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EAN : 9782072821226
288 pages
Gallimard (17/01/2019)
3.49/5   43 notes
Résumé :
«Un soir, alors qu’elle escaladait sans assurance une paroi des calanques plus raide et plus haute que les autres, elle avait soudain réalisé l’absurdité de la chose. Le rocher était friable. Elle se mettait bêtement en danger. Si une prise cassait, elle rebondirait le long de la paroi et disparaîtrait dans la mer. Elle réalisa que, depuis son départ, elle avait inconsciemment cherché à imiter Tom, à rejouer sa vie, en empruntant une voie qui n’était pas la sienne.<... >Voir plus
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Habiter le monde est le premier roman de Stéphanie Bodet. Deux informations m'ont incitées à lire ce livre. Tout d'abord la très belle critique de Blandine, amie fidèle d'ici, puis la lecture du journal intime de Sylvain Tesson, Une très légère oscillation, dans lequel il évoque son admiration pour cette auteure par ailleurs passionnée de montagne, amoureuse des voyages verticaux, disposant d'un brillant palmarès en épreuves d'alpinisme. Sylvain Tesson évoque À la verticale de soi, livre de cette auteure que je compte bien désormais lire également.
Celles et ceux qui aiment la montagne comme moi, breton amoureux des hauteurs, aimeront ce roman, même si la montagne ne prend pas toute la place dans ce récit. La place est vite prise par autre chose, une envie de vivre, mais surtout donner un sens à ce qu'est vivre.
Emily et Tom ont vu leur amour naître au pied d'une paroi rocheuse. Tom, escaladeur chevronné, devenue célèbre, a su transmettre à Emily sa passion. Mais un jour, Tom ne revient pas d'une escalade ultime. À l'endroit où il a chuté, il sera impossible de retrouver son corps. Pour Emily c'est un double deuil.
Quelques semaines après, elle découvre qu'elle est enceinte. Une petite Lucy va naître.
Emily décide de rebondir en quête de l'essentiel pour ne pas perdre pied.
Son enfant Lucy, sa famille, des amis qui l'aiment et la soutiennent lui permettent de retrouver goût à la vie et de développer une nouvelle manière d'appréhender le monde.
Voilà, vous me direz, que de beaux sentiments... ! Et je vous répondrai : oui, et alors ? Ou plutôt : oui, mais pas seulement....
Il est vrai que les beaux sentiments n'ont jamais permis à eux seuls de définir un roman réussi. Mais il y a des exceptions. L'inverse est vrai aussi. Sur le scénario du roman, son intrigue, son dénouement attendu, je reste un peu mitigé. Mais je pense que l'essentiel qui doit retenir notre attention est ailleurs, une petite voix intérieure qui vient peu à peu nous habiter. Puisqu'ici il est question d'habitation... D'autres voix viennent, sont convoquées, des écrivains, des poètes, des philosophes.
J'ai adoré la première partie de ce roman. Infiniment pleine d'empathie. Son histoire d'amitié avec ses voisins m'a davantage touchée que celle qui a suivi dans la seconde partie, s'agissant d'amour.
Il y a justement dans cette seconde partie cette rencontre avec Mark, un célèbre architecte d'intérieur qui s'interroge sur le sens de son travail, et, comme Emily, porte en lui une fêlure. Mais là, j'ai eu du mal à être au rendez-vous. Je n'ai pas cru aux jolis sentiments et aux bonnes intentions du trop charmant Mark, bien que leur idylle offre de magnifiques échanges épistolaires...
Pour autant, Habiter le monde est une invitation. Une belle invitation.
C'est aussi un roman sur le deuil, la renaissance, rebondir après la mort d'un proche, quelque chose qui console. Il y a de la résilience dans ce roman.
C'est une ode à la vie, à l'amour, au bonheur, mais à d'autres choses aussi tout aussi essentiel. Ce livre est l'éloge du temps, de la lenteur et de la simplicité.
Habiter le monde, mais pas à n'importe quel prix !
Comment habiter un monde fragilisé par l'image, par la vitesse, par l'obsolescence ?
Habiter le monde est une ode à la décroissance, à l'écologie, à l'écoute du monde et des autres. J'ai aimé cette invitation au travers de la voix des personnages de ce livre, j'y ai été très sensible.
Étonnamment, ce que j'ai également beaucoup aimé dans ce roman, c'est une autre manière d'habiter une maison, il y a de très belles réflexions à ce sujet, sur la représentation de nos intérieurs, ce que nous en attendons...
Le roman est égrené de citations d'auteurs célèbres, et qui font sens avec l'intention du récit, avec cette manière d'habiter le monde, prendre la route comme Bruce Chatwin, découvrir l'ailleurs comme Nicolas Bouvier, habiter une cabane comme Henry David Thoreau, prendre le soleil comme Jean Giono, capter le bruit d'un cœur comme Christian Bobin... Il se trouve que j'aime beaucoup ces auteurs. Et si habiter le monde, c'était l'habiter par les livres... ?
Ce roman m'a même donné envie de découvrir l’œuvre de Gaston Bachelard, ce philosophe que l'écrivaine adore et cite à plusieurs reprises.
Habiter le monde, habiter nos rêves, habiter nos vies, pour mieux leur donner sens.
Pour revenir quelques instants sur les pas de Sylvain Tesson, il est intéressant de noter que ce roman de Stéphanie Bodet a été publié chez Gallimard dans la collection L'Arpenteur, dirigée par Ludovic Escande. Il se trouve que, pour vaincre le vertige de celui-ci, ses deux amis Jean-Christophe Rufin et Sylvain Tesson, l'ont entraîné dans une folle ascension du Mont Blanc, dont il a fait le récit...
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Tom et Emily se rencontrent à l'adolescence. le garçon a une passion, l'escalade ; il y initie la jeune fille, sur les rochers de Fontainebleau. Tom veut assouvir sa passion et part s'installer près de Chamonix. Emily l'y rejoint quelques années plus tard. Ils s'y marient. Mais le bonheur ne dure pas : Tom se laisse emporter par sa passion et délaisse son épouse. Il enchaîne des courses de plus en plus difficiles, partout dans le monde ; il est médiatisé... Jusqu'à la course de trop !

