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EAN : 9782915018684
154 pages
Quidam (04/11/2011)
4.4/5   25 notes
Résumé :

Morris Magellan est cadre dirigeant d'une biscuiterie en Ecosse. Il vit avec une femme qui l'aime, dont il a deux enfants, et possède une maison en banlieue chic. Il incarne la réussite. Mais Magellan est un alcoolique chronique. Rien chez lui du buveur noceur et surmené qui finit, sur le tard, par s'éteindre dans le confort bourgeois. En quête constante de son identité réelle, s'efforçant de masquer ce qui le ronge... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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« le son de ma voix » fait partie de la catégorie de romans dont tu ne sais pas pourquoi tu l'as en main. Tu ne connais pas l'auteur, ni même le bouquin. Mais tu l'ouvres quand même, une page tu gouttes à la plume écossaise. Une seconde page, tu penses à la bouteille de whisky écossais dans le buffet. Une troisième page et tu continues de penser à cette bouteille de whisky. Quatrième page, whisky whisky. Cinquième page, ton esprit est obnubilé il se lève se sert un verre. Sixième page, tu humes ton verre. Septième page, les premières gouttes de ce liquide ambré descendent en ton for intérieur. Huitième page, tu te sers un second verre. Neuvième page, tu arrêtes de boire pendant ta lecture. Dixième page, tu te lèves de nouveau, pour te servir un autre verre et garder la bouteille à portée de main. « le son de ma voix », c'est un putain de bouquin dans une main, et une putain de bouteille dans l'autre. Et tu y restes accroché tout au long, comme scotché à ton scotch. D'Écosse, le scotch. Comme le bouquin.

Morris Magellan a une femme qui l'aime énormément, des enfants magnifiques et aimants comme tous les enfants, une villa en banlieue, des voisins, un boulot de cadre dirigeant dans une biscuiterie. La vie de château en Écosse. Pourtant… Cela a probablement commencé par un verre le midi pendant la pause-déjeuner. Puis deux… Puis le lendemain, il a pris sa pause-déjeuner un peu plus tôt. Puis le lendemain, il a mis une bouteille dans son bureau – pour les invités, les « after » réunions. Puis ensuite, il est descendu au bar à deux pâtés de son bureau avant de retourner chez lui. Il s'y éternise de plus en plus d'ailleurs. D'ailleurs, à sa femme, il dit que ce sont ses réunions qui s'éternisent et qui l'épuisent, l'assomment. D'ailleurs, il prend un cachet d'aspirine. Puis deux le lendemain, puis deux chaque soir. Matin, midi et soir. Un cycle infernal. Aspirine, whisky. Ou aspirine cognac. Morris a une grande passion pour le Cognac « Courvoisier ». le Gin aussi. D'ailleurs, il connait toutes les pharmacies du coin, qu'il fréquente à tour de rôle, pour se fournir en aspirine.

Tous les soirs, Morris essaie de faire bonne figure, devant sa femme, devant ses enfants. Ils ne sont pas dupes. Lui, non plus, à la fin. Il essaie de montrer qu'il est sobre, et même pas gai, l'alcool à ce niveau a plutôt tendance à rendre triste, avant l'agressivité. Pourtant, elle reste avec lui. Par amour. Certainement. Pour les enfants aussi. Par amour des enfants. Par pitié, peut-être un peu. Il devient de plus en plus difficile de le suivre dans cette descente aux enfers, pris dans l'engrenage de la boisson. Surtout qu'il veut s'en sortir seul, il n'a pas besoin d'aide, il boit jusque quelques verres dans la journée, ce n'est pas un mal. du moins de son point de vue.

Cela fait plusieurs mois que j'ai lu ce roman de Ron Butlin, premier du nom. J'avais besoin de temps avant d'écrire dessus. de faire le point, sur l'histoire, sur la vie, sur le niveau de ma bouteille. Les images sont fortes, frappantes. Elles cognent encore dans ma tête, comme le son de l'afflux sanguin dans mes tempes. Pas une goutte d'espoir dans ces lignes, plus une goutte de liquide ambrée dans ces bouteilles qui trainent dans le salon, dans la cuisine, dans la chambre. Un roman sans espoir qui le rend encore plus fort, fort en désespoir d'un homme qui se noie dans l'alcool de sa vie. J'ai trouvé en ce roman un chef d'oeuvre avec ce constat si triste de l'alcoolisme. Une pépite littéraire, comme ce Courvoisier, un cognac de Napoléon ou ce Glenfiddich 15 ans aux couleurs or avec ce léger goût de tourbe et de terre humide du Speyside. le grand livre de l'Écosse a été écrit par Sir Ron Butlin. C'est mon dernier mot, pas mon dernier verre. La dernière goutte est toujours la meilleure, teintée de tristesse et de désespoir, comme dans une putain de vie.
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Caméra subjective dans les yeux et le cerveau d'un alcoolique. Très drôle, très poignant. Magistral.

