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EAN : 9782707153265
308 pages
La Découverte (18/09/2007)
4.28/5   41 notes
Résumé :
On a pu espérer, un temps, que les monstruosités de la Seconde Guerre mondiale étaient derrière nous. Définitivement. Or partout, à nouveau, on massacre, on torture, on extermine. Comment comprendre cette facilité des hommes à entrer dans le mal ? Michel Terestchenko rouvre ici le débat, en complétant notamment la démonstration de Hannah Arendt. Héros ou salaud ? C'est toujours une décision initiale, à peine perceptible, qui décide du côté dans lequel, une fois enga... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Lu, et relu plusieurs fois, à la suite du Journal d'Etty Hillesum, car je savais qu'il en parlait .
Si, depuis la brillante étude d'Hannah Arendt et tout ce qui a suivi comme réflexion , on en sait plus sur la banalité du mal, sur ces hommes tout à fait ordinaires et absolument pas , pour la plupart, dénués de sens moral ( cf Franz Stangl , commandant du camp de Treblinka, qui a eu l'occasion de s'expliquer, et surtout le livre de Christopher Browning au sujet du massacre de Josefow pour lequel chacun avait la possibilité de refuser sans sanctions -seule une dizaine d'hommes sur 500 qui formaient le bataillon refusa.. sans commentaire..-) qui ont massacré leurs semblables , et continuent où que ce soit,et tous les jours, on ne sait finalement pas grand-chose de ces figures qui sortent elles, finalement hélas rarement, de l'ordinaire , comme cette Etty Hillesum, ou Sophie Scholl et son frère, tous ceux qui ont été nommés les Justes en Israël et bien d'autres donc, mais aussi beaucoup d'autres personnages cités dans cette étude à titre d'exemples.

Raoul Wallenberg ou l'extraordinaire Giorgio Perlasca , homme d'affaire italien qui s'est fait passer pour un diplomate espagnol à Budapest et a permis de sauver des milliers de personnes. Des gens très ordinaires aussi, le plus souvent. Comme dans le village de Haute Loire de Chambon- sur- Lignon, où tout le village d'environ 3000 habitants s'est mobilisé derrière le pasteur André Trocmé et son épouse Magda, et ont sauvé plus de 5000 Juifs.. Mais pour lesquels « l'action altruiste jaillissait du plus profond de leur être comme une obligation à laquelle ils ne pouvaient se soustraire, porteuse sans doute de dangers considérables, mais qui n'avait rien de sacrificiel », et qui, en s'engageant de la sorte,ne renonçaient ni à leur être ni à leurs intérêts profonds : « Ils y répondaient, tout au contraire, dans une parfaite conformité et fidélité à eux-mêmes. »

En fait, la rencontre entre une situation, celle d'un être en détresse qui appelle à l'aide, et une personnalité, un caractère qui s'est construit, constitué de longue date et qui trouve là l'occasion d‘exprimer, de mettre en oeuvre l'être qu'il est avec soudain une énergie , une efficacité, une détermination qui commandent toutes ses facultés.

C'est-ce que M.T appelle la « présence à soi » qui n'exige en rien l'abandon à un autre - Dieu, la loi morale ou autrui.
Et qui s'oppose à la "déprise de soi" qui est au contraire l'un des chemins qui mène le plus sûrement à l'obéissance aveugle et à la servilité.
Dans ses démonstrations il reprendra bien sûr les expériences et travaux bien connus de Milgram et ceux de Zimbardo , l'expérience de la prison de Stanford.
En passant aussi bien sûr par Abou Ghraib..

Une part de cet ouvrage est consacrée à l'évolution des idées sur égoïsme-altruisme, De La Rochefoucauld à Levinas, c'est loin d'être simple, mais c'est passionnant, de bout en bout.


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Cet Essai de Michel Terestchenko (maître de conférence de philosophie à l'université de Reims) est crucial, car il TENTE d'analyser et de comprendre l' »âme humaine », à travers différents ouvrages et exemples de personnages ayant prodigué le Bien, ou accompli le Mal.

L'auteur étudie donc les motivations qui conduisent certains êtres humains à agir pour le Mal absolu, et d'autres, à réagir contre ce Mal par altruisme et/ou héroïsme individuel ou collectif.