Après une courte phase de dépression, Emily reprend goût à la vie en découvrant qu'elle est enceinte. Elle vivra dix ans à Paris, avec sa fille et quelques amis très proches. Jusqu'au jour où elle part en Australie interviewer Mark, un célèbre architecte d'intérieur.

J'ai lu ce livre après avoir lu le commentaire, enthousiaste, d'un ami. Mon avis est un peu plus partagé...

L'écriture et le style sont intéressants : pas aussi simples qu'il n'y paraît, recherchés et parfois flamboyants, mais toujours faciles à lire. Stéphanie Bodet fait preuve d'érudition (peut-être un peu trop parfois ?) : on sent qu'elle a approfondi les recherches sur les sujets qu'elle traite. C'est finalement un roman assez court, instructif, qui se lit vite.

Les personnages sont attachants, mais c'est là que le bât commence à blesser : à part Tom, qui laisse apparaître ses zones d'ombre, les autres sont tout gentils et tout bons. Pas, ou très peu, d'ambiguïté chez eux : même si les personnages principaux affichent leurs failles, elles sont toujours dans la recherche du positif, du mieux faire ou du mieux être, jamais dans l'ombre ou le négatif...

Ce qui m'a le plus gêné, c'est l'environnement de cette histoire. C'est un peu un conte de bisounours dans un monde de bisounours. Il y a bien quelques coups de canif à l'encontre d'un monde capitaliste, où la recherche du profit et la vitesse d'exécution emportent tout ou presque. Mais globalement, la narration se déroule dans un monde rêvé, idéalisé, qui sera peut-être celui de Lucie, la fille d'Emily (j'en doute quand même un peu), mais qui n'est pas la réalité d'aujourd'hui. Un seul exemple, celui des relations humaines : Emily ne rencontre pour l'essentiel que des gens bienveillants, désintéressés, à l'écoute de l'autre... Un peu trop idéal, non ?
Lien : http://michelgiraud.fr/2019/..
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Quelqu'un m'a dit : ce roman devrait te plaire puisqu'il y parle de montagne. Page de garde, éloge de Ruffin, éditeur Ludovic Escande, celui qui a fait le Mont-Blanc avec les chaussures d'un pote, 2 pointures au-dessus de la sienne (voir ma critique). On prend les mêmes, et on recommence ? Et dès les premières pages des mots de Bobin. Un mélange de beaucoup de choses qui me parlent bien : Chamonix, girolles, morilles, bouquetins, Thoreau, Bouvier, Messner, Bonatti, Gary, Barbara, Ferré.
Emily, dont le conjoint champion d'escalade disparaît dans une crevasse, va devoir continuer sa vie malgré tout, d'autant qu'elle découvre qu'elle est enceinte. de beaux passages bien écrits sur la vie et surtout sur la nature. de belles références. Des passages que j'ai savourés. Une histoire d'amitié avec ses voisins parisiens touchante. Une ode à la lenteur. J'ai surtout aimé la première partie, la deuxième en Australie est classique, mais est valorisée par un échange de lettres sublimes qui changent des courriels.

