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EAN : 9782253077787
144 pages
Le Livre de Poche (12/01/2022)
3.74/5   227 notes
Résumé :
Ce roman d’une passion d’amour contrariée est aussi le roman d’une époque.
Amélie et Vincent se rencontrent, adolescents, à la Sorbonne à la fin des années 80. Dès cette scène de première vue, chacun ressent un coup de foudre sans oser l’avouer à l’autre : aucun des deux ne se sent « à la hauteur », aucun ne fait le premier pas, aucun n’a la maturité de saisir son bonheur…
Ils se donnent rendez-vous, la jeune femme est en retard : à quelques minutes p... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (82) Voir plus Ajouter une critique
3,74

sur 227 notes
Nos rendez-vous.
Enfin... Nos rendez-vous manqués, plutôt...
Ce roman, en fait c'est, mon bonheur est là, dans ses bras, dans sa vie...
dans notre âme, dans nos tripes...
mais... pourquoi choisir cette voie ? Ca serait trop fastoche...
C'est tellement mieux de trimer, de passer à côté de l'euphorie, du plaisir de l'Amour, avec un grand A...
Autant être bien malheureux, vivre loin de son âme soeur...

Quoi de mieux que cette citation pour résumer :
"Ils avaient vingt ans. Ils n'avaient que vingt ans. Et c'était là, en sortant du Café des Capucines lorsque le jour se lève, que leur histoire devait commencer, car ils auraient dû se revoir, prendre un verre, puis un autre, se plaire, et se le dire, puis s'embrasser, sur un quai, en sortant du cinéma ou du restaurant, s'appeler au téléphone pour un rien, et puis un soir ou une nuit, ou peut-être à l'aube lorsque le jour se lève, après mille étreintes et mille baisers, faire l'amour et s'aimer, s'aimer et se le dire, se le dire et se marier, après quelques jours, quelques mois ou quelques années , à la mairie de Bernay ou à Montmartre, en présence de leurs familles respectives et respectueuses, une robe blanche et un bouquet de fleurs, et peut-être un enfant, ou deux, ou trois, suivre leurs premiers regards, leurs premiers mots et leurs premiers pas, faire des photos et des albums-photos, partir en vacances au bord de la mer et construire des châteaux de sable, emmener les petits au parc et les grands à l'école, fêter les anniversaires, les regarder grandir, quitter la maison, et commencer leurs études, s'inscrire un jour à la Sorbonne, là où ils se sont rencontrés, là où ils aimaient encore aller pour se souvenir du temps de leur jeunesse, et cette fois où dans cette file, ce couloir, leurs regards se sont croisés, et leurs destins aussi.
Or, rien, absolument rien, ne se produisit de tout cela."

Le genre d'histoire qui me détruit... parce qu'elle me parle... parce qu'on se trouve toujours de bonnes excuses pour ne pas franchir le pas, pour renoncer au bonheur... Pour se rendre la vie compliquée, alors qu'elle pourrait être si simple...

Eliette Abécassis m'a à nouveau touchée avec ce roman...
Avec son style bien à elle.
J'ai particulièrement aimé son art de l'anaphore.
Appuyer sur certains mots, pour les rendre plus forts.
Exprimer si justement les difficultés de notre existence.
Celles qu'on s'impose souvent...

En grande lectrice de thrillers, j'aurais aimé que l'auteure aille jusqu'au bout de ses références aux attentats qui ont fracassés notre monde... En nous réservant une fin plus tragique, plus irréversible...
Mais il n'y a que moi pour imaginer des very bad ends...

Enfin...
J'ai aimé.
Un roman qui confirme que je me complique bien l'existence...
Alors qu'elle pourrait être si simple.

" Elle lui demanda pourquoi leur amour était impossible et il lui répondit que ce qui était impossible, c'était de savoir à quel point il était possible."

" Dans le fond, on n'est prisonnier que de soi-même."
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La fabuleux destin d'Amélie… et de Vincent

Avec élégance Éliette Abécassis a écrit le roman des rendez-vous manqués, faisant d'Amélie et de Vincent le symbole de toutes ces histoires qui auraient pu être écrites différemment.

