Une biographie de
Catherine de Médicis a au moins un avantage : elle permet de balayer le gouvernement de quatre rois (cinq en comptant François 1er) et sept, presque huit, guerres de religions à travers le portrait d'une seule et opiniâtre personne.
Jean-François Solnon part en croisade. Il s'agit de participer à la réhabilitation de cette femme et mère de rois si peu épargnée par le 19ème siècle, en particulier
Alexandre Dumas qui a toujours besoin de méchants charismatiques pour ses récits. Son épée, c'est sa plume ou son ordi, son bouclier, ce sont les connaissances historiques recueillies jusqu'à aujourd'hui. Dans un récit fluide, très peu interrompu par les notes de fin d'ouvrage, et avec une belle verve que je rapprocherais de celle d'
Alessandro Barbero, il nous conte l'histoire de cette femme qui aimait le pouvoir et l'autorité de l'État, et a dû se battre toute sa vie pour éviter l'éclatement de la France sous l'effet de forces religieuses contraires.
On trépigne avec Catherine alors qu'elle ronge son frein, obligée de supporter la domination de Diane de Poitiers à la Cour. On l'admire alors qu'elle donne de sa personne, fait oeuvre de ruse et de séduction pour négocier avec des intraitables tels Montmorency, Guise ou Navarre et tente de rester sereine face à la superpuissance espagnole. Et évidemment, on se demande quelle est sa responsabilité dans ce noeud gordien que constitue la Saint-Barthélemy.
Car si Solnon est sûr de son fait – parfois sur la défensive - sur l'attitude modérée et tolérante générale de Catherine, on le voit un peu plus hésitant quand il s'agit d'aborder le massacre. On l'entendrait presque tousser. Oh les intentions de la reine-mère ne sont pas aussi noires que la légende qui règne encore de nos jours, mais elle a certainement accepté, voire incité Charles IX à ordonner le meurtre des chefs huguenots. Même si c'était sous une certaine contrainte, elle l'a probablement fait. Comme tout le monde, elle a sous-estimé l'impact que cela aurait sur la foule de catholiques du territoire dont la soif de sang jusqu'ici jugulée trouvait une justification royale. Les foules sont capables du pire ; c'est toujours vrai de nos jours.
Comme Nicolas le Roux dans son « Guerres et paix de religion », Solnon teinte de gris les camps catholiques et huguenots. Les ambitions politiques des uns et des autres interfèrent toujours avec l'extrémisme religieux. Parfois l'union se fait au-delà de la religion comme dans le cas des malcontents, ces modérés qui refusent le pouvoir qu'Henri III aurait aimé rendre absolu. La haine de l'étranger est toujours là ; contre l'Anglais comme toujours, contre les Guise lorrains aussi, mais de plus en plus contre ces Italiens qui ont l'oreille du roi. Il est d'ailleurs amusant que, par un curieux effet feedback, ce soient des Italiens qui aient pris les rênes de la France alors que les rois de France ont tant fait en vain pour se tailler des royaumes en Italie.
Ce livre réhabilite donc
Catherine de Médicis. Mais je me dis que cela ne m'empêche pas d'aller voir du côté des romanciers qui ont participé à forger sa légende noire. Ce serait même salutaire. Je prévois donc d'attaquer «
la Reine Margot » d'ici bientôt.