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EAN : 9782940628780
384 pages
Editions des Syrtes (18/02/2021)
4.08/5   13 notes
Résumé :
Si Ceux du Donbass, paru en 2018 était une chronique des événements, un exercice littéraire proche de celui d’un mémorialiste où, de l’aveu même de l’auteur, son Donbass à lui restait hors-champ, Certains n’iront pas en enfer est un roman d’autofiction. Écrit et publié après le retour de Zakhar Prilepine du Donbass (en juillet 2018), il est marqué par un certain recul pris par rapport aux événements. Cela imprègne le récit d’une indéniable mélancolie et permet de ma... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
J'aurais voulu aimer ce livre du russe Zakhar Prilepine mais « Certains n'iront pas en enfer » a été une lecture assez laborieuse qui a failli me tomber des mains par moment, je dois l'avouer.
Et pourtant quelle ne fut pas ma curiosité d'envisager le conflit russo-ukrainien du côté des russes, en tout cas de ce russe là. En effet l'auteur a participé deux ans durant, en tant que combattant dans les rangs des troupes insurgées, au conflit et ce livre, certes romancé, narre ce combat pour le Donbass. Une sorte de «roman d'autofiction fantasmagorique » comme il le dit lui-même, un récit, voire un quasi témoignage en quelque sorte, où j'ai décidé de commencer ma lecture sans jugement moral et en m'efforçant d'oublier la guerre actuelle, en tâchant de ne pas porter de regard manichéen avec la gentille Ukraine d'un côté et le monstre russe de l'autre. En acceptant les nuances, les arguments, la complexité de la rive d'en face. En me laissant porter en quelque sorte. Condition sine qua non pour plonger dans ce livre.

Ce récit rend hommage à Alexandre Vladimirovitch Zakhartchenko (surnommé Batia, ou le Chef), président de la république autonome du Donbass, assassiné le 31 août 2018. Nous suivons notre homme prénommé Zahkar qui raconte le dernier été de cet homme dont il fut proche.
S'il se lit bien, j'ai d'abord été très déroutée par tous les termes liés à la hiérarchie militaire employés, car nous entrons dans le quotidien de ces hommes sans crier gare. C'est à la fois une façon d'entrer directement dans le vif du sujet mais aussi c'est assez déconcertant car ces termes militaires, pourtant bien expliqués, sont nombreux ; cela m'a demandé un réel effort pour les mémoriser et les comprendre. Même impression laborieuse, pour moi, concernant la stratégie militaire dans les tranchées, sur le champ de bataille. Mais il faut reconnaitre que, une fois ce cap passé, la lecture est étonnamment fluide et nous nous plongeons réellement dans le combat au côté de Zakhar.

Je suis assez partagée par le style employé par l'auteur. Un style éclaté et éparpillé à l'image de ce que ressent le narrateur, un style journalistique et nerveux, style que je n'apprécie pas vraiment mais que je comprends dans ce genre de récit de guerre, mais aussi un style très vivant voire comportant de belles fulgurances. Quand nous savons que Prilépine est un proche d'Emir Kusturica, nous ne sommes pas étonnés des images loufoques parfois convoquées qui jaillissent telles des gerbes de lumières, de façon détonante, dans cette atmosphère guerrière (et d'ailleurs en parlant d'Emir Kusturica, nous le croisons de belle façon dans ce livre).

« Nous traversâmes obliquement un champ, le chef de peloton, à trente mètres en avant de nous, nous montrait le chemin à suivre. Venaient ensuite La Teigne, puis moi, puis le Chamane et, quelque part derrière, le saucisson, les cigarettes et la vodka sans alcool ».

Quant à la guerre en elle-même les motivations ne sont pas vraiment appréhendées, parfois juste évoquées, et j'ai été refroidie par la nonchalance vis-à-vis de la souffrance et de la mort prodiguées qu'observe notre homme, voire qu'il semble éprouver. Il y a très peu de place pour l'empathie, l'analyse du camp adverse, la prise de recul, l'explication. Et beaucoup pour la boisson (très présente la boisson), l'entre soi entre combattants, ce qui peut paraitre assez surprenant de la part d'un écrivain.

