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Terje Sinding (Traducteur)
EAN : 9782818015445
276 pages
P.O.L. (06/10/2023)
4.05/5   10 notes
Résumé :
Le héros de ce roman, Lars Hertervig (1830-1902), est aujourd’hui considéré comme un des plus grands noms de la peinture nordique. Très tôt, dès ses études à Düsseldorf, il fut victime de troubles nerveux. Après un séjour en asile, brisé, il vécut jusqu’à sa mort de charité publique.
Comme s’il tentait de capter cette lumière qui illumine les toiles du peintre, avec une grande économie de moyens, une sorte de minimalisme emporté, Jon Fosse fait revivre le mar... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
La maladie mentale vue de l'intérieur, en une écriture de l'hyperlucidité et des hallucinations…

Lorsque j'ai découvert le titre de ce premier livre du norvégien Jon Fosse traduit en français en 1998, je n'ai pu m'empêcher de penser au film danois Mélancholia, de Lars von Trier qui évoque les quelques heures avant l'arrivée imminente et fatale d'un astéroïde venant percuter la Terre. Etrangement c'est le personnage qui a le plus de fêlures dans le film, joué par Kirsten Dunst, qui arrive à garder son sang-froid, profitant langoureusement des dernières heures de vie sur terre, alors que les personnes dites « normales » perdent les pédales sur ces dernières heures, certaines se suicidant quand d'autres sombrent dans le chaos. de quoi relativiser les frontières de ce que nous appelons la folie…
Ce rapprochement entre le film et le livre, tous deux scandinaves, est d'autant plus drôle à établir que le livre évoque la vie bien réelle d'un Lars, Lars Hertervig, considéré aujourd'hui comme le peintre le plus important de Norvège. Né en 1831, de parents pauvres et quakers (mouvement religion très puritain dans lequel le silence absolu permet d'atteindre sa lumière intérieure), étudiant en Allemagne à l'Ecole des Beaux-arts, souffrant de nombreux troubles nerveux, il fut interné à l'asile d'aliénés de Gaustad en 1856 puis à celui des pauvres où il meurt en 1902 miséreux et pratiquement inconnu. Sa célébrité ne lui est venu qu'à titre posthume.

La mélancolie ici n'est pas celle issue du sens commun d'une mélancolie comme tristesse rêveuse des artistes, acception poétique et charmante que nous employons souvent ici comme un adjectif désignant une qualité (ne l'ai-je pas utilisé pour mon dernier livre lu, La mer de la tranquillité ?), mais véritable maladie mentale. le peintre a été diagnostiqué mélancolique en 1856 puis interné. Il estimait que la cause de sa maladie était due à une observation fixe, du fait de son activité, de "trop de lumière de soleil dans ses paysages". de fait, les symptômes de sa maladie se concrétisent via les couleurs, le peintre a une perception très intense des couleurs de la lumière et cela le pousse vers de vastes zones d'ombre de la folie, tout en étant source d'une peinture très lumineuse et transcendante qui est reconnue aujourd'hui comme étant l'une des clés de voute de l'histoire de l'art norvégien, ses peintures de paysages côtiers lumineux étant un peu le symbole de la cote norvégienne.
Le tableau le plus connu du peintre, et celui qui permet de voir toute l'étendue de son talent, est le tableau « Vue de l'île de Borgøy » (1867) où la lumière nordique a un effet de transparence sur le ciel et le fjord, comme si tout devenait translucide, créant une dimension sacrée, mystique, renforcée par la présence d'un rocher noir derrière les nuages.


