Responsabilité des intellectuels est un recueil de conférences données par le linguiste, sociologue et philosophe américain
Noam Chomsky entre les années 1995 et 1996. Traduit en français par l'expérimenté
Frédéric Cotton et édité par les éditions Agone, l'ouvrage est pertinemment préfacé par l'économiste libertaire Michael Albert qui présente l'auteur et le contexte de ces conférences, puis y développe sa métaphore du « train de la mort violente » pour invoquer les millions de vies détruites et volées par l'application méthodique et mondiale de « l'American Spirit » que
Noam Chomsky mettra en exergue plus tard dans l'ouvrage.
Ce recueil suit une construction rhétorique très anglosaxonne. En effet la première partie, extraite d'une conférence donnée en Australie en 1995 intitulée Powers and Prospects, Reflections on Human Nature and the Social Order, s'ouvre sur une prise de position très claire de la part de Chomsky sur le rôle et la responsabilité d'un intellectuel dans un pays développé comme les Etats-Unis. Ensuite seulement, plusieurs arguments très détaillés, concernant notamment les différences de traitements médiatiques dans les atrocités commises par chacun des camps dans les guerres en Indonésie ou au Timor Oriental, viennent étailler le raisonnement initial de Chosmky.
Cette démonstration par l'exemple, basée sur une conférence donnée à la Duke University en 1996, ouvre la voie à un élargissement du scope et c'est une critique plus globale qui vient conclure l'argumentation de
Noam Chomsky. Critique du détournement de l'argument démocratique en vue de la création de marchés pour un nouvel ordre mondial au profit seul des grandes puissances.
En guise de conclusion, fidèle à l'enthousiasme qui semble se confondre en tout libertaire, c'est un véritable appel à l'espoir et à l'humanité que nous offre Chomsky dont je vous livre ici quelques lignes : « L'autre voie est faite de luttes, souvent de défaites, mais aussi de gratifications que ne peuvent imaginer ce qui succombent au « nouvel esprit du temps : s'enrichir et ne penser qu'à soi » ».
Un ouvrage donc très instructif mais qui plaira surtout au lecteur déjà convaincu par les idées libertaires, l'apport théorique étant assez faible comparé à la valeur et la somme des arguments déployés.
Le contenu argumentatif, et les exemples de l'Indonésie, du Cambodge ou du Timor Oriental, pourront sembler assez dépassés alors que le XXIe siècle est maintenant déjà bien entamé et que malheureusement, de très nombreux exemples beaucoup plus contemporains pourraient maintenant être utilisés en vue d'appuyer la prise de position de
Noam Chomsky sur le rôle des intellectuels et les responsabilités du marché mondial capitaliste.
Un livre qui reste important dans l'histoire de la construction d'un mouvement mondial libertaire mais qui peut aujourd'hui sembler assez anachronique, bien que les sujets abordés et la réflexion fondamentale résonnent, encore une fois, de manières malheureusement très actuelles.
Il faut toutefois souligner l'intelligence dans le recoupement et l'organisation de ces extraits choisis, qui rendent le propos de Chomsky bien plus clair que ce qu'il n'a pu être lors des conférences initiales. de plus, la nécessaire et induite oralité qui se dégage de ce livre permet de rendre l'argumentation accessible à n'importe quel lecteur, qui ne se perd pas dans de longues phrases à rallonge qui parsèment généralement les essais sociopolitiques, ainsi que les critiques Babelio.
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