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Rose-Marie Makino-Fayolle (Traducteur)
EAN : 9782742796311
236 pages
Actes Sud (06/04/2011)
3.47/5   66 notes
Résumé :
Depuis 1995, les livres de Yoko Ogawa sont traduits en français. Des nouvelles, des romans courts ou plus longs ces dernières années, nous ont peu à peu révélé les questionnements de la romancière japonaise et la singularité de son imaginaire, comme autant de transpositions du réel.
Aujourd’hui, telle une pause formelle et dans une langue beaucoup plus immédiate, Manuscrit zéro s’interpose dans l’œuvre de Yoko Ogawa. Alors que la romancière travaille à un nou... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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un jour de septembre (vendredi)
Je descends du taxi, comme dans un rêve, devant l'entrée de ce petit ryokan, perdu et si petit devant ces cryptomérias qui l'entourent, une forêt parée de vert et d'or en cette saison. Je me repose sous le regard complice de la lune. Un clair de lune qui illumine le kimono de cette femme, juste prêt à s'ouvrir pour prendre un bain d'étoiles et de poésie. Les rayons de la nuit recouvre d'un voile sa nudité si blanche, si belle, aussi blanche et parfumée qu'une fleur de jasmin. Je déambule dans les jardins aux alentours, attendant l'appétit ou l'envie de vivre. La pénombre commence à m'envelopper au fur et à mesure que je marche vers la profondeur de la forêt, je ne sais pas si je retrouverai mon chemin, de pierre, de terre, de fraîcheur végétale, je continue d'avancer jusqu'à tomber aux détours d'un bosquet, devant une auberge. Je m'y engouffre, soirée mousse. Au menu, de la mousse. Rien d'autres. Des mousses délicates et délicieuses, elles poussent derrière cet arbre, celles-ci légèrement plus âcres se ramassent à l'ombre des grosses pierres. Même le jus est vert. Qui oserait boire un verre de jus vert dans une nuit dédiée à la mousse. Rassasié je suis, et retrouve la voie de mon futon, guidé par les voix de ces jeunes filles, apprenties geishas.

un jour de mai (mardi)
Je découvre que c'est la journée internationale de la Chouffe. Je chouffe, alors. Chouffes-tu avec moi. Chouffons donc ensemble. Pourquoi pas. Comme ça, une idée saugrenue. Farfelue. Je sais je ne sais pas mettre de la folie dans une vie. Ma folie, c'est ma Chouffe. La Chouffe, c'est ma vie. Je décrète ainsi, le mardi journée mondiale de la Chouffe, même si mon monde s'est restreint à quelques centimètres de poussière.

un jour de février (mardi)
Devant moi, les petites boites. Dis comme ça, ça ressemble au titre d'un roman de Yoko Ogawa. Les Petites Boites. Celles où l'on referme tous ses souvenirs, ses galets, ses peines. Dans mes boites, j'y mets ma vie, un brin de silence, là il me faut la plus grande boite parce que mon silence prend de la place. Dans la suivante, une capsule de Paulaner, une fragrance de jasmin. Une boite allongée, j'y glisse une clarinette. J'y rajoute un air de Coltrane. Plus carrée, j'ajoute un verre de Crozes-Hermitage et un disque de Chet Baker. J'adore associer les vins et les musiques. Pour le Köln Concert de Keith Jarrett par exemple, un Vinsobres. Mais revenons à mes boites, dans la plus petite, j'y glisse un sourire, comme ça je peux l'emporter partout et ainsi l'ouvrir dès que je veux réchauffer mon âme.

