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EAN : 9782283023372
198 pages
Buchet-Chastel (15/01/2009)
4/5   3 notes
Résumé :
En publiant, en 1859, L'Origine des espèces, Charles Darwin proposait un modèle simple et extraordinairement fécond - celui de la sélection naturelle - pour rendre compte de la diversité du monde vivant et de sa capacité à subsister. Ce faisant, il heurtait violemment la représentation traditionnelle d'un monde créé par Dieu, permanent et stable. Le livre rencontra un succès fulgurant, et la communauté scientifique se rangea rapidement derrière Darwin, au grand dam ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Cet essai, qui fait le tour de la question des rapports du christianisme et du darwinisme est construit autour d'une idée simple mais féconde: les théories de Darwin, qui révèlent l'évolution biologique des espèces, modifie et enrichit en profondeur notre conception du monde, notre perception de Dieu si nous sommes croyants. En effet, comme toute grande théorie, le darwinisme déborde largement le champ de la biologie et s'adresse aussi à la philosophie, l'histoire, la politique,et la plupart des sciences humaines.
Refusant une "approche conflictuelle" où Darwin et Dieu s'excluent mutuellement et une "approche d'indépendance" où le christianisme et le darwinisme représenteraient des registres de discours différents, François Euvé préfère un "dialogue critique" et constructif où chaque interlocuteur , par l'apport de ses connaissances, incite l'autre à un approfondissement et une clarification de son savoir, sachant qu'aucune instance ne saurait détenir la vérité.
Cette relation de partage n'est pas si apaisée qu'elle pourrait en avoir l'air car Darwin remet en cause de nombreuses certitudes des hommes et des chrétiens en particulier comme les limites entre l'humain et l'animal, les divergences entre le hasard et le progrès, la place de la liberté humaine, de la morale et de la souffrance et bien d'autres problématiques auxquelles il nous convient d'apporter nos débuts de réponses... en meilleure connaissance de cause.
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Citations et extraits (38) Voir plus Ajouter une citation
2. Darwin et la religion

L'un des principaux impacts du darwinisme porte sur la vision religieuse du monde. Il convient de s'arrêter plus longuement sur cette question. Avant d'examiner les différents points qui font difficulté sur un plan théorique, on reviendra sur l'itinéraire de Darwin lui-même. Il est significatif de celui que beaucoup d'intellectuels scientifiques de son temps accompliront pour des raisons semblables.

Son évolution personnelle

Dans l'autobiographie, qu'il écrivit pour ses enfants à la fin de sa vie, Darwin revient à plusieurs reprises sur son rapport à la religion, signe que cette question l'a longtemps préoccupé. Son désir de jeunesse d'embrasser une carrière ecclésiastique ne relevait pas au sens propre d'une "vocation" religieuse, mais plutôt de son attirance pour une situation stable, une cure de campagne où il pourrait tranquillement continuer son travail de naturaliste. La société anglaise de l'époque reste encore marquée par un fort encadrement ecclésiastique. Dans les grandes universités comme Oxford et Cambridge, la théologie reste une matière centrale, comme c'était le cas dans toutes les universités médiévales. Plusieurs amis de Darwin seront à la fois curés de campagne et naturalistes, sans que cela implique une spiritualité particulièrement profonde.
A l'époque de ses études à Cambridge, il apparaît comme un chrétien pas complètement orthodoxe. Il partage avec son épouse Emma un certain héritage "unitarien" (comme Newton), c'est-à-dire qui récuse l'idée d'un Dieu trinité. de ce fait, il avoue dans son Autobiographie des "scrupules" à l'idée d'affirmer sa foi en tous les dogmes de l'Eglise d'Angleterre. Par ailleurs, il dit ne pas douter de la "stricte et littérale vérité" de chaque mot de la Bible. (...)
Un troisième trait à relever pour cette première période est son intérêt pour la "théologie naturelle" de William Paley (1743-1805). cet ecclésiastique s'est efforcé de montrer la compatibilité entre la vision chrétienne et la vision scientifique (newtonienne) du monde. Darwin a lu quelques-unes de se ses oeuvres avec passion, fasciné par la logique de leur construction, en particulier son ouvrage le plus célèbre, Théologie naturelle ou preuves de l'existence et des attributs de la divinité, paru en 1802.
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Progressivement, la position de Darwin évolue jusqu'à l'agnosticisme de sa maturité. Son Autobiographie retrace un itinéraire marqué par un abandon progressif et sans crise de la foi de sa jeunesse. A son retour d'expédition, la question religieuse le préoccupe, au fur et à mesure que son modèle d'explication évolutive prend forme. On pourrait relever trois étapes : une croyance dans la véracité de la Bible (...); un déisme général, sous l'influence de Paly; un agnosticisme sceptique, reconnaissant que "le mystère du commencement de toutes choses est insoluble pour nous". ce parcours est très significatif d'un homme qui a tout investi dans la connaissance du fonctionnement du monde. Un certain rationalisme semble l'avoir envahi. Il reconnaît lui-même une perte de goût dans d'autres dimensions de l'existence ("Je suis comme un homme qui serait devenu aveugle aux couleurs"), ce que sa femme Emma, profondément religieuse, lui fait remarquer dans ses lettres.
Plusieurs facteurs interviennent, que l'on peut tenter de résumer ainsi. Il y a d'abord une perte de crédit dans le texte biblique, si central dans la confession protestante. Au fur et à mesure que sa connaissance s'accroît, il lui devient de plus en plus impossible de croire à la véracité des histoires qui y sont racontées. L'histoire du monde selon la Bible -création en sept jours, tour de Babel, etc. -est manifestement une construction de l'imagination humaine. La Bible diffère-t-elle fondamentalement des autres productions religieuses de l'humanité ? Un début de comparatisme lui montre que la religion est peut-être davantage un phénomène naturel que l'objet d'une "révélation". D'autant plus que le Dieu biblique lui paraît singulièrement anthropomorphe, un "tyran vindicatif", au comportement arbitraire. Quant aux miracles, censés fournir des arguments de crédibilité à la vraie religion, ils lui apparaissent comme choquants, car contrevenant aux lois immuables de la nature. C'est l'argument déiste habituel : si le monde a été crée par un être parfait, ce dernier n'a nul besoin d'intervenir périodiquement pour rectifier le fonctionnement de sa création.