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Après avoir retracé son expérience d'alpiniste dans «À la verticale de soi», Stéphanie Bodet se lance avec le même bonheur dans le roman. Et nous donne envie d'«Habiter le monde».

Emily a connu Tom Eliadec alors qu'elle était en terminale au lycée de Nemours. Et plus ce garçon taiseux qui ne s'intéressait pas aux filles la fuyait et plus il la fascinait. Car la passion quasi exclusive de Tom, c'est l'escalade. Aussi se décide-t-elle à l'accompagner sur les rochers de Fontainebleau où il s'entraine. Mais à peine le premier baiser est-il échangé qu'il lui annonce qu'il va partir pour Chamonix et devenir guide. Là-bas, il va très vite devenir «ET», l'alpiniste le plus rapide du monde. Et être rejoint par Emily. «L'épouse du héros», comme Paris-Match l'avait nommée, va suivre son ascension, le voir prendre toujours plus de risques et… chuter mortellement.
Un drame qu'elle va avoir de la peine à surmonter. «À chaque pas, elle butait sur l'absence. le soleil la révoltait. Il n'avait pas cessé de briller depuis sa mort. Il fallait fuir.»
Après avoir choisi le Sud et les contreforts de la Sainte-Baume, elle va choisir de trouver un peu de réconfort auprès de sa famille. Guillaume, son frère parfumeur, l'accueille chez lui. Avec lui, elle va pouvoir se raccrocher à ses souvenirs d'enfance, se rapprocher de son père dont l'essentiel du temps est consacré à accompagner son épouse, dont la «maladie invisible» l'éloigne tous les jours davantage de lui. Mais cette mère qui n'a plus sa tête et ce père si dévoué font du bien à Emily.
Si elle retrouve l'envie d'avancer, c'est aussi parce qu'elle porte un enfant et qu'elle a envie d'avancer avec lui dans la vie.
Elle va s'installer à Paris pour y étudier et y travailler. Les concierges de son immeuble, Georges Dubois et son épouse Fatou, vont devenir des amis proches et lui proposer de garder Lucie pour lui offrir du temps pour elle.
Une autre rencontre va lui permettre de trouver du travail. Elle croise Juliette, qui faisait partie de l'équipe de Paris-Match, et qui lui propose de prendre une place laissée vacante dans la rédaction du blog de déco du magazine Your home. Très vite, elle va s'imposer avec ses articles rose bonbon.
Entourée de ses amis, elle reprend goût à la vie, constate que Lucie grandit avec les mêmes envies de grimper que son père qu'elle n'a pas connu. C'est alors qu'on va lui confier un reportage en Australie où elle devra notamment réaliser un entretien avec Mark, un architecte d'intérieur.
Dans ce roman des rencontres et des liens qui se nouent entre des personnes qui jusqu'alors ne se connaissaient pas, Stéphanie Bodet va choisir les antipodes, le dernier rivage, pour rassembler Mark et Emily. Une rencontre d'autant plus féconde que les circonstances vont leur permettent d'échanger longuement, de se trouver de nombreux points communs. Aussi c'est avec un pincement au coeur qu'Emily regagne la France.
Commence alors un échange épistolaire dans lequel chacun va de plus en plus se dévoiler. Je vous laisser découvrir les derniers rebondissements et l'épilogue de cette quête qui, j'en suis persuadé, vous emportera à votre tour.
La plume allègre, la construction très classique mais ponctuée de scènes fortes en émotions alternant avec quelques épisodes cocasses, des personnages attachants et une philosophie de vie lumineuse donnent en effet envie d'«habiter le monde».

Lien : https://collectiondelivres.w..
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Sur la couverture, le petit mot de Jean-Christophe Rufin ne peut qu'attiser ma curiosité "Un hymne à la montagne, à l'amour, à la lumière du coeur"... Alors, désolée pour les autres mais je lui accorde immédiatement un pass / coupe-file, et tant pis pour l'abolition des privilèges et les accusations de favoritisme. L'auteure est championne d'escalade, amoureuse de la nature et des mots. Alors je passe sur la jaquette qui arbore une photo assez banale, impersonnelle et peu valorisante et je me lance à la rencontre d'Emily.

