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EAN : 9782844120335
203 pages
Joëlle Losfeld (12/10/1999)
4/5   128 notes
Résumé :
La fainéantise est élevée au rang des valeurs supérieures dans cette famille cairote : Galal l'aîné n'a pas bougé de son lit depuis sept ans, Rafik a renoncé à épouser la femme qu'il aime de peur qu'elle trouble sa somnolence.
Serag, le plus jeune des frères veut commettre la folie d'aller travailler en ville au grand dam du vieil Hafez qui exprime sa fureur en ces termes : " Qu'est-ce que j'entends ? Tu veux travailler ! Qu'est-ce qui te déplaît dans cette m... >Voir plus
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Oblomov sous sarcophage ou le conte apathique de Cossery,

Dans une rare interview en ligne, on peut découvrir le sourire fripon et le regard rutilant du dandy parisien qu'était Albert Cossery, le séducteur de Saint Germain des Près, l'ami de Modigliani et le résidant toujours précaire d'un petit hôtel du quartier latin jusqu'à sa mort à la fin des années deux-milles.

Il écrivait très peu, les écrivains qui écrivent beaucoup sont ceux qui sont contents d'eux-mêmes disait-il, or il n'était jamais satisfait de son travail et écrivait moins d'une ligne par jour.
Aussi, en cinquante ou soixante ans de carrière il n'a publié que très peu de livres car, citons-le à nouveau, un écrivain écrit toujours le même livre et donc pas besoin de multiplier les avatars pour une même idée…

“J'aime tes soupirs ; c'est comme si le monde entier s'ennuyait en toi”

Les fainéants dans la vallée fertile, publié en 1948, se situe dans l'Egypte de l'enfance de Cossery et prend presque des allures de fable, la couverture du livre couleur “Nil Bleu” invite à se laisser porter par le courant léthargique de cette histoire amorale et déroutante.

“J'ai peur des hommes. Ce sont tous des criminels qui veulent toujours faire travailler les autres.”

Cette fresque de la fainéantise est tout à fait singulière, dans un style goguenard et épuré, avec force description, Cossery nous introduit dans l'antre de cette famille aboulique, embaumée vivante, qui a renoncé à la vitalité, presque philosophiquement, et que la vaine soif de connaître le monde du travail du plus jeune, Serag, vient perturber dans sa quiète atonie.

On entre dans ce roman un peu comme dans un conte des Mille et Une Nuits, la narration de l'auteur rappelle un peu la fantasmagorie de ces légendes, que l'on retrouve aussi dans les descriptions de la langueur, la pesenteur des chairs flasques, l'avachissement des corps, la sensualité, et, dans la monstruosité car Albert Cossery voulait verser dans sa prose une “goutte d'ammoniaque qui tire les gens de leur torpeur.”

Cossery, comme son ami Jean Genet, est un auteur fasciné par les marges de la société, les difformités, le soufre que dégagent certains êtres et, outre cette famille d'engourdis marginaux, les personnages de la prostituée, de la marieuse, l'hernie d'Hafez qui est presque un personnage à part entière ou encore Mimi l'artiste homosexuel en témoignent.

J'aimerais pouvoir vous en dire plus mais vous allez devoir vous faire votre propre idée car, comme Galal le frère aîné, voilà déjà que je baille à outrance, et vous aussi d'ailleurs, vous baillez, vos paupières s'alourdissent, votre respiration se fait plus lente…
Je n'ai pas la force de terminer cette critique et m'en vais dormir, et seules les puces les plus inexpérimentées pourront, peut-être, me tirer de mon exquise torpeur…

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Peut-être le chef-d'oeuvre d'Albert Cossery, le livre qui colle le plus à sa pensée, résonnant, sans toutefois sonner juste, avec notre chère décroissance.
Toujours cette gourmande et élégante façon d'interroger les valeurs, en les retournant façon crêpe au miel de nigelle.
Ici une famille dont la valeur cardinale est le sommeil, l'inactivité élevée au rang de science.
Situé sans plus de précision dans une prospère banlieue du Caire ; écrit du temps où imposer le port du voile aux femmes faisait rire toute l'assemblé de Gamal Abdel Nasser.

