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EAN : 9782757892510
288 pages
Points (16/06/2023)
3.72/5   128 notes
Résumé :
« Mes parents, j’avais l’impression de les connaître comme si je les avais faits. Cette jeune femme très nouvelle vague, cinquante de tour de taille, des dents blanches et bien alignées, grande douceur, un peu hébétée, c’était ma maman. L’autre, si grand que la plupart du temps je ne savais pas trop à quoi il ressemblait là-haut, une voix qui descendait d’entre les nuages, c’était le Professeur. Mon papa. »

Dans cette famille se joue l’éternelle avent... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (51) Voir plus Ajouter une critique
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Rentrée littéraire 2021 #4

Ce roman, à peine refermé, j'ai juste envie de le relire, encore et encore, j'ai juste envie de l'offrir à tous ceux que j'aime. Tellement il fait du bien, tellement il n'est que grâce et lumière.

C'est l'histoire d'un garçon, de sa naissance à sa dernière année lycéenne. Les livres qui parlent d'enfance et d'adolescence sont légions, mais il est rare qu'ils soient aussi justes pour retranscrire cette éternelle aventure, ils sont rares les Attrape-coeur ou Les Cahiers d'Esther. Luc Chomarat, avec son récit à la première personne d'un double-narrateur, retrouve toute la saveur de cette période sensible où tout se joue.

Le charme opère dès les premières pages. Universel. Comme si l'auteur s'adressait à moi. Alors que je ne suis pas un petit garçon et que je suis née plus tard que lui, chaque situation m'a touchée au coeur et fait retrouver tout ce que j'avais oublié de cette part de moi. Quand parvenir à sauter de la troisième marche d'un escalier vous fait dire que tout est possible. Quand il demande très sérieusement à son père si, comme Abraham avec Isaac, il aurait accepté de le sacrifier à son Dieu ... et d'être terrifié par la non-réponse du père qui balaie l'urgence de la question. Tout faire pour ne pas être choisi le dernier lors de la constitution des équipes de foot car «  le foot n'est pas une option. le latin, le grec, sont des options. le foot, c'est obligé. Si tu es un garçon. » Les premiers émois sentimentalo-sexuels, évidemment, sont bien présents, du premier amour pour la cousine aux dames du catalogue de la Redoute ( qui,elles, mettent du rouge à lèvres contrairement aux filles du collège ).

Et c'est bouleversant un enfant qui fait sa mue, comme ici, sur le chemin du collège, aux côtés de son père qui y enseigne :
« Nous ne parlons pas beaucoup pendant le trajet, parfois pas du tout. Il ne me donne plus jamais la main, ce qui est normal. Je suis grand maintenant, j'ai dix ans. A dix ans, on ne donne plus la main à son père. Mais parfois, j'aimerais qu'on se dise de trucs. Je ne sais pas trop comment lui parler. J'ai l'impression que toutes les choses que j'aimais bien avant sont en train de partir sans qu'on puisse rien faire pour les retenir, comme l'eau par le trou du lavabo. »

Entre innocence et profondeur, la magie surgit du choix des mots et de leurs agencements. le travail d'écriture de Luc Chomarat est remarquable. Chaque paragraphe est une scènette à la vie autonome, tout en étant parfaitement connecté à celui qui le précède et celui qui lui succède. Chacun peut se déguster en solo, et c'est d'autant plus formidable qu'un humour tendre mais vif se glisse un peu partout entre les mille défis, mille peurs et mille rêves propres à l'enfance.

