On me l'a prêté, le l'ai lu, j'ai beaucoup aimé. Addictif. Comme l'écrit un Babélien dans sa critique du livre, c'est une excellente lecture pour le soir avant de s'endormir. Frédéric Mitterrand a une bonne plume et la lecture est aisée et assez souvent jubilatoire (il a des griffes le Rantanplan ! ) , même si j'ai retrouvé toutes les postures, les affects, les préciosités, qui chez lui m'insupportent .
"La récréation" c'est 720 pages de compte-rendus de trois ans de misère , oups...de Ministère de la Culture. Trois ans de coups fourrés, de chausse-trappes, de "Embrassons nous Folleville " . Ah décidément la politique c'est pas joli joli ma pauv'dame ! Mais qu'est-ce qui lui a pris au Frédo d'accepter ce poste de pion aux Echecs de la Politique , lui qui rêvait de la place du fou ou du cavalier ; foudroyer ses adversaires transversalement ,quelle classe ! Ministre de la Culture ? lui qui était si bien à la Villa Medicis.
Sous la trame du récit et sous la virevolte du style on découvre vite les blessures jamais refermées. Frédéric Mitterrand, né avec une cuillère d'argent dans la bouche comme disaient nos grand-mères sorties à peine dégrossies du 19e siècle, est un homme qui ne s'aime pas. le livre est baigné d'une douce mélancolie : accumulation de regrets , souvenirs d'une vie passée, culpabilité enfouie, et cette accumulation de discours sur les tombes de disparus...la mort qui rôde.
Plus que l'évènementiel au jour le jour de l'action du ministre (qui n'a pas démérité) c'est cette partie non dite du discours qui m'a profondément touché. Frédéric a envie qu'on l'aime ; et lui, a toujours envie d'aimer . Il s'échauffe vite au contact de quelque bel attaché d'ambassade, et les gendarmes attachés à sa sécurité ne lui sont pas indifférents. Tout cela dit sur un ton cru et détaché dont personne n'est dupe . "La mauvaise vie" plane...
Sinon "what else" ? La vie de ministre : une longue litanie de remise de décorations, de colloques, de commissions, de déplacements en province, de réceptions "rochers Ferrero " chez l'ambassadeur ,de combats dérisoires et vains contre les tentaculaires services de Bercy, contre les égos hypertrophiés des "élites" en place ( l'hypertrophie du moi de Olivier Py ! ) , une succession de luttes pour trouver trois francs six sous afin de sauver un vieil immeuble, un cinéma au Mali , sauver un musée de la France profonde dont tout le monde parisien se contrefout. Pas une sinécure le job ! Frédéric Mitterrand n'est pas dupe, tout cela c'est comédie, comédie , juste une récréation . Il est toujours le gamin qui donnait la réplique à Michelle Morgan et à Bourvil dans Fortunat. Peter Pan a grandi et il est devenu agaçant, mais tellement touchant. Cabotin ET cultivé, fou de cinéma et de musique, méprisant les élites auto-proclamées et dans le même temps badigeonnant de poncifs et de lieux communs ses discours obligés. Un Frégoli, un ludion triste, un Rantanplan dont le Lucky Luke s'appelle Sarkosy. Nicolas Sarkosy qu'il réussi même à nous rendre sympathique en faisant apparaître sous les gesticulations , l'enfant blessé, le petit Chose meurtri ; c'est dire :-).
Ah oui, tout de même un énervement : on ne peut s'empêcher d'être agacé par cette manie qu'il a d'utiliser uniquement les prénoms pour parler des gens qu'il côtoie. Il nous entretient de Jean Pierre, de Cédric, de Farida, de X, de Y...sans qu'il nous donne les repères pour les situer. Comme si cela allait de soi et que les lecteurs de la récréation étaient de ses connaissances. Règne de l'entre-soi...Mais je lui pardonne , je me suis trop amusé à la lecture de ce livre.
