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EAN : 9782702434857
320 pages
Le Masque (01/03/2013)
3.34/5   19 notes
Résumé :
Marion Seeley est abandonnée par son mari médecin à Phoenix, Arizona. Dans la clinique où elle trouve un travail comme secrétaire, elle se lie d’amitié avec Louise, une infirmière délurée et sa colocataire, Ginny, une blonde tuberculeuse. Très vite, Marion, toute réservée et sainte-nitouche qu’elle paraît, est entraînée par la vie exubérante de ses deux amies qui arrondissent leurs fins de mois en organisant de folles soirées avec les notables de la ville. Lors de l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
A partir d'un fait divers réel survenu en 1931 , Megan Abbott nous offre un roman presque irréel tellement il frise la poésie et le lyrisme .

Marion Seeley, jeune femme naïve élevée par un pasteur, s'installe avec son mari à Phoenix en Arizona. Ce n'est pas un mariage heureux, son mari est accro aux morphiniques .... Celui-ci après lui avoir trouvé un boulot de sténo-dactylo, s'en va tout de suite au Mexique où il a accepté un poste de médecin dans une compagnie minière. Marion , livrée à elle-même fait la connaissance de Louise, une infirmière et de sa colocataire Ginny. Ces deux jeunes femmes organisent dans leur petite maison des soirées arrosées (en pleine prohibition ) avec tout ce que la ville compte comme notables masculins et très vite , Marion devient la maitresse de Joe Lannigan , pharmacien et séducteur qui la rend complétement envoutée. Lorsqu'elle se rend compte qu'elle n'est pas importante pour lui qu'elle n'est ni la première, ni la dernière à tomber sous son charme, Marion va légèrement déraper…
C'est un roman sur le pêché, la "luxure", la drogue, l'alcool et tout ce qui en découlera de dramatique et pourtant, il est poétique. L'écriture de Mégan Abbott est envoutante et sensuelle ; elle sent les salles obscures, l'amour du cinéma, le noir et blanc, les actrices vénéneuses.
Je ne sais pas à quel point, l'auteur a collé au fait divers réel , mais ce que je sais c'est qu'elle a rendue cette histoire , sienne.
En 1931, un agent trouve deux malles abandonnées dans une gare, Winnie Ruth Judd deviendra , la tueuse aux malles … Pour nous Winnie est Marion, et l'on suivra toute l'histoire de son point de vue , avant cette découverte macabre. A aucun moment, on éprouve du dégout ou de la peur vis à vis de Marion, pour nous, elle est une jeune femme naïve, jetée en pâture "au lion" . On pressent que cela ne se terminera pas très bien mais à aucun moment on s'attend à cette fin. Une femme envoutée, une femme amoureuse, jalouse, pas armée pour la vie, qui a rencontré les mauvaises personnes et qui n'a pas su descendre du train en marche .
Un roman très noir, aristocratique, hollywoodien , servi par une écriture impeccable et gourmande. Un roman contemporain et pourtant déjà un classique à peine l'auteur y a apposé son clap de fin.
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Megan Abbott , "la nouvelle reine du roman noir américain" ? Difficile à affirmer après seulement la lecture d'un de ses livres mais si les précédents sont du même calibre que celui-ci, le titre n'est pas usurpé. Envoûtée, en tout cas, est un superbe roman noir. L'auteure s'est librement inspirée d'un fait divers qui défraya la chronique en 1931 aux Etats Unis : la découverte de deux malles abandonnées au contenu sanglant dans la gare de Southern Pacific à Los Angeles. Je ne vous en dirais pas plus pour ne pas dévoiler toute l'intrigue.

L'envoûtée s'appelle Marion Seeley. Elle est une charmante jeune femme, bien éduquée et bien naïve. Son mari, un médecin déchu, est forcé de l'abandonner à Phoenix (Arizona) pour partir travailler dans une compagnie minière au Mexique. Il lui a déniché un emploi de secrétaire dans la clinique du coin, elle a pris une chambre chez une petite vieille. Rapidement, elle se lie d'amitié avec Louise, une infirmière, ainsi qu'avec sa colocataire tuberculeuse Ginny. Ces dernières ne sont pas des filles " comme il faut ". Elles organisent régulièrement, dans leur maison, des soirées de débauche bien arrosées (l'Amérique est en pleine Prohibition) où se retrouvent des notables de la ville. Un endroit peu recommandable pour une jeune ingénue comme Marion. Pourtant, elle va y devenir une hôte régulière. Lors d'une de ces soirées, elle rencontre Joe Lanigan, un influent homme d'affaire, peu porté sur les valeurs morales. Elle tombe immédiatement sous son charme, devient " sa chose ", s'oublie, s'humilie : " Les cuisses encore humides, elle accepta cette terrible révélation : elle était étrangement fière. Elle l'avait satisfait. N'était-ce pas, bizarrement, merveilleux ? Cet homme m'a humiliée deux fois, la première fois en me traitant de putain, et la seconde en me montrant que j'en étais une. Je suis une pécheresse Dr Seeley. Plus grave encore, j'ai appris à aimer mon péché." Joe Lanigan possède et son âme et son corps. Et les ennuis commencent...