Publié en 1987 (en 2004 en français par l'infatigable découvreur Quidam Éditeur), ce roman permet à Irvine Welsh d'écrire, dans sa préface à l'édition de 2002 : "Si vous demandez à n'importe quel étudiant en littérature celtique de citer une oeuvre de fiction classique, écrite en Écosse au cours de ces vingt dernières années, la liste est plutôt prévisible. Et cela ne fait pas un pli : "Penser à respirer" de Janice Galloway, "Docherty" de William McIlvanney, "Le poinçonneur Hines" de James Kelman, "Lanark" de Alasdair Gray et "Le seigneur des guêpes" de Iain Banks figureraient tous en bonne place. Mais il y a un livre que peu de gens mentionneront, c'est un roman écrit par un poète écossais, Ron Butlin, et intitulé "Le son de ma voix"."

Irvine Welsh a raison. Et si l'expression "classique instantané" est certainement l'une des plus terriblement galvaudées dans les commentaires critiques aujourd'hui, elle conserve parfois, rarement, un sens, et c'est le cas ici.

Une voix tutoie Morris Magellan, paisible cadre d'une biscuiterie, tout au long de la journée. Celle de son double infernal, l'alcoolique profond qui est aux commandes de sa vie. Ainsi, au fil d'un quotidien miné, rapiécé, tentant vaguement de faire illusion au travail (à la maison, il y a longtemps que ce n'est plus possible, sauf peut-être, un peu, dans une tentative désespérée pour épargner les enfants), s'expriment, avec une certaine gentillesse et un indéniable auto-aveuglement, la subjectivité altérée du buveur, la manière toute personnelle dont il lit et interprète les réactions (ce qu'il en voit ou veut voir) de ses entourages, l'accumulation de rituels conjuratoires ne disant pas leur nom, entraînant la désolation fascinée du lecteur qui constate ou devine l'étendue de l'écart de perception, étalé ainsi sous ses yeux.

Roman magnifique, roman éclatant, roman troublant, roman qui allie à chaque page intense drôlerie et noirceur d'abîme. du très grand art, en effet.

