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Commissaire Maigret - Romans et ... tome 75 sur 103
EAN : 9782253142386
190 pages
Le Livre de Poche (15/10/2002)
3.81/5   140 notes
Résumé :
L'un après l'autre, les morceaux d'un cadavre, découverts par des mariniers, sortent des eaux du canal SaintMartin, au-dessus de l'écluse des Récollets.
Seule la tête demeure introuvable. C'est dans un bistro voisin, sur le quai de Valmy, que Maigret va entreprendre de humer les mystères du quartier. Le patron du café, Omer Callas, est absent : au dire de sa femme Aline, il s'approvisionne en vins dans la région de Poitiers. Le policier a tôt fait de repérer ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Ah, la lecture d'un bon vieux "Maigret" de 1955 (un p'tit dernier pour la route, composé en dix jours sur le sol-refuge de l'Amérique d'après-Guerre) vaudra toujours mieux que s'addicter aux énièmes jérémiades d'un auteur à "Je-Je-Je-Je-Je" (Certains ont fait carrière là-dedans, c'est bien humain - et surtout parisien !).

Justement, ce bon Jules M. s'intéresse à "D'autres vies que la sienne" puisque c'est là son strict métier. Il fait connaissance par pur hasard avec Aline Calas - qui n'a que peu de rapport avec la petite "Aline" de C.F. RAMUZ [1905] en dehors de son regard perdu et sa triste existence.

La magie Simenon, c'est quoi ? Unité de lieu, unité de temps : pas plus de quelques jours et nuits à passer dans un petit Théâtre grisâtre que parcourt le Commissaire, reconnaissant son territoire entre les murs sombres de deux bistrots situés près du Canal Saint-Martin (à Paris). L'un de ces lieux évocateurs, au charme tout "provincial", est justement celui que tenaient Aline et son mari "disparu" (et l'on supposera dès le début, qu'il s'agit du "corps sans tête" - dépecé puis dragué par la péniche des frères Naud lors de leur passage par l'Ecluse des Récollets).

C'est un excellent récit, où le dénouement s'avance sans effort particulier de son placide héros (on s'amusera de la saoûlographie-express du digne Commissaire s'attardant au chapitre 9 en la compagnie dangereuse du notaire de Saint-André, réveillant pour lui seul la vieille histoire de la dynastie Dupré devenue Duspré d'Espissac (s'ennoblissant pour s'emparer du Domaine de Boissancourt) ; par voie de conséquence, Aline Calas et son amant Dieudonné Pape ne semblent rien d'autre - en cette sombre histoire - que les jouets d'un Destin évidemment implacable...

Ah, cette Lune indicible qu'est l'Oeuvre géniale du grand artisan/artiste liégeois...
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Ah, la lecture d'un bon vieux "Maigret" de 1955 (Allez, un p'tit dernier pour la route, composé en dix jours sur le sol-refuge de l'Amérique d'après-Guerre... ) vaudra toujours mieux que s'addicter aux énièmes jérémiades d'un auteur à "Je-Je-Je-Je-Je" (Certains ont fait carrière là-dedans, c'est bien humain - et surtout parisien !).

Justement, ce bon Jules M. s'intéresse à "D'autres vies que la sienne" puisque c'est là son strict métier. Il fait connaissance par pur hasard avec Aline Calas - qui n'a que peu de rapport avec la petite "Aline" de C.F. RAMUZ [1905] en dehors de son regard perdu et sa triste existence.

La magie Simenon, c'est quoi ? Unité de lieu, unité de temps : pas plus de quelques jours et nuits à passer dans un petit Théâtre grisâtre que parcourt le Commissaire, reconnaissant son territoire entre les murs sombres de deux bistrots situés près du Canal Saint-Martin (à Paris). L'un de ces lieux évocateurs, au charme tout "provincial", est justement celui que tenaient Aline et son mari "disparu" (et l'on supposera dès le début, qu'il s'agit du "corps sans tête" - dépecé puis dragué par la péniche des frères Naud lors de leur passage par l'Ecluse des Récollets).

C'est un excellent récit, où le dénouement s'avance sans effort particulier de son placide héros (on s'amusera de la saoûlographie-express du digne Commissaire s'attardant au chapitre 9 en la compagnie dangereuse du notaire de Saint-André, réveillant pour lui seul la vieille histoire de la dynastie Dupré devenue Duspré d'Espissac (s'ennoblissant pour s'emparer du Domaine de Boissancourt) ; par voie de conséquence, Aline Calas et son amant Dieudonné Pape ne semblent rien d'autre - en cette sombre histoire - que les jouets d'un Destin évidemment implacable...

