Le reste de l'année n'existe pas, n'existe plus pour ce petit groupe d'enfants qui se retrouvent chaque été sous ce ciel d'un bleu profond, sur ce sol de terre rouge, dans cette eau fraîche et scintillante. Sur cette petite île grecque, tout a ce parfum d'immuabilité qui les rassure et qui leur procure d'été en été ce bonheur extatique.
Leur monde commence là.
Une maison et un chantier de fouilles où exercent leurs parents archéologues, un jardin indiscipliné bordé de tamaris, une crique de sable doré et brûlant. le blanc éclatant de la chaux sur les façades des quelques habitations du village. En quelques lignes, si agréables à parcourir, je suis transportée sur les lieux. M'apparaissent la tignasse bouclée et rebelle de Zac, ses lectures à voix haute pour prolonger les soirées. M'éblouissent les coquillages de Niso ramenés des profondeurs, Niso toujours entre deux eaux, indissociable de son masque de plongée. M'arrive la petite voix d'Evi qui compte les insectes écrasés pour s'endormir, petits cadavres qui mouchètent les murs des chambres.
Ils se sont choisi des noms aux accents méditerranéens pour ce monde distinct.
Leurs parents d'été sont aussi bien différents, leurs exigences annuelles se relâchent et leurs tempéraments, attisés par la fièvre des trouvailles archéologiques, s'échauffent en même temps que les températures.
Les enfants grandissent au milieu des recherches et gestes minutieux afférents aux fouilles jusqu'au moment où leurs centres d'intérêts filent, loin des parties de cache-cache de l'enfance.
C'est un petit livre sur le temps qui creuse, les moments qui s'oublient et ceux qui demeurent à tout jamais sertis dans les souvenirs.
C'est un petit roman d'une puissance évocatrice douce et en même temps mélancolique sur les changements fulgurants et inéluctables des êtres, des lieux, du monde. En quelques pages, l'auteure a su saisir et nous restituer l'accélération de ces modifications profondes.
C'est une petite lecture sur le glissement de l'enfance vers l'adolescence, puis vers l'adulte, qui fait immanquablement écho au nôtre.
C'est un concentré de petits faits anecdotiques qui font le tout de la vie.
La belle plume de
Christine Avel irradie tous ces souvenirs précieux d'instants à l'apparence banale mais qui marqueront et s'ancreront dans les vies à venir de ces enfants. L'insouciance du temps indissociable de l'enfance s'évapore et se perd définitivement.
L'immuabilité est un vain mot.
De cette pointe rocheuse où les enfants plongeaient tous ces jours d'été, on assiste à l'évolution des êtres et du monde, tout simplement.
De ce tout petit livre se dégage un charme fou. Est-ce dû à cette belle écriture, à la nostalgie du temps qui passe, à la mise en lumière de doux moments anodins qui jalonnent chaque enfance ? Je ne sais, mais une chose est sûre, j'ai adoré le temps passé avec lui.