Jon Fosse a fait le pari fou, en deux volumes, de s'inviter dans la tête de Lars Hertervig, de plonger dans ses pensées, en un monologue pétri d'obsessions, de répétitions. Et c'est tout bonnement fascinant tout en étant source d'un malaise réel pour le lecteur. Jon Fosse nous donne à voir la maladie de l'intérieur, un peu comme le fait William Faulkner dans le bruit et la fureur mais dans une dimension selon moi encore plus intime et percutante. Par ailleurs, l'auteur réussit à rendre compte de sa folie via les couleurs et la vision de la lumière du peintre, il arrive à nous faire ressentir le lien que le peintre établissait lui-même entre sa folie et les couleurs, la lumière. Nous retrouvons d'ailleurs sans arrêt dans ce livre les couleurs tranchantes du tableau cité précédemment, nous voyons le bleu et le blanc du fjord, la lumière blanche et les visions agressives et hallucinées déclenchées par le blanc et le noir (voir à ce sujet une des citations posées).

« Monsieur Winckelmann est maintenant seul dans l'encadrement de la porte et il secoue la tête. Et la tête de Monsieur Winckelman devient de plus en plus grande, et ses yeux noirs deviennent gros puis grandissent encore, puis ses yeux noirs glissent hors de sa tête et ses yeux commencent à se mouvoir dans la chambre, librement, les yeux se meuvent librement dans la chambre et les yeux deviennent de plus en plus gros, de plus en plus noirs, puis les yeux s'approchent de moi, puis ils s'éloignent, les yeux emplissent la chambre… ».

Le noir et blanc s'opposent ainsi beaucoup dans le livre, les deux couleurs semblent agir sur son cerveau comme des couleurs saturées qui l'agressent constamment. La lumière elle est une couleur à part entière et apparait dans le livre de manière obsessionnelle, notamment via la jeune fille de quinze ans sur laquelle Lars Hertervig a jeté son dévolu, une blonde aux yeux bleus qui l'obsèdent au point de ne pas se rendre compte qu'il a un comportement déplacé et effrayant vis-à-vis d'elle, encore enfant.
Le mauve enfin est très présent, il porte un « joli costume de velours mauve » comme il le répète sans arrêt, le mauve étant la couleur de la spiritualité, de l'apaisement, voire de la mélancolie selon différentes sources que j'ai pu consulter.

Notons avec intérêt que la peinture doit fasciner Jon Fosse car dans son dernier livre, L'autre nom, septologie en une seule phrase, chaque volume commence par le passage suivant :
« Et je me vois debout face à l'image avec ses deux traits, un marron et un violet, qui se croisent dans le milieu, une image oblongue, je me vois la regarder, et je vois que j'ai peint les traits avec une grande lenteur, avec une épaisseur dans la peinture, qui a coulé, la couleur se mélange à l'endroit où se croisent la petite ligne violette et la marron, avant de couler vers le bas et je pense que ce n'est pas un tableau, mais en même temps l'image est telle qu'elle doit être, elle est terminée, il n'y a rien à ajouter, je pense, et je dois m'en débarrasser, je ne veux plus l'avoir sur le chevalet, je ne veux plus la voir, je pense, et je pense qu'on est aujourd'hui lundi, que je dois la remiser avec les autres tableaux sur lesquels je travaille en ce moment mais que je n'ai pas encore terminés, ceux que j'ai posés entre la porte de la chambre et la porte du couloir, inclinés châssis apparent, sous le crochet du portemanteau auquel est suspendue ma sacoche en cuir marron, dans laquelle se trouvent mon carnet de croquis et mon crayon de bois... »…et de retrouver le mauve associé au triste marron…