Pour la "forme" : s'étonner tout de même que ce petit roman de 1955 (paru aux Presses de la Cité, si "populaires") soit réédité en 2020 avec une mise en page comprenant des interlignes aussi larges...

De même imprimer 75 à 80 fois de suite la préface " Maigret, mon père et moi" de John SIMENON en début de chaque volume de la "Collection" paraît singulièrement absurde et feignasse... Il eut été beaucoup plus judicieux pour le Grand Responsable de cette nouvelle collection du Journal "Le Monde" (paresseusement intitulée "LE MONDE DE MAIGRET") de réunir 3 romans par volume au lieu d'en faire un futur empilement de 80 tomes d'une "Collection Prestigieuse" dont l'ensemble reviendrait (à un lecteur ne choisissant pas la formule de l'abonnement) à... 1 x 3,99€ (prix d'achat du livre n° 1) + 1 x 5,99 € (pour le livre n° 2) + 78 x 8,99 € (pour les livres n° 3 à 80), soit la "modeste" somme de 801,20 €.

Les versions en Livre de Poche (aux "anciennes" couvertures comprenant une photographie paysagère de teinte sepia - et non la plus récente, "branchouille", aux couvertures d'une laideur à faire frémir... ) étaient à 5,00 € pièce (Total du coût des 80 volumes à 5 € = 400 €)...

Bref, il faudrait être sacrément "blaireau" pour acquérir la collection complète du "Monde" qui prendrait une place démesurée dans notre Bibliothèque (grosse épaisseur de chaque "tome") et nous reviendrait deux fois plus cher que la collection ordinaire du "Livre de Poche" (ou de vos vieux "Librairie Arthème Fayard" et "Presses de la Cité")...

Donc, si vous être fan de l'Oeuvre prolifique de Simenon, et des Enquêtes de Maigret en particulier, faites votre choix, M'ssieurs-Dames...

Je rigole un peu car sur ce coup-ci, les services éditoriaux de la firme "Le Monde" & Co. me paraissent avoir été assez cornichons... Ah là-là, ce mirage increvable de l'Appât du gain et de la Prétention chez le Capitaliste : mauvais calcul, parfois...

Et sans vouloir médire du dossier en fin d'ouvrage (intéressante analyse de Murielle Wenger, mais au contenu volontiers énumératif et un rien anecdotique...) ni du dessin assez passe-partout et redondant de l'artiste Loustal (Ah, on n' s'y foule pas la rate, tout d' même ! mais-bon, les couleurs sont belles... ), ladite auto-proclamée "Collection Prestigieuse" ne nous semble absolument pas adaptée pour populariser (ailleurs que chez "ceux qui ont la Tune") cette Lune indicible qu'est l'Oeuvre géniale du grand artisan/artiste liégeois...
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Maigret est appelé à la suite de la découverte par des mariniers de restes humains dans le canal St Martin. En cherchant un café d'où il pourra téléphoner d'une cabine, il va sans le savoir aller à la rencontre des protagonistes de l'affaire…

Ce roman, écrit aux Etats-Unis en 1955, aborde une fois encore l'aspect humain d'une affaire policière, par ailleurs assez sordide (la découverte du corps d'un homme coupé en morceaux).

Maigret ne juge pas, il cherche à comprendre le pourquoi d'un tel crime. Dans son enquête il est confronté au juge Coméliau, un homme sévère avec un code pénal à la place du coeur.

L'antagonisme entre les deux hommes est flagrant, et bien représentatif de ce qu'est l'âme du commissaire, un policier humaniste, touché par la détresse de ses semblables (et de leur compagnon félin), quand le juge n'a de cesse de boucler l'affaire et d'accabler les coupables.

Ce troisième volume de la série "Le Monde de Maigret" se conclût par un petit dossier documentaire signé Muriel Wenger, qui aide à comprendre l'oeuvre de Simenon.
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Cela faisait longtemps que nous n'avions longé la Seine avec le commissaire Maigret. Avec ce nouveau roman, on va y passer un bon bout de temps, non cette fois dans l'univers des péniches mais sur la terre ferme et dans un bistrot très particulier, dont je ne crois vraiment pas me rappeler qu'il porte un autre nom que celui de "Chez Calas." Dès le départ - ou presque - le lecteur devine qu'il va assister à un rapport de force entre deux personnalités aussi dissemblables l'une que l'autre en apparence mais qui, pourtant, bénéficient toutes deux d'une même prodigieuse capacité d'entêtement même si, pour atteindre à ce résultat, toutes deux aient emprunté des voies opposées.

