Matthieu perd tout, sa femme, sa librairie, son chien et même les investissements pour sa retraite. Il décide de ne
pas en rester là avec cette vie décevante mais d'en changer, de partir, d'aller en décroissance. Il se remémore un personnage familial, oncle Gerbault, ermite presque sauvage qui vivait dans la Creuse. Il fuit dans la masure et l'univers de cet homme. Une fuite mais aussi une reconstruction de l'homme... ou déconstruction pour ne
pas "revenir au monde", devenir rien.
Ainsi nous suivons Matthieu vers les origines archaïques de l'homme et dans son labeur de perdre toute son humanité. le prétexte n'est
pas la conscience écologique mais bien le fait de devenir transparent, inutile, inconsistant, sans envie ni
passion, juste en survivance.
(...)
Il délaisse ses relations, se ferme à la sensualité et cherche juste à revenir aux intuitions, aux astuces de survie en terrain vierge et naturel. (...) Ce n'est
pas un retour pour la nature, mais bien une envie de disparaitre, de succomber à la solitude de la nature (et non celle de la ville, des marins). L'humanité fuie est tout de même présente, brutalement éprouvée par "l'imbécilité" de l'enfant attardé et aveugle, Francis, une part d'homme, atrophié physiquement, comme lui le devient mentalement et intellectuellement.
Oui mais il a beau faire, sa culture littéraire le suit. Celle-là même qui sert de trame à sa décroissance:
Virgile,
Homère ou
Beckett le stimulent, l'entourent, le confortent pour au final lui indiquer le mur.
L'entrée en nature est picturale et culturelle. Bien-sûr les animaux offrent une leçon de chose sur la vie et la mort, les plantes deviennent sources de cours de botanique. Mais la nostalgie de l'enfance, de cette part de ruralité, est devenue aussi intellectualisée, confortée par des lectures d'adolescent (Lodon,
Curwood). Et la nature n'est plus, elle a perdu son côté sauvage. Même la
compagnie d'une vache, ruminant des campagnes profondes, ne lui apporte qu'un semblant de sens à cette nouvelle (non-)vie. Sa démarche de décroissance découle d'une réflexion philosophique emprunte de toutes les références mythologiques aimées par Matthieu: la génisse est Io, princesse Héra changée en vache par Zeus.
Et puis les femmes reviennent dans ce silence des mots, des sensations humaines. Sonia puis Paule. La pensée de Matthieu s'enlisait, laissant la temporalité s'échapper. Les regrets des douceurs sensuelles sont là mais aussi cette invitation à réinventer un univers, comme si toute cette démarche était une erreur: des sonorités à retrouver, une musique intérieure faite d'improvisations gutturales; puis une sensation tactile,
passionnelle.
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