Ici, Michel Terestchenko nous convie à descendre dans les abysses insondables de l'horreur.
En effet, l'auteur présente, entre autres, le cas devenu tristement célèbre de Franz Stangl, chef des centres d'extermination Nazis de Sobibor puis de celui de Treblinka situés en Pologne, et par conséquent, responsable de l'extermination d'environ 900 000 Juifs innocents : enfants, femmes, vieillards, hommes…

La première déduction tirée des analyses étudiant ce bourreau, est que contrairement à l'idée communément admise, cet homme (comme tant d'autres tortionnaires) ne semble pas être un : psychopathe, un sadique, un pervers, un dément, un fou ; mais en réalité, il s'agit plutôt d'un « homme ordinaire », dans ce cas : égoïste, faible, lâche dans sa « mission » destructrice et complètement indifférent au sort de ses innombrables victimes.

Michel Terestchenko reprend alors des passages de l'essentiel et désormais classique ouvrage de référence de la journaliste Gitta Sereny interviewant Franz Stangl, dans sa cellule entre avril et juin 1971.
Etrangement Stangl accepta de sortir de sa réserve et des habituels poncifs de tous les autres bourreaux Nazis qui furent condamnés et emprisonnés, pour se livrer profondément à Gitta Sereny.
L'auteur compare et différencie le comportement de Rudolph Höss qui fut le discipliné et OBEISSANT commandant d'Auschwitz à celui de Stangl, qui fut plutôt guidé dans son immonde action meurtrière « à la chaîne », par : sa lâcheté, sa soumission, sa compromission délibérée et sa peur pour lui et pour sa famille.
Voilà comment Michel Terestchenko décrit Stangl, page 72 :

« Au terme de cette lente et pénible reconstitution, le portrait qui se dégage de Stangl n'est pas celui d'un homme docile et monolithique, comme pouvait l'être Rudolph Höss, le commandant d'Auschwitz ; pas davantage celui d'un officier sadique ou d'un doctrinaire soucieux de mettre en application les principes de l'idéologie raciale nazie. La figure ambiguë qui apparaît est celle d'une conscience passive, tenue par la peur, qui se soumit progressivement à un enchaînement de compromis lui ôtant toute possibilité d'échapper à des fonctions qu'il se vit ou se crut contraint d'accepter pour assurer sa propre survie et celle des siens.
Durant son procès, à la différence de la plupart des anciens criminels nazis, Stangl était apparu, aux yeux de Gitta Sereny, comme un être « moins primitif, plus ouvert, sérieux et triste ; le seul homme ayant à son actif des actions aussi terrifiantes qui manifestât un semblant de conscience ». »

Ensuite, l'auteur décortique l'infâme processus de lâcheté développé par les bourreaux, sous prétexte des soi-disant menaces de représailles de la part de leur hiérarchie Nazie, page 73 :

« Il y eut probablement dans l'Allemagne nazie moins de « génies » du mal que de simples « fonctionnaires » du mal – c'est ainsi que, mis en cause pour leur participation à l'extermination des Juifs, de nombreux criminels nazis refusèrent de se considérer eux-mêmes comme responsables, arguant de l'obligation dans laquelle ils avaient été d'obéir aux ordres et clamant en dernier ressort l'innocence de leur conscience. Ainsi parla Eichmann durant son procès. Ainsi également Stangl. Grâce au travail de Gitta Sereny, il est possible d'entrer dans une interrogation complexe de ce « fonctionnariat du mal ». »

Plus loin, l'auteur revient sur la personnalité finalement « ordinaire » de Stangl, page 86 :