Dans coup de coeur, il y a coeur, et cette parenthèse enchantée, cette bulle de tendresse hors du temps, en est molletonnée jusqu'au dernier mot.
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Je ne sais pas si ce roman plaira à tout le monde mais , en ce qui me concerne , il m'aura renvoyé, par narrateur interposé, à une époque qui a été mienne avec tout ce qui a fait son charme , les progrès techniques qui ont, petit à petit, facilité les conditions de vie et fait évoluer, lentement , certes , mais tout de même, des mentalités figées depuis trop longtemps .
Nous allons donc faire un " bout de chemin " avec un jeune homme , de sa naissance jusqu'à sa sortie de l'adolescence et son entrée dans le " monde des grands " . Et là, bien entendu , les " anciens " , comme moi , cramponnez - vous , préparez- vous pour la séquence " émotions " , quant à vous , les plus jeunes , je le sens venir mais , si vous avez envie de vous moquer , je vous préviens, les ainés risquent de " ruer dans les brancards ...Je vous explique : à l'époque , on manquait d'assurance pour aborder les filles ou s'insérer dans une équipe de foot , surtout si on avait un peu " les pieds carrés " ....Et ces passages de l'adolescence , ils sont comme le livre , d'une franchise et d'une naïveté sans limite . C'est beau , sincère, drôle, tragi - comique , il y a , dans ce personnage , tout ce charme désuet qui n'était pas loin d'être le lot d' une majorité jeunes un peu empruntés , engoncés dans des carapaces sociales rigides qui , me semble - t- il , ont en grande partie disparu aujourd'hui . Était- ce mieux ou moins bien , peu importe , c'était marquant , gravé à vie dans le marbre . C'était ainsi .
Je dis que cela peut paraître risible pour les plus jeunes , franchement , je le trouve aussi mais ...quel plaisir de retrouver ce " chemin de nostalgie " . Si j'ai mis l'accent sur l'adolescence , c'est sans doute parce que je me suis " identifié " et senti plus impliqué que dans la plus petite enfance du narrateur , une petite enfance bien plus personnelle pour chacun et chacune d'entre nous . Un milieu social particulier avec un pére professeur et tout ce que cela entraîne dans le regard des copains et une relation ambiguë avec une famille aimante mais .... Prof et père. Pas forcément facile pour l'un ...ni pour l'autre ...Ma fille m'a toujours demandé de ne pas " m'avoir " en classe , je ne le désirais pas non plus et le monde a bien tourné !!!!
C'est un roman bien écrit, facile à lire , plein de sensibilité, une photographie de la société " scolaire " du moment .
J'ai lu , comme tant d'entre vous certainement , de nombreux trés bons livres sur l'enfance . Celui - ci est vraiment digne d'intérêt et peut se joindre aux autres . Ce n'est pas l'histoire d'un individu , c'est une histoire individuelle dans l'universalité. C'est lui , c'est vous , c'est moi , un parmi des milliers , rebelle ou soumis , sympathique ou pas , attachant ou ...attachiant . Un gosse d'un autre monde mais un gosse , celui que nous avons été ou ...peu s'en faut .
Certains passages peuvent , peut - être manquer un peu d'authenticité, l'ensemble est tout de même une belle et émouvante réussite . Il semblerait , et je m'en réjouis , que pas mal d'amies et amis partagent mon avis ...
PS: contrairement au narrateur , j'ai toujours été élève dans des classes mixtes....mais les filles portaient des blouses tantôt bleues , tantôt roses ....les garçons , rien de particulier ... Allez comprendre ...
Un énorme merci à Marie- Anne Lagoma et aux Éditions La manufacture de livres ainsi , bien entendu qu'à toute l'équipe de Babelio pour ce livre offert dans le cadre d'une masse critique .
Allez , je vous quitte . A bientôt.
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Très jolie chronique authentique, des souvenirs de la maternelle aux premiers émois et chamboulements de l'adolescence, petite chanson pudique, sincère, mélancolique des émotions enfantines et des rêves voyageurs entre le quotidien du narrateur , la guerre d'Algérie , les scènettes relatées à hauteur d'enfant sur une route improbable …..

C'est un peu tout cela cet ouvrage.
Il égrène avec impertinence , légèreté , feinte insouciance , magie de la mémoire les mystères de l'enfance peuplée d'indiens , de cow- boys, de batailles imaginaires .: Les envahisseurs , la 2cv paternelle , la mère , côté nouvelle vague, taille fine et douceur un peu triste, le père : le professeur, autoritaire , exigeant, se tient toujours très droit .

Le décor est planté : le fils rêve d'être Josh Randall dans au «  Au nom de la loi » série télé de ces années - là , avec Steeve McQueen .