Le tome 1 de Melancholia comporte trois parties.
La première relate sa vie à Düsseldorf en 1853, élève de Hans Gude à l'Ecole des Beaux-Arts, où il vient d'être mis à la porte de la chambre qu'il louait du fait de son comportement étrange et déplacé vis-à-vis de la jeune fille de la famille, Hélène, dont il est obsédé. Nous sommes mal à l'aise tant nous sentons qu'il dépasse les bornes tout en étant touché par les moqueries et la méchanceté des autres étudiants qui lui font subir moult enfantillages dont il ne comprend pas le sens.
La 2ème partie relate sa vie à l'asile de Gaustad où, interdit de peinture soi-disant pour guérir, il passe son temps à se masturber tout en pensant sans arrêt à Hélène mais de façon beaucoup plus violente, vulgaire et lubrique que trois ans auparavant, sa jalousie et sa paranoïa le disputant inlassablement au sentiment amoureux. Son onanisme est tel qu'il dégoute le personnel soignant.
La 3ème partie est très différente et rompt totalement avec les deux précédentes car elle se passe de nos jours. C'est un narrateur extérieur, nous sortons donc du monologue. Vidme est un lointain parent du peintre qui ressent la substantifique moelle de son ancien parent en regardant la toile « Vue de l'île de Borgøy ». Cette partie permet de prendre du recul par rapport aux deux parties précédentes, de prendre de la hauteur, c'est un procédé très bien vu qui vient en outre donner de l'oxygène au lecteur après la plongée totalement folle dans le cerveau et l'âme de Lars Hertervig.


L'écriture, vous l'aurez compris, est à l'image de pensées névrotiques de quelqu'un qui est déchiré mentalement : obsessionnelle, incohérente, sensible, répétitive, litanies de mots, de phrases répétées à l'envi. Alors, c'est vrai, par rapport à L'autre nom, il y a des phrases, avec des points. le texte, en ce sens, est plus simple d'accès. Mais c'est une expérience de littérature là encore qui me fait beaucoup penser à Beckett, à Molloy ou à Malone meurt, dans cette façon d'être dans les pensées d'un être différent (un vieillard grabataire pour Beckett) que nous n'osons même pas approcher dans la réalité…de là à plonger en lui…c'est brillant, totalement brillant…


Au final, Melancholia I est un livre dont on ne sort pas indemne tant la folie du peintre norvégien Lars Hertervig est appréhendée par le génie de Jon Fosse au plus près, au point d'être palpable et totalement angoissante…Pour les amoureux de Beckett, de Faulkner, d'Antunes…De quoi pousser un cri à la Munch…mais c'est une autre histoire…

