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EAN : 9782266082501
443 pages
Pocket (27/11/1998)
3.85/5   36 notes
Résumé :
Sous nos yeux se déconstruit un monde qui va laisser la place à celui que nous connaissons.
Frédéric Mitterand réussit, dans cette fabuleuse galerie de portraits, à exprimer l'humanité qui nous le rend si attachant. Son style écrit délaisse la célèbre mélopée qui lui vaut tant d'auditeurs captivés au profit d'une plume sèche, mais tout aussi entraînante. ELLE Le talent de Frédéric Mitterrand, c'est son art de conteur, la façon si pariculière qu'il a de ressus... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
ISBN : 9782221083383


Tout le monde se rappelle le documentaire historique, en plusieurs volets, présenté sous le même titre par Frédéric Mitterrand au milieu des années quatre-vingt-dix, sur Antenne 2. A l'époque, les critiques pleuvaient dru sur l'intonation particulière du narrateur - Frédéric Mitterrand là encore - ce phrasé romantique et funèbre qui scandait la marche vers l'abîme de mondes auxquels les tranchées de la Grande guerre allaient servir de tombeaux. Pour ceux qui ne le supportent pas, le livre présente l'avantage d'offrir une version insonorisée et qui a conservé toute ses qualités.

La justesse historique tout d'abord et bien sûr, un certain style, indéniablement littéraire, qui, à notre avis, fait défaut à trop de livres d'Histoire, ce qui est fort dommage. La phrase est riche, les détails abondent, les personnages vivent et revivent et, mieux encore, sous leurs titres et titulatures variés, s'humanisent dans des drames familiaux qu'aurait pu connaître n'importe quel particulier, L Histoire se met en branle et, un peu plus d'un siècle après le fameux Congrès de Vienne qui dessina l'ordre du monde et de notre Europe pour de longues décennies, met au jour, dans un geyser de sang et de mort, un univers tout neuf qui, lui, ne vivra pas plus de trente ans.

Dirigée par un empereur dont le règne - soixante-sept ans et onze mois - ne fut pas loin d'égaler en durée celui de Louis XIV en France - soixante-douze ans - la prestigieuse dynastie des Habsbourg s'effondre comme ces immeubles dont on filme le dynamitage au ralenti : François-Joseph est encore en vie qu'il perd l'héritier présomptif, son fils, Rodolphe, "suicidé" à Mayerling en 1889, puis son successeur, l'archiduc François-Ferdinand, assassiné avec sa femme à Sarajevo, le 28 juin 1914 ; quand le vieil empereur meurt à son tour, c'est un empire sclérosé, cruellement travaillé au corps par les différents nationalismes et plongé dans une guerre mondiale aux technologies jamais vues jusque là, qu'il remet à son petit-neveu, l'archiduc Charles, qui deviendra le dernier empereur d'Autriche-Hongrie sous le nom de Charles Ier.

Côté allemand, c'est la famille de Hohenzollern, issue de l'antique clan des comtes Zollern, qui voit tout sombrer dans l'ouragan mondial, à commencer par ce trône d'Allemagne, longuement espéré depuis les temps prussiens, chèrement acquis au prix de cette guerre sans honneur que fut celle de 1870. Première victime d'un caractère hâbleur, hanté par l'idée de surcompenser à tous prix une atrophie du bras gauche provoquée par la maladresse des médecins-accoucheurs de sa mère, peut-être atteint sans le savoir d'une lésion cérébrale tirant elle aussi son origine d'un accouchement extrêmement difficile, le Kaiser Guillaume II perd à ce jeu macabre non seulement son empire mais aussi son honneur en se compromettant dans les années trente, comme son fils aîné, le Kronprinz, avec les nationaux-socialistes.

Enfin, comment oublier cette tragédie, d'autant plus familière qu'elle nous présente des éléments familiaux susceptibles de se retrouver, pour peu que le Destin et la génétique aient décidé de s'amuser un peu, chez le dernier des particuliers, que représente l'anéantissement de la famille impériale russe ? Dans un empire immense qui ne parvient pas à se mettre en phase avec les temps modernes et où misère et illettrisme restent le lot de millions d'anciens serfs, l'hémophilie dont est atteint l'héritier présomptif du trône, le tsarévitch Alexis, est l'élément-clef qui, en enfermant ses parents dans le monde sans espoir de ceux qui ont des enfants présentant un handicap, quel qu'il soit, portera le coup fatal à la dynastie des Romanov. Au monastère Iipatiev de Kostroma, où, en 1613, on alla chercher pour le couronner tsar le premier des monarques Romanov, Michel, succède la sinistre maison Iipatiev, à Ekaterinbourg, où Nicolas II, son épouse, leurs quatre filles, leur fils et quelques proches, sont abattus par balles - et achevés à la baïonnette pour les femmes, les bijoux dissimulés dans leurs corsets ayant fait échouer le tir des fusils bolcheviks.

