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EAN : 9782864324799
182 pages
Verdier (31/08/2006)
4.19/5   13 notes
Résumé :

Livre des commencements et du temps qui s'achève, L'Emprise est une confidence poignante, doucement consentie, des éblouissements et des déchirements premiers qui vont rythmer toute une vie. Ce qui, dans la retenue, se dévoile pourtant d'histoires tenues secrètes ne se légitime que de convoquer, à travers ces instants d'absolue félicité ou de désastre, les êtres aimés. Je doute et je trébuch... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Un texte à l'image d'une pelote de fils emmêlés, entrecroisés, tressés les uns aux autres comme images en miroir des souvenirs égrenés, des fulgurances de l'enfance qui s'échappent de l'esprit que l'on sonde.


Des fils légers et doux comme des plumes ou pesants et rêches des moments passés, des fils précieux comme la langue qui les évente, comme les mots qui les ébruitent...

Tantôt des fils tout en lumière, colorés, irisés, moirés pour essayer d'écrire une ébauche de la définition du mot bonheur, celui de l'instant, celui des petites choses, de celles qu'on oublie et qui sont souvent les plus précieuses. Tantôt des fils ternes sans tons vifs, à l'extrémité de la gamme des couleurs, des fils comme l'ombre des oiseaux noirs des ciels d'hiver, de ceux qui ne sont cohorte que de tristesse et de peine, de culpabilité et de remords...
Il y a ceux dont les reflets chatoyants font briller les yeux, dessinent l'ébauche d'un sourire, et il y a les autres qui dialoguent avec les larmes, les dessinent et les font perler… On ne peut les retenir même si la bienséance l'exige, même s'il ne faut rien montrer de cette part de faiblesse que le chagrin tisse dans l'âme.

D'ailleurs, il ne faut rien avouer, ni dénuder de ce que l'on pense, ressent, désirerait... Il faut se tenir là, en marge, à l'extrême limite du cadre, juste à la lisière de l'insondable intimité qu'on dévoile si peu…
Juste consenti était le droit d'observer, de regarder intensément, mais en aucun cas celui d'exister, simplement de laisser entendre un souffle, de prendre présence dans le moment.


Ce livre, c'est tout cela, le visage qui se tourne sur l'avant, l'autrefois, pour un dernier regard, une dernière caresse des moments. Un cheminement, à l'image d'une déambulation sous une arcade végétale, sous les entrelacs des branches qui retiennent ou dévient la lumière, une part d'ombre, des moments soudains de brillance, des étincelles de lumière parce que tout est ainsi, tantôt lumineux, tantôt ténèbres, tout se côtoie, tantôt merveille du moment, tantôt désespérance de ce qu'on ne peut réécrire. L'évocation de pérégrinations le long du fleuve inlassablement contemplé et les fils évoqués et imaginés ne seraient peut-être que le reflet des cascades des eaux, des tourbillons autour des pierres et des berges, de l'évanescence devinée des herbes accrochées au lit de ce dernier, une illusion de l'imaginaire qui caracole.

Tout est suggéré, esquissé, les mots se font traits effilés, rien n'est appuyé, on ne touche pas le sol, on glisse d'un passé vers l'autre, d'un visage vers un lieu, d'une émotion vers un regret, parfois une amertume, et tout s'inscrit au fond de l'être, en écrit l'avenir et le devenir, en sculpte la vie qui éclot, qui grandit de ces années, cela n'était pas si palpable à ce moment mais reste indéniable dans cette tardive évocation, la dernière, la plus vraie, la moins travestie, la plus sincère et la plus bouleversante.


Une écrivaine à lire pour se nourrir d'une langue autant poétique que raffinée, toujours éloquente et imagée. Une lecture dont on s'éloigne devenu autre...
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Je découvre tardivement Michèle Desbordes, puisqu'elle est décédée depuis bientôt vingt ans. C'est le deuxième de ses romans que je lis, et je suis vraiment conquise, encore plus que pas La demande, avec lequel je l'ai découvert, voilà quelques mois.