« - Les éclaireurs du corps d'armée ont discrètement informé Tachkent : onze « 200 » (les 200 sont les morts) de l'autre côté, rien que dans un seul emplacement fortifié. Tout porte à croire que c'est une roquette. C'est vous ?
-C'est bien nous.
-Là-bas, dans le village, c'est un véritable va-et-vient d'ambulances. Il y a de nombreux blessés.
-Dis-moi si tu apprends encore quelque chose.
-Tu viens aujourd'hui ?
-Oui probablement. Pour l'instant je reste là pour observer.
Le jour commençait à tomber ; je transmis la nouvelle au kombat. Celui-ci se mit de nouveau à rire. J'allais encore me balader un peu, prendre l'air, voir les gars. Il y avait foule autour du QG. Tout le monde bourdonnait comme après un jeu divertissant ».

Mais je suis sévère je crois…car des analyses, il y en a. Et plein. Par exemple, j'ai trouvé très intéressantes les réflexions sur la notion de vérité qui mettent en valeur subtilement la complexité de tout conflit…où se situe la vérité ? Dans ce que nous retenons ? Dans ce que le peuple chante ? Dans ce que les historiens rangent par date et décortiquent ? Que retiendra le monde de cette guerre ?
Oui, je suis trop sévère, sans doute que l'ambiance, très militaire, les combats, le style journalistique a pris le dessus sur le témoignage rare que j'étais en train de lire et sur l'hymne à l'amitié qu'il constitue…Je n'ai pas aimé lire ce livre au point d'en oublier sa valeur à l'aune de la guerre actuelle. Je ne cessais de me rappeler l'importance de ce livre puis les combats et le style étiolaient ma curiosité. Laborieux ce fut…

Alors, c'est vrai, je n'ai pas eu le courage de faire comme Paul - @Bobfutur – à savoir d'aller mener de longues recherches au sujet de ces guerres. Je vous invite à aller voir son excellente critique en la matière, ainsi que celle de @Henri-l-oiseleur qui rend un bel hommage à ce livre à côté duquel je suis passée et je le regrette.

"Quand on fait la guerre, on se bat toujours pour son enfance, pour ses premiers poèmes. Vous pensiez quoi ? Qu'on se bat pour des imbéciles, pour des intérêts particuliers ? Non, au début c'est toujours pour son enfance qu'on se bat. le reste, ça vient après".

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"Roman d'autofiction fantasmagorique" ? Vraiment ?
Ce dernier mot est apprécié par l'auteur, du moins utilisé à plusieurs reprises dans les interviews que j'ai regardé ces derniers temps. En présence d'un tel livre, impossible de ne pas passer au moins le triple du temps nécessaire à sa lecture en recherches à son sujet, au sujet de ces guerres, et à l'histoire en général. On a beau avoir quelques notions, elles sont très vite balayées par l'ampleur de la tâche...

Donc entre les mains ce "roman", dont on n'arrive pas à le considérer autrement que comme un récit, une forme de gonzo-journalisme où Hunter S. Thompson aurait enfin pu laisser libre cours à sa passion pour les armes...
Est-ce juste un prétexte pour qu'on n'aille pas lui demander des comptes ?
Car on parle bien ici, toute opinion politique mise de côté, d'un écrivain s'engageant dans un conflit au point d'y être un acteur de premier plan... le guerre, oui, vous savez, ce truc que les Hommes font très bien, et où il n'y a jamais des gentils et des méchants, que des vainqueurs et des vaincus.