Trois des plus grandes dynasties régnantes d'Europe disparaissent ainsi, pour ainsi dire en quelques mois, elles qui avaient mis tant d'années à accéder au pouvoir. Une quatrième, celle de Saxe-Cobourg-Gotha, dont les descendants se retrouvaient sur le trône d'Angleterre par le mariage de la reine Victoria, héritière de la maison Hanovre, avec le prince Albert de Saxe-Cobourg, demeurait et demeure toujours - même si la Grande guerre l'a contrainte, pour des raisons patriotiques, à dissimuler ses racines bien germaniques sous le nom de Windsor. Son rôle dans la fin des Romanov est important : c'est par la reine Victoria que l'hémophilie fit son nid dans le sang de l'une des ses petites-filles, la princesse Alix de Hesse-Darmstadt, laquelle légua le gène à son fils, le tsérévitch Alexis. Précisons également que, alors qu'il aurait pu aider le tsar, son cousin, et toute sa famille, à échapper aux bolcheviks en les accueillant en Angleterre, le roi George V, par crainte, dit-on, de voir la révolution rouge envahir ses îles à leur suite, préféra ne pas bouger.

Frédéric Mitterrand fait de tous ces événements un récit poignant mais qui ne bascule jamais dans le mélo. Comme il est de ces passionnés d'Histoire qui entendent bien faire partager leur goût, il s'exprime dans un style certes raffiné et carrément littéraire mais que ne dépare jamais l'utilisation d'un jargon spécialisé et encore moins cette sécheresse de ton propre à trop d'ouvrages du même genre.

A lire. Sans aucun doute. Et en savourant son plaisir. ;o)
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Très déçue par cet essai. Une écriture négligente et répétitive.
Autre reproche : la pipolisation. Lire les portraits de ces têtes couronnées, c'est comme parcourir les pages d'un hebdomadaire people. Autrement dit, l'auteur s'attarde sur les liens de parenté, les rivalités entre les branches de la grande famille, sur les mariages réussis ou ratés et sur les problèmes psychologiques. En revanche, les évènements historiques restent insuffisamment éclairés ; absence de mise en perspective. Même l'arbre généalogique tout au début est incomplet.
Mes repères sont les biographies historiques de Simone Bertière, des véritables synthèses de l'histoire individuelle et L Histoire avec un grand H. le présent texte se place très très loin.
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Comment des personnages plats coincés dans nos livres scolaires acquièrent du relief.
Magnifiquement racontés par François Mitterrand, ils me semblent plus proches et tellement différents de l'image (justement plate) que j'en avais.
Découvrir une Reine Victoria faisant la leçon à ses petits-enfants, qui sont quand même des adultes importants, et, par ailleurs être sensible aux inclinaisons du coeur de certaines petites-filles me la font découvrir en "bonne mammy".
Le pire, je me suis surprise à moins détester Guillaume II et à avoir envie de secouer Nicolas II. Preuve, s'il en faut, que je que je me suis attachée à eux comme à des personnages de roman.
M'étant parfois ennuyée aux cours d'Histoire, j'aurais envie de conseiller cet ouvrage à d'autres "mauvais élèves".

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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
[...] ... En 1905, la misère urbaine s'aggrave quand la révolution économique en cours entasse un nombre croissant de moujiks déracinés dans les faubourgs. Et puis les terroristes n'ont pas desserré leur étreinte. Bon an, mal an, ils continuent à porter des coups terribles à l'administration impériale. C'est une guerre très étrange qu'ils mènent depuis l'assassinat d'Alexandre II, "le tsar libérateur", en 1882. Ils sont, pour la plupart, des enfants de l'"intelligentsia", de la bourgeoisie, de la petite noblesse, grandis dans les universités impériales, et connaissant parfaitement le milieu contre lequel ils se révoltent. Ils savent espionner, s'infiltrer à l'intérieur du corps impérial et y placer leurs bombes. Ils pratiquent un code d'honneur tel qu'ils restent sur les lieux, lorsqu'ils ont réussi un attentat, dans l'attente du procès qui leur permettra de clamer pourquoi ils ont tué et pourquoi leurs successeurs tueront à leur tour. Bien que certains d'entre eux soient déjà marxistes, d'autres nihilistes, d'autres encore appartenant à l'obscure nébuleuse des divers rebelles à l'autocratie, leurs actes revêtent une dimension mystique singulière, qui tient à la fois de leur appartenance à la société russe et d'un fanatisme irrationnel qui préfigure celui des terroristes kamikazes d'aujourd'hui. Leur martyrologe suscite des émules aussi fanatisés qu'eux-mêmes. Ainsi, le fameux Plehve, le ministre de l'Intérieur tout puissant de Nicolas, qui organisait des pogroms à chaque période de tension et a poussé à la guerre après l'attaque japonaise, meurt assassiné en 1904 par un révolutionnaire qui lance une bombe sur son fiacre. L'habitude d'utiliser pour les enquêtes des anciens révolutionnaires repentis ou qui affectent seulement de l'être rend la police inefficace et fait peser sur elle un soupçon constant. Ainsi, à l'intérieur de la police même, tout le monde se suspecte : qui sert vraiment le tsar et qui le trahit en ayant l'air de le servir, qui louvoie, marchande et négocie avec les terroristes ? On s'aperçoit que la contamination de la police monte jusqu'aux niveaux les plus élevés. Dans cette atmosphère délétère, c'est la société tout entière qui engendre des personnages ambigus et exaltés. Le moine Gapone par exemple. C'est un moine rebelle de Saint-Pétersbourg, en rupture avec la hiérarchie, qui prône un évangile social, organise des syndicats ouvriers, bénéficie auprès du prolétariat d'une position considérable, et intimide l'aristocratie où sa piété et son sens de la mise en scène ont fait de nombreux émules. Ses fidèles ignorent que Gapone donne aussi des informations à la police et trahit les militants du monde ouvrier qui pourraient être des rivaux pour lui. C'est à la fois un prêtre remarquable de dévouement, un stratège politique ambigu, un trouble ambitieux : le modèle même des dangereux agitateurs qui enracinent leur arrivisme dans la misère de Saint-Pétersbourg où les usines augmentent les cadences pour servir la guerre [contre les Japonais].