C'est un livre très personnel, puisqu'il évoque les souvenirs que semblent être les siens, de ses jeunes années, de ses proches, et nous le comprendrons progressivement, surtout les souvenirs, et encore plus le manque de son père, disparu soudainement et laissant une sorte de béance. Mais la construction du livre, tout en volutes et détours, nous fait voyager, dans le temps et dans l'espace, dans les premiers souvenirs, tellement lointains, que la possibilités qu'ils aient été récrées, réarrangés, voire fantasmés, ne quitte pas le lecteur, ni l'auteure d'ailleurs, qui est sans illusion sur les infidélités de la mémoire. Mais peut importe au final : les souvenirs écrans peuvent être aussi vrais que la réalité tangible, ils participent à la construction de la personnalité.

Nous voyons donc par les yeux d'une enfant, puis adolescente, les événements, les êtres proches, ce qui a eu lieu, ce qui aurait pu ou dû avoir lieu. Ce qu'elle a appréhendé sur le moment, et surtout reconstruit ensuite, de la vie de ses grands-parents, et parents. Tout cela arrive dans une sorte de désordre, ce n'est pas un récit linéaire, à aucun moment il n'y a d'arbre généalogique, de documents d'état civil. Il s'agit de se souvenir, avec les méandres, les fuites de la mémoire, sa manière de passer d'un moment à un autre. Sans oublier les ressassements, les retours des souvenirs importants. Bien qu'à la fin du livre, on réalise à quel point tout cela est construit et pensé, nous suivons le récit comme il vient, les moments les uns après les autres, avec parfois une difficulté à se repérer dans le temps, dans la nature du morceau qui nous est livré. Avant de saisir dans un éblouissement le sens, la raison d'être profonde et essentielle.

Le tout dans un style merveilleux, poétique, une véritable musique, qui enchante de bout en bout.