Encore une histoire où une jeune femme candide découvre le plaisir avec un homme fascinant et dangereux ? Non, Envoûtée ne fait pas partie de ces livres à la mode. Megan Abbott est beaucoup plus subtile et inventive. Peu à peu, par petites touches, elle glisse quelques éléments, fait quelques allusions… le lecteur est dérangé, voire mal à l'aise. Par ailleurs, bien que l'érotisme soit effectivement présent, l'auteure préfère la suggestion aux détails, la finesse aux descriptions trop crues. Envoûtée est un roman qui rend hommage aux femmes et si Marion en est l'héroïne, les autres personnages féminins n'en sont pas moins fascinants. Louise, l'exubérante rousse, rusée avec le coeur sur la main et Ginny, la blonde sexy, mourante, sombrant doucement dans la folie. Mais l'amitié amoureuse qui lie ces trois femmes ne résistera pas à la jalousie. Ne jamais sous-estimer ce sentiment puissant et dévastateur qui peut pousser n'importe qui au crime. Les hommes ne sont pas en reste. Qu'il s'agisse de Joe Lanigan ou du Dr Seeley, chacun se révèle plus complexe qu'il ne paraît. Ni manichéen, ni féministe, Envoûtée est avant tout une histoire de moeurs, d'obsession, de sang et d'amour. Megan Abbott décortique ses personnages jusqu'à ce qu'ils dévoilent leur face cachée, la part sombre de leur être. Plus qu'un roman, c'est une véritable enquête étayée par des extraits de lettres et d'autres témoignages. D'une sensualité rare en écriture, le dernier livre de Megan Abbott est aussi obsédant que son personnage Joe Lanigan. Car si la victime de ce dernier est Marion, celle de Megan Abbott est véritablement son lecteur. Une bien belle surprise ! Maintenant, il me tarde de lire ses quatre romans précédents.
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Bury Me Deep
Traduction : Jean Esch

ISBN : 9782702434857

Ainsi qu'elle l'indique à la fin de cette oeuvre de fiction, Megan Abbott s'est inspirée, pour l'imaginer, de l'affaire Winnie Ruth Judd qui, au début des années trente, fit pas mal de bruit aux Etats-Unis, d'autant que la culpabilité de Mrs Judd resta toujours plus ou moins sujette à caution. Certes, l'on peut croire qu'elle dissimula sa connaissance des assassinats commis mais qu'elle ne participa pas à ceux-ci. Au pire, dans l'un des cas, elle aurait agi en état de légitime défense tandis que, dans le second, c'est son amant, Jack Halloran, qui aurait tué. Sous divers prétextes - lui prédisant entre autres que personne ne croirait son histoire et qu'elle serait tout de suite arrêtée - il aurait fait d'elle le "dindon de la farce" en la persuadant de déposer à la consigne d'une gare deux malles contenant les restes démembrés de ses deux amies, Agnes Anne LeRoi (Louise, dans le roman) et Hedvig Samuelson (Ginny). le procès fut houleux et assez complexe, l'état mental de l'accusée dûment examiné ... Mais Mrs Judd devait achever ses jours en liberté, à plus de quatre-vingt-dix ans.

Abbott ne cherche pas à établir si elle fut vraiment la seule coupable - de toutes façons, elle ne le croit pas. Elle s'inspire d'un fait divers vraiment très noir mais aussi très intrigant pour recréer cette atmosphère qui porte sa "griffe" et dont on sait combien elle est lourde, glauque et ambiguë. L'Affaire Judd devient une histoire de trios : Louise-Ginny-Marion (Marion étant le prénom choisi par la romancière pour le personnage symbolisant Winnie), Louise-Ginny-Joe, Marion-Joe-Elsie, Marion-son mari-Joe ... Et à l'origine de ses trios qui finissent toujours mal, toujours un binôme qui, sans l'apparition du numéro trois, eût sans doute continué à fonctionner correctement.