On imagine , dans les années 60 une grosse télé noire et blanc , à Saint - Étienne , où , certains matins d'école quand la neige vient à tomber ,il fait froid , la cour de récréation entre maternelle puis collège et lycée où le narrateur aura son père comme prof : lit sans cesse et écoute de la musique classique …

Le lecteur voit grandir ce gamin qui façonne des amis imaginaires , des parents «  D'à côté » un peu seul , surtout depuis la naissance de son petit frère , enfant gâté , la casquette sur la tête qui lit tout le temps, genre casse - pieds ..
Le gamin va au catéchisme , la télé passera les «  Envahisseurs » puis viendra le foot , le nez sur le gros catalogue de la Redoute , aux pages sous- vêtements pour rêver un peu , les questionnements sur Dieu et les filles ,les peurs enfin le premier baiser.
L'auteur restitue avec drôlerie, humour grinçant, merveilleuse acuité ces moments inoubliables d'un enfant confronté à la réalité crue du quotidien .

C'est la magie de ces années- là 60- 70 ,croquées avec finesse , justesse qui résonne en nous comme un écho lointain , savoureux , sur le fil nostalgique de nos enfances , désordres et troubles de nos adolescences .

Un livre merveilleux , tendre que l'on a envie de relire, j'ai retrouvé au fond de moi des sensations oubliées , bêtises , farces et émois enfantins , nombre de découvertes tues aux parents ,des scènes magiques , forcément périmées ….

Une parenthèse très heureuse entre deux ouvrages compliqués , lu d'une traite , la vie quotidienne vue par un enfant jusqu'à ses dix- sept ans …
Roman autobiographique ? Je ne sais pas ….

Authenticité, malice , tendresse , ouvrage sensible et facétieux ,initiatique , infiniment nostalgique , élégant , pétri d'anecdotes simples , et de défis qui mènent doucement à l'âge adulte , à la fois intime et universel , qui fait du bien à l'âme …
Accompagnant le narrateur , faussement naïf , sans nostalgie facile , nous retombons en enfance pour notre plus grand plaisir !
Acheté à cause du titre et de la première de couverture .
Bravo à l'auteur !
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Le romancier Luc Chomarat - le dernier thriller norvégien- retranscrit avec une justesse incroyable et une grande maîtrise stylistique le regard d'un enfant sur le monde et la France des années 60 et 70.

Cette très juste et très sincère chronique de moeurs de la petite enfance à l'adolescence, dans une famille où le père est professeur. est une une tranche de vie sans fard, authentique, pudique, une description de la société française des années 1960/1970 avec des situations historiques comme la guerre d'Algérie ou Mai 68 en toile de fond.

Ne sachant jamais trop si on est dans la réalité ou dans l'imaginaire de l'auteur on finit rapidement par ne plus se poser de questions et retomber en enfance, avec une plume aussi sensible que singulière.
Un texte qui peut évoquer à la fois La vie devant soi de Romain Gary, L'Attrape-Coeur de Salinger et les oeuvres de Pagnol, Sempé ou Riad Sattouf, mêlant apparente légèreté et grande profondeur.

. -"Tu ne fais pas grand-chose dans cette maison, jeune homme. Est-ce que tu t'en rends compte ? -Ben je débarrasse. -Oui…Passons. Ne regarde pas tant ce que les autres font ou ne font pas. Occupe-toi seulement de ce que tu peux leur donner, parce que c'est la seule chose qui est en ton pouvoir. Tu comprends ? Je comprenais que dalle. »

Authenticité, malice, tendresse et humour sont au programme de ce bien beau récit initiatique qui fait partie des belles surprises de cette rentrée littéraire .
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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La vie quotidienne vue par un enfant jusqu'à ses dix-sept ans. Tout y passe, la voiture de l'oncle, les BD et les séries télé, les visites à la cousine et surtout les relations avec les parents et avec les copains. Je m'attendais à un nouvel Attrape-Coeurs en ouvrant ce livre qui est une chronique des années 1970 en France. Disons que je suis restée à l'extérieur. Avec l'envie de ressortir le Petit Nicolas, beaucoup plus incisif. Mais peut-être ne suis-je pas le public visé pour ce genre de littérature.