Un patriarche tyrannique que ses trois fils ne prennent plus au sérieux.
Un oncle — punit par son existence passée pleine d'envies et de frivolités — et une servante comme seuls marques de la normalité dans cette maisonnée.
Une fratrie comme variation des possibles, de l'aîné champion de la sieste, au cadet chantre de l'ironie, jusqu'au benjamin, seul volontaire hésitant à un changement de vie, rivalisant da mauvaise foi comme de sable dans les yeux…

Un véritable bijou, à relire sans se soucier de ses possibles interprétations anachroniques, de Diogène à Nietzsche, le regard fuyant, le fond des pages se confondant avec la couleur du plafo……………..zzzzzzzz.

« À la question : « Pourquoi écrivez-vous ? », Albert Cossery répond : « Pour que quelqu'un qui vient de me lire n'aille pas travailler le lendemain ». », nous rappelle wikipedia… mission accomplie ?
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J'ai lu avec plaisir Les fainéants dans la Vallée fertile (1948). Je le trouve cependant moins riche que Mendiants et orgueilleux (1955). Mais il est original, absurde et décapant.
Albert Cossery (1913-2008) refusait toute forme d'aliénation. Dans ce roman sarcastique, il s'attaque à la valeur travail. La narration est limpide et ciselée. Les dialogues réinventent l'arabe populaire de son enfance.

Le livre s'ouvre sur une scène dans la solitude d'un champs de maïs. Un enfant en guenilles d'une dizaine d'années s'obstine à chasser des moineaux avec sa fronde. Il enrage et recommence sans répit comme si une force démoniaque l'agitait. Serag est empêché de somnoler et effrayé par l'hyper-activité de l'enfant ; Est-ce cela le travail ? Serag est perplexe car depuis longtemps, il rêve de travailler de ses mains et de « porter les stygmates d'un vrai labeur ». L'enfant qui se nomme Antar accepte de l'accompagner contre quelques piécettes, jusqu' à une usine en construction abandonnée. Serag s'y rend chaque jour, comme on va en pèlerinage. L'enfant ne comprend pas son désir de travailler. « Tu es fou. Tu veux travailler dans une usine ! C'est un jour noir pour ta mère ! « . Serag rencontre ensuite un pauvre commerçant qui le dissuade de suivre son exemple : « Qu'Allah maudisse le commerce et ceux qui l'ont inventé ! répondit Abou Zeid. C'est un malheur pour mes vieux ans. Je ne parviens pas seulement à tirer le loyer de cette maudit boutique. » le pauvre homme a eu le tort de se marier. Serag rentre chez lui épuisé par sa promenade méditative. le vieil Hafez son père réside seul à l'étage de leur maison délabrée et ne quitte jamais son lit. C'est lui qui a appris à ses fils à bien se tenir. «Qu'est-ce que j'entends ? Tu veux travailler! Qu'est-ce qui te déplaît dans cette maison? Fils ingrat ! Je t'ai nourri et habillé pendant des années et voilà tes remerciements !  »Le vieil Hafez a décidé de se remarier par l'intermédiaire de l'entremetteuse Haga Zohra, histoire d'assoir son autorité sur ses fils. L'aîné Galal passe sa vie sous son édredon, ce qui le préoccupe, c'est avant tout la souris qui perturbe sa pratique professionnelle du sommeil. Rafik le cadet est beaucoup plus soucieux. Il veut empêcher son père de convoler et dissuader son petit frère de travailler. Il a failli lui-même devenir ingénieur mais a renoncé quand il a reconnu lors d'une visite dans une usine, « le désespoir inscrit sur les visages des ouvriers ». Depuis, entre deux siestes sur le canapé crasseux, il vitupère méchamment contre Hoda, la jeune servante et surveille d'un oeil mauvais l'arrivée de l'entremetteuse. Rafik voulait se marier avec Itmissal la prostituée du quartier, mais, au dernier moment , il a changé d'avis sans lui fournir d'explications...
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Une fable, une ode à la paresse, cette famille de glandeurs professionnels, le vieux Hafez calfeutré à l'étage et les trois fils, Galal capable de dormir tout un mois sans se réveiller, le casanier Rafik mais qui stresse car son frère Serag voudrait travailler dans l'usine pour être libre et le vieux, lui, a décidé de se marier mais fini la tranquillité si une femme entre dans la famille!

Autour, toute une bassecour colorée, l'entremetteuse Haga Zohra, la boniche Hoda amoureuse de Serag, l'inverti Mimi, et le jeune Antar si fier dans son misérable pagne, l'oncle Mustapha ménageant la chèvre et le chou, le commerçant raté Abou Zeid.

