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EAN : 9782370733092
204 pages
Allary Editions (18/05/2020)
3.83/5   6 notes
Résumé :
Michel Piccoli est le plus secret des géants du cinéma. Cette biographie braque les projecteurs sur l'homme derrière l'acteur. L'homme de tous les risques, des rencontres improbables, des engagements d'une vie, d'une certaine démesure.
Michel Piccoli est le plus secret des géants du cinéma. S'il a toujours eu des rapports assez apaisés avec la presse, accordant facilement des entretiens, il s'est cantonné à des commentaires assez distanciés sur ses films, se... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Il a tiré sa révérence le 12 mai 2020 au bel âge de 94 ans, pour moi il a été et restera l'un des plus dignes représentants du septième art. Preuve en est : les plus grands réalisateurs ont fait appel à lui : Buñuel, Renoir, Ferreri, Godard, Carax, Costa-Gavras, Sautet, Chabrol, Malle et j'en oublie car Michel Piccoli avait ce rare talent qui était celui de pouvoir incarner tous les rôles. Amoureux, fragile dans "Les Choses de la vie" (l'un de ses rôles les plus bouleversants) ; flic pervers et manipulateur dans "Max et les Ferrailleurs" ; mari désabusé et humilié dans "Le Mépris" ; homosexuel extravagant et suicidaire, affublé d'un justaucorps rose dans "La Grande Bouffe". Une carrière riche et éclectique tant au cinéma qu'au théâtre pour un acteur qui faisait fi des diktats et n'hésitait jamais à prendre des risques.

Piccoli c'était la force tranquille et une certaine élégance mais c'était aussi la fougue, l'audace, la passion bouillonnante, les colères parfois et ce regard doux-amer rehaussé de sourcils broussailleux qui vous fixait à travers l'écran en vous donnant l'impression que ce regard n'était adressé qu'à vous car si Michel n'a jamais été un jeune premier à l'instar d'un Belmondo ou d'un Delon, il n'en restait pas moins un séducteur, il avait le charisme de l'homme mature, à vingt ans il avait déjà l'air d'un homme qui s'impose avec un naturel désarmant.

Au travers d'anecdotes et de témoignages recueillis auprès de ses proches, Anne-Sophie Mercier nous livre une biographie tout en sobriété, loin des éloges tapageurs, dans le respect de l'homme qu'il était : pudique concernant sa vie privée, intègre et droit concernant ses choix dans sa vie comme dans sa carrière. Elle choisit ici de consacrer la moitié de son ouvrage à l'enfant et au jeune homme en devenir. L'enfant longtemps resté silencieux et effacé, qui n'arrivait pas à trouver sa place auprès d'un père violoniste trop souvent absent et d'une mère qui elle accordait trop d'importance aux absents et à un absent en particulier : son frère Jacques qu'il n'aura pas connu, décédé à l'âge de deux ans dont il ne parviendra à s'exorciser qu'en quittant le nid familial en septembre 1938, intégrant le programme de Michel Préaut (pédopsychiatre) dans son collège très privé de Annel près de Compiègne. Là-bas, fort d'une éducation peu conventionnelle, le jeune Piccoli découvre la liberté, liberté d'exister loin de ce frère qui lui fait tant d'ombre, liberté de penser et surtout liberté de s'initier au théâtre, passion qui ne le quittera désormais plus jamais.

Le gamin mutique pousse et s'émancipe, il devient un adolescent facile à vivre que l'on croise souvent flânant sur son vélo, découvrant la guerre avec des yeux ébahis, années de guerre qu'il passera par ailleurs à Chaunac auprès de ceux dont il a toujours secrètement désiré être le fils : son oncle et sa tante, Georges et Jeanne Perrier, préférant pour un temps garder ses distances avec ses parents. La guerre prenant fin, il reprend ses études au lycée Sainte-Barbe à Paris, il échoue au Bac puis soutenu par ses parents, à sa grande surprise, ça les réconciliera, il décide qu'il sera comédien. Très vite il intègre le prestigieux cours d'Andrée Bauer-Thérond à Pigalle, il y croise entre autres : Maria Casarès, Luis Mariano, Roger Carel. Touche à tout, investi et passionné Michel travaille ses rôles comme un forcené, il s'enivre de théâtre, n'hésite pas à faire un détour par le conservatoire et la Comédie de Paris, orgueilleux, sûr de lui, il se fiche de jouer dans des salles vides, il aime les pièce engagées et avant-gardistes, il excelle dans les seconds rôles au cinéma jusque dans les années soixante et acquiert une solide notoriété grâce aux "cinéma de gare" comme il aime à le répéter. Il fait une apparition tardive mais très remarquée face à Jean-Paul Belmondo et Serge Reggiani dans "Le Doulos" de Jean-Pierre Melville en 1962 mais c'est Jean-Luc Godard qui va définitivement lancer sa carrière avec "Le Mépris" l'année suivante en lui offrant le rôle du mari pathétique et perdu dans l'Olympe face à une B.B plus magnétique et insolente que jamais. Un grand acteur est né. Les années soixante-dix seront les années "Sautet" dont il devient l'acteur fétiche, avec "Max et Les Ferrailleurs", "Les Choses de la vie" et "Mado" il s'installe définitivement dans le coeur des téléspectateurs français.

