Non loin de chez moi est une placette où je fais souvent escale lors de mes promenades urbaines, non pas pour user de ses bancs accueillants mais pour explorer le contenu de la Boite à Livre vermeille qui trône en son centre.
Ce jour là un couple entre deux âges m'avait précédé, je me mis à louvoyer discrètement entre les massifs pour patienter quand leurs échanges, portés par le vent, vinrent à écorcher mes tympans.
Pour des oreilles rodées aux rugueuses sonorités de Motörhead la sensation d'agression suscitée par ces paroles ne devait rien à leur charge en décibels bien entendu, jugez plutôt :
- Qu'est-ce que tu dis?
- Regarde moi ça.
- Quoi?
- Ca là!
- C'est incroyable ! les gens sont tarés ! laisser les frasques de cette pédale en pleine rue, à portée des enfants ! prends le, on le mettra à la poubelle.
- Mais on pourrait nous voir, viens on s'en va.
Et ils sont partis.
J'ai pu procédé à mon inventaire, d'ailleurs peu fructueux, et je suis parti avec l'objet de leur vindicte sous le bras.
Avant cet épisode je connaissait
Frédéric Mitterrand essentiellement par cette lancinante voix off sur ARTE qui collait parfaitement à ses sujets.
Sa manière reste si prégnante que durant cette lecture, je me suis surpris à plusieurs reprises à l'entendre me lire ce que j'avais sous les yeux.
Quant à son passage au ministère de la culture, je n'en ai rien retenu mais je dois avouer un désintérêt croissant pour la pantomime politique en général.
Il me souvient quand même qu'on avait beaucoup glosé sur les ondes et les écrans à propos de ce livre en focalisant le débat sur les thèmes croustillants et vendeurs que sont le tourisme sexuel et les relations avec mineurs.
Qu'en est-il?
Frédéric Mitterrand préfère les hommes, à ma connaissance, il ne s'en est jamais caché ni ne l'a claironné à l'envi.
La découverte de cette orientation sexuelle et la manière dont il l'a vécue tiennent effectivement une part essentielle dans ce récit autobiographique.
Et c'est bien normal quand on songes aux complications sociales et professionnelles que cette orientation imposait et impose toujours aux "homos comme ils disent" que nous chantait
Aznavour.
L'enfance, la vie et la carrière de
Frédéric Mitterrand sont forgées par cette "différence" mais l'intérêt du récit ne s'arrête pas là, il permet une plongée dans le mode de vie de la grande bourgeoisie française de l'après-guerre jusqu'aux années 70.
Naïvement, je suis sidéré par ce que j'ai lu quand je le compare à mes propres souvenirs et aux récits qu'on a pu me faire de cette époque.
Je suis certes un peu plus jeune que
Frédéric Mitterrand, je n'en éprouve aucune amertumes mais le constat est abyssale, nous n'avons pas évolués dans le même monde.
L'homme semble néanmoins avoir développé une sorte d'imperméabilité à son milieu qui affleure par la modestie et l'autodérision dont il fait montre dans ces pages.
Quant à l'épisode du scandale et de tous les fantasmes, il doit tenir en 2 pages. Je comprends que sa teneur impudique et son caractère vénale aient pu heurter certaines sensibilités.
Pour autant je refuse de reprendre l'anathème entonné par les bonnes âmes à son encontre, ces bonnes âmes qui ne trouvent rien à redire et se pâment même d'admiration quand une star cacochyme du cinéma ou de la chanson s'affiche au bras d'une nymphette de 16 ou 17 ans.
Une lecture inattendue mais très intéressante.