Ce livre est à prendre tel quel, car il y a en premier lieu beaucoup de talent dedans, bien que sa structure soit complètement éclatée, comme une volonté de ne PAS raconter, ni non plus de réellement s'en justifier. Comme le dit très bien Henri, dans sa critique vers laquelle je vous renvoie, c'est surtout le témoignage à propos des dernières années de la vie d'un homme, Zakhartchenko.
La fantasmagorie vient sûrement de cette correspondance, que le pseudonyme d'écriture depuis longtemps porté par Prilepine en soit compléter par ce suffixe de nom de famille typiquement ukrainien, et qu'ils soient devenus des frères. Vertiges.
Car Henri parle plus bas de Kundera, et tout de suite me revient ce paragraphe essentiel de L'insoutenable légèreté de l'être:
"Qu'est-il resté des agonisants du Cambodge ? Une grande photo de la star américaine tenant dans ses bras un enfant jaune. Qu'est-il resté de Tomas ? Une inscription : Il voulait le Royaume de Dieu sur la terre. (...) Et ainsi de suite, et ainsi de suite. Avant d'être oubliés, nous serons changés en kitsch. le kitsch, c'est la station de correspondance entre l'être et l'oubli."
Auquel on se doit d'ajouter Maïdan ? un film rythmé par des énormes tambours et le visage grêlé de Iouchtchenko ?
On a tous jugé l'histoire à ce moment là, forcément orange car de notre "côté". Bien-sûr, à creuser, à dépasser l'information donnée, simplifiée, on se heurte toujours aux abîmes de la complexité, ayant devant nous comme planche de salut facilitante le Relativisme, simplifiante le Complotisme, même si toutes ses notions se doivent d'être balancées à tout bout de champs pour achever définitivement celui qui cherche simplement la Vérité, quête quasi-religieuse pour nous ramener à la mystique russe, toujours au dessus de ses écrivains.
Je vous laisse dérouler l'argumentaire en vous, c'est sans fin, si l'on a un peu d'honnêteté. Je n'en ai pas fini avec toutes les questions que ce livre, parmi d'autres lectures, soulèvent; du rôle de l'artiste dans nos sociétés, etc.
Avec pour finir un souvenir plus léger (besoin après un tel livre): Kusturica ("frère" de Zakhar) déclarant qu'il avait songé à arrêter le cinéma après l'opprobre jeté par des intellectuels, BHL en tête, après la sortie de son chef d'oeuvre "Underground", qualifié de "pro-Grande Serbie" (sous-entendu "pro-Milosevic", bref méchant). Emir annoncera plus tard qu'il était obligé de revenir tourner, pour laver la culture mondiale de la tâche laissée par la sortie du film de BHL "le Jour et la Nuit"...

Voilà, et de Zakhar, j'aimerais toujours lire son "L'archipel des Solovki", ou d'autres romans, car celui-ci n'en est pas un. Merci les Editons des Syrtes et Babelio pour cet avant-première.
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On entre dans le récit de Zakhar Prilepine comme par hasard : on pousse une porte, on tombe sur une conversation déjà commencée. Les amis en pleine causerie ne se donneront pas la peine d'informer le nouveau venu des sujets qu'ils abordent. Donc, il faut une certaine vertu d'adaptation : un peu désorienté pendant les quarante premières pages, on s'habitue peu à peu à ce nouveau monde, à ce style parlé, voire débraillé, à cet insouci apparent des formes et des explications, à ces digressions sans chapitres et à ces intermittences de la mémoire. Peu à peu, on y voit de plus en plus clair, on s'attache, on fait connaissance, et on arrive à regret à la fin du livre. Il n'y a plus qu'à le recommencer depuis le début, pour apprécier les premières pages que l'on n'avait pas comprises.