Et l'amour et l'amitié dans tout ça ? Il est vrai que même si l'art prend beaucoup de place dans la vie de l'acteur, parfois trop, il est du genre à incarner ses rôles dans l'intimité, il n'oublie pas d'accorder une place importante à l'amitié et aux femmes. Fidèle à ses amis, vaille que vaille (Serge Reggiani, le poète André de Richaud, Simone Signoret, Romy, Jane Birkin), fidèle en amour, il les aime belles avec de l'esprit, plutôt actrices parfois chanteuses, elles le quitteront, il ne les retiendra pas (Eléonore Hirt qui lui donnera une fille, Nicole Courcel, Juliette Gréco qu'il épousera en secondes noces et avec laquelle il mènera durant onze ans une vie discrète et bourgeoise loin des caméras).

Vous l'aurez compris, Michel Piccoli était un homme engagé dans la vie comme dans sa carrière. Engagé politique aussi, on ne saurait évoquer l'homme sans évoquer la politique. "Pseudo militant de gauche" c'est ainsi qu'il se définissait, il ne cachait pas ses opinions mais avait le tact de ne pas les imposer au monde. Toutefois on retrouvait son engagement jusque dans ses rôles, il est vrai qu'il a beaucoup joué des ouvriers, des patrons, des hommes d'affaires et ses premiers rôles au théâtre étaient des manifestes politiques. On se souviendra de sa présence aux côtés de Romy Schneider pour la liberté des prisonniers Est-allemands et auprès de François Mitterrand en 1981.

Ses blessures ? Quelles blessures ? Il n'en parlait jamais, il n'était pas le genre de personne à s'épancher, préférant adopter une certaine retenue qui lui donnait toujours cet air assuré et tranquille comme si rien ne pouvait venir ternir sa destinée.

"On dit peu de choses solides lorsqu'on cherche à en dire d'extraordinaires. C'est pourquoi je vous dis : je vous aime Michel" avec mes mots et au travers de mon écran car il y aura toujours une part de vous qui vivra grâce à la filmographie exceptionnelle que vous laissez derrière vous, plus de 200 films sans compter le théâtre et la télévision. Parmi eux je citerai :

French Cancan (Jean-Renoir - 1955)
La Mort en ce jardin (Luis Buñuel - 1956)
Le Doulos (Jean-Pierre Melville - 1962)
Le Mépris (Jean-Luc Godard - 1963)
Le Journal d'une femme de chambre (Luis Buñuel - 1964)
Compartiment tueurs (Costa-Gavras - 1965)
Belle de jour (Luis Buñuel - 1967)
Les Choses de la vie (Claude Sautet - 1970)
Max et les Ferrailleurs (Claude Sautet - 1971)
La Grande Bouffe (Marco Ferreri - 1973)
Vincent, François, Paul... et les autres (C. Sautet - 1974)
Mauvais Sang (Leos Carax - 1986)
Milou en mai (Louis Malle - 1990)
Habemus papam (Nanni Moretti - 2011)

Et tant d'autres...









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Je ne connaissais pas la vie privée de Michel Piccoli ,juste qu'il avait été marié à Juliette Greco .Il a eu une enfance compliquée,qui explique un peu son chemin de vie ,il a rencontré des gens passionnés et passionnants qui l'ont laissé s'exprimer. Depardieu a dit de lui «Piccoli ?L'expression d'une liberté totale ,un talent absolu »: je suis d'accord . Mais sur le plan personnel ,il ne s'est jamais livré,alors même après les 200 pages du livre ,on sait ce qu'il a fait ,pas ce qu'il pensait réellement.Il reste le « plus secret des géants du cinéma »
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Étonné, ébloui par le travail de ceux qui suivent, Piccoli l’est encore, sans jamais être dupe. « Quel acteur sublime que Depardieu ! Quel génie ! Quel inventeur ! Il a un don formidable, on est ébloui de voir le plaisir qu’il ressent à jouer. Et il ne cabotine jamais. Il est très manipulateur, sûrement, il est très roublard, très menteur, tout ce qu’on veut, mais il n’a pas de prétention. » Piccoli a alors quatre-vingt-dix ans, et Depardieu, son cadet de vingt-trois ans, est celui vers lequel son regard se tourne. Depardieu renchérit  : « Piccoli ? L’expression d’une liberté totale, un talent absolu. »

