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Sophie Voillot (Traducteur)
EAN : 9782743659943
464 pages
Payot et Rivages (03/05/2023)
3.6/5   10 notes
Résumé :
Un roman fantastique et obsédant, qui interroge la frontière entre l'homme et l'animal, et réunit trois fils narratifs habilement tressés : une forêt paranormale, une Atlantide moderne et un sanctuaire d'oiseaux dotés de paroles. Un roman d'éco-fiction, révolutionnaire et bouleversant, pour les fans de La Cartographie des nuages de David Mitchell, L'Arbre monde de Richard Powers et Station Eleven d'Emily St John Mandel.
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Etrange de tomber sur ce roman peu de temps après Kra.
Tentons-nous de faire parvenir des messages, à nous-mêmes, humains, à travers les yeux des oiseaux?

Je suis totalement incapable de vous écrire quelque chose qui a du sens : ce roman m'a éveillé beaucoup d'émotions mais peu de rationalité. Trop de réflexions? Cela se mélange dans ma tête. J'ai parfois été happée comme Annihilation de Jeff VanderMeer, ou Stalker, Pique-nique au bord du chemin des Strougatski. J'ai été intriguée comme pour Kra de John Crowley. Et puis j'ai ressenti beaucoup d'intérêts pour cette grue sur le balcon, pour l'histoire du coyote parmi les loups, pour ces abeilles dans la voiture, pour ces décohérences, ces trébuches, ce paradoxe de vivre sur une même planète sans pouvoir atteindre un langage cohérent qui permettrait à toutes les espèces de vivre harmonieusement, pour ces humains qui aiment les animaux alors que d'autres s'en balancent, pour ce nuage avec qui l'on pourrait discuter avec des efforts, pour cette île légendaire qui n'a jamais disparue, pour le chuchotis (mais qu'est-ce que c'est le chuchotis? ah voilà une raison qui pourrait vous motiver à lire ce roman) et pleins d'autres choses...
Une expérience de lecture que j'ai beaucoup apprécié même si j'avoue n'avoir pas compris tous les détails.
En fait, je trouve ce roman magnifique.

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Un récit d'éco-fiction poétique face à l'extinction de masse des espèces animales et notamment des oiseaux…

Je ressors totalement partagée par ce livre étrange. Partagée entre l'actualité du récit basée sur l'extractivisme à outrance et ses conséquences délétères sur la faune et la flore, sur le climat, voire sur le rapport au temps, et la complexité parfois inutile du récit. Partagée entre les jeux multiples de miroirs et de réfraction proposés par Thomas Wharton et les règles de ces jeux, trop nombreuses, rendant les parties indigestes. Si j'ai aimé l'alternance des points de vue et des époques (nous perdant parfois mais l'auteur sait nous éclairer ensuite, il maîtrise cette construction complexe avec talent), j'ai trouvé que les pièces du puzzle s'imbriquaient mal, du moins de façon étrange. A la fois happée par le récit et mal à l'aise.

Nous sommes au Canada, à River Meadow. La famille Hewett, composée des parents et de deux enfants, l'aîné Alex et la petite soeur Amery, s'installe dans cette ville par hasard, le père, à l'occasion d'un déménagement, voulant faire initialement un détour dans cet endroit pour montrer à toute la famille des souvenirs d'enfance. Or, le temps s'arrête soudain, la petite Amery tombe de façon inexplicable dans un coma sept jours durant, le père trouve du travail dans la gigantesque mine du coin qui exploite un minerai dit fantôme, une sorte de « miel amer et noir du temps », aux propriétés exceptionnelles, une terre rare nous le comprenons, dont l'extraction forcenée et systématique a d'étranges conséquences sur ce territoire. Ce minerai ramené à l'air libre provoque de curieux moments de basculements. Des trébuches. Moments d'égarement flous de quelques instants durant lesquels une autre possibilité du temps se déploie. D'ailleurs, c'est lors d'une trébuche qu'Amerie a son mystérieux évanouissement.
L'extraction sauvage provoque un jour un accident catastrophique sur un des sites d'extraction. Cet accident signe la fin de l'exploitation du minerai et rend la zone dévastée puis interdite d'accès. Les habitants ont été évacués, elle devient une sorte de parc où a lieu une soi-disant réhabilitation environnementale, impropre à l'habitation humaine.