"Katherine n'était pas encore arrivée avec le courrier Majestic et l'agenda, donc il y avait encore du temps pour jeter une rapide coup d'oeil à ton bureau, à ton piège à boue du troisième étage. du temps pour une vérification de dernière minute, voir que tout était en place : les dossiers dans leur ordre exact, les stylos prêts, les crayons taillés, le calendrier à la bonne date.
De l'autre côté du parking, sur le quai de chargement, les hommes travaillaient depuis huit heures du matin, transportant de grandes caisses sur des chariots pour remplir les camions. Ils avaient commencé alors que tu prenais encore ton petit déjeuner, et ils y seraient encore pour longtemps après que tu sois reparti chez toi. Tu gagnes cinq fois plus qu'eux, primes non comprises. Personne ne t'engueulerait ou ne diminuerait ta paie si tu arrivais une heure en retard ou choisissais de partir une heure plus tôt. Cela te met mal à l'aise de penser à eux - et pourtant ce matin, comme chaque matin, tu as consacré quelques instants debout devant cette fenêtre à te sentir mal à l'aise. Tu comprends bien sûr que, dans le même temps, quelqu'un quelque part a sans doute passé un coup de fil et gagné dix fois TON salaire - mais tu n'arrives jamais à savoir si cette réflexion fait que tu te sentes mieux ou plus mal."
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Énorme coup de poing littéraire !
J'ai lu, comme beaucoup, pas mal de bouquins sur ce mal qu'est l'alcoolisme et sur ceux qui en souffrent. Dans un passé récent - Une fille facile - de Charles Willeford ou - Les alcooliques - de Jim Thompson. Personne n'a oublié non plus "l'extraordinaire" prestation de Nicolas Cage dans - Leaving Las Vegas - Figurez-vous que ce petit roman (très noir) d'une cent cinquantaine de pages, c'est un peu de tous ceux que je viens de citer... en plus éruptif, en plus percutant, en plus étouffant. Un véritable "assommoir" (hommage au Maître) littéraire, que j'ai commencé tard hier soir et que je n'ai lâché qu'au début de la nuit... ivre, titubant de fatigue après le dernier mot bu, mais heureux de ce voyage dans l'enfer de Morris Magellan... navigateur égaré dans un "océan de boue", pour lequel l'alcool est "le solvant universel".
Ce sombre bijou, outre la plume géniale de Ron Butlin, est servi par l'utilisation d'une voix narrative, d'une seconde personne du singulier, qui met le lecteur dans la peau malaisante et de l'observateur impuissant et du protagoniste en pleine déchéance autodestructrice.
Un must à ne surtout pas laisser passer !
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Ce roman court de Ron Butlin est une curiosité qui ne m'a pas tout à fait convaincu mais qui ne manque pas d'originalité. Morris Magellan n'a pas quarante ans. Cadre dirigeant d'une biscuiterie en Ecosse, il vit avec une femme qui l'aime, dont il a deux enfants , et possède une maison confortable. Tout va plutôt bien pour lui. Mais voilà, Magellan a une faille, qui peut être terrible. C'est un alcoolique chronique et sa dépendance est immense. Ce n'est pas un fêtard et on comprend très vite que toute rédemption sera impossible. Morris est depuis longtemps au stade où sa vie n'est possible ni avec, ni sans l'alcool. Avec son humour et son désespoir le récit est d'une absolue noirceur et renvoie au John Barleycorn de Jack London et à Sous le volcan de Malcolm Lowry, références absolues sur ce thème, constats hallucinants d'une dégradation, cliniques et méthodiques.

Parfois drôle mais souvent cauchemardesque le son de ma voix est très curieusement construit puisque s'adressant à Morris lui-même, par le biais du pronom personnel "tu". Un peu désarçonné au début on s'immisce ainsi dans la vie de Morris, dans ses états d'âme et ses faiblesses, ses pusillanimités sont un peu les nôtres. Et surtout on a l'impression de vivre avec le John Barleycorn de London,à tout moment et en tout lieu. L'alcool est bel et bien un personnage clé. Il n'endosse jamais la défroque du joyeux compagnon qui vous fait voir (un peu) la vie en rose. Pas plus que la robe sentencieuse d'un diable ou d'un magistrat sinistre qui va vous étendre au tapis pour le compte. Non, simplement, il est là, et je ne sais même pas comment Ron Butlin parvient ainsi à le faire vivre. Si ce n'est que le terme boue, boueux, nous est allégrément infligé à forte dose, et que j'ai trouvé ça génial. le son de ma voix est ainsi le roman de la boue, le grand roman de la boue, celle qui désagrège l'homme, l'homme aux semelles de bourbe, que John Barleycorn détruit de toute sa hargne, parfois un brin séduisante, il nous faut bien l'admettre. le son de ma voix, là, sur l'étagère qui brûle un peu, tout près de la faim de Knut Hamsun. Et, pas loin, le placard. J'ai trouvé une bande-annonce d'une adaptation théâtrale autochtone qui semble fascinante.
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Le blanc, le rouge, la blonde, l'ambré... toutes ces nuances sont la faiblesse de Morris Magellan, écossais bien sous tous rapports, entouré d'une famille aimante et de collègues qui l'admirent. Et alcoolique. Chronique.

Le blanc, le rouge, la blonde, l'ambré... toutes ces nuances sont la faiblesse de Morris Magellan, alcoolique.

Le blanc, le rouge, la blonde, l'ambré... alcoolique.

Alcoolique.

C'est dans le cadre du #varionsleseditions que j'ai choisi cette lecture. Et je l'ai choisie exactement pour son thème. L'addiction. Et plus précisément ici, l'alcoolisme. Je ressens une vraie fascination pour ces maladies et le pouvoir vicieux qu'elles ont sur l'esprit au-delà même du corps. Elles prennent le contrôle de tout, annihilent la moindre volonté.
Aussi, quand on rencontre Morris Magellan dans le roman de Ron Butlin, le mal est fait. le mal est ancré. Comme souvent face dans ces cas là, Morris, pensant garder le contrôle, s'est noyé. le lire m'a engloutie.