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Il faut un certain temps pour venir à bout de ce pavé de plus 700 pages, surtout en ne lisant pas que cela.
L'intérêt de ce journal intime quotidien réside dans son côté distrayant, car très bien écrit, et instructif sur la manière dont fonctionne un Gouvernement et ce qu'est - en vrai - la vie de Ministre (de la culture). Balloté de réunions interminable en déplacements, de conseil des Ministres en dîner d'Etat, d'inaugurations en conférences, de déjeuners en spectacles. Tout en gardant un peu de temps pour la famille.
C'est à se demander quand il a le temps de travailler, et c'est là que l'on comprend que c'est cela, "son travail". Mettre en relation des gens, essayer de faire changer d'avis un tel ou tel autre. Trouver des fonds. Arbitrer, lorsque que - rarement - quelque chose dépend de son pouvoir. Pour le fond, on repassera, il y a les services pour cela.
Une écriture très fluide avec un talent certain. Quelques pépites sur quelques-unes des personnalités qu'il a été amené à fréquenter, plus ou moins fréquemment, principalement la Sarkozie évidemment.
Une lecture agréable le soir avant de se coucher.
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Il se met dans la peau du gamin qu'il a été, incapable de choisir entre De Gaulle et François Mitterrand.
Lire la critique sur le site : LePoint
Frédéric Mitterrand a une plume perçante. Dans ce gros livre d’anecdotes, il peut régler ses comptes persos avec les politiques, les milieux de la culture, les journalistes.
Lire la critique sur le site : Liberation
Si vous aimez les anecdotes sur les coulisses du pouvoir, "La Récréation", journal tenu par Frédéric Mitterrand durant ses trois années passées au ministère de la Culture, pourrait vous plaire. Tout au long de ces 720 (!) pages, "Frédo" y rapporte nombre de saillies de Nicolas Sarkozy, présenté sous un jour plutôt bienveillant.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Le mépris hargneux de la gent cultivée pour les cultures populaires est l'un des travers les plus insupportables des milieux que je pratique régulièrement. Il témoigne de la persistance d'un esprit de classe arrogant et mesquin au sein même du groupe social qui se proclame de gauche et qui affirme incarner la générosité de la création artistique. Les festivals de juillet, propices aux longs weekends dans le Midi de la France, répondent aux attentes de la culture dominante. En revanche, les festivals d'août, qui s'inscrivent dans la durée et le cadre des congés populaires, laboureraient plutôt le terrain de la sous-culture médiocre, des loisirs franchouillards ou des rendez-vous folklorisants, certes parfois considérés avec une vague et lointaine sympathie, mais soupçonnés d'abriter des idéologies suspectes, aliénantes et pour tout dire réactionaires
Dimanche 11 octobre 2009
Apparition d’une flopée de pseudo-témoignages d’illuminés sur la Toile qui relatent comment je les ai violés lorsqu’ils avaient huit ans, petits clips tournés en Thaïlande par des amateurs bien intentionnés où des orphelins me demandent de ne plus revenir ; des inconnus les téléchargent, les échangent, les font circuler ; Internet ou le procédé retrouvé de la lettre anonyme comme au bon vieux temps.
Emmanuel Berretta à Béatrice Mottier : « Il y en a tout de même marre de toutes ces histoires de petits garçons, vous ne trouvez pas ? » Moi, c’est de ce genre de remarque que j’en ai marre.
Benoît Hamon maugrée : « Cette histoire laissera des traces. » Il n’a pas tort ; elle m’aura renforcé parce que je n’ai pas lâché prise, que le président m’a soutenu et que les politiques respectent ceux qui traversent ce genre de crises sévères, mais elle m’aura aussi affaibli durablement en me renvoyant à mes tourments les plus intimes, en m’humiliant profondément et en faisant en sorte que je me demanderai désormais ce qu’en pensent les gens que je rencontre. Je suis comme ces amputés qui ont encore mal au membre coupé.
