Cahier d'un retour de Troie

Très déçu par ce cahier de chroniques. Il s'agit du récit au jour le jour d'une errance à travers les USA, débordant un peu sur le Canada. Comme à son habitude, Brautigan s'arrête et décrit le quotidien, l'objet de sa contemplation, si contingente soit-elle. On oscille parfois entre l'Oulipo et le Surréalisme, jusqu'à l'absurde. Mais, à force de descriptions qu'il avoue lui-même être parfois inutiles, son récit perd de l'intérêt. Et le lecteur se demande un peu ce qu'il est parti faire dans cette aventure. Ce qui faisait la force du « Tokyo Montana Express », une volonté de se démarquer du conformisme, avec des réflexions quasiment philosophiques sur la vie, devient ici une suite de descriptions de non-événements du quotidien, de réflexions assez pauvres. Lu très vite en diagonale.

Surprenante écriture, le texte relate le parcours d'un écrivain, Richard Brautigan, qui veut nous parler d'une femme morte, à moins que ce ne soit de ses relations avec l'écriture ou avec des femmes, mais peut-être de ses déplacements, ou dune amie atteinte dun cancer... En fait il écrit comme son attention le fait aller deci delà au rythme des événements qui l'interpellent ou des pannes d'inspiration ou des remémorations de divers épisodes. Cela semble assez compliqué au départ, mais faut se laisser prendre par la main dans cette errance pour y trouver un certain plaisir et voir combien la mort l'angoisse tellement qu'il se distrait à regarder à côté.

Brautigan était certainement un type loufoque plein d'histoires cocasses, mais c'était surtout un vrai écrivain qui se soulevait bien au-dessus de sa propre excentricité. Il y a un rythme Brautigan, ou plutôt une arythmie Brautigan — l'arythmie est aussi un rythme, un rythme qui ne concède rien au métronome — et Brautigan est plein d'arythmie. C'est cette arythmie ces digressions et syncopes en extrasystole qui font tout son prix. Et puis avec l'arythmie il y a aussi cette belle neurasthénie, il ne cessera pas de tourner autour, il tombera dedans, elle l'engloutira ne laissant bourdonner que la trace d'un coeur qui battait bizarrement. Des livres, une langue ?
Dans le Cahier d'un retour de Troie, tout est gris, même l'humour. Brautigan est déjà presque livide, juste encore un peu sautillant par la grâce d'un coeur qui cessera bientôt de battre de guingois. C'est un livre qui vous chiquenaude les mollets par sa morosité, qui vous taquine l'estomac par son goût de cendre.
Lien : https://novland.blogspot.com/