On se laissera sans doute un peu abuser par le titre, car il n'y est guère ici question de la beauté, mais plutôt de séduction.
Dans cet essai, Pierre Sansot nous entretient de la place que l'apparence physique occupe dans nos vies et dans notre société. Il dénonce la tyrannie du souci de plaire ou a minima de celui de ne point déplaire pour tenir une place dans notre société. Il y scrute notamment les différentes façons de se présenter ou de s'afficher, du dragueur au libertin en passant par le séducteur, le dandy, le jouisseur, etc. et le fait avec tout le talent qui est le sien à décortiquer les âmes et les coeurs, si bien que je rebaptiserai volontiers ce livre « du grotesque à l'imperceptible souci de plaire »….
Comme toujours, il fouille pour cela dans les tréfonds de la vie ordinaire « la vraie vie, telle qu'elle va » avec les choix et les risques qu'elle impose, ses sacrifices et ses reniements ; mais il m'a semblé qu'ici il s'enfonçait et s'égarait par trop, de chemin en chemin, sur des sujets certes intéressants à observer, mais éloignés du propos premier ; au point où je me demandais s'il nous servait pas un peu du Gounelle par moment…. Et bingo, voilà que quelques chapitres avant la fin il nous prévient n'avoir pas à nous donner de recettes pour se faire des amis « à la différence de Dale Carnegie qui, dans un livre à succès, vous conseilla pour vous faire des amis ».
Mais ceci dit, c'est un livre intéressant et celles et ceux que le souci de plaire ou celui qu'il détecte chez les autres les rendent chagrins, trouveront sans doute ici quelque ressources d'apaisement.
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« Celui qui n’a vu que des personnes polies et raisonnables ou ne connaît pas l’homme, ou ne le connaît qu’à demi : quelque diversité qui se trouve dans les complexions ou dans les mœurs, le commerce du monde et la politesse donnent les mêmes apparences, font qu’on se ressemble les uns aux autres par des dehors qui plaisent réciproquement, qui semblent communs à tous » (La Bruyère)
De tels usages ont-ils disparu ? L’opinion ne joue-t-elle pas aujourd’hui le rôle autrefois dévolu à la Cour ? Celui qui ne reprend pas à son compte le discours dominant d’une ville en est en quelque sorte exclu. L’homme qui n’adhère pas à la ferveur provoquée par un film ou un roman à la mode est jugé inculte, insensible. Surtout, nous avons un plaisir extrême à concélébrer notre similitude.
Les lunettes de soleil, que le dragueur abandonne rarement, ont pris une autre signification. Autrefois l’élément d’une panoplie, celle du séducteur, le désir de ne pas être vu pour mieux voir, un signe de distinction, une part de mystère (mais qui donc est-il ?), l’invocation du plein soleil, de la nonchalance, … Ces éléments n’ont pas disparu, mais il s’agit aussi d’une autre dimension : se mettre à l’abri de la réalité parce qu’elle n’a pas de sens et qu’il convient de l’effleurer sans se compromettre avec elle. Une telle absence de sens, de chair, ne le porte pas à l’angoisse. Il en a pris acte et il prend même plaisir à flotter en état d’apesanteur dans le rien.
Il serait inconvenant de ne pas se préoccuper de l’opinion, de ne pas la consulter. Ce serait priver l’homme d’un droit fondamental, celui de penser et de s’exprimer. Ce serait ne pas l’associer à l’élaboration d’un projet commun.
Je suis persuadé qu’en beaucoup d’occasions, il n’est pas inutile de regarder ce qu’on fait comme une comédie et d’imaginer que l’on joue un personnage de théâtre. Cette pensée empêche d’avoir rien trop à cœur.
...lorsque la haine est trop vive, elle nous met en dessous de la personne que nous haïssons. Nous ne retrouvons dans le monde que ce que nous y avons mis.
Les "richards" de vents : Pierre Sansot, philosophe, sociologue et écrivain