-esque du roman.
Au final on se retrouve avec une historiette divertissante, mais brouillonne et caricaturale.
Jack Vance ne signe clairement pas ici son meilleur ouvrage, même si, on arrière-plan on retrouve quelques idées qu'il développera dans d'autres ouvrages (notamment le "Cycle de Tshaï" donc).
Cette petite histoire (ou grosse nouvelle) pourrait tout à fait figurer dans le rayon "jeunesse" de votre librairie, car finalement elle est assez bateau, et à la lire, on sent clairement le style de SF des années 1950-60.
L'ouvrage édité chez Bélial est néanmoins un bel objet, ponctué d'illustrations inégales : certaines sont magnifiques (comme celle du Démie des sacerdoces), d'autres sont un peu fouillies (les batailles), ou très en dessous des autres (certains paysages style colorado, dont le trait n'égale pas la prestance des portraits...).
Je remercie donc l'opération Masse Critique qui m'aura permis de découvrir cet opus de
Jack Vance, auteur que j'ai par ailleurs en grande estime. Même si ce roman en particulier n'est pas sa plus grande réussite. Je le vois d'ailleurs comme un brouillon du "Cycle de Tshaï", qui sera plus abouti, et qui utilise grosso modo les mêmes problématiques, quoique dans un univers un peu différent.