Ceux qui suivent Éliette Abécassis se souviendront sans doute qu'en 2014 elle avait publié pour les trente ans du magazine Femme actuelle une nouvelle intitulée «Le rendez-vous», l'histoire d'Agathe et de Frédéric qui se cherchent et se retrouvent trente ans après. Il n'est guère besoin d'aller chercher plus loin l'idée de ce court roman qui retrace cette fois l'histoire d'Amélie et de Vincent (deux personnages qui dans une première version s'appelaient Charlotte et Stéphane).
On les découvre au début de leur parcours universitaire, au moment où ils ont tout l'avenir devant eux. «Elle, issue d'une famille de la région normande, était en Lettres et se destinait à l'enseignement. Brune, les yeux cernés, ouverts sur le monde, comme étonnés d'en découvrir la couleur, le corps chétif, mince, le sourire timide, elle était enfant encore, à peine femme. Elle se demanda s'il allait lui donner son numéro de téléphone, s'il désirait l'appeler, si elle lui plaisait comme il lui plaisait.»
Lui «était poli et bien éduqué, un peu distant mais sympathique. Un zeste de fantaisie, comme une folie douce. On le sentait parfois ailleurs, dilettante, rêveur. Il faisait de la musique, du piano, c'était ce qu'il aimait par-dessus tout.»
Ils font connaissance en marchant dans Paris, comme des touristes. Parlent de leurs aspirations et de leurs craintes pendant des heures, ne voyant pas le temps passer. Constatant finalement qu'ils sont bien ensemble, ils se donnent rendez-vous au café de la Sorbonne. Ils se doutent tous deux que ce jour marquera le début d'une belle histoire.
Frédéric est ponctuel, tandis qu'Agathe n'est pas encore décidée quant au choix de ses vêtements et quand elle arrive enfin, il est parti. Ce rendez-vous manqué – ils ne le savent pas encore – n'est que le premier jalon d'une histoire qui va se poursuivre au fil des ans. L'incompréhension, le refus ou la peur de dire vraiment ce qu'ils ressentent, la difficulté de communiquer autant que leurs parcours professionnels respectifs vont les éloigner, avant de les rapprocher à nouveau.
Jusqu'à ce soir de réveillon à la veille de l'an 2000, ils auront parcouru la planète et auront entamé une carrière professionnelle. Amélie est désormais prof de lettres dans un lycée parisien, Frédéric est cadre dans un groupe de consulting, victime en quelque sorte de la pression familiale qui ne le voyait pas réussir dans la musique, sa vraie passion. Une pression sociale qui l'a également poussé à se marier et à fonder une famille, même s'il n'a pas oublié Amélie. Qui va aussi de son côté tenter de construire une histoire. Mais elle va passer d'un partenaire à l'autre sans vraiment trouver le bon.
Par l'intermédiaire des réseaux sociaux, ils vont pouvoir échanger et même se croiser à nouveau sans pouvoir s'avouer un amour qui n'est compatible avec leurs vies respectives.
Éliette Abécassis réussit là une très belle variation sur le thème de la vérité en amour, sur le poids des non-dits et sur la difficulté de dire les sentiments. Et comme chacun de nous a au moins eu l'impression de passer à côté d'une histoire, on ne peut que s'identifier à cet homme, à cette femme et partager leur frustration. Que ce serait-il passé si j'avais fait ceci, si je n'avais pas fait cela…
Du coup, le fabuleux destin d'Amélie et de Frédéric devient un peu le nôtre, avec les mêmes emportements et les mêmes frustrations, mais aussi avec les mêmes impondérables et les mêmes errements. Ce roman construit sur les «si» est si juste et si dramatique, si bouleversant et si fataliste.


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« C'est un beau roman, c'est une belle histoire, c'est une romance d'aujourd'hui », cette chanson résonnait dans ma tête en commençant à rédiger ma chronique… En fait, c'est plus compliqué…

C'est l'histoire d'une belle rencontre : leurs regards se sont croisés dans les couloirs de la Sorbonne, puis au secrétariat pour s'inscrire, ensuite ils ont discuté devant un café, puis dîner, et enfin, sont allés boire un verre, passant une partie de la nuit à se parler comme s'ils s'étaient toujours connus, alors qu'ils se rencontraient pour la première fois. Ils parlent de leurs auteurs préférés, Amélie regarde « Apostrophe », alors que Vincent préfère Michel Polac. Ils n'osent pas se toucher, ni s'embrasser, éducation rigide oblige…

Ayant du mal à se quitter, ils se donnent rendez-vous pour le lendemain.

