Étonnant roman que cet écrit inachevé de
Jack London qui hésite entre le roman noir humoristique et le traité philosophique et de morale...
Vous souhaitez éliminer de la société un criminel qui a toujours échappé à la justice ? Adressez-vous au Bureau des assassinats. Cette étrange officine est une mystérieuse association criminelle aux ramifications internationales, qui, moyennant finances, se chargera de l'élimination de ce criminel après s'être assurée au terme d'une minutieuse enquête que votre demande est moralement légitime et que la personne à éliminer est si condamnable que son assassinat doit être considéré comme une purge bienfaisante pour la société.
le Bureau des assassinats est administré par Ivan Dragomiloff, un homme extrêmement cultivé et aux critères moraux élevés. Les membres assassins du Bureau sont, à l'image de leur chef, tout à la fois philosophes et scientifiques, d'une intelligence supérieure. En disciples de
Platon et
Aristote, ils justifient leurs assassinats par des arguments d'une logique imparable, au nom d'une morale supérieure qui valide leurs actes comme nécessaires au maintien d'une société juste.
Mais tel n'est pas l'avis de Winter Hall, un jeune homme au profil atypique, millionnaire socialiste, qui décide de partir en croisade contre ce bureau. En faisant croire qu'il souhaite commanditer au Bureau un assassinat, il réussit à entrer en contact avec son responsable Ivan Dragomiloff et à le convaincre après de heures de débat philosophique que ces actes sont moralement condamnables. En conséquence, Hall demande l'exécution de Dragomiloff ! Ce dernier, convaincu de la justesse des arguments de Hall, donne immédiatement les ordres nécessaires à ses hommes : ceux-ci auront une année entière pour remplir le contrat ! Bien sûr, si Dragomiloff reconnaît l'immoralité de son Bureau et accepte cet étrange pacte, il n'entend point faciliter la tâche de ses exécuteurs et cherche à sauver sa peau par tous les moyens. S'ensuit une chasse à l'homme avec multiples rebondissements, révélations sur Dragomiloff...
Le récit est émaillé de nombreux face-à-face entre Dragomiloff, Hall et les autres membres du Bureau lors desquels tous se livrent à d'intenses joutes philosophiques en utilisant la puissance de la
rhétorique et de la logique. La situation paradoxale du chef qui donne l'ordre de sa propre exécution à ses hommes est très distrayante : folie, absurde rigidité, sens de l'honneur poussé à l'extrême ou respect de la parole donnée ? Un peu de tout cela à la fois...
Mort en 1916,
Jack London n'a pu achever ce roman mais avait laissé des notes pour la fin de son récit, qui sont détaillées à la fin du volume. Elles laissaient augurer un roman bien plus long, avec encore beaucoup de rebondissements et surtout une fin totalement différente de celle écrite en 1963 par Robert Lloyd Fish (écrivain américain né en 1912, auteur de romans policiers). Mais l'exercice de style aurait fini par tourner un peu en rond, par lasser et la fin envisagée par
Jack London est assez décevante : celle de Robert Lloyd Fish, bien que peu surprenante, est plus réussie et s'accorde parfaitement à la psychologie des personnages.
Challenge multi-défis 2020