Louise Mercer, infirmière dans une clinique, se lie d'amitié avec la timide Marion Seeley, dont le mari, médecin et héroïnomane désireux pour la énième fois de se désintoxiquer, est parti travailler aux Mexique après lui avoir trouvé une place de secrétaire médicale. Bientôt, Louise invite Marion chez elle et lui présente sa co-locataire, Virginia, dite Ginny, une petite chose délicate et tuberculeuse, plus blonde que Jean Harlow et profondément extravertie. Une fois de plus, la relation lesbienne est sous-entendue dès le départ mais Marion mettra longtemps à s'en rendre compte tout comme elle comprendra trop tard que, selon toute vraisemblance, Louise avait pour elle un petit béguin, sinon plus, et que, pour se débarrasser de ce trio devenu un peu trop encombrant pour lui, notable ayant pignon sur rue, leur "ami-amant" et confident Joe Lanigan avait versé, dans l'oreille fragile et jalouse de Ginny, le poison amer et toujours fatal de la Calomnie, en l'assaisonnant d'une prise de ces pilules "spéciales" qui aidaient la jeune femme à supporter sa maladie ...

Pour une fois, le roman n'est pas construit à la première personne, la romancière ayant eu probablement la pudeur de ne pas vouloir s'immiscer trop loin dans la psyché d'une femme qui, qu'elle ait tué ou non, a souffert autant que Winnie Ruth Judd. Nous n'avons cependant qu'une seule approche, celle de Megan Abbott à travers le personnage de Marion Seeley. Au début, cela déroutera un peu certains mais, très vite, on s'habitue au procédé et on dévore ce roman qui, à la différence de la réalité, laisse une porte ouverte à l'héroïne, son mari, le Dr Judd, s'étant suicidé en endossant les deux crimes. le problème, c'est que Marion, la si gentille et si timide Marion du début, veut sa vengeance. Elle donne ainsi à l'un des sous-fifres de Joe - sous-fifre que Joe l'Incorrigible fait chanter car il fait chanter tous ses "amis" - des documents qu'elle s'est procurés et qui peuvent abattre toute sa façade de respectabilité. Elle trouve aussi le moyen de renvoyer dans ses foyers la petite Elsie sur laquelle Joe-le-Coureur avait tant de vues d'avenir, et enfin, avec le petit Colt de Louise, elle revient pour tirer sur Joe, en plein repas de cérémonie dans un club privé. Tirer, certes mais le blesser seulement, au genou par exemple - ça fait très mal - mais non tuer.

Et puis ensuite, Marion monte dans un train qui l'emporte vers on ne sait quelle destination. Elle a la certitude que, compte tenu du nombre de personnalités locales compromises dans les affaires de Joe, nul n'osera donner suite à son dernier geste ... Et peut-être a-t-elle raison, d'ailleurs puisque le sheriff lui-même n'y aurait vraiment rien à gagner auprès de ses administrés.

Comme toujours chez Abbott - sauf peut-être dans "Absente - The Song Is You" où le journaliste-narrateur bénéficie d'une sympathie certaine de la part de sa créatrice - les hommes qui défilent ici sont des faibles, des flambeurs, des lavettes, des irresponsables, des tricheurs, des obsédés sexuels, des cyniques - et aussi de parfaits imbéciles, si l'on y réfléchit bien. le pouvoir, l'argent et le sexe, ils courent après tout cela sans penser un seul instant que leur course effrénée est susceptible de les mener, par toute une suite de déviations, d'abord sans importance, puis de plus en plus risquées, à la chaise électrique - ou alors au lit d'un fleuve, avec une dalle de béton aux pieds.

"Envoûtée" est un roman où l'on entre un peu sur la pointe des pieds, comme dans une espèce de musée qui, vu de la première salle, ne promet pas grand chose. Mais plus on avance, plus on découvre de richesses et de curiosités, plus notre pas s'affermit et plus on est conquis par la prose de notre guide. A mes yeux, c'est encore une réussite à porter à l'actif de l'auteur américaine qui donne, au roman noir, cette élégance et cette profondeur que Ruth Rendell a su insuffler, de son côté, au roman policier classique. Mais, j'insiste une fois encore, d'une manière exclusivement féminine. Même dans "Absente", dont le narrateur est un homme, on perçoit cette différence, cette autre façon de considérer les angles de l'histoire et le déroulement de l'intrigue.