2. Darwin et la religion
§ Son évolution personnelle
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L'impact de Darwin sur la vision religieuse

Beaucoup de lecteurs de L'Origine des espèces ne s'y sont pas trompés. Le modèle darwinien remet en cause sinon des "dogmes", au moins des représentations habituelles du christianisme. A la suite de John Haught, on peut distinguer six catégories de questions qu'il adresse à une vision religieuse du monde.

La première et la plus simple. Elle concerne le conflit avec la chronologie biblique. La longue durée du processus évolutif s'oppose à la brièveté de celle-là. Alors que la Bible semble fixer le commencement du monde environ quatre mille ans avant la naissance du Christ (quatre mille quatre cent selon le décompte de l'évêque James Usher au début du XVIIe siècle), le schème darwinien suppose un temps beaucoup plus considérable pour laisser à la sélection naturelle le temps d'exercer son effet.
Cet argument est tellement simple qu'il est trompeur. c'est vrai qu'on le retrouve encore aujourd'hui parmi les créationnistes partisans de la "terre jeune" (young-earth creationisme). Maisn, avant Darwin déjà, la question avait été soulevée en lien avec les études géologiques qui postulaient pour la formation du relief terrestre, des durées beaucoup plus longues que la chronologie biblique. dès le XVIIIe siècle, des théologiens avaient admis que cette dernière ne devait pas être prise au pied de la lettre, soit que les "jours" du récit de la création correspondent à des périodes beaucoup plus longues, soit que les durées de l'histoire biblique aient une valeur plus symbolique qu'historique au sens moderne. C'est plutôt -paradoxalement- au XXe siècle que l'argument biblique reviendra au premier plan dans certains groupes religieux américains, à l'époque d'un retour du fondamentalisme. (...)
Au-delà de la seule chronologie, c'est aussi le conflit avec une certaine lecture de la Bible. On sait l'importance de cet élément dans les controverses postérieures autour du créationnisme, à tel point qu'on pourrait penser que le débat se ramène à une opposition entre "science" et "Bible". Pour certains croyants, le darwinisme est critiquable simplement parce qu'il est incompatible avec une lecture littérale des trois premiers chapitres de la Genèse. A l'époque de Darwin, cet élément ne doit pas être surestimé. L'argument se rencontre, mais moins qu'on pourrait le croire. L'une des raisons est que cela fait déjà plusieurs décennies que le littéralisme biblique avait été mis en question. Les premiers éléments d'une lecture critique de la Bible, datant du XVIIe siècle, commençaient ) pénétrer les esprit, même s'il faut attendre les travaux de l'école allemande de la moitié du XIXe siècle pour que cette lecture s'impose largement (malgré, là encore, des résistances, en particulier du côté catholique, jusqu'au milieu du XXe siècle). Il faut se rappeler les arguments que Galilée avait repris de saint Augustin : les textes de l'Ecriture sont "accommodés" aux lecteurs du temps. s'ils parlent, par exemple, de fixité de la terre, c'est que cela correspondait à la cosmologie de l'époque. Les références apparemment "scientifiques" de la Bible ne sont pas "parole d'Evangile".
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Pourtant Darwin continue à croire au progrès. Il pense que le bonheur peut l'emporter sur le malheur. L'humanité n'est pas vouée à disparaître sans retour, comme tant d'autres espèces avant elle. c'est un autre aspect de la religion que Darwin rejette par là. Après tout, le christianisme est conscient que le monde est au pouvoir du mal. La vie humaine est la traversée d'une "vallée de larmes". cette situation ne doit pas être attribuée au Créateur, mais à la malice humaine (le péché originel). Le salut ne peut donc provenir de la seule action de l'humanité, irrémédiablement viviée par ce péché, mais de la grâce divine. Le salut passe par le renouvellement complet de la création, le monde ancien étant voué à la destruction. Si Darwin est frappé par la violence qui règne au sein du monde vivant, il croît plus volontiers à la bonté de la nature humaine. Comme pour son grand-père Erasmus, évolution rime avec progrès. Au moins, il veut y croire : "L'homme, dans un avenir lointain, sera une créature bien plus parfaite que ce qu'il est actuellement." Pour Darwin, le message chrétien, le Nouveau Testament, peut contenir de beaux textes, encore inspirants pour nous aujourd'hui, leur force vient davantage de l'interprétation qu'on leur donne et de la mise en oeuvre de leurs principes que d'une révélation divine.