« Quels enseignements pouvons-nous tirer de cette confession de Franz Stangl ? A l'évidence, il n'était pas l'homme que nous attendions à rencontrer s'agissant du commandant de Treblinka. Peut-être sommes-nous déconcertés parce que Stangl n'était ni un sadique, ni une personnalité primaire, ni un doctrinaire aveuglé par sa haine des Juifs. Il n'a aucun des traits du psychopathe que l'on prête parfois à Himmler ou à Hitler. Ce n'est pas non plus un fonctionnaire, comme Eichmann qui organisa la logistique du génocide des Juifs depuis ses bureaux sans avoir de contact direct avec ses victimes, même si, comme Eichmann et tant d'autres criminels nazis, Stangl s'est réfugié derrière l'obéissance aux ordres pour justifier sa conduite.
L'image qui se dégage des entretiens avec Gitta Sereny est plutôt celle d'un homme « pris au piège » : pris au piège des circonstances et de sa propre lâcheté, peu à même de prendre conscience des obligations éthiques correspondant à sa situation. Mais cela n'en fait pas un meurtrier, ni un criminel au sens habituel du terme. Sa culpabilité est plus complexe, plus dérangeante. Tenter de l'analyser nous introduit dans un univers qui ne présente pas les bornes étanches et rassurantes du manichéisme. Nous sommes bien plus proches de cette troublante « zone grise » qui estompe les frontières entre le bien et le mal et que décrit Primo Levi dans « les Naufragés et les rescapés ». »
Sa faute n'est pas tant le mal qu'il a commis de ses propres mains que celui, effroyable, qu'en raison de son absence de force d'âme, de lucidité morale et de courage, il a laissé se perpétrer et dont il était tout à la fois le responsable officiel et l'instrument. »

L'auteur complète son explication par l'exemple des bataillons exterminateurs SS (les Einsatzgruppen), qui ont perpétré des fusillades en masses de CENTAINES DE MILLIERS de Juifs et qui n'étaient pourtant pas tous antisémites, mais pour beaucoup : obéissants, soumis aux ordres, endoctrinés idéologiquement ce qui engendrait une vision, chez eux, déshumanisée de leurs victimes, et la volonté de ne pas faire « bande à part » du groupe.
Parmi ces MILLIERS de bourreaux, certains écoeurés par leurs crimes ignobles, essayèrent de trouver des échappatoires pour sortir de cette spirale exterminatrice infernale.

Au final, dramatiquement, quelque soit le mode d' »adhésion » volontaire ou non des tortionnaires à l'idéologie Nazie, le résultat a été le même pour ces MILLIONS de victimes Juives : la MORT systématique et généralisée !

Heureusement, pour contrebalancer cette face « obscure » et montrer la face positive de la nature humaine, Michel Terestchenko nous présente aussi des cas : d'héroïsme, d'altruisme et de détermination Morale humaniste.
Comme l'exemplaire démonstration de courage du pasteur André Trocmé et de tout son village de Chambon-sur-Lignon situé en Haute-Loire, qui ont caché des MILLIERS de Juifs durant la Seconde Guerre Mondiale.

Pour ma part, j'ai ressenti en filigrane de ce fondamental ouvrage de réflexion sur la Nature Humaine, la traumatisante question suivante :
Dans ce terrifiant contexte Totalitaire Nazi, comment me serais-je comporté à leur place ?

Hormis l'adhésion totale d'une partie de ces bourreaux à l'idéologie antisémite et raciste, aurais-je été :
– D'emblée, viscéralement opposé à cette inhumanité, à cette barbarie et donc courageusement en combat contre le régime Totalitaire Nazi, au risque de me retrouver marginalisé par ce « système », voire de risquer d'être moi-même déporté en camp de concentration ou éventuellement d'être fusillé ;
OU ;
– Obéissant, lâche, peureux, faible, voire discipliné et zélé dans l'implication et l'application de cette Terreur de masse ?

Espérons ne jamais devoir être confronté, un jour, à l'obligation Morale de se poser cette terrifiante question…