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critiques presse (1)
Telerama
26 juin 2023
Luc Chomarat recompose les étés au soleil avec la cousine dont on est secrètement amoureux.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (33) Voir plus Ajouter une citation
L’infirmière qui fut chargée de m’injecter régulièrement de la pénicilline, le mardi après l’école je crois, était d’origine italienne, comme Irridio, mon copain qui savait siffler. Mme Buzzi. C’était une femme courte et large, une sorte de cube qui éjectait ma mère de la pièce avec autorité. Les injections de pénicilline sont désagréables, à cause de l’épaisseur du liquide. Mme Buzzi, qui avait de grosses mains d’ours et détestait les enfants, faisait son possible pour que ce soit douloureux. Ça faisait un mal de chien, je n’ai pas peur de le dire.
Ensuite, se produisait le miracle. Mme Buzzi disparaissait avec sa mallette, et ma mère, une jeune femme toute fraîche, presque une enfant, apparaissait à la porte de ma chambre avec la petite voiture qu’elle m’avait promise.
– T’y es déjà allée ?
– Oui.
– Et t’es déjà revenue ?
Elle éclatait de rire devant ma bouille interdite, mes larmes oubliées qui séchaient déjà.
– Oui.
Une Jaguar type E. Je me souviens encore du jour de la Jaguar type E (elle ne choisissait pas toujours aussi bien).
– Une Jaguar, une Jaguar rouge !
Voilà probablement ce qu’éprouvent les hommes qui s’offrent enfin le véhicule de leurs rêves. Mais bien sûr, ce ne sera plus jamais un événement d’une telle ampleur. La dame de vos pensées vous offrant une Jaguar type E alors que vous venez de traverser une terrible épreuve. Ce ne sera jamais aussi intense.
Ma stupéfaction, bien sûr, ajoutait au plaisir. Car je savais très bien d’où venait la petite voiture. C’était une Matchbox, et les Matchbox on les trouvait uniquement à la maison de la presse, sur la colline en face quand ça remonte après l’école. Autant dire qu’elle avait volé jusque là, je veux dire volé comme une sorcière, avec des ailes, un balai, quelque chose de pas normal. Personne au monde ne pouvait faire l’aller-retour à la maison de la presse, à huit cents mètres de là, sans parler de descendre et remonter les dix étages, en quelques secondes à peine.
Je n’ai jamais compris qu’elle avait acheté ma voiture le matin même, pendant que j’étais à l’école. Je n’ai jamais imaginé qu’elle pouvait anticiper cette séance de torture avec l’ignoble Mme Buzzi, quand j’en étais incapable. Pour donner une idée de ma naïveté à l’époque, la vision de ma mère se téléportant comme ils font dans Star Trek, ou traversant huit cents mètres de ciel le plus naturellement du monde, façon Silver Surfer, ça me semblait moins dingue, plus acceptable, que le fait qu’elle savait très bien que Mme Buzzi allait se pointer avec sa mallette et qu’elle n’avait rien fait pour empêcher ça, ou pour assurer notre fuite. Enfin, si, j’ai fini par comprendre. Mais il était tard, il était vraiment très tard, beaucoup plus tard dans ma vie et trop tard pour m’en remettre : ma mère était une magicienne.
Par ailleurs, elle savait que Zorro et Don Diego de la Vega étaient une seule et même personne. Comment elle avait compris ça, mystère. J’étais très sceptique, au début. Je fronçais les sourcils, sans quitter la télé des yeux.
– Mais ça peut pas être lui, Zorro, puisqu’il parle de Zorro.
– Oui, il parle de Zorro (elle avait toujours ce sourire enjôleur et sans réplique, je voyais bien qu’elle en savait long), mais je crois quand même que c’est lui, Zorro.
Évidemment, la suite devait lui donner raison. Zorro et Don Diego de la Vega étaient bien une seule et même personne. Elle pouvait voir des choses qui échappaient au commun des mortels. Qui échappaient au sergent Garcia. Qui m’échappaient à moi.
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Là encore, je me doutais bien qu'il valait mieux que j'ignore la ou les raisons, ce qui expliquait que certains passent leurs vacances en Espagne et d’autres non, et aussi que les parents de Lina avaient choisi de rouler en DS19, une voiture de science-fiction, et que nous on préférait se traîner en 2CV, un tacot qui ressemblait à un parapluie pété. Et dans le lointain, dans le brouillard poisseux des choses inacceptables, là où même le Service des Affaires Classées répugnait à s’aventurer, … (p 112)