Vincent arrive en avance, Amélie, qui manque de confiance en elle, tergiverse trop longtemps : rendez-vous raté, chacun va suivre sa trajectoire, se marier, avoir des enfants, se planter, mais se voiler la face.

Ils vont ainsi se rencontrer plusieurs fois, en une trentaine d'années, choisir des vies qui ne leur conviennent pas. Ils pensent, régulièrement l'un à l'autre mais n'écoutent pas leurs coeurs, leurs destins sont scellés et le pire, c'est qu'ils les ont scellés eux-mêmes.

Vincent s'est enfermé dans son travail, voyage beaucoup, gagne bien sa vie, mais l'argent…

L'auteur fait une allusion aux attentats du 11 septembre, car Vincent est à New-York, pas très loin des tours jumelles.

J'ai beaucoup aimé ce roman, plein de douceur et de tendresse, alors que Vincent et Amélie auraient peu devenir aigris, ils assument. Amélie a choisi le métier qu'elle voulait, elle a sa librairie, mais Vincent a dû faire le deuil de la musique pour obéir à un père intransigeant.

Il faut se libérer de ses chaînes pour prendre sa vie en mains et ne pas laisser le destin décider à notre place. Ces chaînes, elles peuvent être extérieures, à cause de la rigidité familiale, et elles peuvent être intérieures, car ce n'est pas parce qu'on a mis de la distance géographique avec ses parents qu'on est libéré du carcan de l'éducation.

Eliette Abecassis trace au passage un portrait de l'époque : celle de leur première rencontre, où on lisait beaucoup, les gens se parlaient, mais se perdaient plus facilement de vue, et l'époque actuelle, avec les réseaux sociaux, (on peut se retrouver plus facilement, c'est sûr !) les vies qui s'y étalent, les ventes de livres qui chutent car les gens ont les yeux rivés sur leur téléphone, smartphone et autres…

Je n'avais pas encore lu un roman d'Eliette Abecassis, j'avais tenté « Qumran » il y a longtemps, mais il m'était tombé des mains. J'en avais conclu que ce n'était pas une auteure qui me convenait. Peut-être que ce n'était simplement pas le bon moment ou pas le bon roman.

Je vais rattraper le temps perdu, c'est certain, car son écriture pleine de poésie m'a beaucoup touchée…

Ce livre a été une bouffée d'oxygène après des lectures assez dures.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m'ont permis de découvrir ce roman et de m'intéresser de plus près à son auteure.

#Nosrendezvous #NetGalleyFrance
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p. 150 : » Ce jour-là, ce n'était pas un rendez-vous qu'elle ratait, c'était sa vie. «
» Nos rendez-vous « de Eliette Abécassis est publié en ce début d'année 2020 aux éditions Grasset.
C'est l'histoire d'un rendez-vous manqué. Amélie et Vincent sont étudiants à la Sorbonne lorsqu'ils font connaissance chez des amis communs. Ils passent la nuit à discuter, jusqu'à l'aube. Un véritable coup de foudre. Alors ils se donnent rendez-vous le lendemain. Mais Amélie manque de confiance en elle, hésite, change de tenues, renonce puis, finalement court le long du boulevard Saint-Michel jusqu'à perdre haleine, pour le retrouver. Mais il est trop tard. Vincent est jeune, impatient et au bout d'une heure d'attente en déduit qu'elle ne viendra plus.
p. 146 : » Ils ignoraient que la vie prend le dessus sur les rencontres et sur l'amour, que de fils en aiguille on est emporté malgré soi vers un destin qu'on ne maîtrise plus, que l'on prend des bifurcations comme des portes qui nous mènent vers des couloirs, des couloirs de dix ans, de vingt ans, de trente ans… «
Un acte manqué qui est le point de départ de ce roman et qui entraîne le désir de la prochaine rencontre à l'autre. La notion de temps est omniprésente dans cette attente. Eliette Abécassis exploite avec talent cette notion de destin et sur le poids des non-dits en amour. le lecteur ne peut que s'identifier aux personnages. Il y a des rendez-vous qu'on aurait mieux fait de rater, et d'autres qu'on aurait mieux fait d'honorer… Ainsi se pose la question des choix et de cette sempiternelle question » et si… ? «
Lien : https://missbook85.wordpress..
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Franchement je n'ai pas reconnu l'auteure...
J'avais lu plusieurs livres d'elle ("La répudiée", "Un heureux événement", "Sépharade"...) et j'avais apprécié sa plume enlevée, ses dialogues incisifs, l'authenticité des situations et des personnages..