Les événements ont lieu à l'été 2018 dans la République insurrectionnelle du Donbass. Pour apprécier ce livre, il faut se résigner à ne rien comprendre à l'histoire géopolitique de ces états frontaliers de l'ancienne URSS, en guerre avec les nouvelles "nations" qui tentent de les annexer (ici l'Ukraine), soutenus vaguement, avec maintes trahisons, par les Russes et "l'Empereur", celui dont le nom ne doit pas être prononcé. L'Occidental soigneusement désinformé doit oublier ce qu'on lui a tant répété : oublier que l'Ukraine officielle, terrain de jeu des tripotages financiers de Biden père et fils, de Merkel et de l'Union Européenne, c'est le camp des Gentils, et ceux qui la combattent sont des Méchants. Prilepine, de son côté, ne se propose pas de nous faire un cours de morale inverse et engagée.


Donc, si, le temps de la lecture, on suspend son jugement moral, selon le conseil de Milan Kundera, si l'on fait son deuil des grandes abstractions molles, on est prêt à apprécier ce livre dans toute sa beauté paradoxale. Un narrateur omniprésent parlera de ses relations avec un personnage qui donne toute sa cohérence au texte, écrit en son honneur : Alexandre Vladimirovitch Zakhartchenko (alias Batia, "papa", ou le Chef), président de la république autonome du Donbass, assassiné le 31 août 2018 par les Gentils. Notre narrateur, surnommé Zakhar (on notera la proximité des noms), raconte le dernier été de cet homme dont il fut proche. Ce livre est donc une preuve d'amitié, un hommage et une sorte de tombeau littéraire.


Mais dans ce "tombeau", on rit beaucoup, l'alcool coule à flots (ici, vivre, c'est boire, et n'avoir pas soif n'est pas bon signe), on se bat sur le front d'une guerre de positions contre les Ukrainiens officiels. On nous promène dans une belle galerie de portraits héroïques. attendris, amicaux, amusés, de guerriers venus des quatre coins de l'ancien empire, et il nous est donné de vivre avec eux le temps de cet été-là. Encore une fois, une certaine adaptation du lecteur est nécessaire : évidemment la guerre, c'est Mal (sauf bien sûr en cas de "juste cause" etc ...) Ici, la guerre est un sport dangereux, mortellement sérieux et intensément amusant, comme les guerres impériales stendhaliennes dans "Les Géorgiques" ou "La Chartreuse de Parme". Elle révèle des figures humaines uniques, pittoresques, truculentes. Par son sens du détail, la clarté de ses évocations, Prilepine écrit comme peint Brueghel. Vraiment, "Certains n'iront pas en enfer" enfonce le pesant Malraux de "L'Espoir" ou de "La Condition Humaine", empêtré dans sa gravité progressiste.


Comment comprendre le titre ? Les personnages, devant la réprobation du monde des Gentils, savent bien qu'ils sont pécheurs, que l'enfer les attend, au point qu'ils ne se donnent même plus la peine de se justifier. Ils ignorent le sport américain protestant du "virtue-labelling" (ou "virtue-signalling"). Zakhartchenko le premier, ils comptent tous sur Prilepine, auteur connu, fêté, ami de figures culturelles occidentales, voyageant à Genève, à Moscou, en Serbie, pour qu'il intercède en leur faveur auprès des divinités, l'Empereur moscovite, les médias vendus, voire les troupes dont Prilepine est très proche. C'est ici un des aspects les plus originaux du livre : le rôle de l'écrivain réellement engagé dans le combat (pas comme Malraux ou Sartre), face à l'action, l'histoire, l'opinion. Il intercède, il représente comme un ambassadeur, enfin il note ses souvenirs et les faits pour en écrire l'histoire. Il est le seul à pouvoir aller d'un monde à l'autre, alors que ses amis sont confinés dans leur petite république encerclée du Donbass. La clarté exige qu'on use de ces mots abstraits, mais rien n'est plus étranger à Prilepine que la théorie.