Ainsi, le 9 janvier [1905], Gapone entraîne une foule considérable d'ouvriers à travers la capitale pour remettre une supplique au tsar. La ville est en grève depuis plusieurs jours, tout est arrêté. C'est un dimanche, jour de célébration religieuse, et Gapone mêle, comme à son habitude, incantations mystiques et rhétorique politique. Nicolas n'est pas à Saint-Pétersbourg, mais comme le plus souvent, à Tsarkoïe Selo. Il est à peine au courant du climat qui règne dans la ville et on ne lui en donne que des indications lénifiantes. Oui, il y a de l'agitation à Saint-Pétersbourg ; oui, il est prévu que les ouvriers fassent une manifestation, mais rien de bien redoutable. Et Nicolas demande que l'ordre soit respecté, sans mesurer l'impact de cette instruction, ni ce qui pourrait en résulter. ... [...]
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[...] ... Plusieurs enfants sont nés. Le premier est celui qui deviendra l'empereur Guillaume. Cet héritier est à la fois un atout, un argument pour la conquête du pouvoir [par ses parents, tenus en laisse par Bismarck] et se révèlera très vite un danger, une rivalité, une menace. Or, dans ce contexte, survient le drame même de Guillaume II. Malgré la demande de Vicky, qui voulait suivre l'exemple des accouchements au chloroforme de sa mère [la reine Victoria], l'accouchement est confié à des médecins prussiens. Pour des raisons psychologiques car elle n'est pas prête à se mettre entre les mains de médecins en qui elle n'a pas confiance, ou naturelles car elle est de complexion fragile, l'accouchement est catastrophique, un véritable cauchemar. Confrontés à la question qui a agité des générations et des générations de familles bien-pensantes :"Faut-il sauver l'enfant ? Faut-il sauver la mère ?", les médecins choisissent finalement la mère et négligent l'enfant. Ils le font naître en le disloquant littéralement, avant de le remettre, en le regardant à peine, à des nounous sans beaucoup d'imagination, alors qu'il est difforme, mutilé par les fers, avec le bras gauche à moitié arraché. Il faudra plusieurs jours avant que l'on se rende compte que ce bras demeure inerte. Il va ensuite plus ou moins se ressouder au prix de traitements à l'électricité qui tortureront l'enfant mais il restera atrophié, incapable de se mouvoir librement et avec une main qui peut à peine esquisser un mouvement. Cette blessure a des conséquences psychologiques immenses. D'abord sur la princesse Vicky, qui n'admet pas avoir donné naissance à un enfant infirme et qui vivra le handicap de son fils avec un mélange d'exaspération, de remords pour sa propre attitude et d'extrême répugnance. Elle surmonte mal le sentiment de dégoût que suscite cet enfant avec son vilain petit bras malade qu'il est obligé de porter avec l'autre bras qui deviendra, lui, d'une puissance phénoménale. Il n'est pas impossible qu'elle voie dans le bras meurtri de son fils comme un reflet de sa propre situation. Elle devait être l'impératrice d'Allemagne, la plus brillante, la plus remarquable, compte tenu de ses dons indéniables et de la haute estime qu'elle a d'elle-même et elle se retrouve princesse marginalisée, espionnée par le chancelier, sans aucune influence sur le cours des choses et donnant naissance à un infirme. En somme, elle est atrophiée, comme Guillaume. De ce fait, il lui est insupportable, et d'autant plus qu'elle se reproche évidemment sa propre attitude.

L'enfant hérite des qualités de sa mère, de son intelligence, de son ouverture d'esprit, de son appétit de savoir et de son ambition. Il est de surcroît animé d'un énorme amour à son égard. Guillaume, le Kaiser, aura adoré sa mère. Il l'aura d'autant plus aimée qu'elle le rejette et le repousse. Ainsi affronte-t-il son handicap et le drame qu'il fait peser sur ses relations avec sa mère comme une épreuve surhumaine dont il lui faut absolument triompher. Et il retire de ce combat une volonté et une énergie exceptionnelles. ... [...]
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