Mais, à ma grande déception, je n'ai rien retrouvé de tel dans son dernier livre (écrit trop rapidement????)
Pourtant le sujet était attractif et romantique:
il s'agit d'un couple, qui se rencontre dans leur vie d'étudiant et commence à vivre une belle histoire..
Mais, à la suite d'un rendez-vous manqué (d'où le titre..), ils vont être séparés pendant longtemps et ne se retrouver que bien plus tard, alors qu'ils sont mariés tous les deux..(chacun de leur côté..)
Pas de chance donc....
Une belle histoire donc, car leurs retrouvailles vont se placer, épisodiquement, sous le signe de l'amitié amoureuse ...
mais je ne suis pas arrivée à "rentrer" dans l'histoire.
Les situations m'ont semblé toutes faites, la psychologie des personnages pas assez fine, j'ai regretté un manque de nuances tout au long du livre...
Livre qui a toutefois le mérite de nous montrer que les relations amoureuses sont amenées à évoluer sensiblement, du fait des réseaux sociaux, qui vont permettre à nos héros de se retrouver et de communiquer régulièrement....
Un risque quand même, comme le dit l'auteure dans une récente interview: que le marché de l'amour l'emporte sur le sentiment....
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critiques presse (1)
LeSoir
14 janvier 2020
Dans « Nos rendez-vous », Eliette Abecassis raconte avec simplicité comment on peut rater son destin, bêtement, parce qu’on n’ose pas.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Citations et extraits (60) Voir plus Ajouter une citation
Ils avaient vingt ans. Ils n’avaient que vingt ans. Et c’était là, en sortant du Café des Capucines lorsque le jour se lève, que leur histoire devait commencer, car ils auraient dû se revoir, prendre un verre, puis un autre, se plaire, et se le dire, puis s’embrasser, sur un quai, en sortant du cinéma ou du restaurant, s’appeler au téléphone pour un rien, et puis un soir ou une nuit, ou peut-être à l’aube lorsque le jour se lève, après mille étreintes et mille baisers, faire l’amour et s’aimer, s’aimer et se le dire, se le dire et se marier, après quelques jours, quelques mois ou quelques années , à la mairie de Bernay ou à Montmartre, en présence de leurs familles respectives et respectueuses, une robe blanche et un bouquet de fleurs, et peut-être un enfant, ou deux, ou trois, suivre leurs premiers regards, leurs premiers mots et leurs premiers pas, faire des photos et des albums-photos, partir en vacances au bord de la mer et construire des châteaux de sable, emmener les petits au parc et les grands à l’école, fêter les anniversaires, les regarder grandir, quitter la maison, et commencer leurs études, s’inscrire un jour à la Sorbonne, là où ils se sont rencontrés, là où ils aimaient encore aller pour se souvenir du temps de leur jeunesse, et cette fois où dans cette file, ce couloir, leurs regards se sont croisés, et leurs destins aussi.
Or, rien, absolument rien, ne se produisit de tout cela.
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C’était le temps où les gens lisaient, dans les métros, les rues, les plages et les lits, les salles de bains et les cuisines, les gens apportaient des livres dans les parcs, les jardins, les piscines, les salles d’attente, les bus, les trains, les avions, ils lisaient dans les fauteuils, les canapés, les salons, les hôtels, les cafés et les bars, les villes et les villages, l’été comme l’hiver, le soir ou le matin, en mangeant, en se couchant, en se levant, avec une tasse de thé ou un verre de vin, au coin du feu, lorsque le jour déclinait : les gens lisaient partout, à chaque moment de leur journée, à chaque heure de la vie, pour se raconter une autre histoire, pour fuir le réel ou le vivre plus intensément, pour comprendre les hommes ou pour les détester, ou simplement pour passer le temps. Tous les vendredis soir, Amélie regardait l’émission «Apostrophes», où Bernard Pivot interrogeait les auteurs avec une passion réelle, Roland Barthes ou Françoise Sagan, Albert Cohen, Truffaut, Jankélévitch, Le Roy Ladurie ou Duby, tous avec la cravate, sauf BHL. Vincent préférait Michel Polac qui, au milieu d’un nuage de fumée, alimentait les débats autour de Charlie Hebdo, de Minute et de Harakiri, et Serge Gainsbourg disait «merde» avec ses lunettes noires et Pierre Desproges dissertait sur l’intelligence des sportifs devant Guy Drut. 