En un mot comme en cent, je persiste et je signe : oui, les femmes aussi savent écrire en noir absolu. Lisez Megan Abbott et vous me donnerez raison, j'en suis sûre. ;o)
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Pour écrire Envoûtée, Megan Abbott s'est inspirée de l'histoire vraie de Winnie Ruth Judd, jugée en 1931 pour le meurtre de ses deux copines. Surnommée « la meurtrière aux malles », « la tigresse », ou « la bouchère blonde », elle est condamnée à mort, puis graciée, puis déclarée folle, puis s'évade 7 fois de l'asile, puis est reconnue saine d'esprit, avant d'être finalement libérée pour mourir de vieillesse à 93 ans. C'est dire combien l'histoire complexe de cette femme a semé le doute dans l'opinion publique et dans l'esprit des jurés et autres experts médicaux ou judiciaires appelés à décider de son innocence ou de sa culpabilité...


Dans cette appropriation romanesque d'un fait divers, l'auteure s'affranchit de la nue réalité, pour créer le personnage de Marion Seeley, archétype de la jeune femme américaine et candide des années 30, transplantée dans une ville-lumière après une enfance rurale. Marion est modeste, son mari l'a laissée seule pour aller terrasser ses démons toxicomaniaques, elle trouve un travail de sténo-dactylo, est éblouie par le cinéma, par Greta Garbo, rêve de posséder plus d'argent pour acheter chapeaux et colifichets exposés dans les innombrables boutiques tentatrices. Par l'intermédiaire de ses colocataires, elle expérimente la libération des moeurs encore balbutiante et réprouvée par la morale, la religion, la politique ; découvre une vie facile, agréable, pleine de cadeaux offerts par de généreux notables, qui de fil en aiguille, l'initient à une vie dissolue, à des nuits de fêtes où l'alcool coule à flots en pleine prohibition, où narcotiques ou excitants permettent de soutenir à la fois le rythme et les dépravations. Jusqu'au drame...


Dans un style éblouissant qui se moque des modes pour apparaître d'emblée classique, Megan Abbott invite le lecteur à partager la dérive dramatique de Marion, tout en respectant ses zones d'ombre et ses secrets, suggérés sans être jamais exhibés. Grand roman d'une grande romancière !
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D'un fait divers, Megan E. Abbott tire un polar poisseux où le danger ne viendra pas d'où l'on pourrait croire, un polar qui dénonce et accuse la compromission des élites d'une petite ville....
Une jeune femme laissée en plan par son médecin de mari dans une petite ville, pendant que lui part soigner des mineurs au Mexique, une vilaine addiction lui ayant valu sa licence aux États-Unis, se lie d'amitiés avec deux jeunes femmes ayant eu une vie plus libre que la sienne.....
Je ne vais pas en dire trop, je trouve que finalement le résumé de la quatrième de couverture est un peu faiblard et si ça a ses défauts, des lecteurs ont dû le reposer sur le présentoir à la librairie, ça a aussi ses avantages, c'est à dire une bonne surprise lorsque se déroule l'histoire.
L'histoire, justement, mais un peu de temps à se dérouler, les débuts de l'intrigue patinent un peu, mais une fois lancé, tout roule, et la mécanique s'enclenche, sans pitié.
Ce roman ne deviendra pas un classique du polar, mais il mérite une mention tout à fait honorable et saura happer son lecteur!
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critiques presse (2)
LePoint
24 avril 2013
Docteur en littérature anglaise, d'une sensualité rare, chose que l'on oppose trop souvent et à tort aux esprits bien faits, la prometteuse Megan Abbott, consacrée par l'Edgar Award pour Adieu Gloria, signe un roman noir qui nous emballe... dans une malle de voyage.
Lire la critique sur le site : LePoint
LesEchos
09 avril 2013
Tout l'art de Megan Abbott consiste dans ce basculement : de la chronique vintage d'un destin de femme des années 1930, on passe au thriller violent, sulfureux et flirtant avec le gore. L'auteure réinvente le roman noir par ses analyses psychologiques tranchantes et son écriture flamboyante, quasi lyrique.
Lire la critique sur le site : LesEchos
Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Le couloir [ de la clinique ] rempli de filles, elle vit soudain comment tout cela lui apparaissait. C'était le plus beau rayon de confiseries du plus grand magasin de la ville. Un rayon débordant de nougats blonds effrontés, de bâtons de réglisse bruns et de tortillons de caramel auburn avec des joues rondes comme des pastilles de cannelle, des gaufrettes au chocolat avec des jambes potelées et sucrées comme des marshmallows, des lèvres en gelée de toutes les couleurs, des bouches rouges et brillantes, qui l'attendaient. Il n'avait qu'à déposer son argent sur le comptoir et à se servir. A volonté.
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- Ces filles, je peux jongler avec autant que je peux, Marion, lui dit-il, car aucune ne compte, elles sont comme des cigarettes écrasées.
- Je ne comprends pas, Joe, répond-elle, imaginant son cœur en mille morceaux, écartelé.
Il devint sérieux, son expression se fit solennelle.
- Je suis désolée, Marion, dit-il en regardant ses mains, car je sais que ta moralité n’est peut-être pas assez large pour s’adapter à ma faiblesse. Car c’est une faiblesse. Rien d’autre.
Il était pâle, et jamais elle ne l’avait vu aussi grave.
- Ce n’est qu’un détail, Marion. Un détail, dit-il. Je ne suis que ça. (…)
- Un détail, Marion, disait Joe. Un détail, ça ne fait pas un homme.
Elle le regarda et dit, à voix basse :
- Oh, que si.
Dans son lit, cette nuit là, Marion pensa à Joe Lanigan et à sa faiblesse, puis au Dr Seele et à la sienne. Ces hommes et leurs faiblesses. Ne pouvaient-ils pas les surmonter ?
Mais elle pensa à sa propre faiblesse : un homme et sa façon de sourire, de soulever son chapeau et de pencher la tête. Ces accumulations de gestes, une parole tendre ou deux, et elle, malléable sur n’importe quel lit ou coussin, ce qu’il avait. Si ça, ce n’était pas une faiblesse, qu’était-ce donc ?