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Il n'y a pas longtemps, je découvrais Frida Kahlo, qui peignait sa souffrance de façon magistrale et me voilà en présence d'un autre peintre que je ne connaissais pas: Lars Hertervig en totale souffrance lui aussi. Les deux souffrances ne sont pas les mêmes et n'ont pas le même résultat, Pour l'une , elle est physique et ses tableaux la dépeignent de façon extraordinaire, pour l'autre , elle est mentale et alors que Lars vendait ses toiles aux musées norvégiens, l'empêche de peindre et le font vivre dans la misère jusqu'à la fin de sa vie. L'écriture de ce livre est déstabilisante, c'est en fait le cerveau malade de Lars Hertervig qui "parle". Je me suis très vite sentie mal à l'aise, avec ses phrases répétitives, mélangeant passé et présent en une soupe cauchemardesque. Mais impossible de poser ce texte qui tantôt me fascinait, tantôt m'énervait. Je ne mettrai pas d'étoile , je n'ai ni aimé, ni détesté cette lecture mais elle me laissera sîrement un souvenir "bizarre".
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Les vêtements noirs et blancs, et la robe noire et moulante de madame Winckelmann, la collerette de dentelle blanche, ses cheveux châtain foncé, parfois presque noirs comme les miens, et puis sa bouche qui s'ouvre en un sourire et son sourire est un grand trou, noir, humide, son sourire est un trou marécageux, un lourd marécage qui me retient le pied, qui m'empêche de le soulever, je suis là, avec un pied qui s'enfonce dans le marécage, au-dessus de moi volent les mouettes, et là-bas, au bout du marécage, il y a la baie et la mer toujours remontée, les vagues qui frappent la grève, les galets, le sable et les rochers noirs, et mon pied qui est pris dans l'eau froide du marécage, l'humidité qui remonte jusqu'en haut de mon pantalon, je tire sur ma jambe, je me penche en avant et je tire et ça fait un bruit de succion et mon pied est libre et je fais un pas en avant, j'allonge la jambe autant que je peux, mais mon autre pied aussi est pris dans le marécage, et je dois avancer autant que je peux, et puis mon pied s'enfonce un peu plus dans le marécage et je dois tirer sur mon autre jambe pour la sortir du marécage, la tirer vers moi, puis avancer jusqu'au tertre, là-bas il y a un tertre, puis sortir du marécage et parvenir jusqu'à la lisière de la forêt, jusqu'aux arbustes de genévrier, parvenir jusqu'à l'endroit où est la lumière, sortir mon pied du marécage, comme une bouche, une bouche ouverte, puis avancer, doucement et avec précaution, jusqu'à l'endroit où la lumière se répand sur l'eau, jaune et blanche en dessous, jusqu'à la lumière, jusque là-bas où la lumière est blanche, jaune, puis blanche en-dessous et puis, là-haut, jusqu'aux nuages, là-haut, dans les airs là-haut, jusqu'aux nuages, là-haut dans les airs, les bleu, les blancs, les évanescents nuages blancs et bleus, là-haut dans les nuages blancs et bleus, là-haut, là, avancer, se dégager, avancer, se dégager, avancer, sortir le pied de la vase, de la terre humide du marécage, et puis avancer, se tendre en avant, silencieux, silencieux comme une fenêtre ouverte, peinte en blanc...
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Je suis assis, mon verre de bière à la main, et il y a beaucoup de visages autour de moi, de tous les côtés, au-dessus de mon épaule, autour de mes bras, partout il y a des visages et les visages me regardent et je suis assis, mon verre de bière à la main, et je lève le verre jusqu’à ma bouche et je bois, je prends une bonne gorgée, je regarde droit devant moi et les visages sont des yeux qui me regardent et ils ne cessent de me regarder et je bois et les vêtements sont là, des vêtements noirs et blancs, les visages se retournent, lentement, les visages se retournent et je suis entouré de vêtements noirs et blancs et les vêtements se retournent, je ne vois que les vêtements noirs et blancs qui bougent tout près de moi, puis qui s’éloignent un peu, les vêtements noirs et blancs bougent sans cesse, ils s’approchent, ils s’éloignent, les vêtements ne cessent de bouger et ils s’approchent de mon visage et maintenant ils bougent si près de mes yeux que je ne vois que du noir et puis je vois le mouvement d’un vêtement noir et blanc, maintenant je ne vois rien, tout n’est que noir et il va bien falloir que je fasse quelque chose, mais que faire ? car il va bien falloir faire quelque chose, mais que faire ? il faudra bien faire quelque chose ? et je ne peux pas rester là et ne rien faire ? car les vêtements vont me recouvrir les yeux, les vêtements vont m’emplir la bouche, des vêtements noirs et blancs vont entrer dans ma bouche et les vêtements vont emplir ma bouche, les vêtements vont rester dans ma bouche et je vais disparaître et me transformer en un vêtement noir et blanc qui bouge dans l’air et qui disparaît, je disparais, je me transforme en quelque chose qui n’est plus là, voilà ce qui va se passer, et je dois poser mon verre de bière, même si tout est noir et que je ne vois rien, car maintenant je ne vois plus rien et j’entends toutes ces voix et puis, parmi toutes ces voix, il y a sa voix à elle, la voix d’Hélène, […]