un jour d'octobre (dimanche)
Je vois une affiche dans la rue, la grande kermesse de l'école primaire. Je pétille de joie, sautille comme une grenouille, papillonne comme une pucelle. J'adore ces grands rassemblements, je m'y incruste toujours. C'est tout un art, déjà de pénétrer les lieux, ces écoles de plus en plus fermées, surveillées. Maintenant elles mettent même des vigiles à l'entrée, lunettes de soleil, l'air aussi patibulaire qu'un yakuza retraité. Pourtant, je ne me démonte jamais, addict à l'oeuf dans la cuillère, au tir à la corde, à la course dans un sac à patate... le plus compliqué reste le moment du pique-nique où je dois faire semblant que mon fils ou ma fille a préféré manger dans l'autre groupe, dans l'autre partie de la cour. A part ça, je m'éclate. L'art de l'incrust. Il y en a qui s'invite à des séances de dédicace, d'autres à des vernissages d'une galerie, moi ce sont les fêtes d'écoles. Mais, malgré tout, je sais où est ma place, si je sens que je dérange, je m'éclipse discrètement.

Tout aussi discrètement et silencieusement, j'ai fureté au vernissage d'un photographe amateur. Loin de mois l'idée de me gaver de petits fours, une coupe de Vouvray à la main, j'erre entre les dédales des cadres et des invités Les photographies, couleur ou noir et blanc, suivant l'humeur, suivant la luminosité, des tasses de cafés qui fument sur tous les plans, chaque photo porte un numéro, ma préférée : "Bon courage n°1305".

le lendemain (lundi)
Il pleut comme un bison qui pisse. A l'ombre d'un regard.

un jour de décembre (jeudi)
Je me promène dans la rue, sans but, sans envie, sans vie. J'attends juste que le temps passe, s'égraine, les lunes passent, l'eau s'écoule, quand j'entends des cris. Ou des pleurs ? Un brouhaha indescriptible, comme au marché de poisson de Tsujuki à 4h30 du mat. Trente minutes plus tard, il est cinq heures, Tokyo s'éveille. Mes pensées circulent dans ce capharnaüm, aussi vite que le shinkansen mais moins ponctuelles. Toujours est-il que je rentre dans l'enceinte de ce temple. A l'entrée, encore beaucoup plus de monde, c'est le tournoi de sumo des bébés pleureurs. En couche, comme des sumos, le bébé est présenté au prêtre de cérémonie. Il doit pleurer le plus fort possible. Un spectacle "bruyant", la fierté des parents.

un jour d'avril (samedi)
A m'asseoir sur un banc cinq minutes avec toi. Tu es là à mes côtés, un frisson. Une pensée, un fantôme. Je te vois, tu ne me vois pas. Je te parle, tu gardes le silence. Ou l'inverse. Un esprit, yokaï de la passion. Je sors un livre, je suis seul sur mon banc. La Dame de Musashino, un classique. Un cygne vient me voir. Blanc, comme le sommet du Mont Fuji que je regarde par temps clair, par temps de spleen.

un jour d'avril (dimanche)
Le soir, je chopine. j'adore chopiner. Pas toi ? Chopin au masculin, Chopin au féminin. J'aime partager l'intimité de son piano. Je m'enveloppe d'un silence, beau silence pour moi, lourd pour d'autres... Et Bach ?
Je me demande quelle musique s'harmoniserait le mieux avec le Pavillon d'or de Yukio Mishima. Il faut toujours une musique pour accompagner un livre, comme un silence pour accompagner un grand amour.

un jour d'avril (samedi)
Décor : des corps. Encore en corps. Et si je me baladais du côté d'Harajuku.

un jour de mai (mardi)
L'heure du grand pique-nique a sonné ! J'entends les cloches du temple d'à-côté sonner. Elles résonnent dans la bise printanière de cette journée. Il reste encore quelques fleurs de cerisiers que le vent n'a pas encore su égrainer. Je m'allonge au milieu des coquelicots, Elle débouche une bouteille de Beaujolais. Elle me sert un verre, je lui sers un verre. Une fleur de cerisier tombe dans nos verres. Bouquet parfumé que ce vin, senteur inoubliable, la fragrance du jasmin et de l'amour.
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Ce livre ressemble à un journal de bord, il a la forme d'un journal de bord mais ce n'est pas un journal de bord. C'est Manuscrit Zéro. En le refermant, je ne sais toujours pas ce que l'auteure veut signifier : soit le manque d'inspiration, soit l'absence volontaire d'une "histoire".