2. Darwin et la religion
§ Son évolution personnelle
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L'opposition vint pour une bonne part du monde religieux. Le modèle darwinien semblait renverser la représentation habituelle d'un univers crée par Dieu dans son état actuel. La permanence de ce monde était la garantie d'une stabilité, à la fois physique et sociable. Darwin faisait figure de révolutionnaire, ouvrant la boîte de Pandore de tous les bouleversements possibles. l'idée d'une origine animale de l'humain paraissait particulièrement scandaleuse : c'était la négation de toutes les références morales traditionnelles.
Un siècle et demi après, où en sommes-nous ? Une opinion tenace voudrait qu'entre la théorie de l'évolution telle qu'elle est habituellement comprise et le christianisme subsiste une incompatibilité fondamentale. Il faudrait choisir son camp : soit celui de la science, irrémédiablement matérialiste et athée, soit celui de la religion, sans que les distinctions entre les diverses traditions religieuses soient d'ailleurs pertinentes. Cette opinion se rencontre principalement parmi certains hommes de science qui, à l'exemple du biologiste anglais Richard Dawkins, font de Darwin la référence principale du rejet de toute dimension religieuse. Encore plus que la science classique -celle de Galilée et de Newton-, la science contemporaine, darwinienne, évolutionniste, aurait rendu insoutenable l'hypothèse d'un Dieu créateur de l'univers et maître de l'histoire.
Cette opinion se rencontre aussi dans le camp opposé, celui que l'on peut qualifier au sens large de "créationniste", pour qui l'adhésion au christianisme et à ses dogmes passe par le refus, sinon de l'idée d'évolution en général, au moins de sa vision darwinienne. Ses protagonistes ne rejettent pas nécessairement toute démarche scientifique (...) mais veulent l'encadrer par une conception religieuse du monde. La seule science valable serait une science qui donnerait toute sa place à "Dieu".

Introduction
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Vidéo de François Euvé
✨ 3 questions à François Euvé ✨ A l'occasion de la parution aux Editions Salvator de son livre "La science l'épreuve de Dieu" avec la participation du physicien @Etienne Klein 🔎Pourquoi la question de #Dieu se pose à nouveau aux #scientifiques? 🔎Peut-on prouver #Dieu par la science ? 🔎Que signifie un dialogue science et #foi ? ✨Le résumé du livre: Qu’est-ce que le réel ? L’univers a-t-il commencé ? Quelle est la place de l’homme au sein du cosmos ? Ces questions philosophiques et métaphysiques nous montrent que les théories scientifiques les plus récentes ne sont pas parvenues à tout expliquer. C’est dans ce monde plus complexe voire plus mystérieux qu’on ne le pensait que réapparait « l’hypothèse » Dieu. Ce dernier serait-il la réponse à nos interrogations laissées sans réponses ? Selon François Euvé, il faut d’abord se demander de quel Dieu l’on parle. Plus largement, il faut s’interroger sur les principes qui fondent la science moderne, sur ses présupposés philosophiques et théologiques. Sans confondre les plans, sans céder à la tentation du concordisme, foi et science, peuvent dialoguer ensemble et nous faire accéder à une vérité qui ne prône ni le matérialisme scientiste, ni l’irrationnalité fidéiste. Si la science peut purifier la religion de la superstition, à l’inverse, la religion peut aider la science à se purifier des faux absolus.
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