Mais avant, honneur au cadavre, que les frères Naud, en train de remonter la Seine sur leur péniche "Les Deux Frères", vont, bien malgré eux, ramener à la surface. Enfin, quand j'écris cadavre ... Au début, il ne s'agit que d'un bras. Un bras d'homme en plus, ce qui étonne tout le monde car, pour des raisons précisées sans fard par l'auteur, ce sont en général les femmes, surtout celles qui travaillent dans la rue, qu'on découvre ainsi débitées en morceaux, au fond du canal Saint-Martin. Mais là, c'est sûr, vu les poils sur les phalanges du bras, c'est bien d'un homme qu'il s'agit. On appelle donc Victor, le scaphandrier assermenté et on lui fait rechercher les morceaux manquants. Tout finit par réapparaître, à l'exception de la tête, ce qui, par contre, n'étonne absolument personne car c'est ce qui coule le plus facilement et ce qui reste, dit-on, le plus profondément enterré dans la vase. Sans compter les assassins qui, doués d'un peu d'imagination, qui vont se débarrasser ailleurs de cet ultime trace de leur forfait ...

Nous le savons tous : le Hasard, ou ce que l'on dénomme tel, tient toujours une place importante dans nos vies. Pour le commissaire et ses enquêtes, c'est la même chose. Ainsi, comme le téléphone placé "Chez Popaul", le bar le plus proche du quai, se situe en plein dans la salle et permet à tout le monde d'entendre la moindre de vos paroles, Maigret s'en va à la recherche d'un autre, plus pratique parce que isolé dans une cabine. Or, cet appareil, il se fait qu'il le déniche "Chez Calas", un bar dans lequel il faut descendre deux marches avant de pouvoir commander quelque chose, un bar sombre, glauque mais déserté par la pègre, un petit bar d'habitués "où l'on peut apporter son manger", tenu par un certain Calas, pour l'instant en déplacement parce qu'il lui faut refaire ses provisions d'un délicieux petit vin blanc de pays qui fait miracle parmi ses clients, et par son épouse, Aline, la quarantaine, maigre mais racée, silencieuse si ce n'est quasi mutique et qui, de surcroît, semble indifférente à tout sauf au flacon de cognac dont elle va régulièrement prendre des gorgées dans sa cuisine. Tout de suite, cette femme, qui sort de l'ordinaire autant par son allure que par son comportement, attire et retient l'attention de Maigret. Et elle la retiendra jusqu'à la fin du récit ...

Si la salle du bar "Chez Calas" cultive les ténèbres et la somnolence, avec, tous les après-midis, le cliquetis sec des dominos sur la table de deux vieux habitués, c'est parce qu'elle recèle toute une histoire qui vient d'un passé bien lointain mais hautement explicite, dont Maigret entreprend, d'abord par curiosité, ensuite par nécessité, de remonter la piste. Je ne puis évidemment pas vous dévoiler l'intégralité du drame sur lequel il tombe mais sachez qu'il est bien noir, comme les aimait Simenon, et que, comme d'habitude, les actions du passé, que l'on a cru si longtemps sans conséquences, influent ici sur le présent - et sur l'enquête.

Plus qu'à la découverte du ou des coupables, c'est une fois de plus aux personnalités en présence que le lecteur s'attache : Maigret et Aline Calas s'affrontant en une lente danse qui a quelque chose d'une cérémonie rituelle, voire d'un exorcisme, c'est un spectacle qu'on n'oublie pas de sitôt. D'ailleurs, le mot "s'affronter" est-il adéquat ? Nulle haine entre eux, bien au contraire. Chacun est à sa place, la place qu'il s'est choisie et, comme dans une pièce de théâtre, chacun dit sa réplique en sachant parfaitement que, de toutes façons, ils devaient tous deux en arriver là un jour où l'autre. le Destin - ou le Hasard, comme vous préférez. Ni Maigret, ni Aline Calas n'ont de préférence précise : ils savent que la chose existe, c'est tout et, chacun à sa manière, l'un non sans regrets et l'autre avec cette passivité impressionnante de ceux qui se haïssent eux-mêmes au point de se suicider à petit feu, ils se soumettent.

Peut-être tout cela eût-il été légèrement différent si le juge d'instruction chargé de l'affaire n'eût pas été le grand ennemi de Maigret, le mondain juge Coméliau. Peut-être ...