Il est beaucoup question de nourriture : des plats à base de mousses, des crevettes, un mille-feuilles au tiramisu, des beignets de tempura, des pâtes aux pousses de fougère.
Voici la recette de ce plat japonais :
- un hôtel à flanc de montagne,
- un écrivain célèbre grignotant des graines de tournesol,
- un achat de chaussures,
- une tourneuse de pages de partitions,
- un festival de bonsaïs,
- un bain d'herbes médicinales,
- des poules bantams à perruque,
- un pilleur de cocktail,
- un concours de pleurs de bébés,
- un club de récitation
- etc.

Vous secouez cet inventaire à la Prévert, vous le jetez tel un jeu de Mikado et vous avez le livre de Yoko Ogawa. Chaque enchaînement reprend subtilement un élément du précédent. Déroutants tous ces petits riens qui s'acheminent vers le mot FIN sans qu'il existe.

Prendre le Manuscrit Zéro au premier degré est envisageable mais trop simple. le lire sous la loupe de la psychologie des profondeurs serait plus adéquat.

Première lecture de Yoko Ogawa. A suivre sans bruit sur le tatami.


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Au début, j'aimais beaucoup les romans de Yoko Ogawa. Il se dégageait un charme indéfinissable de ses romans et de ses nouvelles. Souvent, ses récits continuaient de m'accompagner longtemps après avoir refermé le livre. Je pense que la meilleure manière de définir son style serait d'en faire une chroniquese de l'entre-deux. Elle se situe sue la frontière ténue entre le rien et le basculement. Ses histoires se déroulent dans ce territoire trouble qui précède le déséquilibre. S'il y a une forme de lenteur contemplative, il semble toujours qu'un événement est sur le point de se produire. On le pressent, mais de manière très inconsciente.
Réussir de telles histoires demandent une alchimie particulière. Yoko Ogawa la possède indéniablement. Mais, à l'instar d'Amélie Nothomb, ce qui faisait son originalité est devenu une technique. Soit le lecteur adhère sans réserve à ce procédé, soit il finit par se lasser. C'est ce qui m'est arrivé avec Amélie Nothomb. Je suis incapable ne fut-ce que d'ouvrir un de ses roimans depuis des années, tant elle me semble être devenue une caricature tirant indéfiniment à la ligne. de la même manière, j'essaye de temps en temps de relire un roman de Yoko Ogawa et depuis quelques temps, je me eurte à cette impression de redite. Pourtant, je reconnais la qualité de l'écriture et cette capacité à faire surgir quelque chose à partir de ce qui semble n'être que du vent.
Dans Manuscrit Zéro, elle se livre à un exercice dangereux: celui de l'auto-fiction. Elle tient une sorte de journal qui relate sa difficulté à s'atteler à son prochain livre. Elle relate un dîner dans un restaurant spécialisé dans les mousses, une visite d'une exposition de bonzaï, sa mère mourante... Mais il est évident que la fiction l'emporte vite. Les récits glissent dans une ambiance étrange, à la limite du fantastique et non dénue d'humour. Je pense par exemple à son périple dans un festival d'art contemporain qui n'est pas sans évoquer Dino Buzzatti. Dans une atmosphère d'irréalité, nous suivons un double fictionnel de l'autrice qui s'incruste dans des fêtes d'écoles, assiste à une compétition de sumo d'un genre particulier, se rend dans un bain public... Encore une fois, je retrouve son style, je reconnais son talent, mais je trouve cet ensemble de micro-fictions terriblement vain et par moment franchement ennuyeux. Décidément, j'ai de plus en plus de mal avec Yoko Ogawa.