Ce livre est extrêmement rafraîchissant. Il transporte dans un univers littéraire et mental étranger au ressentiment occidental des donneurs de leçons. Pas de grands Messages humanistes et poignants des groupes d'(op)pression, des minorités haineuses. On y rencontre, sans prêche, des êtres humains uniques, presque tous sous pseudonymes : l'Empire du Bien a ses tribunaux pour vaincus, comme on sait en Serbie. On croise même certaines célébrités, Emir Kusturica, Edouard Limonov, ou Monica Bellucci et une belle vie aventureuse. Plus d'une fois, "Dans les forêts de Sibérie" de Sylvain Tesson revient à la mémoire, mais ce "Tombeau" est bien plus gai. Merci à Masse Critique et aux éditions des Syrtes pour ce beau livre.




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La guerre en Ukraine aura fait les gros titres de nos journaux télévisés pendant quelque temps avant d'être chassée par une autre actualité.

Zakhar Prilepine ne s'est pas contenté de suivre les infos à la télévision, non. Il s'est engagé au sein des forces séparatistes.

Avec des insurgés rêvant d'arracher un morceau de souveraineté des terres ukrainiennes. Pourquoi et comment ? Influence russe pour certains, j'avoue ne pas être plus au fait que cela.

Et peu importe au final. Car l'auteur nous raconte sa guerre, son rôle de commandant au plus près de Zakhartchenko, chef de la proclamée République populaire de Donetsk.

Autant annoncer la couleur tout de suite, Prilepine est un homme clivant dont je ne partage pas les points de vues. Cela est dit. Pourtant, ce récit d'autofiction n'a pas lâché mes mains.

On retrouve un style et une gouaille inimitable (et une certaine propension à un ego développé). L'on suit cette armée en se demandant quel est le budget mensuel des combattants pour la vodka/cognac/autres alcools forts.

Mais pendant ces 300 pages, j'étais avec eux, au sein d'un groupe soudé, à la camaraderie rugueuse, avec un auteur qui ne s'encombre pas des convenances, qui se dévoile et dévoile les autres. Parce que oui, dans ce livre, on croise aussi Emir Kusturica, Ed Limonov ou encore Monica Belluci.

On évoque même dans ce récit, un certain empereur russe. Zakhar Prilepine ne le portant clairement pas dans son coeur.

Pour un récit se déroulant en zone de guerre, les combats ne sont pas au centre du récit. Ce sont plutôt les relations humaines qui en constituent l'épicentre.