Le récit, intégralement à la deuxième personne, se fait la voix intérieure de Morris. La voix de la raison qui ne suffira pas pour contourner les méandres liquoreux.
J'ai éprouvé de la peine et de l'empathie pour cet homme qui se brisait et lorsque j'ai commencé à ressentir de la pitié, la voix s'est insurgée. Je reculais.

Ce court roman est une succession de scènes de vie, de survie. C'est si bien écrit que le drame en devient poétique et qu'il m'a fait chavirer, plusieurs fois. Il m'a retourné l'estomac, mal de mer, gueule de bois.
Il n'avait pas besoin d'être plus long.
Je ne l'aurais pas supporté plus longtemps.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
La fenêtre de ton bureau est grande ouverte et pourtant tu peux à peine respirer, ton corps transpire. Déjà, tu t’es lavé les mains et le visage plusieurs fois, mais tu ne peux pas t’empêcher cette manière poisseuse de filtrer à travers ta peau. Et donc – Mozart.
Tu tournoies dans ton siège et contemple le bleu presque incolore d’un ciel d’été. L’océan, le cognac, et une sonate pour violon et piano. Si belle, si passionnée, et pourtant…
Déjà ton esprit vagabonde. Plus tu t’agrippes fort à la musique, plus elle devient insaisissable. Plus tu essaies désespérément de te concentrer, plus tes efforts se mettent entre le son et toi. Tu essaies de te mettre en apesanteur, afin de laisser ta musique te porter comme te porterait l’eau. Comme le cognac te porte.
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Au début, tu voulais boire l’océan pour le mettre à sec, mais tandis que tu t’y employais, toutes sortes d’horreurs – à la fois vivantes et mortes – sont apparues. Ces créatures tâtonnaient vers toi à l’aveuglette. Plus elles étaient horribles, plus tu buvais – comme si tu tentais de les avaler, de les ôter de ta vue. Tu ne bois pas pour oublier – cela ne se passe plus ainsi – au lieu de cela, l’océan est devenu tout ce qui n’est jamais arrivé, et quand tu bois tu peux nager sans effort là où l’humeur te porte. Tu bois effectivement comme un poisson dans l’eau, puisque boire te permet de respirer sous l’eau.
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Elle avait arrêté ce qu’elle faisait et regardait dans ta direction. Tu pensais que tu avais réussi à faire bonne figure, mais l’expression sur son visage – maintenant que tu lui tournais le dos – était de la pitié. Tu es resté immobile un instant, puis tu t’es détourné de son image pour lui faire face directement.
De la pitié, as-tu pensé en toi-même. Plus tu lancerais des bouteilles contre le mur, plus elle te submergerait de pitié. Sans doute que si tu lui avais cassé une bouteille sur la tête, son regard de mourante aurait dit : « Tu me fais pitié, tu me fais pitié. »
Pitié. Le mot se prononce comme on crache.
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Les collègues savent que s’il doit y avoir une réunion dans ton bureau, tu leur feras la courtoisie de leur offrir un verre. Du cognac généralement, mais tu as du whisky et du xérès. Le gin, c’est trop embêtant, c’est vrai quoi, avec le citron, le tonic, les glaçons. Tu n’es pas un bar à cocktail après tout.
Le cognac, c’est le meilleur – et le plus simple. « Courvoisier. » Un nom à dire lentement, à énoncer en laissant les syllabes glisser langoureusement en rond dans ta bouche. « Courvoisier », as-tu répété en toi-même comme une incantation, une bénédiction.
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« Il n’a pas d’avenir, il n’a pas de passé non plus – c’est un ivrogne », avait dit l’homme. Pas d’avenir, pas de passé – ça laisse seulement le présent, as-tu pensé en toi-même. Mais il y a deux sortes de présent, n’est-ce pas : celui avec un verre, et celui sans. Pas très difficile comme choix. Pour toi.
Aussi, as-tu pensé, il y a seulement deux endroits dans le monde : là où il y a de quoi boire, et là où il n’y a pas de quoi. Quelque part – et nulle part.
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Ron Butlin : Appartenance
Dans une pièce de la Cité internationale universitaire de Paris dans le 14ème arrondissement, Olivier BARROT présente le roman de Ron BUTLIN "Appartenance".
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