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Au degré zéro de la création se trouvent les questionnements, les errances, les angoisses, les phantasmes de tout écrivain.
Yôko Ogawa nous permet avec ce « Manuscrit Zéro » de pénétrer au plus profond de son être abyssal où nous retrouvons ce qui constitue son cheminement créatif et ses interrogations.
Non seulement la mise en question de sa nature d'écrivain (toutes les évocations des « grandes lignes ») mais aussi celle de ce qui la constitue en tant que femme reliée au monde qui l'entoure.
L'appel de la petite fille qu'elle ne retrouvera jamais et qu'elle recherche en « pillant » le monde de l'enfance (le stade oral est très présent) comme la recherche difficile de l'autre en tant que complément (l'assistant social R) et tout s'écoule entre les doigts...
Une volonté puissante de vivre est présente notamment évoquée dans le « musée contemporain » de plein air où d'autres disparaissent sans se défendre.
Un petit frère enfoui dans un puits par une petite fille de huit ans que l'adulte a perdu à tout jamais : jalousie, perversion de l'enfance, mal être qu'une analyse psychanalytique pourrait éclairer. L'inconscient, à chaque phrase, monte à la surface et offre images et êtres déformés, proches et loin d'une réalité où nous aimons nous accrocher.
Tel est ce livre, se laisser aller, prendre, laisser les doutes effleurer, laisser la plume courir sur le papier, rire aussi : prouver que le zéro est loin d'être un néant, qu'il se passe tant de choses comme ces vies au fond des mers, vies que l'on ignore, comme ces autres que l'on porte en soi (l'interview en début de livre nous le démontre).
« Tout se déroule sans tarder » dit l'auteur et le sommeil salvateur viendra peut-être, libérateur et créateur.
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Il ne s'agit pas d'un journal intime, d'un document sur l'auteur, mais bien d'une lecture fictionnelle d'un quotidien d'écrivain. On n'apprendra pas comment elle est venue à l'écriture, les études qu'elle a suivies, ses amours ou ses morts – quoique ses morts, un peu quand même. Ce quotidien pourrait être le sien, celui d'une femme célibataire à la mère malade, timide et gauche… Bien plutôt, l'auteur ici mise en scène rejoint son personnage fétiche, la femme ni jeune ni vieille, ni belle ni laide, vaguement déconnectée, timide jusqu'à l'aphasie mais toujours de bonne composition. On ne saura pas grand-chose, d'ailleurs, de l'écrivain ni de ses écrits, sinon qu'elle en vit. Pas très bien. Toute entière soumise aux phénomènes, elle ne quitte le récit de ses déambulations que pour plonger dans l'un ou l'autre souvenirs signifiants. Comment elle a persuadé son petit frère qu'il avait en fait été jeté dans le puits à la naissance et qu'il était donc son propre fantôme, comment ce visage de bébé hurlant la poursuit depuis. Comment les plis des coudes de sa grand-mère laissaient apparaître des visages.