Plusieurs années plus tard, les enfants devenus adultes, la mère d'Alex s'inquiète auprès de lui de l'absence de nouvelles d'Amery depuis trois semaines ce qui est totalement inhabituelle de la part de la jeune femme. Alex est concepteur de jeux virtuels, il travaille notamment sur un jeu intitulé L Arche qui permet de retrouver, virtuellement, un monde avec toutes les espèces animales dont la plupart ont déjà disparu. Sa soeur habite vers River Meadow qu'elle ne cesse d'arpenter pour tenter de voir ce qu'est devenue le Parc en l'absence des hommes…

« Alex créé des mondes impossibles et nous, c'est nous, c'est ce monde-ci que nous rendons impossible »

Alex revient ainsi dans la ville de son enfance, pour retrouver sa soeur et les souvenirs remontent, souvenirs de la vie ordinaire, souvenirs familiaux, ceux de la magie de l'enfance et des affres de l'adolescence, de ses sentiments pour Claire, l'autre héroïne de ce roman à double-fond. Etrange et onirique cette façon de montrer des univers toujours en lien, secrètement, en correspondance, comme si les destins restaient entrelacés une fois des sentiments éprouvés. Claire, à l'opposé d'Amery, participe au trafic d'espèces protégées. Pourtant elle sera celle qui sauvera l'oeuf d'une grue, dernière de son espèce. La messagère.

J'ai particulièrement aimé cette analyse de l'extraction d'une terre rare aux propriétés incontrôlées. Cela me rappelle indéniablement l'essai ô combien instructif lu l'an dernier de Guillaume Pitron « La guerre des métaux rares ». Ce paradoxe, pour ne pas dire cette ironie, d'extraire de façon sauvage et croissante, des métaux rares, voire des terres rares, de façon terriblement énergivore et de façon polluante, sur la base d'énergie carbonée, alors que ces métaux ont pour but d'alimenter notre transition numérique et écologique…ce paradoxe est poussé ici à son paroxysme puisque la terre rare a ici le pouvoir de provoquer des distorsions du temps (je ne sais pas pourquoi me vient à l'esprit la théorie des cordes entraperçue dans certains livres de SF). Mais c'est le même constat qu'aujourd'hui où nous constatons l'étendue des ravages causés à la terre, la combustion de millions d'années pour éclairer nos villes pendant une journée. « La transformation du passé en combustible pour nous propulser à pleins gaz vers l'avenir ».

« On coupe la forêt boréale par tranches rectangulaires précises comme des morceaux de carrés aux dattes, on soulève le tapis détrempé des tourbière, on exhume ce qui y était enfoui depuis cent millions d'années, le miel amer et noir du temps ».

J'ai été happée par la déambulation dans la zone dévastée, nommée « le Parc », et la façon dont les animaux ont repris voix au chapitre à présent que l'homme n'est plus là. Nous comprenons peu à peu ce qui est advenu de la jeune femme.
Très instructifs également sont les chapitres consacrés aux animaux, aux différentes espèces. le dernier chapitre est tout à fait surprenant, il donne la parole aux oiseaux dans un langage poétique en vers, qui donne des clés importantes de compréhension. Les oiseaux inventent un nouveau langage commun, le Chuchotis, c'est très beau et très original.

Malgré ces éléments vraiment appréciés, j'ai été quelque peu mal à l'aise car il y a par ailleurs trop de choses, comme si l'auteur ne voulait absolument pas passer à côté d'une facette du problème. La religion (l'Église de la conjuration dont les fervents pensent que les anomalies rencontrés sont des signes divins), les nombreux rêves, la technologie consistant à envoyer des nuages pour réparer l'atmosphère déréglée (pirater les nuages), et surtout les « Visiteurs », sorte d'extra-terrestres, par exemple n'apportent pas grand-chose au récit et viennent déstabiliser la lecture car ils sont ingrédients mineurs mais bien présents rendant le récit lourd et parfois pénible. C'est dommage car le message central du livre est de prévenir la disparition des espèces en les écoutant davantage, en tentant de communiquer avec elles, et en inventant une autre façon d'être au monde. Oui, c'est dommage car cela alourdit la méditation proposée sur la vie animale et le lien profond, aujourd'hui disparu, qui l'unissait jadis à l'espère humaine.

« Lorsqu'une espèce disparait, se taisant pour toujours, cela nous importe peut-être pas, mais en vérité, c'est une partie de nous-mêmes que nous perdons ».