Une drôle d'histoire dont on aimerait savoir la suite.
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Un homme, ses trois fils et son frère vivent ensemble.
Leur préoccupation essentielle est de dormir.
Mais Serag, le plus jeune des frères fait leur désolation. Il ne rêve que de travailler.
Quel scandale pour la famille !
Et bien, je n'ai pas été sensible à cette histoire.
L'humour m'a échappé.
J'ai trouvé cela long et fastidieux et mon plus grand plaisir a été de refermer le livre.
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Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
"L'amertume le rongeait. Il poussa quelques soupirs d'une profondeur insoupçonnée, regarda autour de lui dans le vague. Les soupirs de l'oncle Mustapha donnaient toujours l'impression d'une fatalité inique et redoutable, qui assombrissait l'existence au delà des limites de l'ennui.
- Oncle Mustapha, dit Rafik, tu devrais te faire engager à la radio. Tes soupirs auront ainsi une résonance mondiale. J'aime tes soupirs ; c'est comme si le monde entier s'ennuyait en toi."
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- Dis moi Rafik, mon frère, ce n'est pas vrai ce que tu viens de me dire ?
- Quoi donc !
- Que dans certains pays, les hommes se réveillent à quatre heures du matin pour aller travailler dans les mines.
- C'est vrai, dit Rafik. Ici nous n'avons pas encore de mines, mais ça viendra. On en découvrira. On découvrira n'importe quoi pour faire travailler les hommes et les abrutir.
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- Il n' y a personne qui connaisse la ville aussi bien que moi, répondit l'enfant. Je connais ses moindres ruelles, et tous ses mendiants.
- C'est très bien dit Serag. Je suis sûr que tu pourras m'aider à trouver du travail.
- Quel genre de travail?
- N'importe quoi?
- Je te conseille de ne pas en chercher dit l'enfant.
- Pourquoi? demanda Serag.
- Parce que tu risques d'en trouver.
- Et alors?
- Alors ce sera terrible pour toi.

.
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De temps en temps, une villa entourée d'une grille, les volets clos, apparaissait sur un coté de la route. Toute une humanité aisée vivait là en permanence, insipide et fière dans sa retraite. Serag se demandait ce qu'ils pouvaient comploter entre ces murs, enfouis dans leur vie mesquine comme des rats au fond de leur trou. Quelle dérisoire abjection ! Et c'était ainsi partout autour de lui. Est-ce qu'il ne sortirait jamais de cette immense duperie, de cette fange stagnante ? Il devait bien exister quelque part un monde composé de vivants et non pas de cadavres pétrifiés. Mais où était-il ce monde ?
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_ Et toi, qu'est-ce que tu comptes faire après ? dit l'enfant.
*Après quoi ? Qu'est-ce-que tu veux dire ?
_ Je veux dire : quand tu auras faim, expliqua l'enfant.
*Moi, je rentrerai à la maison pour déjeuner, dit Serag.
_ Ah! tu es un de ces types qui ont une maison !
*Oui, dit naïvement Serag. J'ai une maison non loin d'ici, près de la grande route.
Mais aussitôt il eut honte et s'aperçut que l'enfant le jugeait avec un profond mépris.
*Tu sais, reprit-il, ce n'est pas tout à fait ma maison, c'est la maison de mon père. J'y habite seulement. Et toi, tu n'as pas de maison ?
_ J'en avais une, dit l'enfant. Mais on me l'a volée.
*On te l'a volée ? Comment cela ? Qui te l'a volée ?
_ Un garçon à qui j'avais loué la moitié. Nous la partagions. Mais une nuit, comme je m'en revenais pour dormir, je n'ai plus retrouvé le garçon, ni la caisse.
*La caisse ? dit Serag ahuri. Quelle caisse ?
_ Mais la maison, c'était une caisse en bois, dit l'enfant. Tu me croyais, par hasard, propriétaire d'un immeuble ?
*Simplement, je ne comprenais pas, s'excusa Serag.
_ C'était d'ailleurs une belle caisse, dit l'enfant avec regret. Je l'avais trouvée près d'un dépôt de marchandises. Elle préservait bien du froid, surtout à l'endroit où je l'avais placée.
Elle valait mieux qu'un appartement, tu peux me croire.
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Vidéo de Albert Cossery
L'écrivain égyptien Albert Cossery a accepté de rencontrer le journaliste Pierre-Pascal Rossi à Saint-Germain-des-Prés, où il vit dans une modeste chambre d'hôtel, et de retourner au Caire, sa ville natale, pour un reportage exceptionnel diffusé dans Hôtel, le 30 mai 1991 sur la TSR.
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