Au rang des motifs, on retrouve donc des thèmes récurrents chez l'auteur – les hôpitaux, le classement, l'eau, la mémoire – organisés en un grand archi-thème où chaque motif se répond et trouve dans l'autre sa suite logique. Je suis loin d'avoir lu toutes ses oeuvres, mais je n'ai pas retrouvé en revanche la froideur clinique d'Hôtel Iris ou La Grossesse, pas plus que le désespoir insondable de Cristallisation secrète. C'est dommage, c'est un peu ce que je préfère chez elle. Dans les trois quarts des textes, il ne se passe rien. Mais rien. Tellement rien qu'un se sent bête parce que forcément, on a loupé l'essentiel. le récit du festival de bonzaïs ou de la fête sportive de l'école élémentaire m'ont laissée de marbre – que voilà des thèmes particulièrement peu évocateurs. À côté de cela, il y a de vraies merveilles : le récit du chemin de mousse, la déambulation dans le festival d'art contemporain ou encore un très court texte à propos d'une paire de chaussures – bref et très émouvant parce que totalement inattendu. Ces trois textes donnent un bon exemple de cette littérature du glissement qui semble faire le coeur de Manuscrit zéro. Comment glisser du banal à l'étrange, l'improbable, le merveilleux (l'avant-dernier texte est effectivement écrit comme un conte de fées – sans fée – avec des épreuves, des créatures formidables, un chemin à parcourir, le tout dans le cadre d'une visite guidée. Excellent, excellent texte. Encore une fois : excellent texte).
Manuscrit zéro souffle des pistes d'écriture. L'écrivain comme un voleur, un usurpateur, quelqu'un qui se faufile là où il n'a pas lieu d'être (à l'instar des resquilleurs de cocktails, de fête d'enfants). L'écrivain comme un microscope humain qui observe d'un regard permanent et sans faille jusqu'aux éléments les plus infimes, jusqu'à ce qu'ils s'étalent et s'épanchent avant de devenir totalement autres et littéralement monstrueux. L'écrivain à mi-chemin entre maintenant et avant, plutôt plus doué pour avant que pour maintenant. Demain n'entre pas vraiment en ligne de compte / conte. Créature ultra exigeante et presque rigoriste (voir à ce sujet le texte sur les « grandes lignes » et son rapport à son correcteur, impressionnant), l'écrivain est un peu ridicule aussi. Fait nouveau, que j'ai peu trouvé dans les romans d'Ogawa, cet humour un peu gêné. Elle se peint souvent comme gauche, souris discrète et déplacée, sans répartie. Elle n'a pas le beau rôle, elle pleure devant des images de bébés et envisage d'en voler un, elle tient la chandelle, elle est toute seule, tout le temps. On la sent bien embêtée, parfois, devant la bizarrerie des autres. Clairement, ce n'est pas une héroïne, pas une « force qui va ». Un oeil grand ouvert, plutôt.
L'un dans l'autre, je ne sais pas si ce Manuscrit zéro est une très bonne porte d'entrée pour l'oeuvre d'Ogawa. Je pense qu'il rebuterait un lecteur non acquis à la cause. En raison de cette lenteur, de ces petits riens pas très passionnants si on n'y regarde pas de près. Ce n'est pas vraiment une oeuvre exigeante, cela dit – j'évite en général de commenter le style d'une traduction, mais le phrasé est simple, élégant, mesuré, sans pour autant être impersonnel. Il demande d'être attentif. Ce qui n'est pas toujours facile. Mais il se dégage de ces textes une sorte de force tranquille totalement captivante, un tempo particulier, tout en transitions douces, en instants suspendus, en accords friables entre dedans et dehors, soi, le monde, avant, après. Pas de quoi changer votre vie, mais une somme de minuscules secondes intenses, élevées au rang d'univers. Et qui donnent à penser, toujours essentiel...

