Woyzeck est la toute dernière pièce de
Georg Büchner. On peut même considérer qu'elle est encore inachevée. Certes, tous ou presque tous les ingrédients y sont, mais il y manque la dernière main, une sorte de liant, que la mort rapide de son auteur due au typhus l'empêcha d'y mettre.
Woyzeck est l'histoire presque réelle inspirée d'un véritable Johann Christian
Woyzeck, mais remaniée et combinée avec celle de deux ou trois autres cas de meurtriers pour lesquels, comme pour
Woyzeck, la question de la santé mentale et donc la responsabilité dans les actes pouvait être mise en doute.
Il n'est pas fou ce
Woyzeck, pas fou au sens commun, mais légèrement dérangé à certains moments, ça oui, sûrement. Toute la question est de savoir si dérangement il y a au moment des actes et si la personne est responsable, notamment à l'heure d'un éventuel jugement. Cette question reste toujours d'actualité et est régulièrement débattue et ré-amendée dans les textes de loi.
L'environnement social et le niveau de pauvreté sont également des éléments à prendre en considération et c'est ce que n'oublie pas de nous faire sentir Büchner.
De plus, un peu à la manière d'une
Virginia Woolf quelques décennies plus tard, l'auteur nous interp
elle sur la responsabilité des médecins, qui semblent plus soucieux d'étudier le cas, de l'analyser en tant que patient et de le comprendre scientifiquement parlant plutôt que de lui venir en aide et d'éprouver une quelconque empathie en tant qu'être humain doué de sensibilité et d'un psychisme.
Le contexte est tout à fait contemporain de la période d'écriture, c'est-à-dire
les années 1830, dans les petites villes de garnison, voire des villes assez importantes de province, celles du genre où
Georg Büchner avait lui-même l'habitude de séjourner.
On rencontre donc le soldat
Woyzeck, brave type mais un peu dérangé, qui croit parfois entendre des voix sous terre, qui partage son temps entre les tâches subalternes auxquelles il est affecté dans sa garnison et à aller tenir compagnie à la jolie Marie, femme de vertu ambiguë qui lui a donné un fils.
Pour améliorer son quotidien (et surtout celui de Marie qu'il entretient),
Woyzeck a accepté moyennant quelques dédommagements d'être le cobaye d'un docteur qui effectue des expériences nutritionnelles sur lui et en étudie les effets physiques ou psychiques.
Pendant ce temps, Marie fait de l'oeil à un beau tambour-major à la virilité irréprochable...
Cette pièce est intéressante mais souffre à mon sens de son inachèvement. Pas d'acte ni de scène, seulement des tableaux, qui rendent l'action très discontinue et parfois un peu difficile à suivre. Certaines précisions essentielles sont malheureusement manquantes et même si l'auteur avait eu l'intention de créer des discontinuités, il aurait probablement pris soin d'apporter telle ou telle précision, voire, peut-être d'écrire certaines scènes ou certains tableaux supplémentaires car bien que la fin puisse paraître acceptable et correcte en l'état (c'est-à-dire une fin ouverte) je doute qu'il aurait borné son propos à cela.
Donc une bonne pièce en devenir mais qui ne deviendra jamais à mes yeux une bonne pièce tout court faute d'avoir été parachevée de la main de son brillant auteur avec les intentions qui étaient les siennes. Mais ce n'est bien sûr qu'un avis, c'est-à-dire pas grand-chose.