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🐦‍⬛Chronique🐦‍⬛

Je suis Stelphique.
Je ne parle pas encore le Chuchotis.
Mais je veux quand même
Que tu ouvres grand tes oreilles
Car s'il nous venait à l'idée
De parler ensemble avec le Vivant
Je veux dire vraiment parler
Entre espèces différentes
Le Chuchotis nous serait providentiel.

Écoute cette histoire
Lis ce roman
Apprend de celles qui ont porté
De leurs ailes
Le langage universel.

Dans les cieux
Il y avait des légendes
Des oiseaux, de nouveaux nuages
Tout pour faire la pluie
Et faire revenir le beau temps.

Mais voilà,
Que l'heure trébuche
Sur les hommes, leurs avidités.

Non seulement ils n'entendent
Rien au Chuchotis
Mais dévastent terre et ciel
Sans remords.

La decoherence commence
À River Meadows…
Par petits bouts, elle défait
La continuité, la vision
L'énergie. Elle extraie
De la puissance à l'instar
De ce que les humains
Lui enlève de vitalité…
Et les fantômes rôdent…

Il y avait des carnets, des archives
Des tas de preuves irréfutables
Que la nature se mourrait
Il est clair comme l'eau de roche
Que nous sommes, nous, à présent
Au coeur des Années Ravagées
Et pourtant, les humains
N'en finissent pas de dérégler
Climat, spiritualité, biodiversité
La Messagère aura la poésie
Pour nous conter le cri des oiseaux.

La polyphonie de cet éco-thriller
Vous mènera loin, haut, libres
Auprès du fleuve-du-ciel
Rien ne vaut cette envolée littéraire
Captivante, sensorielle, brillante
C'est une expédition à ne pas manquer!
Le peuple volant a des choses
À nous apprendre, à nous transmettre
À faire valoir, à faire écrire même
Pour que nous recevions
Avant le moment fatidique
Le message ardent du Chuchotis.

J'ai suivi Claire, son cheminement
J'ai parlé à un nuage et un enfant
J'ai écouté une mère corbeau
Et j'ai couru dans le Parc
J'ai vu les trébuches et l'extinction
J'ai eu peur mais j'avais la Femme-Squelette
J'ai senti la pluie à l'intérieur de moi
La brèche et la convergence aussi
J'ai ressenti l'urgence, l'espoir
Et le besoin essentiel à faire corps
Avec la faune et la flore environnante.

Mais si je vous dis tout cela
C'est pour vous laisser avec forme
En langue humaine -mais j'essaierai
Aussi en Chuchotis, s'il le fallait-
L'éclatant coup de coeur pour
La Messagère de Thomas Wharton
Puissiez-vous l'entendre avant
Le point de non-retour…
Puisse-t-il vous chuchoter
De préserver les pépiements
Et les richesses encore enfouies…
Il en va de notre survie, à tous…
Lien : https://fairystelphique.word..
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Après ma découverte surprise d'immobilité chez l'éditeur, j'étais prête à me frotter à un autre titre sélectionné par lui au résumé un peu obscur. Malheureusement là où le propos de Brian Evenson avait su me convaincre, celui de Thomas Wharton bien qu'immersif est resté trop flou pour moi et m'a laissée sur le bord du chemin...

Thomas Wharton est un auteur reconnu de par le monde, publié dans de nombreux pays et vainqueur ou lauréat de prix pour ses précédents romans Le champ de glace (réédité avec une nouvelle couverture en poche en ce moment) et Un jardin de papier. Cette expérience, on la sent dans sa plume tour à tour belle et assurée, simple et poétique, et dans sa narration également qui parvient à nous entraîner et immerger dans une histoire mystérieuse dont pourtant on peine à comprendre le sens et le but. Il sait fasciner les lecteurs.


Avec une intrigue à l'ambiance très proche des Stephen King dont j'ai pu voir les adaptations télé, il nous entraîne dans de courts chapitres à la suite de personnages confrontés à un sacré mystère : une zone, un endroit, une ville minière : River Meadows où d'étranges phénomènes se passent rendant certaines personnes victimes de "décohérences", sortes de troubles mentaux et visions de mondes parallèles sur lesquels on "trébuche".... Un ancien habitant, Alex, à la recherche de sa soeur disparue, Amerie, revient sur place.