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«  Les gens ne faisaient pas très attention aux enfants à l’époque, on était juste comme deux petits chiens qui se poursuivaient dans l’escalier et ça n’intéressait personne sauf quand on manquait de faire tomber quelqu’un , là on se faisait engueuler . Il faut bien dire qu’on ne faisait pas attention aux adultes non plus, (———) c’est comme s’ils n’existaient plus, on savait juste qu’ils étaient là et que ce soir on aurait à manger » …
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. -"Tu ne fais pas grand-chose dans cette maison, jeune homme. Est-ce que tu t'en rends compte ? -Ben je débarrasse. -Oui…Passons. Ne regarde pas tant ce que les autres font ou ne font pas. Occupe-toi seulement de ce que tu peux leur donner, parce que c'est la seule chose qui est en ton pouvoir. Tu comprends ? Je comprenais que dalle. »
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Quand j’étais enfant je trouvais tout normal. Ma mère m’enfermait régulièrement dans la cave, dans le noir complet. Je trouvais ça normal.
La cave était située sur le palier. Chaque appartement disposait de ce petit réduit où l’on pouvait caser tout ce qui encombrait, les balais, le seau, la serpillère, et moi. Au début des années soixante j’étais une petite chose à peine débarquée, mais j’étais tellement furieux que je donnais des coups de pied dans la porte pendant des heures, ou ce qui me semblait des heures, hurlant et trépignant et crachant des larmes de rage. Puis après j’avais peur, je m’asseyais dans un coin, silencieux comme les ombres, guettant son pas à l’extérieur. Peut-être qu’elle allait me laisser là pour toujours ? On ne sait jamais avec les femmes.
Quand je dis que je trouvais ça normal, c’est tout simplement que je n’avais aucun moyen de comparer. Je ne savais pas comment ça se passait pour les autres enfants. On ne parlait pas de ça, à l’école. Car j’allais à l’école, depuis quelque temps. Un jour j’étais sorti de la cour très fier et j’avais annoncé : « J’ai un copain il s’appelle idiot. »
Pour une raison aujourd’hui obscure, je considérais ça comme un titre de gloire. Ça et le fait qu’il savait siffler. Il savait siffler, je ne blague pas. Pourtant lui aussi était haut comme un champignon. Ma mère se livra à une rapide enquête, et il s’avéra que mon copain s’appelait en fait Irridio, comme son père qui était italien. Ce fut une première défaite contre la réalité.
Après, j’ai étouffé. Les parois du cou se sont resserrées au milieu de la nuit, une nuit chaude et sèche. Étouffer, j’avais l’habitude. J’étais arrivé sur terre avec une double circulaire du cordon. La double circulaire du cordon laisse des traces : le désir de vivre, d’aller vers la lumière, entraîne la suffocation et la mort possible. Plus on va vers l’air libre, plus on meurt. Les enfants sont décidément une cause de souci.
On étouffait de toute façon, je suppose. Les grands ensembles, comme on les appelait à l’époque, étaient une nouveauté. Enfin, c’est à la télé qu’on parlait de grands ensembles. Maman disait : « la maison », mais la plupart des gens parlaient de cages à lapins. Je croyais que ça avait quelque chose à voir avec le fait que j’étais son petit lapin. Mais ce n’était pas la vraie raison. Avant, personne n’avait pensé à entasser autant d’êtres humains dans des espaces aussi étriqués, sauf peut-être quand on les mettait en prison. Si par exemple ils avaient tué leur femme, ou volé l’argent des impôts.
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Vidéo de Luc Chomarat
Luc Chomarat vous présente son ouvrage "Le livre de la rentrée" aux éditions La Manufacture de livres. Rentrée littéraire automne 2023.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2886498/luc-chomarat-le-livre-de-la-rentree
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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