C'est drôle, exaspérant, éreintant et vivant. Voilà une lecture qui ne peut laisser indifférent et avec laquelle je me suis régalée. J'ai donc hâte de découvrir plein d'autres titres de Zakhar Prilepine.
Lien : https://allylit.wordpress.co..
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Zakhar Prilepine, c'est une plume. C'est aussi un homme armé. L'auteur qui avait déjà fait son paquetage pour la Tchétchénie est parti également pour le Donbass et l'armée séparatiste. Dans "Certains n'iront pas en enfer", il raconte son expérience de manière détachée et décomplexée. L'auteur y montre aussi toute sa connaissance de l'histoire et de la langue (d'ailleurs, bravo au traducteur, Jean-Christophe Peuch, pour le travail en note).
J'aurais lu ce livre à sa sortie, je serais restée sur une idée un peu folle d'une guerre menée par des paumés, vaguement financée par Moscou et pleine d'une absurdité qui plait tant dans la littérature russe. Lire ce titre en 2022, par contre, m'a mise en colère. L'actualité ukrainienne qui déferle aujourd'hui dans nos jt était prévisible. La graine de la violence et de l'invasion était bel et bien plantée dans les deux provinces séparatistes.
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Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
L'histoire avec la Crimée était déjà terminée, l'histoire avec le Donbass venait tout juste de commencer et le feu était en train de se propager quand une grande conférence se réunit chez l'empereur. Étaient là, assis autour de la table, tous les principaux cadors du gouvernement, L'empereur leur distribua ses instructions. Untel, resserrer les boulons, untel éteindre l'incendie, untel, presser le mouvement, untel commencer à frapper. Presque tout le monde avait quelque chose à faire, mais l'essentiel demeurait inexpliqué. Entre-temps, l'empereur s'était levé, prêt à partir. C'est alors que le plus hardi des cadors gouvernementaux s'éclaircit la gorge et demanda avec précipitation : "Chacun d'entre nous a compris ce qu'il devait faire, mais...nous aimerions comprendre quel est l'objectif ultime de notre travail?" L'Empereur s'immobilisa une fraction de seconde et prononça distinctement : "L'Ukraine toute entière".
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Dans le monde du showbiz russe, tu pouvais dire que, quand tu étais enfant, tu vais arraché la tête d'un pigeon avec les dents ; que ton enfant illégitime vivait en orphelinat ; que tu avais goûté du sang humain et aussi tous les autres liquides humains ; que tous tes autres enfants avaient été conçus de manière artificielle ; que tu avais trois citoyennetés et pas une seule citoyenneté russe, parce que la Russie n'était pas un pays, c'était du dégueulis qu'il fallait nettoyer avec de la poudre et que tu avais déjà la poudre ; que tu avais trois tétons, deux nombrils, ainsi que des suçoirs spéciaux sur le corps...Mais se rendre au Donbass, mon Dieu ! c'était épouvantable, c'était impossible.
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Je ne pensais pas un jour écrire ce livre.
Quarante fois je m’étais fait la promesse : laisse tout cela reposer, se décanter – le plus important, c’est ce qui restera dans ta mémoire, ce qui ne se perdra pas.
Je m’étais leurré moi-même.
Ce livre s’est écrit tout seul, à peine avais-je trempé ma plume dans l’encrier.
On connaît les cas de ces médecins qui, restés conscients, ont guidé la main de ceux qui les opéraient ou qui ont consigné leurs impressions après avoir été mordus par un serpent venimeux, après avoir reçu un traumatisme.
Ce livre, Dieu me pardonne, ressemble un peu à cela.
… La vie, la foi, la joie m’ont quitté. Où sont-elles donc passées ?
Comme disait le poète, plus justement encore : "j'ai peur car l'âme passe, comme la jeunesse et l'amour"
(incipit)
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- Nous sommes assis là, et Moscou se prépare peut-être déjà à s'inviter chez nous. Ou peut-être que non, mais demain, des gens, spécialement choisis pour vous bouffer, iront à la cave chercher une valise à roulettes... Une chose est claire : leur logique est bien telle que je viens de la décrire.
- D'où est-ce que tu tiens ça ? demanda Le Cosaque.
- On me l'a glissé à l'oreille un jour que je me baladais dans Moscou", mentis-je.
Personne ne m'avait rien glissé à l'oreille. Mais je ne pouvais quand même pas dire que j'avais tout inventé à l'instant. J'enfonçai le clou :
Que ce soit sous Pierre le Grand, sous Catherine mère de toutes les Russies, sous Lénine ou sous Staline, les mouvements de partisans, les républiques autoproclamées et les communautés de Cosaques libres n'ont été tolérés que tant qu'il y avait la guerre. Aussitôt la guerre terminée, on tord le cou à la liberté. Vous vous rappelez comment ça s'est passé en Transnistrie ? C'est pas vieux, c'était il y a moins de vingt ans. Un jour, l'armée de libération locale arrive devant les casernes - et les casernes sont fermées ! "C'est fini les gars, la guerre est terminée ! - Et nos armes ?", crient les insurgés. On leur répond : "Les armes ont été placées sous scellés et emportées là où elles doivent être." C'est tout.
p. 202
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J'essayais de lui expliquer ce que c'était qu'un poème : non point des mots, ni même des idées, ni un récit - qu'il ne fallait carrément pas leur chercher un sens - mais un souffle qui, pris dans un lacet, était parvenu à s'en extraire et à s'envoler au milieu d'un tournoiement de plumes multicolores.
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Vidéo de Zakhar Prilepine
Salon du Livre 2018 à Paris Zakhar Prilepine présente Ceux du Donbass.
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