L'écriture de ce livre ne fut pas facile pour
Italo Calvino. Une écriture qui prend et bas la mesure de la grande iconographie universelle. Toutes les cartes sont là. Sur la table du château : « un jeu de tarots peints par Bonifacio Bembo pour les ducs de Milan vers le milieu du XVe siècle », sur la table de la taverne un jeu de tarots dit de Marseille de Nicolas Conver imprimé en 1761. Bientôt : entre les mains de chacun.
La combinaison de soi, de l'autre, et du nombre.
Les arcanes du monde à la table d'un homme. « une iconographie imaginaire ». La narration combinatoire.
C'est une grandiose entreprise, un immense échafaudage, un montage, un démontage, un remontage des images. Car l'ordre des images contient le secret de chacun.
Les cartes se présentent et nous les disposons. Par quel chemin nous revient cette communauté d'images anciennes? Ces images que nous partageons, auxquelles nous ne cessons pas de vouloir donner un sens particulier et qui pourtant nous sont éternellement perpendiculairement, parallèlement, communes.
Italo Calvino tente, propose, échafaude sa théorie. Est il possible que toutes les histoires humaines se croisent et s'entrecroisent continuellement ? Une grande cruci-verbie de toutes nos vies à travers le temps.
Quels moyens reste-t- il à l'homme pour exprimer aux autres et ainsi pouvoir soi même comprendre les chemins de son destin, si ce n'est le jeu des cartes qu'il se doit de saisir entre ses mains? Composer un ordre serait ce tenter de trouver le sens ?
Italo Calvini cherche, explore, s'interroge, élabore. C'est comme s'il avait tenté de trouver l' « intelligence du récit ».
Multivers humains exponentiels qui ressemblent à l'odyssée d'un univers commun.
Chacun se presse d'écrire son histoire, saisit ses cartes, prestement, frénétiquement, quite à les dérober à son voisin, et plus les histoires s'écrivent, plus les scenari se multiplient, plus le jeu remplit la surface de la table, plus se dessine le plan.
Toutes les images, toutes les cartes, s'articulent entre elles et semblent avoir inconsciemment définit le centre de leur jeu : un vide règne en leur centre.
Le vide semble être la clé de voûte de l'ensemble.
Un espace autour duquel gravite le mouvement incessant du vivant.
Théorie philosophique, vision taoïste, magnifique poésie.
Qu'on y adhère ou pas, la beauté de l'architecture établie par Maître
Italo Calvino est en tout cas étonnante et mystérieusement jamais déroutante.
« Dans cette sphère aride part tout discours et tout poème ; et chaque voyage à travers forêts batailles trésors banquets alcôves nous ramène ici : au centre vide de tout horizon. »
Astrid Shriqui Garain