Quand j'ai commencé le récit, mon but c'était de percer à jour le mystère de cette zone. Or le propos de l'auteur est tout autre. Ce fut la source de la dissonance entre lui et moi. Je me suis cependant laissée accaparer par l'histoire, suivant les différents personnages avec curiosité dans l'attente d'une révélation qui n'est jamais venue. Mais le mystère étant complet et ce qu'ils vivaient étant étrange, je me suis totalement laissée embarquer, me laissant guider par les événements. Il y avait d'un côté Alex, revenu à River Meadows sur les traces de sa soeur disparue s'aidant du drôle de journal de celle-ci et faisant des rencontres, tout en explicitant son travail d'inventeur de jeux vidéos s'inspirant de son vécu. Ce dernier pan avait quelque chose de fascinant pour la novice en la chose que je suis. Amerie, elle, la soeur disparue voit son destin lié à celui d'un oiseau racontant leur chemin commun de manière très poétique et fascinante. Enfin, Claire, un ancienne habitante, a réussi à faire sa vie loin de ce lieu inquiétant en devenant autrice de guides. Or lors d'une mission sur une île, elle se retrouve dans un paysage pouvant rappeler celui de l'Atlantide de Platon.

Chaque pan de l'histoire se lit avec saveur. Leur point commun : cette nature bafouée et mélancolique face à un passé où elles pouvaient occuper une place plus importante sans être blessée. Elle est matérialisée notamment par des oiseaux au destin fascinant, que ce soit la grue à l'espèce au bord de l'extinction que croise Claire ou l'oiseau dont le destin se mélange à celui d'Amerie et qui nous fera découvrir son langage : les Chuchotis lors d'un chapitre assez magistral, qui fut celui qui m'a appris et fait comprendre le plus de choses sur ce récit un brin obscur sinon.

L'écriture reste très belle derrière cette intrigue dont je peinais à voir les aboutissants. L'auteur offre un tableau singulier de la nature, y rendant les déambulations presque magiques mais aussi très âpres car c'est une dénonciation de ce qu'on lui fait subir qu'il met aussi en scène ici. Cela rend donc la lecture ambivalente aussi de ce point de vue entre fascination pour celle-ci et tristesse de ce qu'elle fut. Ce sont donc ses propres mots qui en parlent le mieux :

"Cette histoire qu'il amorce, il n'en saisira sans doute jamais la totalité, mais ne la connaîtra qu'en partie, comme on appréhende un nuage ou une vie, une convergence et un éloignement qui n'ont en réalité ni commencement ni fin."

Entre écologie et poésie, cette fiction utopico-dystopique nous plonge dans un épais mystère dont le voile ne se lève jamais et qui ne constitue même pas le coeur du récit contrairement à ce que j'espérais. Il faut donc accepter au cours de cette lecture de se sentir perdu, de ne pas avoir les réponses attendues et de juste vivre l'expérience pour se confronter à cette nature qui pousse un peu ici son chant du cygne ! J'ai été trop déstabilisée pour ma part et je suis entrée en dissonance avec le texte et les intentions de l'auteur mais peut-être que si vous êtes prévenus, cela ne le fera pas avec vous, et que vous pourrez pleinement profiter de sa belle plume.
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
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La Messagère
Thomas Wharton
Tr. de l'anglais (Canada) par Sophie Voillot
Rivages, 2023