Une petite merveille, en dehors du temps, essentielle.
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C'est un livre qui s'ancre au fond de soi. Michèle Desbordes a écrit ce livre alors qu'elle savait sa mort prochaine et il y a un accent qui ne trompe pas, une sincérité. Elle nous amène au bord des larmes car c'est un adieu à tout ce qu'elle a aimé, souffert. C'est aussi un hymne à la vie
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Dans un texte d'une écriture très travaillée, exigeante et poétique, l'auteur explore son enfance, les secrets, les rares bonheurs fous, les souvenirs lointains et brumeux liés à la guerre, elle parle de cette enfant qu'elle était comme d'une étrangère dont elle essaierait de percer les mystères de l'âme, les tourments, la soif d'amour, les égarements de la mère, les absences du père, les tragédies qui ont marqué la famille. le texte est empreint d'émotion retenue, de sensibilité à fleur de peau, de douleur et de solitude dans une tentative de réconciliation avec ce passé idéalisé et perdu pour toujours. Comme Hélène Lafon, elle donne vie et humanité aux « taiseux » avec des mots touchants, justes et d'une beauté lumineuse. C'est d'autant plus poignant que l'on sait que ce texte-là sera l'ultime avant sa mort et qu'elle le sait.
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Que peut on dire de cette immense écrivaine peu connue, exigeante, d'une écriture poétique, travaillée, contenue et dense, magnifique, intense, puissante, portée par les mots, l'inscription pour le lecteur d'images et de sentiments. Et celui-ci est particulièrement émouvant, revenant sur sa vie par bribes, et celle de sa famille, tout en ellipses et métaphores alors que c'est son dernier livre et qu'elle se sait condamnée. Bouleversant
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
(...) là dans le jour, la saison qui s'achèvent, et tout autour il y aurait le parc, le jardin qui descend vers la rivière, la lumière qui tremble doucement. Il y aurait en ce lieu, en cet instant, une douceur rare. Un exceptionnel arrêt du temps. Vous comprendriez que soudain tout s'immobilise autour de vous. Que l'image se compose, n'en finit pas de se composer, dans la pâleur tremblante, ces formes, ces couleurs qui se détachent du néant auquel il y a peu encore elles appartenaient, c'est pourquoi elles gardent cette pâleur, cette forme d'apparition. Le temps s'arrête, il est cette pâte délicate et transparente comme l'argile, où s'impriment des formes qui ne sont là que pour témoigner de leur prochaine disparition, des visages, des sourires évanescents.
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C'est la nuit que l'on meurt, un peu avant l'aube. Quand d'une grande et dernière fatigue, et par une de ces redditions qui semblent épuiser jusqu'à la terre même, le coeur faiblit, le corps tout entier. Je me demande si alors le chagrin vous envahit, d'invisibles pleurs au-dedans de soi-même. Si dans le temps fragile se bouleverse le sang, les pensées qui vous viennent. Que se passe-t-il donc la nuit, et qu'est-elle pour tarir notre souffle, notre chaleur de vivant ? d'une invisible étreinte se saisir de ce qui nous reste de voix, de sang qui cogne aux tempes. Le corps se livre, se soumet, il tend le souffle qu'on lui a donné. On se dit que c'est peut-être une affaire de lumière, de ce qui, avec la pâleur du jour, repose encore au bas des murs, autour des lits, comme une vieille haleine, une trace à quoi on n'aurait pas pris garde.
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Du monde perdu il restera ça, cette autre nuit, la nuit froide, la nuit d'hiver sur les épaules qui vous emportent. De ces mémoires, de ces bonheurs qu'on peine à dire, ressentant, éprouvant les régions obscures et reculées, où la parole ne peut aborder et la phrase s'échoue, le seuil ultime au-delà duquel il devient dérisoire de prétendre figurer le monde.
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C’est qu’écrire a toujours été un partage. Comme du temps où l’on vous demandait de vous taire et de ne plus bouger, de n’y être pour personne. On vous demandait à force de silence et d’immobilité de vous faire oublier, et alors le pendule, c’était un pendule, se mettait à osciller (il oscille encore) entre la mesure, le peu de mots, le peu de gestes, et l’excès, le débordement, bouger, proférer, dire et dire encore. Comme si tout cela qui déchirait et divisait n’était pas qu’une seule et même chose, et que marcher sans fin ne revînt pas à être immobile. Qu’à force de marcher encore on ne finissait pas par se trouver là comme figé, pétrifié dans son propre mouvement, son propre élan. Il faudrait du temps pour comprendre, mais que l’on comprenne ou non n’aurait pas d’importance. Ni ce lieu, ce moment où tout se jouerait de la profération ou non du silence, du epu de mots et du peu de gestes.
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Lui ne sait rien de tout ça. De ses départs à elle, de la porte derrière laquelle on attend le cœur à rompre. Il travaille, il rentre de plus en plus tard, de plus en plus souvent à présent nous dînons sans lui, nous sommes là dans la cuisine face à la chaise, à l’assiette vides, la serviette roulée dans l’anneau de buis qui porte son nom. Nous l’attendons, je l’attends, d’une attente éperdue, impatiente, et de cette attente, de ce manque se fabrique une absence absolue, et telle que chacun de nous autour de la table, même le petit me semble-t-il, en mesure la conséquence. Du manque, de la déception se fabrique cette chose démesurée qui peu à peu envahit l’espace autour de nous, là dans la cuisine, dans la maison tout entière qui soudain n’est plus la même, elle n’est plus la maison où la vie se passe sans trop d’encombres, avec ennui sans doute mais l’ennui est tolérable, mesurable, peut-être même non dénué d’agrément, il n’entrave ni le cœur ni le cours ordinaire des choses, il y a des joies, du contentement, cette grande impatience que le monde bouge.
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