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C'était le temps où les gens lisaient, dans les métros, les rues, les plages et les lits, les salles de bain et les cuisines, les gens apportaient des livres dans les parcs, les jardins, les piscines, les salles d'attente, les bus, les trains, les avions, ils lisaient dans les fauteuils, les canapés, les salons, les hôtels, les cafés et les bars, les villes et les villages, l'été comme l'hiver, le soir ou le matin, en mangeant, en se couchant, en se levant, avec une tasse de thé ou un verre de vin, au coin du feu, lorsque le jour déclinait : les gens lisaient partout, à chaque moment de leur journée, à chaque heure de la vie, pour se raconter une autre histoire, pour fuir le réel ou le vivre plus intensément, pour comprendre les hommes ou pour les détester, ou simplement pour passer le temps.
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INCIPIT
Ce fut un long couloir, à Paris, à l’université de la Sorbonne, un échange de regards. Ils étaient là, simplement, dans la même file d’attente, devant le secrétariat. Deux personnes qui discutent ensemble, de tout, de rien, comme cela se produit des milliers de fois dans une vie.
Vêtue de couleurs sombres, avec une frange, des lunettes et du khôl sous les yeux, elle sortait tout droit de l’adolescence et d’un escalier qui montait du rez-de-chaussée, avec sa meilleure amie, Clara, en rouge et noir, à moitié dissimulée par un chapeau plus grand qu’elle, et trois autres compagnons, tous étudiants à la Sorbonne. Ils partageaient la même vision de la vie et un grand appartement avec d’autres colocataires, dont un jeune homme qui parlait une langue indéfinissable, grec, croate ou suisse allemand, et qui vivait avec eux depuis des mois, sans que personne sache vraiment d’où il venait ni ce qu’il faisait là. En plein cœur du Quartier latin, c’était une sorte de squat où ils donnaient des fêtes sagement alcoolisées, et où traînaient le soir des cadavres de poulet et des restes de bouteilles, à moins que ce ne soit l’inverse. Ils s’étaient rencontrés, tous les cinq, en militant à SOS-Racisme. Ils avaient défilé pour Malik Oussekine, martyr des manifestations contre la loi Devaquet, et ils se retrouvaient, le soir, à distribuer des tracts et à lutter, ils ne savaient pas très bien pourquoi, sinon pour étancher leur soif d’engagement.
Lui, arrivé de Saint-Germain, avec son gilet sur sa chemise blanche, ses lunettes rondes et ses cheveux bouclés, un rien dandy, un rien parisien, s’inscrivait en licence d’économie. Il était poli, timide et socialiste, ayant accueilli l’élection de Mitterrand avec une grande joie. Son ami Charles l’accompagnait : il venait de Corse, avait l’air sombre, les sourcils froncés et un sourire complice. Ils s’étaient rencontrés sur les bancs de la fac, et ils militaient ensemble contre l’extrême droite.
