Nouvelle édition mise à jour
Paru le 07/11/2018
Retour d'un très beau week-end de commémoration
Balzac à Tours. J'ai apprécié vendredi «
Illusions perdues » par le nouveau théâtre populaire, «
La cousine Bette » par la compagnie Prométhéâtre samedi, puis dans la foulée : « Honoré, vie balzacienne » encore par le nouveau théâtre populaire. Pour ce spectacle prévu en extérieur et joué en salle à cause du mauvais temps, les acteurs se sont surpassés. Excellent ! Merci à cette brillante compagnie du 49 ! Enfin, dimanche, c'était l'hommage en textes et en chansons de dix personnages féminins
De Balzac par la brillante et érudite Christina Goh dans son spectacle intitulé « le Prix »!
J'aime lire les romans
De Balzac car ils se situent à la charnière de l'ancien monde royaliste, avant la révolution et du nouveau monde qui émerge après 1789 et après 1830. On y apprend beaucoup sur les différentes classes sociales et leur recomposition, sur la vie et la psychologie de l'époque, sur les guerres de Vendée dans «
Les Chouans » par exemple et on découvre des régions, sa Touraine natale bien entendu, et ici dans «
Béatrix » Guérande et le Croisic et bien d'autres choses… C'est pour cela qu'il reste si présent parmi nous. On fête cette année, les 220 ans de sa naissance, alors vite revisitons, comme on dit maintenant, un de ses textes fameux…
Julien Gracq affirme dans un de ses écrits qu'il relit «
Les Chouans » et «
Beatrix », et moins souvent « le Lys » et «
Séraphîta » et qu'il n'a que de l'estime pour les autres romans
De Balzac.
Julien Gracq est cet auteur angevin qui a si bien chanté les pays de Loire, ayant fait don de sa maison afin d'en faire une résidence d'écrivain, dans cette belle commune de Saint-Florent-le-Vieil, à l'abbaye qui surplombe la Loire et possédant dans les environs, à Liré, un beau musée consacré à l'autre enfant du pays, le poète
Joachim du Bellay (heureux qui comme Ulysse…)
J'ai donc eu envie de relire «
Beatrix », manière de célébrer cette figure locale connue dans le monde entier. Avec «
Les Chouans » ce sont les oeuvres les moins scolaires et permettant d'aborder plus facilement la vaste « comédie humaine » qui comprend environ 90 titres… Mais où prenait-il le temps, lui qui est mort à 51 ans en 1850 ?
Balzac à 40 ans quand il publie cette histoire. Il a déjà écrit la plupart de ses romans les plus célèbres. «
Béatrix » raconte l'éducation sentimentale de Calyste du Guénic, jeune breton épris de beauté et d'intelligence. Par l'intermédiaire de Camille Maupin, écrivaine et musicienne mondaine, il rencontre
Béatrix de Rochefide, femme fatale dont il tombe amoureux. Tout à fait classique si ce n'était les différentes entrées possibles.
Je veux garder en mémoire ces personnages plus vrais que nature quand ils tombent sous la plume
De Balzac et pour cause,
Balzac se serait inspiré de
George Sand et des amours de Litzt et de la comtesse d'
Agoult :
• Mlle Félicité des Touches (dont le pseudo d'artiste dans ce roman est Camille Maupin) c'est, en partie, Aurore Dupin (vrai nom de
George Sand…), la femme artiste qui fascine
Balzac et à qui il semble bien rendre hommage dans ce roman. Camille s'adressant à Calyste : « Vous n'avez rien lu de
George Sand, j'enverrai cette nuit un de mes gens acheter ses oeuvres à Nantes et celles de quelques autres auteurs que vous ne connaissez pas. »
• Calyste, jeune homme ingénu, ébloui par ces dames belles, mondaines et cultivées! Est-ce un peu l'auteur lui-même? Lui qui a si bien célébré la femme par sa beauté mais aussi par son intelligence, par sa capacité à agir et à peser sur son destin. En cela, il était précurseur et vraiment moderne.
• Mme de Rochefide (
Béatrix), inspiré de
Marie D'
Agoult, femme de lettre, célèbre pour sa passion pour Liszt et sa production littéraire (qui a mal résisté au temps…).
• Gennano Conti, le célèbre compositeur et pianiste, inspiré de Frantz Liszt
• Les du Guenic, le pays de Guérande et du Croisic, personnages à part entière d'un roman atypique,
Balzac ayant troqué sa Touraine pour un environnement uniquement maritime.
Il y a des scènes magnifiques à classer dans les plus belles pages de la littérature : le jeu de la mouche, un jeu ou on misait de l'argent et qui se jouait avec 5 cartes.
« Avancer un liard pour risquer d'en avoir cinq, de coup en coup, constituait pour la vieille thésauriseuse une opération financière immense, à laquelle elle mettait autant d'action intérieure que le plus avide spéculateur en met pendant la tenue de
la Bourse à la hausse et à la baisse des rentes »
Les analyses de caractère sont précises car relevant d'une étude quasi-scientifique (digne de
Dostoïevski selon
Julien Gracq…) et certaines scènes évoquent l'atmosphère particulière de la maison de Nohant, où
George Sand tenait une sorte de salon culturel permanent, et que
Balzac avait visité plusieurs fois et peu de temps avant d'écrire
Béatrix, en mars 1838. Ce serait là qu'il aurait recueilli la matière de ce futur roman de la bouche même de Mme
George Sand, notamment le récit des amours de Liszt et
Marie D'
Agoult.
Il a été dit que Sand lui avait tenu rigueur du portrait qu'il avait fait d'elle… Cela ne semble pas évident quand on consulte leur correspondance après la parution de «
Béatrix », contenant tant de preuves d'amitié et de respect sincères. Voir à ce sujet : « Mon cher George,
Balzac et Sand, Histoire d'une amitié » paru chez Gallimard en mars 2010. On peut lire dans ce superbe ouvrage la préface de
George Sand à l'édition Houssiaux de la Comédie humaine (1853-1855). Loin des clichés et des classements, elle écrit : «
Balzac n'avait pas d'idéal déterminé, pas de système social, pas d'absolu philosophique ; mais il avait ce besoin du poète qui se cherche un idéal dans tous les sujets qu'il traite. »
Article complet et autres notes sur mes livres essentiels sur le site Bibliofeel
Lien :
https://clesbibliofeel.blog/