Lorsque nous faisons sa connaissance, Emily vient de recevoir l'appel téléphonique qu'elle redoute depuis des années. Tom, son homme, son champion d'escalade, celui pour qui elle a quitté Paris, l'université et sa famille pour s'installer à Chamonix, Tom a disparu, une terrible chute, son corps a été happé par la montagne. C'est d'abord en s'isolant dans la nature, en faisant corps avec les éléments qu'Emily va trouver les premiers éléments de consolation et d'apaisement ; mais très vite, elle doit reprendre sa vie en mains, et surtout, se la réapproprier, d'autant qu'elle s'apprête à devenir mère. Retour à Paris où elle reprend ses études de lettres, fait de nouvelles rencontres et finit par dégoter un poste de rédactrice pour un magazine de décoration. Poste grâce auquel elle fera la connaissance de Mark, un célèbre architecte d'intérieur...

Stop. Je m'aperçois en écrivant ces lignes à quel point ce roman est difficile à résumer. Ce que je viens d'écrire donne l'impression d'un truc vraiment fleur bleue, hyper romanesque... Et certains passages le sont, en effet. Mais heureusement, ce n'est pas tout. Ce qui sous-tend toute l'intrigue c'est une réflexion sur notre façon d'être au monde ; et l'auteure n'hésite pas à convoquer la littérature, la poésie et la philosophie. Avec au centre, La poétique de l'espace de Gaston Bachelard. Une réflexion qui englobe la représentation de nos intérieurs, de ce que nos maisons représentent pour nous, de la façon dont nous constituons ou fantasmons notre "chez nous". Et des traces profondes que laissent ces espaces qui évoquent un bonheur passé.

Si l'on trouve dans ce roman bon nombre de considérations d'actualité - écologie, environnement, règne de l'apparence et des images, société de consommation - il s'en dégage aussi un charme quelque peu désuet par l'importance accordée aux mots et aux écrits. Les dialogues truffés de citations littéraires où se mêlent Eluard, Nicolas Bouvier, Zola ou encore Anna Gavalda ; une correspondance à l'ancienne, oui oui, des échanges de lettres plutôt que des mails. Une sorte d'éloge de la lenteur.

"Emily avait choisi de voyager sans GPS. On avait tout son temps. Lorsque on se trompait, on faisait demi-tour. On s'arrêtait dans un café pour demander la direction. Quand il n'y avait pas de commerce ouvert, on trouvait toujours un petit vieux savourant le soleil, les yeux mi-clos sur son banc, heureux de pouvoir se rendre utile".

Résultat : j'ai dévoré ce roman en pardonnant quelques passages un poil "faciles" joliment rattrapés par l'ambition affichée de l'auteure de stimuler notre réflexion et nos voyages intérieurs. C'est un roman lumineux, une invitation à voir le monde par un prisme qui fait sacrément du bien.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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En voyageurs, nous avions restreint nos murs et notre toit auX frontières de notre corps, tout à la joie de laisser filtrer le vent et la grande rumeur du monde dans nos chambres intérieures. Heureux de nous laisser dépoussiérer, désencombrer. Le sentiment d'étrangeté que nous éprouvons à l'égard de notre logement, de notre vie, lorsque nous rentrons, n'en est que plus fort. Tout nous parait soudain trop grand ou exagérément meublé.

C'est cette impression de « trop » qui domine. Trop de tout. De linge, de meubles, de vaisselle, de relations, de rendez-vous... Toutes ces choses que nous possédons et qui nous possèdent bien davantage. La plupat du temps, ce flottement entre notre univers et nous, cette incertitude face aux objets, à ce qui façonne notre vie, ne dure pas. Très vite, trop vite peut-être, nous préférons oublier cette sensation inconfortable pour chausser nos pantoufles. Réintégrer l'image familière que nous nous faisons de notre existence. Notre empreinte sur les choses nous rassure. Elles sont bien à nous, nous sommes bien à elles. Sentiments d'appartenance mutuelle et d'identification apaisants...

Certaines fois, plus rares, il se produit une rupture soudaine, un craquement net, que seul peut percevoir celui qui le vit. Aux yeux des autres, rien n'a changé. Mais pour soi, tout est différent. Inquiétante étrangeté. Ce sentiment de séparation est si fort qu'on est prêt à tout abandonner sur-le champ. En réalité, ce qu'on prend pour un brusque chavirement de tout l'être n'est que la rupture de cette étoffe fragile qui noUs reliait au passé et qui avait commencé son lent travail| d'usure en silence. Pour se déchirer tout à fait, il ne lui manquait que l'occasion de se distancier. Ce que procurent le voyage, la rencon tre. L'occasion de poter un regard neuf sur l'existence. Est-ce bien cela ma vie, la vie ? se dit on soudain. Lorsqu 'on en doute, un point de non-retour est atteint.