Les deux hommes ont tourné plusieurs fois ensemble, avec un plaisir évident. Jacques Rouffio les rassemble dans Le Sucre et Sept Morts sur ordonnance, Francis Girod fait vivre leur amitié dans Le Trio infernal et René la Canne, Claude Sautet les fait travailler sur le mythique Vincent, François, Paul et les autres.

En 2007, lors du tournage du film de Jacques Rivette, Ne touchez pas la hache, Piccoli se retrouve aux côtés du fils de Gérard, Guillaume Depardieu. Le môme, brillant et torturé, fait parfois d’acerbes réflexions sur son père, que Piccoli défend avec chaleur. « Ton père, il n’est pas seulement ce que tu dis, il est bien mieux que ça. » Pendant quelques années, Gérard Depardieu et Michel Piccoli se perdent de vue, puis se recroisent lors d’une soirée théâtrale en 2014. Depardieu joue Lettres d’amour, avec Anouk Aimée, Piccoli est dans la salle. « On s’est embrassés comme des furieux. Il a pris mon numéro de téléphone, mais je sais qu’il ne m’appellera jamais. Je le connais, il a autre chose à faire. » Piccoli reste lucide. Ce fou de Depardieu aime follement, puis délaisse parfois avant de revenir.
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Il est étrangement passif, le petit, passif et solitaire. Au début, personne ne s’en préoccupe. À l’école, il est là, bien sûr il ne sèche pas, ne chahute pas davantage. C’eût été au moins vivre. Mais il reste fermé. Au savoir, aux questionnements, aux autres. Toujours gentiment posé là. « Je n’étais jamais intégré à un groupe. Mes récréations étaient solitaires et mes gestes lents. J’étais en contemplation devant les jeux et les joyeuses tracasseries de mes congénères. J’existais avec bienséance aux frontières des relations amicales avec les uns et les autres. » Bien élevé et hermétique.

Le gamin manque d’air. Henri court d’une activité à l’autre, Marcelle ressasse ses chagrins. Le gosse ? Il pousse tout seul, où est le problème ? Bien sûr, il y a de rarissimes moments de grâce. Un jour, Michel demande à son père de lui expliquer ce qu’est un télégramme. Henri, pour une fois disponible, décide d’emmener son rejeton à la Poste pour faire des travaux pratiques. Allez, rédige-le, ce télégramme. Michel prend un stylo et écrit  : « Papa mort subitement. » Henri trouve ça follement drôle, on envoie sur-le-champ le télégramme à la maison. En l’ouvrant, Marcelle éclate de rire. Cette fugace complicité, ce petit moment d’acidité partagé à trois, Michel Piccoli s’en est souvenu en rédigeant ses Dialogues égoïstes.
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Un petit roi, aimé et convoité. Plusieurs sont amoureuses de ce dandy bouclé qui porte souvent un polo blanc. L’une d’elles, Françoise Calmat, lui plaît tout particulièrement. Il lui donne une de ses photos, au dos de laquelle il écrit  : « On dit peu de choses solides lorsqu’on cherche à en dire d’extraordinaires. C’est pourquoi je vous dis  : je t’aime. » La déclaration date du 2 août 1941. Dans cette phrase griffonnée se lit déjà toute la méfiance de Piccoli envers l’emphase, les effets de manche et les grands mots. Encore un trait commun au fils et à sa mère.
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Il n'a pas quinze ans, même si sa longue silhouette et sa carrure en imposent, et le voilà parti sur son vélo pour faire la route d'Orléans à Tulle. Ce voyage est un moment clé de la vie de Michel Piccoli. Pour la première fois, personne ne lui dicte sa conduite. "Je traversais des villes et des villages où le drame était une affaire d'adultes, vivant quant à moi les deux plus beaux jours de ma jeune vie. Une parfaite autonomie, une bicyclette, de l'argent de poche, une montre au poignet et le droit de prendre n'importe quelle direction".
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