Mais avec les "peut-être", on ferait comme avec les "mais" et les "si" : on mettrait Paris (et tous les cadavres que draine la Seine) en bouteille. Alors, contentons-nous de nous absorber dans "Maigret & le Corps Sans Tête" et de le savourer sans trop nous poser de questions tout en en déplorant la déprimante cruauté, celle qui marque certaines existences sans qu'on sache très bien pourquoi elle le fait avec la rage tranquille du fer rouge du bourreau. ;o)
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C'est un peu le hasard qui conduit Maigret dans ce bistro du quai de Valmy, près du canal Saint-Martin. Une relation particulière se noue entre le commissaire et la tenancière du bar, « la femme Calas », une femme étrange, comme absente à elle-même et à ce qui l'entoure, qui boit en cachette, collectionne les amants et dont le mari est censé être en voyage dans le Poitou pour commander son vin blanc. A force de réponses monosyllabiques aux questions du policier, celui-ci finit par faire le lien avec le corps sans tête : c'est bien Omer Calas. Poussé par un juge tatillon, Maigret va s'employer à trouver le coupable et le mobile, à son rythme., au rythme d'Aline Calas.

Aaaah c'était au temps où l'on pouvait fumer n'importe où sans se gêner, même à l'hôpital, où les policiers en service se rinçaient régulièrement le gosier à coup de vin blanc sans devoir souffler dans le ballon en rentrant au quai des Orfèvres, un temps où le quartier du canal Saint-Martin était encore très populaire, mêlant des Parisiens pur jus et des gens venus de la campagne chercher une vie meilleure dans la capitale : on les reconnaît à leur teint encore coloré, pas encore pâli par le mode de vie parisien. Ce sont tous ces détails pittoresques qui m'ont amusée dans ce court roman, l'évocation d'un Paris disparu,. J'ai bien sûr apprécié le flair, la psychologie tranquille de Maigret :

« Ce n'était pas de l'inquiétude que ressentait le commissaire, mais un intérêt comme il n'avait pas eu depuis longtemps l'occasion d'en porter à un être humain.

Lorsqu'il était jeune et qu'il rêvait de l'avenir, n'avait-il pas imaginé une profession idéale qui, malheureusement, n'existe pas dans la vie réelle? Il ne l'avait dit à personne, n'avait jamais prononcé les deux mots à voix haute, fût-ce pour lui-même : il aurait voulu être un « raccommodeur de destinées ».

Curieusement, d'ailleurs, dans sa carrière de policier, il lui était arrivé assez souvent de remettre à leur vraie place des gens que les hasards de la vie avaient aiguillés dans une mauvaise direction. Plus curieusement, au cours des dernières années, une profession était née, qui ressemblait quelque peu à celle qu'il avait imaginée: le psychanalyste, qui s'efforce de révéler à un homme sa vraie personnalité. » (p. 52-53)

Dans ce bistro hors du temps, j'ai observé avec attention l'évolution de cette « rencontre » entre le commissaire et Aline Calas :

« Elle était là, devant lui, en chair et en os, maigre et fanée dans sa robe foncée qui lui pendait sur le corps comme un vieux rideau pend à une fenêtre ; elle était bien réelle, avec, dans ses prunelles sombres, le reflet d'une vie intérieure intense ; et pourtant il y avait en elle quelque chose d'immatériel, d'insaisissable.

Savait-elle qu'elle produisait cette impression-là ? On aurait pu le croire à la façon calme, peut-être ironique, dont, de son côté, elle regardait le commissaire.

De là venait le malaise ressenti tout à l'heure par Lapointe. Il s'agissait moins d'une enquête de la police pour découvrir un coupable que d'une affaire personnelle entre Maigret et cette femme. » (p. 107-108)

Malgré la noirceur des âmes, j'ai passé un bon moment de lecture, une récréation en compagnie du commissaire Maigret, inventé (dans une nouvelle) il y a 90 ans par Georges Simenon. J'en lirai d'autres à l'occasion, peut-être dans la belle collection rééditée par Omnibus en dix tomes, avec des couvertures superbement illustrées par Loustal.
Lien : https://desmotsetdesnotes.wo..
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Elle était là, devant lui, en chair et en os, maigre et fanée dans sa robe foncée qui lui pendait sur le corps comme un vieux rideau pend à une fenêtre ; elle était bien réelle, avec, dans ses prunelles sombres, le reflet d’une vie intérieure intense ; et pourtant il y avait en elle quelque chose d’immatériel, d’insaisissable.

Savait-elle qu’elle produisait cette impression-là ? On aurait pu le croire à la façon calme, peut-être ironique, dont, de son côté, elle regardait le commissaire.