On n'en revient jamais.
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Elle n'avait trouvé de repos que dans le mouvement. Chaque jour, elle descendait le long de la falaise pour atteindre le rebord d'une petite vire rocheuse à ras de l'eau. Et elle plongeait. Les jours de mistral, le froid la saisissait, et il fallait nager, nager au large pour se réchauffer. Lorsqu'elle n'en pouvait plus, elle revenait. S'agrippait au rocher coupant pour s'extraire des vagues, griffant ses pieds et ses mains sur ce calcaire abrasif. Et elle passait le reste de la journée à marcher et à grimper, partout où elle le pouvait, jusqu'à l'épuisement.

Un soir, alors qu'elle escaladait sans assurance une paroi plus raide et plus haute que les autres, elle avait soudain réalisé I'absurdité de la chose. Le rocher était friable. Elle se mettait bêtement en danger. Si une prise cassait, elle rebondirait le long de la paroi et disparaitrait dans la mer. Elle réalisa que, depuis Son départ, elle avait inconsciemment cherché à imiter Tom, à rejouer sa vie, en empruntant une voie qui n'était pas la sienne.

Cette prise de conscience l'amena à ralentir, à s'extraire d'un rythme devenu frénétique et aveugle, pour faire face auU vide et à l'absence. À sa solitude. Elle retrouva peu à peu le goût de la flânerie, savourant avec lenteur sa promenade au bord de la côte, déchiffrant les rainures d'un caillou ou l'écorce d'un pin. S'asseyant, immobile, des heures durant, sur un petit promontoire, le visage tourné vers la mer. Une qualité de présence qui intensifiait chaque seconde écoulée. Au contact des éléments, elle avait senti croître en elle une forme d'apaisement. Une force nouvelle.
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Emily avait choisi de voyager sans GPS. On avait tout son temps. Lorsque on se trompait, on faisait demi-tour. On s'arrêtait dans un café pour demander la direction. Quand il n'y avait pas de commerce ouvert, on trouvait toujours un petit vieux savourant le soleil, les yeux mi-clos sur son banc, heureux de pouvoir se rendre utile
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Dans un monde où tout était conforme et standardisé, il ne restait que l'artisanat, l'art et la beauté pour nous sauver de la vulgarité et de l'ennui, avait-il coutume de dire à ses proches. Il vouait un culte à la patine du temps. Cette âme des objets, cette lente usure des matières qui ont vécu. L'érosion des choses amoureusement aimées ou juste empruntées par nécessité. Comme les pavés des vieilles rues de Paris. C'est pour cette raison qu'il avait élu domicile dans le Quartier latin. Il avait le sentiment d'y percevoir la rumeur des premiers pèlerins partant pour Saint-Jacques.
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-S'installer dans une chambre, pour une semaine, un mois ou un an est un acte rituel dont beaucoup de choses vont dépendre et dont il ne faut pas s'acquitter avec l'esprit brouillon. Ne pas engorger une frugalité qui est salubre, limiter ses interventions, surtout ne pas bousculer les rapports de ton. Dans une chambre digne de ce nom, les couleurs ont pris le temps de s'expliquer, de parvenir par usure et compassion réciproque à un dialogue souhaité et fructueUX.
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Vidéo de Stéphanie Bodet
Avec Gerard Guerrier pour son livre Eloge de la peur aux éditions Paulsen (préface Bertrand Piccard). Au Salon du livre de Genève à Palexpo avec le Club du Livre https://club-livre.ch
Pour mieux comprendre ces peurs choisies, Gérard Guerrier s'est tourné aussi bien vers des philosophes que vers des neuroscientifiques et des psychiatres. Surtout, il s'est entretenu de longues heures avec de nombreux aventuriers et sportifs de l'extrême, comme Isabelle Autissier, Pierre Mazeaud, Géraldine Fasnacht, Loïck Peyron, Stéphanie Bodet, Bertrand Piccard. Ici, philosophes et sociologues, base-jumpers et freeriders, explorateurs, montagnards et marins dialoguent par-delà l'histoire et la géographie, le temps et l'espace sur la peur, leurs peurs. Et, comme en la matière, rien ne vaut l'intime, Gérard Guerrier nous livre également ses peurs vécues... de la simple appréhension à la terreur pure.
REMERCIEMENTS
SALON DU LIVRE DE GENEVE @salondulivregeneve http://www.salondulivre.ch Laurence Brenner, Maud Couturier CLUB DU LIVRE @clublivreswiss https://www.club-livre.ch Manuela Nathan @Manuela.nathan , Aurelie Garcia @aurelieautheatre , Williams Mouriere, Yves Jaques, Michael Bouvard @Michael_Bouvard Interview de l'Auteur : Manuela Nathan Prod/Post-prod Interview de l'Auteur : Williams Mouriere, WM Productions
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