« Bonjour les Babélionautes ! Aujourd'hui, on voyage au Moyen Age, avec un roman policier, culinaire et historique de
Michèle Barrière, attention, tenez-vous bien pour le titre *pause dramatique*
Souper mortel aux étuves.
-Ah oui, en effet, ça, c'est du titre. Et pourquoi pas Dîner fatal au sauna ou Petit déjeuner létal au spa ?
-Ce serait fort amusant aussi.
Or donc, Constance, jeune épouse aimante et vertueuse, découvre que son époux a été assassiné. Elle n'a désormais plus qu'une volonté : le venger avant de rentrer dans les ordres. Elle se fait donc passer pour une cuisinière afin d'infiltrer en tout bien tout honneur l'étuve où il enquêtait…
-Pourquoi tu précises « en tout bien tout honneur » ?
-Parce que les étuves médiévales étaient des lieux de prostitution.
-Aaaah.
-J'ai été… fort surprise par ce roman.
-C'est un roman historique, donc, le style va être un peu pédagogique, voire pesant, non ?
-Oui… et non. Point de lourdeurs, au contraire : le texte prend résolument un ton léger, détendu, sans se prendre au sérieux. Il décrit, certes, il instruit, bien sûr, mais l'angle de la vie quotidienne rend le résultat digeste et facilite l'immersion.
-L'angle de la vie quotidienne… que veux-tu dire exactement ?
-Et bien, par exemple, tu ne lis pas « le quartier des bouchers de trouvait telle rue… » mais « Constance se rendit telle rue pour acheter la viande… », « Les bouchers font comme ci ou comme ça… », et caetera. En dernier lieu, j'ai adoré toutes les parties, et elles sont nombreuses, consacrées à la nourriture.
Bonus d'entre les bonus : les recettes figurent à la fin du roman !
-De la culture, du dépaysement, de la nourriture en abondance : il m'a l'air formidable, ce bouquin !
-Beeen… en fait… non.
-Comment ça, non ? Tu viens d'énumérer plein de choses chouettes !
-Hélas, elles sont contrebalancées par des choses moins plaisantes à mon goût. Je disais plus haut que le roman m'avait surprise. Parmi ces surprises, celle-ci : je ne m'attendais pas à l'utilisation de clichés.
-Des clichés ? Quel genre ?
-Du genre « je me révèle exceptionnellement douée dans une discipline complexe que je n'ai jamais pratiquée ». On y a droit depuis Dirty Dancing, et sans doute avant, mais c'est l'exemple le plus ancien qui me vienne à l'esprit. Un exemple plus récent : Mémoires d'une
geisha, d'
Arthur Golden. Certes, cela offre des histoires qui font rêver (ah, danser dans les bras de
Patrick Swayze et n'être que beauté en kimono… mais pas en même temps, ce ne serait pas pratique). Cependant, à force de les voir, je perds en fascination.
-T'exagères, Déidamie. Tu disais que c'est un roman léger et sans prise de tête !
-Oui, et bien, peut-être un peu trop. L'histoire d'amour m'a laissée indifférente, aussi. Non. Ce n'est pas vrai. Elle m'a mise en colère, à vrai dire. D'une part, je ne lui trouvais pas d'intérêt, d'autre part, son point de départ use d'un cliché vraiment malsain. Aussi, vais-je me permettre un message.
Messieurs et Mesdames aussi, si une femme vous manifeste du désintérêt, voire de la répulsion, n'essayez pas de la peloter contre son gré. Non, cela n'enflammera pas ses sens pour la rendre magiquement folle de vous. C'est une technique de porno pour obtenir des relations sexuelles, ça, pas de séduction. Dans la réalité, cela ne marche pas, je suis formelle.
-Oui, mais Déidamie, c'est le Moyen Age, si l'homme ne domine pas, la femme ne peut pas se rendre compte qu'il la drague ! C'est pas vraiment une agression, et puis, il faut lire avec les codes de l'époque…
-Donc pour courtiser et aimer une femme au Moyen Age, il faut l'agresser, c'est nécessaire ? Comment expliques-tu que l'un des héros des Piliers de la terre ait toujours respecté son épouse aimée ?
Quoi qu'il en soit, je n'aime pas lire ce genre de… cliché, justement, parce que j'ai l'impression qu'on me prend pour une imbécile, comme avec Mille femmes blanches. Je ne me sens ni instruite, ni divertie, je ne rêve plus, je cauchemarde, bref, la magie n'opère plus. Et j'ai fini par me désintéresser complètement de l'intrigue.
Il reste malgré tout une intéressante reconstitution de Paris et de ses moeurs culinaires et sociales, de jolies pistes menant vers davantage de savoir, et de quoi jouer chez soi après la lecture pour recevoir dignement ses amis. »