Critique certifiée sans révélation.
Des éléments peuvent préparer de futurs lecteurs à certaines perturbations.
Ce gros livre de 590 pages regroupe toutes les aventures de
Dilvish le Damné. Une histoire épique 100% fantaisie, fait plutôt exceptionnel pour l'auteur, s'offre à nous derrière cette magnifique couverture d'un chevalier en armure à l'épée scintillante sur un cheval cuirassé, affrontant sans peur une nuée de flèches devant une imposante citadelle.
11 nouvelles introduisent l'oeuvre principale, Terres changeantes (que je critiquerais en second temps). Elles sont toutes intéressantes, chacune à sa manière, et bourrées de qualité. Malheureusement, leur lecture a également été gênée par quelques perturbations.
J'ai mis du temps à passer outre la première, la faute à la couverture : s'il est bien question d'un cheval d'acier (et quel personnage, tout droit sorti des enfers !), il n'est question ni d'armure ni d'épée scintillante. le héros est un elfe tout en souplesse, muni de bottes magiques. Cela implique un comportement du héros très différent de l'image mentale de bourrin que l'on m'avait suggérée avant l'ouverture du livre. Dommage, il est toujours frustrant de se faire une représentation fausse d'un personnage.
Dès les premières pages, l'histoire est intense. Une chasse à l'homme, un cheval d'acier, une guerre qui s'annonce, douze Abominables Formules, un héros en quête de vengeance, de redoutables ennemis. Tous les éléments d'une grande épopée se mettent en place en quelques nouvelles avec un réel brio, il faut bien le souligner. Lorsque le héros passe à l'offensive, survient alors ma seconde perturbation : la nouvelle suivante raconte une toute autre histoire de notre héros. Les événements en cours sont du passé, des personnages oubliés, seul reste un goût d'inachevé. Je me suis sérieusement demandé si je lisais bien l'histoire dans l'ordre chronologique, s'il ne fallait pas introduire la lecture de Terres changeantes à un moment ou à un autre.
Une fois ce saut temporel admis, l'histoire de Dilvish rappelle agréablement les légendes Arthuriennes, dont les nouvelles n'ont d'autre lien que le fil rouge de l'histoire (ici, la vengeance personnelle promise dès le début par le héros). Elles sont de rythmes, de durées et de genres différents, mais jamais décevantes. du quotidien et de l'anodin surgissent spontanément des dangers dans ce monde dangereux, riche en histoires, en lieux et en personnages.
En un sens, le roman Terres changeantes est lui-même une troisième (et dernière !) perturbation : Dilvish et son surprenant cheval d'acier ne sont plus les seuls dans la danse. Ce n'est plus une épopée, tout se concentre en un lieu où les plus puissants sorciers semblent vouloir se rassembler. Beaucoup de forces en présence avec leurs propres ambitions entourent notre héros qui progresse doucement. La base de l'histoire est solide, et l'idée de ce château Hors-du-Temps, au centre de ces terres changeantes, est absolument géniale. le tout a un véritable air de final.
Mis à part l'une des nouvelles (La tour de Glace), aucune n'est vraiment en lien avec cette histoire. Dommage qu'aucun personnage n'y ait été introduit pour donner un peu plus de sens et de cohérence à l'ensemble, mais au moins nous permettent-elles de nous familiariser avec ce formidable duo de héros. Encore une fois,
Zelazny nous fait preuve de son imagination et de son talent de conteur. Un univers et une histoire à la hauteur des productions habituelles de
Zelazny.