De là venait le malaise ressenti tout à l’heure par Lapointe. Il s’agissait moins d’une enquête de la police pour découvrir un coupable que d’une affaire personnelle entre Maigret et cette femme. (p. 107-108)
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[...] ... Le plafond était bas, enfumé, la pièce plongée dans une demi-obscurité que seuls quelques rayons de soleil traversaient comme les vitraux d'une église. Mal écrits sur un carton appliqué au mur, on lisait les mots :

Casse-croûte à toute heure

Et, sur une autre pancarte :

On peut apporter son manger

A cette heure-ci, cela ne semblait tenter personne et Maigret et Lapointe devaient être les premiers clients de la journée. Une cabine téléphonique se trouvait dans un coin. Maigret attendait, pour s'y rendre, que la patronne paraisse.

Quand on la vit, elle finissait de planter des épingles dans ses cheveux d'un brun sombre, presque noir. Elle était maigre, sans âge, quarante ans ou quarante-cinq peut-être, et elle s'avançait avec un visage maussade, traînant ses pantoufles sur les carreaux.

- "Qu'est-ce que vous voulez ?"

Maigret regarda Lapointe.

- "Le vin blanc est bon ?"

Elle haussa les épaules.

- "Deux vins blancs. Vous avez un jeton de téléphone ?" ... [...]
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[...] ... Depoil, le brigadier du troisième quartier, tout au bout du quai de Jemmapes, achevait son service de nuit quand la longue silhouette de l'aîné des Naud parut dans l'encadrement de la porte.

- "Je suis au-dessus de l'écluse des Récollets avec le bateau Les Deux Frères. L'hélice a calé quand on a mis en route et nous avons dégagé un bras d'homme."

Depoil, qui appartenait depuis quinze ans au Xème arrondissement, eut la réaction que tous les policiers mis au courant de l'affaire allaient avoir.

- "D'homme ?" répéta-t-il, incrédule.

- "D'homme, oui. La main est couverte de poils bruns et ..."

Périodiquement, on retirait un cadavre du canal Saint-Martin, presque toujours à cause du mouvement d'une hélice de bateau. Le plus souvent, le cadavre était entier, et alors il arrivait que ce fût un homme, un vieux clochard par exemple, qui, ayant bu un coup de trop, avait glissé dans le canal, ou un mauvais garçon qui s'était fait refroidir d'un coup de couteau par une bande rivale.

Les corps coupés en morceaux n'étaient pas rares, deux ou trois par an en moyenne, mais invariablement, aussi loin que la mémoire du brigadier Depoil pouvait remonter, il s'agissait de femmes. On savait tout de suite où chercher. Neuf fois sur dix, sinon davantage, c'était une prostituée de bas étage, une de celles qu'on voit rôder la nuit autour des terrains vagues.

- "Crime de sadique," concluait le rapport.

La police connaissait la faune du quartier, possédait des listes à jour des mauvais sujets et individus douteux. Quelques jours suffisaient généralement à l'arrestation de l'auteur d'un délit quelconque, qu'il s'agît d'un vol à l'étalage ou d'une attaque à main armée. Or, il était rare qu'on mette la main sur un de ces meurtriers-là.

- "Vous l'avez apporté ?" questionnait Depoil.

- "Le bras ?

- Où l'avez-vous laissé ?

- Sur le quai. Est-ce que nous pouvons repartir ? Il faut que nous descendions au quai de l'Arsenal, où on nous attend pour décharger." ... [...]
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Ce n'était pas de l'inquiétude que ressentait le commissaire, mais un intérêt comme il n'avait pas eu depuis longtemps l'occasion d'en porter à un être humain.

Lorsqu'il était jeune et qu'il rêvait de l'avenir, n'avait-il pas imaginé une profession idéale qui, malheureusement, n'existe pas dans la vie réelle? Il ne l'avait dit à personne, n'avait jamais prononcé les deux mots à voix haute, fût-ce pour lui-même : il aurait voulu être un « raccommodeur de destinées ».

Curieusement, d'ailleurs, dans sa carrière de policier, il lui était arrivé assez souvent de remettre à leur vraie place des gens que les hasards de la vie avaient aiguillés dans une mauvaise direction. Plus curieusement, au cours des dernières années, une profession était née, qui ressemblait quelque peu à celle qu'il avait imaginée: le psychanalyste, qui s'efforce de révéler à un homme sa vraie personnalité.
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Aimer Simenon, c'est goûter dans une lecture la saveur même de la vie.

Bernard de Fallois, "Simenon", cité dans la préface.
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Quel grand écrivain est l'auteur de près de 200 romans, l'inventeur de 8 000 personnages, et surtout, par quel livre pénétrer dans ce palais colossal ?
« La neige était sale », de Georges Simenon, c'est à lire au Livre de poche.
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