Lien : http://luluoffthebridge.blog..
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critiques presse (1)
Telerama
16 juin 2011
Un livre viscéralement personnel sur le métier d'écrivain, écrit à la première personne, très belle personne.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
N'arrivant pas a dormir, je passe ma nuit à copier l'encyclopédie. Poissons pélagiques. Les monstres des quartiers louches. Par Kunio Amaoka. Editions Bookman. Deuxième chapitre, 4 : "Nourriture".

"Les Chiasmodontidae, comme l'indique leur nom anglais : deepsea swallowers, en véritables gloutons des mers abyssales sont capables d'avaler des poissons plus gros qu'eux. Ils n'ont pas de lames branchiales pour filtrer les petites proies. On peut voir à travers les muscles tendus du ventre gonflé, l'estomac qui contient les gros poissons et la nourriture.." (P. 83, fig. 41.)
J'aime le style des encyclopédies. Désintéressé et simple, décrivant une réalité extraordinaire Comme si de rien n'était. Trop grandes et trop lourdes, dans les bibliothèques comme dans les librairies on les retrouve tout en bas des rayonnages, repoussées dans des endroits que l'on ne remarque pas, et cette preuve de modestie leur confère un attrait supplémentaire. Tout en utilisant des petits mots charmants comme glouton, tout à coup elles font apparaître des expressions plus recherchées mais jamais factices telles que "lame branchiale" et c'est merveilleux parce que les phrases sont parfaitement maîtrisées.
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J'ouvre le prix de participation à la course aux objets prêtés d'hier. Il contient un cahier, trois crayons HB Tombow, une gomme. Sur la couverture du cahier est imprimée la photographie d'une araignée Nephila clavata, à l'intérieur un quadrillage 8 x 8 et sur chaque page au coin en haut à gauche un petit espace carré pour le cachet du contrôle. Le papier crème est en harmonie avec les lignes bleu clair. J'ai taillé un crayon (je n'ai pas retrouvé le taille-crayon qui a disparu à mon insu, alors je me suis résignée à le tailler avec un couteau de cuisine) et j'ai essayé d'écrire dessus pour voir : la mine glisse agréablement, et la poudre noire sur laquelle je souffle laisse une trace qui ressort nettement. En plus, la gomme est bien. Elle ne sent pas la fraise, n'a pas une forme bizarre pour plaire aux enfants, c'est une gomme royale. Avec le coin de cette gomme toute neuve j'efface ce que je viens d'écrire et les rognures se forment d'une manière tout à fait orthodoxe. Je suis un moment sous le charme de cette gomme faite pour effacer les fautes et qui produit des rognures aussi correctes.
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Une fois par mois, je me cale sur le jour de la visite de R pour preparer un thé rouge particulier. J'achète seulement vingt grammes des meilleures feuilles dans un magasin spécialisé du shopping mall de la place de la gare. Dans ce magasin, les thés ont des titres originaux tels que Bruit d'aile de la déesse, Larme d'huître perlière ou Trace du parfum de la comète, et sur la boîte métallique du produit le plus luxueux que je demande est collée une étiquette où il est écrit: "Sueur du sommeil de la psyché".
J'attends le moment où l'eau commence à bouillir dans la bouilloire électrique et je verse dans dans la théière un peu de Sueur du sommeil de la psyché en faisant attention à ne pas en renverser. Les feuilles sont parfaitement sèches au point qu'elle ne se différencient pas de la chrysalide déchirée d'une psyché. La bouilloire électrique fonctionne relativement bien compte tenu du fait que je l'ai ramassée là où l'on dépose les objets encombrants, et cela valait le coup de frotter fort pour enlever les moisissures qui tapissaient l'intérieur, car il semble qu'il n'en flotte aucune à la surface de l'eau. Bientôt s'élève un parfum digne du luxe suprême.
Maintenant le parfum que recèle la chrysalide se libère. Feuilles mortes fermentées, petits rameaux desséchés, cadavres de bactéries, salive, température du corps, souffle expiré, tout cela absorbé par la sueur, concentré, élevé jusqu'aux limites, est délivré. Ce parfum qui semble parvenir du plus profond de la terre après si longtemps. Je pense que c'est justement cela l'odeur de R.
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Je passe ma journée à lire Le Pavillon d'or de Yukio Mishima. Je ne fais que lire et relire la scène où Mizoguchi le héros se promène au Nanzenji avec Tsurukawa son jeune cousin.
Ayant grimpé jusqu'au temple, appuyés à la balustrade ils admirent le paysage et remarquent la silhouette d'une jeune femme dans l'ermitage de Tenju qu'ils surplombent. La femme vêtue malgré la guerre d'un kimono de cérémonie à longues manches et de couleur vive, assise dans la pièce de réception au sol recouvert d'un tapis écarlate, est en train de servir un thé léger à un officier de l'armée de terre en uniforme. Ils ne se savent pas observés par les novices. Bientôt la femme découvre sa poitrine et tire sur son sein pour verser du lait dans le bol de thé. L'homme vide le bol.
Tout en se remémorant les gouttes de lait qui tombent dans le thé et remontent à la surface dans un nuage blanc en faisant des bulles, Mizoguchi grisé comme s'il avait devant les yeux un spectacle n'appartenant pas à ce monde, après la disparition du couple n'en finit pas de regarder la pièce au tapis écarlate.
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La personne chargée de rédiger de grandes lignes plonge ses pieds dans le courant, s'accroupit doucement, ramasse les petits cailloux et les glisse dans sa poche. Grâce à quoi les grandes lignes sont pratiquement terminées. Dés lorsque les petits cailloux ont été déposés parmi les deux cents caractères, le vague brouillard qui recouvrait l'endroit se lève d'un coup.
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