Dîner avec maman, mes frères, on se réconforte tous ensemble. Mathieu est loin, perdu quelque part en Asie centrale. Jihed n’arrête pas de se battre dans son école avec des petits malins pour me défendre.
Maman : « Cette histoire de Marine Le Pen avec ton livre, c’est l’affaire de l’Observatoire qui recommence. Tu t’en souviens, de ce cauchemar ? Pour moi, c’est pareil. »
Je pense à Roman Polanski dans sa prison. Je recommencerais s’il le fallait, d’une manière peut-être moins émotive, mais, de nouveau, je lui apporterais mon soutien.
Dimanche 1er avril 2012
Pour les socialistes, je n’étais rien et je ne suis pas devenu grand-chose. De pantin frivole de la télé-paillettes au rayon Stéphane Bern bis, le clone ayant d’ailleurs dépassé le modèle original, je suis passé au statut plus intéressant de traître à sa double famille, celle de François à laquelle je n’appartenais pas beaucoup et celle du Parti socialiste que je n’intéressais pas du tout, avant de parvenir au stade d’adversaire convenable et plutôt gentillet dont on se demande encore par quel hasard on se voit obligé de ferrailler contre lui. Ils ne le pensaient pas tous avec autant d’âpreté, mais la lutte politique est rude, et en des temps d’antisarkozysme primaire on n’allait pas faire le détail avec le copain de Carla... Mes débuts avec eux ont donc été difficiles, je me heurtais à un bloc de franche hostilité, même si je sentais çà et là des failles que j’investiguais avec prudence. Puis ça s’est arrangé peu à peu ; j’étais disponible, pas rancunier, d’humeur conciliante ; tout élu a un jour ou l’autre besoin d’un ministre, même s’il est de l’autre bord, et aucune conviction n’interdit de sacrifier un peu au principe de réalité. Malgré tout, j’avais aussi quelques amis qui se souvenaient de ma vie d’avant, je les ai gardés et j’en ai eu d’autres. Vers la fin, l’atmosphère est même devenue franchement détendue ; toutes les bisbilles ordinaires n’avaient guère de sens, on pensait que je n’en avais plus pour longtemps. Il y en eut même pour me dire qu’ils me regretteraient. C’était sans risque, ils sentaient bien qu’il m’arrivait d’en avoir marre.
Samedi 6 novembre 2010.
Jean Claude Gaudin me reçoit dans son bureau, et pour une fois nous sommes seulement tous les deux. Entre anecdotes pagnolesques contées avec verve, jugements et répliques où il se donne le beau rôle avec un talent inénarrable, et visionnage d'une interview qu'il vient de donner à France3 en envoyant les journalistes au tapis, j'arrive tant bien que mal à faire passer mon programme qu'il écoute distraitement mais en m' assurant que ça l'intéresse.
On passe ensuite à l'essentiel , c'est à dire au restaurant , un établissement réputé du quartier du Prado. Séance de comédie de haute volée où il salue chaque table en n'oubliant ni la décoration du notaire, ni la première communion du petit dernier.
Dimanche 13 février 2011
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Dîner avec Michel Houellebecq en petit comité à l’Élysée. Il est accompagné d’un type vraiment bizarre qui animerait un blog de soutien au président mais qui me fait une impression épouvantable : cauteleux, fumeux, visqueux. Houellebecq lui-même, très intelligent et manipulateur, essaie d’établir une complicité en reliant La Mauvaise Vie à ses propres livres sur le thème des avantages et des bienfaits du tourisme sexuel. Je freine à mort. Il y ajoute quelques propos de table provocateurs et qui seraient peut-être amusants dans un autre contexte ; je les oublie tout de suite. Il est physiquement assez répugnant, la mise négligée et sale comme un peigne. Je ne peux pas m’empêcher de penser que cela relève d’une sorte de mise en scène où la déprime s’efface devant le narcissisme. Son dernier livre, qui lui a valu le prix Goncourt, est moins bon que les précédents, ce qui n’enlève d’ailleurs rien à son talent.