Après l’inscription, la troupe d’étudiants se rendit place de la Sorbonne, pour prendre un café. Ils poursuivirent leur conversation, sur tout et rien, ce qu’ils faisaient, et ce qu’ils rêvaient d’accomplir. Ils finirent par se présenter. Elle s’appelait Amélie, et lui Vincent. Elle, issue d’une famille de la région normande, était en Lettres et se destinait à l’enseignement. Brune, les yeux cernés, ouverts sur le monde, comme étonnés d’en découvrir la couleur, le corps chétif, mince, le sourire timide, elle était enfant encore, à peine femme. Elle se demanda s’il allait lui donner son numéro de téléphone, s’il désirait l’appeler, si elle lui plaisait comme il lui plaisait. S’il valait mieux le montrer ou le cacher, le taire tout à fait. Si elle était assez belle, ou s’il y avait un défaut rédhibitoire, quelque chose en elle qui ne lui conviendrait pas, son nez trop grand, ses pommettes trop hautes, ses cheveux mal coupés, son allure pas trop féminine. Elle fut impressionnée par sa façon de parler, sa mèche sur les yeux, son assurance, la beauté de son visage, l’intensité de son regard, sa voix chaude, profonde et pourtant fine, subtile. Un caractère affirmé mais doux, il était poli et bien éduqué, un peu distant mais sympathique. Un zeste de fantaisie, comme une folie douce. On le sentait parfois ailleurs, dilettante, rêveur. Il faisait de la musique, du piano, c’était ce qu’il aimait par-dessus tout.
Puis ils ont marché dans Paris, comme des touristes. Ils ont traversé le pont, se sont rendus sur l’île Saint-Louis, ont admiré la Seine sous un soleil couchant, se sont assis sur les quais, et se sont raconté leur vie. Vincent, au milieu du groupe, était impressionné. De la voir ainsi, devant lui, si étrange, timide et captivante. Elle, un air innocent et malicieux à la fois. Il se dit qu’il avait rencontré quelqu’un d’intéressant, de profond, de cultivé, et qui semblait le comprendre, avec qui il pourrait parler. Elle était charmante et bizarre, un peu triste, comme perdue dans la ville. Était-il possible qu’elle s’intéressât à quelqu’un comme lui ? Elle semblait inabordable. Et pourtant elle était là, à côté de lui, et ils parlaient.
Elle, avec ses vêtements sombres, mal dans sa peau, quoi qu’elle porte, quoi qu’elle fasse, quoi qu’elle dise, s’exprimait souvent dans une confusion due à sa timidité et la mauvaise image qu’elle avait d’elle-même. Sa mère lui avait dit : « Quand on a ton physique, ma fille, il vaut mieux compenser par l’intellect. » Peut-être l’intriguait-elle ? Elle n’osait y croire. Il était séduisant, avec sa balafre sur la joue gauche, qui faisait penser à Robert Hossein dans Angélique, marquise des anges, nimbé de parfum, entouré de filles ce type-là ! Un air hiératique, et une façon de regarder qui la clouait sur place. Un charme émanait de son regard, et de sa voix profonde, presque caressante, il lui demanda ce qu’elle faisait. Elle se mit à bégayer, elle étudiait, et pour gagner sa vie, elle donnait des cours, elle écrivait à ses heures perdues, elle aimait l’art, la peinture, la sculpture, elle courait au jardin du Luxembourg, avec un walkman. Et lui, était-il parisien ? Montmartre, la colline et ses vignes, un grand appartement, des parents commerçants, ils ne comprenaient rien à ce qu’il voulait, ce qu’il aimait, la musique. Il avait eu un professeur dans sa jeunesse, un voisin qui enseignait au conservatoire dans le 17e à Paris et lui avait transmis la passion du piano.
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Ils n'avaient pas compris. Ils n'avaient pas osé. Ils étaient empêtrés chacun dans leur éducation, leurs inhibitions, ils ne savaient pas. Ils ignoraient que la vie prend le dessus sur les rencontres et sur l'amour, que de fil en aiguille on est emporté malgré soi vers un destin qu'on ne maîtrise plus, que l'on prend des bifurcations comme des portes qui nous mènent vers des couloirs, des couloirs de dix ans, de vingt ans, de trente ans, qu'on épouse souvent la personne qu'on n'aime pas, qu'on laisse passer l'amour de la vie, par délicatesse, par malchance ou par inadvertance, qu'on ne fait pas des enfants avec ceux que nous aimons et que ces enfants sont ensuite la raison pour laquelle on reste avec eux, et la raison aussi pour laquelle on finit par se séparer.
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