Alors que la famille D'Alex et Amérie Hewitt partait s'installer dans une grande ville de la côte Est, au cours d'une halte dans le snack-bar Chez Stella, situé dans le Nord-Ouest du Canada, leur vie a dérapé : Alex a soudain l'impression de se dédoubler, comme dans « Jour et nuit », le tableau de M. C.Escher où l'on voit deux envolées d'oiseaux, l'une blanche et l'autre noire, semblant surgir l'une de l'autre. La petite Amérie, endormie, ne se réveille pas. Il faut la faire examiner à l'hôpital le plus proche. Elle finira par se réveiller au bout d'une semaine sans séquelle apparente. Et pourtant, son comportement changera. Elle se renfermera, uniquement préoccupée désormais par le sort des animaux dans la forêt avoisinant River Meadows. En effet, le père, alléché par les salaires mirobolants offerts par la société minière basée dans cette ville, décidera contre l'avis de son épouse et de ses enfants d'installer sa famille à cet endroit.
Où donc Amérie est-elle allée pendant son absence ?
Alex, à partir ce moment, se réfugie dans la création de jeux numériques, de mondes alternatifs.
Claire, une de ses camarades d'école, quitte la ville de River Meadows dès que son âge le lui permet. Sous prétexte de mettre au point des guides touristiques, elle trempe en réalité dans un trafic d'animaux en voie de disparition. Alors qu'elle séjourne dans une île de l'Atlantique qui évoque l'Atlantide, l'un des derniers représentants de la race des grues s'installe sur le balcon de son hôtel pour y construire son nid et couver son unique oeuf. La tentation d'une grosse rentrée d'argent est grande. Que va décider Claire ?
À River Meadows a été découvert puis exploité un minerai baptisé « fantôme » parce qu'il provoquait une sorte de vertige lorsqu'on le prenait dans ses mains. Trente-neuf ans plus tard, il apparaît que son exploitation a provoqué non seulement la disparition d'un grand nombre d'espèces animales, mais aussi des phénomènes appelés DAS (décohérence aberrante spatiotemporelle), sortes d'ondulations stridulantes modifiant momentanément la perception de la réalité, appelées « trébuches » par les habitants du lieu. Quelques années plus tard encore, un accident catastrophique intervenu sur l'un des principaux sites d'extraction provoque la mort du père Hewitt et précipite la fin du chantier et l'exode massif des habitants de River Meadows.
C'est par la suite qu'Alex revient sur le lieu de son enfance pour y rechercher sa soeur Amérie qui a disparu au cours d'une incursion dans la zone désormais interdite pour « réhabilitation environnementale » afin de secourir des animaux en détresse.
Beaucoup plus tard, dans une langue devenue universelle : le Chuchotis, un oiseau racontera la suite de l'histoire, après les « années ravagées », et comment Amérie, Claire et Alex auront contribué, chacun à sa façon, à un futur dont les oiseaux n'auront pas disparu.
La construction de ce livre est originale par le fait que les fils de narration s'interrompent à un moment donné et laissent le récit en suspens. La reprise de l'histoire par La Parleuse, dans une langue basée sur des sons, mouvements et battement d'ailes est traduite ici en écriture poétique et métaphorique. Elle nous déstabilise tout autant que lorsqu'il faut s'adapter à une culture différente. J'ai aimé faire cet effort !
Il m'apparaît clair que toute cette histoire est dédiée à nous confronter brutalement au « Mal » que l'Homme inflige à l'Animal – et à la Nature –, au non-respect de modes de vie différents sur Terre et au fait que l'Humanité ne préservera sa survie qu'en les respectant.
Cet ouvrage inclassable, adroitement articulé autour du concept d'un monde sans oiseaux, est surprenant à plus d'un titre et m'a personnellement interpellée, voire plus encore – je suis une grande amoureuse des oiseaux.
« Selon une idée gobée par tout le monde, au fond de chacun de nous se cache une bête sauvage, un animal fantasque et dangereux que la civilisation parvient tout juste à juguler. C'est l'excuse dont se servent les gouvernements pour justifier leur contrôle, prétextant qu'il faut nous régenter à cause de la créature sauvage, du loup intérieur. Rien n'est plus faux. [...] le monstre, c'est notre enveloppe extérieure qui se promène dans un rêve, oublieuse de sa vraie nature. C'est notre animal intérieur qui nous sauve.»
omas Wharton est un écrivain canadien né en 1963 qui a été publié au Canada, aux États-unis, au Royaume-uni, en France, en Italie et au Japon, notamment. Son premier roman, le Champ de glace (Rivages), a remporté le Commonwealth Writers' Prize ainsi que deux autres prix. Son livre suivant, Un jardin de papier, a été finaliste au Rogers Writers' Trust Fiction Prize, de même qu'au Prix littéraire du Gouverneur général en version originale et lauréat pour sa traduction signée Sophie voillot, parue chez Alto. omas Wharton vit actuellement près d'Edmonton où il enseigne la création littéraire à l'université de l'Alberta. CB