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[...] ... - "Je viens chercher ces deux malles.

- Ah, on peut dire que je suis verni," répondit le préposé aux bagages, "parce qu'elles pèsent aussi lourd qu'une belle-mère et j'croyais que j'allais devoir me les trimballer jusqu'aux non-réclamés. Qu'est-ce que vous avez mis dedans, ma parole ? Elles empestent sacrément."

Marion sourit d'un air radieux.

- "Oh, je suis désolée.

- Vous savez quoi ?" dit l'homme en lorgnant les malles. "L'an dernier, un type de Montréal, au Canada, a tué sa femme avec un pied-de-biche et il l'a expédiée ici dans une malle de bateau. Après dix jours de voyage, elle est restée bloquée dans les Grandes Plaines à cause du mauvais temps. Quand elle est arrivée ici, restait plus grand chose à l'intérieur, à part des os et un truc gluant. Ils l'ont identifiée grâce à ses dents. Sa peau s'était détachée comme une peau de pêche moisie. La vache, ce qu'elle puait. J'aurais encore préféré recevoir une autre dose de gaz moutarde, comme dans la Marne, de loin," dit l'homme en lui tendant le document à signer.

Voyant l'expression de Marion, il s'empressa d'ajouter.

- "Oh, mille excuses. J'arrête pas de jacasser. Tout va bien, mademoiselle ? J'vous ai fait devenir toute pâle, on dirait.

- Oui, ça va," dit-elle en portant délicatement ses doigts à ses lèvres. "C'est le voyage qui m'a rendue un peu malade. Elles vont rentrer dans un taxi ?

- De vous à moi, vous feriez mieux de louer un chariot. J'connais un gars qui fait le trajet entre ici et l'Hôpital du Bon Samaritain avec un chariot de linge.

- Vous voulez bien l'appeler ?"

Elle lui montra toutes ses dents ; elle n'avait pas fait un tel sourire depuis qu'elle avait joué la petite Eva dans la pièce de théâtre [= inspirée de "La Case de l'Oncle Tom", de Beecher-Stowe], à l'école primaire.

- "C'est comme s'il était déjà en chemin. L'odeur lui plaira pas plus qu'à moi, mais si vous lui refilez quelques biffetons en plus, il se pincera le nez jusqu'à l'arrivée." ... [...]
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Dans l'esprit de Ginny, les hommes ne servent qu'à s'amuser.
- Pas pour toi ? répondit Marion, en murmurant elle aussi.
- Non, pas pour moi. Parfois, il y en a un qui me rentre dans la peau , comme une aiguille.
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Pour certaines choses, il n'existe pas de pardon, ni même de mots. Certaines choses sont faites pour rester des fièvres dans le cerveau.
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Vidéo de Megan E. Abbott
Megan Abbott explique la génèse de « Première ». Elle nous livre quelques indices sur l'histoire ce nouveau roman, dans lequel l'univers de la danse est omniprésent. Un incendie embrase la prestigieuse école de danse des soeurs Durant. L'arrivée d'un homme, Derek, en charge du chantier, va faire voler en éclat l'équilibre précaire de ce monde de violence et de compétition.
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