Confer également d'autres ouvrages aussi passionnants sur le même thème, de :
Gitta Sereny : Au fond des ténèbres, un bourreau parle, Franz Stangl, Commandant de Treblinka ;
Hannah Arendt le système totalitaire : Les origines du totalitarisme ;
– Hannah Arendt Eichmann à Jérusalem ;
– Tzvetan Todorov Face à l'extrême ;
– Tzvetan Todorov Mémoire du mal, Tentation du bien : enquête sur le siècle.
Lien : https://totalitarismes.wordp..
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A propos des origines du totalitarisme, David Rousset déclarait « Les hommes normaux ne savent pas que tout est possible » (L'univers concentrationnaire, 1946, p. 181) et rien ne parait aussi vrai qu'après cette lecture. Car comment expliquer autrement les mécanismes de déshumanisation mis en oeuvre à travers les régimes totalitaires ? Revenant sur les processus de décision qui guident le choix de chaque personne en vertu de son sens moral (mais pas seulement et c'est tout là l'intérêt son argumentaire), Michel Terestchenko, en évoquant « Un si fragile vernis d'humanité », repose la question du « Héros ou Salaud » déjà débattue par Hannah Arendt (cf. Les origines du totalitarisme, 1951 et Eichmann à Jerusalem, 1963). Entre « Banalité du bien » et « Banalité du mal », le professeur de philosophie questionne notre "humanité grise" en introduisant le nouveau paradigme selon lequel nos actes ne seraient pas exclusivement motivés par des intérêts égoïstes mais également conditionnés par notre présence ou notre absence à soi. L'idée n'étant pas de fustiger ni de s'indigner des horreurs commises au nom de telle ou telle idéologie, la démonstration de Michel Terestchenko participe d'une démarche de compréhension dont l'objectif n'est certainement pas de trouver des excuses à l'impensable mais bien d'identifier les raisons qui mènent aux conduites de destructivité pour mieux se prémunir des dangers de l'endoctrinement. Aussi, à la question de savoir ce qu'on aurait fait à la place des uns ou des autres, Michel Terestchenko n'apporte pas de réponses catégoriques : ce qu'il faut retenir de ce brillant et passionnant essai, c'est qu'il appartient à chacun d'agir ou de ne pas agir en fonction de sa présence à soi... Une oeuvre humble mais magistrale qui vaut bien 5 étoiles !

Pour lire la chronique dans son intégralité, rendez-vous sur les Embuscades littéraires d'Alcapone
Lien : http://embuscades-alcapone.b..
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Dans "un si fragile vernis d'humanité" Michel Terestchenko convoque quelques moralistes empoussiérés (La Rochefoucauld, Hutcheson, Sidgwick) et, de façon plus intéressante, des expériences marquantes et entretiens historiques des années soixante-soixante-dix pour tenter d'appréhender de façon contradictoire et, pense-t-il, innovante la problématique de la passivité destructrice et de l'altruisme.

Les acquis culturels qu'un non-spécialiste de ces questions en retira pourront être qualifiés de positifs.

Pour ma part, la montagne accouche d'une souris et l'apport original de l'auteur m'apparaît relativement pelliculaire et surtout souffre d'un manque de fondement "théorique" sérieux. Une compilation ne fait jamais oeuvre créatrice.
Concernant plus précisément l'altruisme, l'essentiel de la "base de faits" qu'exploite effectivement l'auteur se réduit en fait à la réaction de Magda Trocmé recueillant des fugitifs de la seconde guerre mondiale: "Naturellement, entrez, entrez". L'essentiel de son apport à l'explication du comportement de celle-ci tient dans une fumeuse "présence à soi" dont l'auteur finit par postuler qu'elle provient partie d'une éducation, partie d'un caractère, sans que cette notion soit jamais rigoureusement définie ni ancrée à des concepts éprouvés.
Qu'on en juge par les aveux de l'auteur lui-même: "Quelque chose que j'appelle, faute de mieux, la "force d'âme", une "réserve intérieure"...." et quelques lignes après "Ces traits de caractère que j'appelle, faute de mieux, "la présence à soi", par opposition à cette absence à soi.....".
Bref, des mots, enfilés tels des perles de culture sur un mauvais collier, que certains se hâteront de nommer philosophie.
L'auteur lui-même, dont je souligne ici un fond d'honnêteté, s'aperçoit de la pauvreté de sa contribution en remarquant :"On dira peut-être qu'au terme de ces analyses, nous n'avons fait que remplacer un paradigme -celui qui oppose l'égoïsme à l'altruisme- par un autre -l'absence à soi versus la présence à soi....". Oubliez le pédant "paradigme", que reste-il?

Un ouvrage de plus d'un professeur de philosophie...
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Un bon livre sur le problème de l'attitude devant la souffrance humaine : l'auteur s'appuie sur le parcours de personnes comme Frantz Stangl, Romain Gary ou André et Magda Trocmé, sur des expériences de psychologie : Milgram, Samuel et Pearl Oliver, Batson... et sur des auteurs et philosophes : Kant et Arendt notamment.