Chronique parue dans Gandahar 37 Humain ♥ Animal en septembre 2023
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critiques presse (1)
LaPresse
18 septembre 2023
Créatif et savamment alambiqué, "La messagère" aborde le thème environnemental de façon originale et captivante.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Vers la fin de la pandémie de COVID-19, beaucoup de gens insistent sur le fait que pendant le silence relatif des périodes de confinement, les oiseaux chantaient différemment. Des chercheurs finissent par confirmer une transformation des appels et des chants d’oiseaux accompagnant la raréfaction des véhicules, des grosses machines et même des êtres humains, tant en zone urbaine que rurale. Que ce soit pour défendre leur territoire ou attirer des partenaires, nombre d’entre eux chantaient plus fort alors que les appels d’autres espèces se faisaient plus doux, car l’absence de bruits d’origine humaine permettait à leur voix de porter plus loin.
La même observation revenait pour toutes les espèces étudiées : pendant le règne du calme, les chants d’oiseaux se faisaient plus beaux, plus inventifs, plus mélodieux.
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Selon une idée gobée par tout le monde, au fond de chacun de nous se cache une bête sauvage, un animal fantasque et dangereux que la civilisation parvient tout juste à juguler. C’est l’excuse dont se servent les gouvernements pour justifier leur contrôle, prétextant qu’il faut nous régenter à cause de la créature sauvage, du loup intérieur. Rien n’est plus faux. Comme toujours, on retourne la vérité sens dessus dessous. Le monstre, c’est notre enveloppe extérieure qui se promène dans un rêve, oublieuse de sa vraie nature. C’est notre animal intérieur qui nous sauve, conclut-elle en portant une main à sa poitrine.
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J’ai levé une main pour frotter ma paupière douloureuse. Comme ça me soulageait – ou que ça changeait le mal de place –, j’ai continué. C’est alors que mon doigt a trouvé, senti, vraiment remarqué pour la première fois la dure arête inflexible de l’os qui entourait mon globe oculaire. Mon œil à moi, si vulnérable, niché dedans comme un œuf mollet dans un coquetier en céramique. Après avoir fait et refait le tour des deux orbites, j’ai descendu mon doigt jusqu’à ma mâchoire en passant par la pommette.
Et c’est des deux mains, dans l’obscurité totale, que j’ai fait connaissance avec l’autre figure cachée sous la chair. Celle qui est faite d’os blancs. Qui ne transpire pas, ne rougit pas. Ne prend jamais l’air étonné ou triste, ne révèle jamais ses sentiments sur quoi que ce soit. À supposer qu’elle en éprouve. Celle qui, au mépris de ce que la vie mettait sur son chemin, conservait en permanence la même émotion : un sourire sans lèvres aussi glacé que l’espace intersidéral. Qui était-ce ? Comment aurait-ce pu être moi ? J’ai décidé de baptiser Fille-squelette cette dure à cuire à toute épreuve, cette créature monstrueuse dévoreuse de monstres. Elle était là pendant tout ce temps, à l’intérieur de moi.
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Les pouvoirs publics ont tout fait pour empêcher la population de découvrir la vérité sur ce qui s’est passé à River Meadows, déclare le jeune homme. Ils ont appelé ça « zone de réhabilitation environnementale » parce que si on donne un nom à quelque chose et que les gens l’adoptent, ça devient la vérité dans leur esprit. Mais ils ne réhabilitent rien du tout. La seule chose qu’ils ont réussi à faire, c’est l’entourer d’une clôture ; ils ne savent pas comment réparer ce qu’ils ont détraqué et personne ne veut l’admettre. Vous qui avez vécu dans cette ville, je suis sûr que vous n’avez pas oublié les trébuches, ces décohérences qui arrivaient et repartaient sans crier gare. Ce qui se passe dans la zone de réhabilitation ressemble à une décohérence interminable, imprévisible, inarrêtable. Vous ne réalisez pas à quel point il est dangereux de s’y aventurer.
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Avant notre apparition, ce monde leur appartenait. Leurs vies sans annales se déroulaient dans l’urgence, chaque génération anonyme s’éteignant sans avoir jamais connu le poème sans fin de la persistance gravé dans leurs cellules. Plus d’une fois le feu, le gel, la sécheresse et la mort tombée du ciel décimèrent leurs rangs jusqu’au seuil du silence, mais ils survécurent, échappant de justesse au précipice et croissant de plus belle, emplissant les airs, les eaux, les terres. Le temps était un océan nommé maintenant. Cela se passait avant l’histoire, avant l’avenir. Puis nous sommes arrivés. Et nous voici mardi après-midi.
(Incipit)
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Vidéo de Thomas Wharton
Isabelle de l'Imagigraphe présente Un jardin de papier, de Thomas Wharton - Source : Libraires TV
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