pp. 89-90
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Düsseldorf, après-midi de fin d'automne, 1853 :
je suis allongé sur mon lit, vêtu de mon costume de velours mauve, de mon joli costume, et je ne veux pas rencontrer Hans Gude. Je ne veux pas entendre Hans Gude dire qu'il n'aime pas le tableau que je peins. Je veux rester allongé sur mon lit. Aujourd'hui je n'ai pas le courage de rencontrer Hans Gude. Car imaginons que Hans Gude n'aime pas le tableau que je peins, qu'il le trouve atrocement mauvais, qu'il trouve que je ne sais pas peindre, imaginons que Hans Gude se caresse la barbe de sa main osseuse et qu'il me regarde en plissant les yeux et qu'il me dise que je ne sais pas peindre, que je n'ai rien à faire à l’École des Beaux-Arts de Düsseldorf, ni d'ailleurs à quelque école des Beaux-Arts que ce soit, imaginons que Hans Gude me dise que je ne pourrai jamais devenir peintre. Je ne dois pas permettre à Hans Gude de me dire cela. Je dois rester allongé sur mon lit, car aujourd'hui Hans Gude va venir à l'atelier, dans ce grenier où nous sommes tous alignés en train de peindre, et il va dire ce qu'il pense de chaque tableau, et il va aussi regarder mon tableau à moi et en dire quelque chose. Je ne veux pas rencontrer Hans Gude.
(Incipit)
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Le surveillant Hauge m'a dit que tu te touches entre les jambes, dit le docteur Sandberg.
Et il ne faut pas que je regarde le docteur Sandberg, et maintenant le docteur Sandberg a dit que je me touchais entre les jambes et alors il dira aussi que c'est pour cela que je suis devenu fou, et puisque je continue à me toucher entre les jambes, comme il dit, je ne guérirai jamais, dira-t-il.
C'est exact ? dit le docteur Sandberg.
Il faut que je baisse les yeux, il ne faut pas que je parle.
Ce n'est pas de ma faute, dis-je.
Mais c'est exact ?
Il ne faut pas que je réponde, et ma chère Hélène doit venir et elle doit poser sa main sur mon front et elle doit dire au docteur Standberg que je n'ai rien fait de mal, que ce n'est pas vrai.
C'est donc exact, dit le docteur Sandberg. Vraiment tu me déçois, dit-il.
Et je regarde l'énorme bureau marron du docteur Sandberg. Et je n'ai rien fait de mal, ce sont les sales bonnes femmes qui ont fait quelque chose de mal en se promenant avec leurs gros nichons, c'est de leur faute. Moi, je n'ai rien fait de mal. Je regarde les nuages, je peins des tableaux. Je vois la lumière. Je saurais tout peindre, si seulement j'avais des couleurs de bonne qualité. Je vois tout. Je sais peindre, mais les autres peintres, ils ne savent pas peindre. Ce n'est pas de ma faute. Je vais les tuer, les peintres et les bonnes femmes.Je vois la lumière, partout. Je sais peindre.
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ASILE DE GAUSTAD, MATIN DE LA VEILLE DE NOËL, 1856 : […] On ne me permet plus de peindre. Je suis peintre mais on ne me permet plus de peindre. Le docteur Sandberg a dit que je ne devais pas peindre, tant que je serai en traitement à l’asile de Gaustad je ne dois pas peindre, a-t-il dit, et moi j’ai dit que c’est peut-être à force de peindre que je suis devenu fou, voilà ce que j’ai dit au docteur Sandberg, peut-être ai-je trop regardé les paysages au soleil, ai-je dit au docteur Sandberg, et il a dit que je ne devais pas peindre tant que je serai à l’asile de Gaustad, pendant tout ce temps la peinture me sera interdite et quand j’ai été admis j’ai dû leur donner mes affaires de peintre, et je ne les récupérerai que le jour où je pourrai partir. Je suis maintenant un peintre à qui on ne permet pas de peindre. Et alors il ne me reste qu’à écouter les mouettes. […] Et je ne dois dire à personne que je regarde et que j’écoute les mouettes, car alors on me l’interdira aussi, sans doute. Tu ne dois ni regarder ni écouter les mouettes, dira le docteur Sandberg. Et quand le docteur Sandberg dit quelque chose, il faut obéir. Moi et tous les autres qui sont à l’asile de Gaustad, nous devons faire ce que dit le docteur Sandberg. Je ne dois pas peindre. J’écoute les mouettes. Et je déblaie la neige. Je dois guérir, à force de ne pas peindre et de déblayer la neige. À force de déblayer la neige, je guérirai sûrement.

pp. 188-189
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