On découvre avec intérêt comme Michel Terestchenko (re)définit l'obligation altruiste comme un engagement bienveillant de toute la personne. On retient de l'action altruiste qu'elle se soustrait à la léthargie du témoin (même empathique), qu'elle ne répond pas au respect de principes éthiques formels et abstraits (au devoir), mais qu'elle trouve dans son accomplissement une joie, une plénitude vécue comme naturelle, une fidélité à soi plutôt qu'un sacrifice de soi, un engagement de la personne entière : sensibilité et raison, coeur et intelligence.

On apprécie la démonstration menant finalement au dépassement de l'opposition entre égoïsme et altruisme, à travers les notions de "présence à soi" s'opposant à l'absence à soi ou la "Kadavergehorsam" (l'obéissance du cadavre) d'un Adolf Eichmann (Arendt, p.256).
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
La souveraineté du paradigme de l'égoïsme psychologique doit donc être radicalement remis en cause d'une part, au motif qu'il est incapable de rendre compte des conduites humaines de destructivité, d'autre part , parce qu'il produit comme son double inversé une définition de l'altruisme qui conduit à nier qu'existent des motivations proprement altruistes ( qui se ramènent , en dernier ressort, à des intentions secrètement intéressées. Pareille négation , désastreuse et inacceptable au plan éthique...ne peut être surmontée que si l'on échappe à cette manière de concevoir les actions humaines, et l'on ne peut y échapper qu'en reformulant l'altruisme selon des termes qui ne sont pas ceux de l'opposition de l'intérêt et du désintéressement, du pur et de l'impur, de l'égoïsme qui rapporte tout à soi et du don sacrificiel de soi: autrement dit, il nous faut rejeter une perspective qui définit conceptuellement l'altruisme comme le contraire de l'égoïsme.
A ce paradigme, je propose de substituer , à titre d'hypothèse directrice, celui qui oppose l' "absence à soi"à la " présence à soi". Absence à soi d'une individualité défaillante, inconsistante, prête à succomber à toutes les formes de domination, d'asservissement et de passivité, mais non pas nécessairement dénuée de tout sens moral.
Présence à soi, au contraire, d'un être doté d'une puissante ossature intellectuelle, spirituelle, morale, comme on voudra, d'un "équilibre intérieur" - j'emprunte l'expression à Nadejda Mandelstam- qui le rend capable de résister à l'oppression, à l'injustice, aux aliénations de l'idéologie dominante, capable de voir l'inacceptable, de discerner le mal comme tel et d'agir en conséquence. Capable, en somme, de se dresser contre l'ordre établi du monde et de se poser comme une conscience libre et bienveillante.
...

Bien que toute cette thèse soit formulée de façon très générale, elle est malgré tout en accord, pour l'essentiel, avec ce que les psychologues épris d'humanisme nous enseignent ( je songe en particulier aux travaux de Carl R. Rogers et d'Erich Fromm). L'acceptation de soi, une certaine manière d'être présent à soi, d'être accordé à soi, d'être pleinement ce que l'on est-soi même et non ce que les autres attendent ou exigent de vous - conduit à une attitude ouverte, libre, confiante et amicale envers le monde extérieur, dont résulte la capacité à accueillir la détresse des autres et à agir en conséquence sans être aliéné ni détruit par elle.

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" La propension humaine à obéir passivement, à infliger en certaines circonstances des souffrances à d'autres hommes, n'est pas un trait spécifique de certains peuples, ni même de certains individus animés de pulsions sadiques. Telle est la conclusion extrêmement troublante à laquelle aboutit Stanley Milgram, à la suite des expériences qu'il a menées à l'Université de Yale, au début des années 60, sur des sujets qui n'étaient ni d'anciens nazis ni des psychopathes, mais des hommes (des femmes) ordinaires appartenant à toutes les couches d'une société démocratique hautement civilisée." (p.120)
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Nos schémas mentaux sont toujours prompts à percevoir dans les crimes d'une singulière barbarie le fait de la bête ou du dément. Il se peut néanmoins que la réalité ne corresponde guère à cette représentation qui a le mérite d'être rassurant à défaut d'être entièrement vraie.
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La destructivité humaine ne présuppose pas l'inexistence du sens moral ; ce qu'elle met en évidence, c'est son inhibition, dans certaines situations sociales spécifiques. p. 66
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« C’est toujours une décision initiale, à peine perceptible, qui décide du côté duquel, une fois engagé, on se retrouvera in fine. » (extrait de la 4ème de couverture).
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