Je ne suis pas un spécialiste de
Tennessee Williams, mais je retrouve ici les mêmes traits observés pour
La Chatte sur un Toit brûlant et La Descente d'Orphée. Les dialogues percutants (parfois même imbriqués les uns dans les autres), le poids du temps qu passe (qui est un acteur invisible, finalement), les Traditions et le milieu globalement aisé financièrement (ou plutôt le rapport à l'argent et comment il conditionne les rapports humains).
Soudain l'été dernier est une courte pièce, moins d'une centaine de pages, où l'on assiste à un duel (encore quelque chose que j'ai observé chez
Tennessee Williams) entre une mère et l'amie d'un homme mort. Les circonstances de la mort se dénouent pendant la pièce. le but de la mère n'étant pas vraiment de faire la lumière sur la mort de son fils, mais plutôt d'effacer ce souvenir de la mémoire de l'amie en question.
C'est très puissant et intense. La tension monte graduellement. Et les éclairages de Williams montrent tour à tour les vrais visages des protagonistes. de telle sorte que le lecteur est déboussolé. Ce qu'il tenait pour vrai au départ vacille et cède la place à d'autres certitudes, de nouveau démontées.
Ainsi, l'amie qui paraissait coupable finit par se parer de l'apparence de la victime et la mère éplorée devient un monstre enclin à cacher un sombre secret, auquel elle a pris part. Et si sacrifice il y a (cf. 4è de couverture), c'est tout autant celui qui procède du meurtre que celui perpétré par la mère qui entend garder au yeux du monde la réputation de son fils intacte. le thème de la virilité, que l'on trouve dans d'autres pièces de l'auteur, est abordé de biais, avec un parfum de scandale certain.
De nouveau,
Tennessee Williams nous entraîne dans les méandres de l'âme humaine, et ce que l'on y trouve n'est pas glorieux.
La seconde pièce m'a paru moins en phase et la compilation des deux au sein d'un même volume me semble moins cohérente. le seule thème commun est la folie, ou les velléités d'une dame/veuve solitaire et d'âge avancé à qui on passe tous ses caprices, mais c'est très ténu.
Le Train de l'Aube ne s'arrête plus ici nous raconte l'exil doré d'une "vamp", riche et acariâtre, très portée sur la "chose". Arrive un homme (de nouveau, virilité et séduction, comme souvent) qui porte la réputation d'annoncer la mort de ses hôtes par sa seule venue. La veuve à qui il rend visite, occupée à dicter ses mémoires, est fort malade et convie une amie tout aussi barrée afin de discuter de ce visiteur. S'ensuit un jeu de séduction (on n'en est pas à un mariage/veuvage près). J'ai pas mal pensé à Sunset Boulevard, même si le contexte n'est pas tout à fait le même.
Le ton m'a paru décalé. Les rapports aux domestiques italiens, le duo de vamps, les dialogues ironiques et décalés... apportent une touche d'humour. Parfois même un comique de situation, quasi burlesque à certains moments. le recours aux Valets de scène, qui déplacent les objets, décors, paravents, et interviennent à part entière, cela génère aussi des effets comiques. On se surprend à sourire ou même à rire. Chose rare chez Williams, me semble-t-il (mais je manque de connaissance sur l'ensemble de son oeuvre).
Au final, la première pièce m'a semblé trop courte, tant je l'ai appréciée (ou alors je l'ai appréciée parce qu'elle était courte...). Et la seconde m'a paru trop longue, le propos se diluant et les dialogues faisant moins souvent mouche.