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Christophe Mileschi (Éditeur scientifique)
EAN : 9782869597808
161 pages
Arléa (07/06/2007)
3.25/5   8 notes
Résumé :

On trouvera dans cette Médée quatre textes, tous liés au film tourné par Pasolini en 1969. Une interview de Maria Callas, qui tient le rôle-titre. Un cahier de notes que Pasolini intitule « Visions de la Médée », qui présente un projet détaillé du film à venir. La retranscription des « dialogues définitifs », où l'on peut voir comment Pasolini traduit ses « visions &... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
J'aime beaucoup Pier Paolo Pasolini mais j'avoue que sa « Médée » ne m'a pas entièrement séduite même si elle est interprétée au cinéma par Maria Callas. D'ailleurs, c'est peut-être pour cette raison car la cantatrice est célèbre et Pasolini l'a entourée d'inconnus, souvent non professionnels, comme il en a l'habitude (ce que je trouve bien et donne un côté authentique). Il a été influencé par Rossellini, le producteur, pour la faire jouer. Je trouve qu'elle n'est pas à sa place, elle rayonne beaucoup trop par rapport à Jason et on se demande comment elle peut sacrifier sa patrie sans hésiter en volant la Toison d'Or pour lui.
Cette toison est le symbole de l'absolu et de la pérennité du règne de l'homme d'après le scénario et Jason doit la conquérir et la rapporter à Pélias, son oncle, pour qu'il se résigne à lui céder le royaume usurpé.
Même si l'on retrouve chez Pasolini la trame de la tragédie d'Euripide il y a une partie assez longue sur les rites de purifications et sacrifices humains en Colchide où vit Médée. J'ai cru que c'était la reine mais c'est la fille du roi car elle est un peu âgée pour le rôle même si Maria Callas est extrêmement belle.
Il faut dire aussi qu'il y a beaucoup de plans fixes sans dialogue dans le film alors cela n'aide pas à comprendre les subtilités souhaitées par Pasolini. Je pense donc avoir fait une erreur en regardant le film avant de lire le livre.
Je me suis donc procuré ce livre pour mieux comprendre les intentions de l'auteur car je pensais qu'il s'agissait du scénario. En fait, c'est un recueil en quatre parties. La première est très intéressante puisqu'il s'agit d'un entretien avec Maria Callas qui n'a rien d'une diva et qui semble d'une grande simplicité dans son rapport aux autres (sauf avec les paparazzis et c'est normal). Il y a ensuite, non pas le scénario mais une trame intitulée Visions de la Médée de Pasolini. le problème est que cette partie est beaucoup plus détaillée que ce que j'ai vu dans le film. Il y a ensuite les dialogues en français que j'ai bien retrouvés mais cette fois-ci sans explications du contexte. La dernière partie concerne les poèmes que Pasolini a écrits durant le tournage mais je dois dire que je n'ai pas vu le rapport avec Médée, femme qui se sacrifie par vengeance.
Je ne peux pas dire que ce livre n'est pas bien mais j'aurai aimé être plus touchée.


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Ce scénario du film réalisé en 1969 porte un titre qui représente bien le contenu du film mais aussi la manière de procéder de l'écrivain-réalisateur. Il s'agit bien d'une série de « visions », de rêves, visuels. L'auteur décrit ce qu'il voit et pourquoi ces personnages agissent. Dépassant le cadre du script, contenant des passages modifiés ou supprimés, les Visions sont un complément important pour le film, amenant à une plus riche compréhension d'un film à l'image hypnotique. le scénario donne toute la valeur symbolique de ces images. Même si de nombreuses choses demeurent indécises et inquiétantes pour le lecteur-spectateur.
Peut-être encore plus que dans les adaptations théâtrales, le Jason de Pasolini est un salaud, sans honte ni sans pitié pour la jeune femme, tout à son ambition. Les Argonautes sont une bande voyous comparables aux errants de Rome que l'on peut rencontrer dans les premiers films du réalisateur. Cependant, Jason, en tant qu'incarnation d'une jeunesse sans foi ni loi, résolument moderne par son égoïsme, allant même contre sa nature, ignorant même l'élan de son coeur pour satisfaire son désir de gloire, en devient un vrai personnage tragique, alors qu'il n'était qu'un mauvais justement puni dans les drames. le personnage est inconsistant, enveloppe vide, dont même les sentiments, l'émotion, sont refusés. C'est une sorte de self made man avant l'heure, un vainqueur dans la compétition individualiste moderne.
Tout comme dans le film, ces visions tournent autour de Médée. le personnage d'étrangère, arrachée, est renforcé. Mais, la jeune femme ne tombe pas amoureuse de l'homme, comme dans la légende, mais de la réputation, du destin de l'homme, avant de le rencontrer. C'est du symbole de modernité, de liberté, de force, de jeunesse sanguine, ce voyou ayant perdu le sens du sacré, que Médée tombe amoureuse. Elle renie sa culture, sa famille, séduite par l'appel de la modernité, du monde, de la conquête, de l'ambition fougueuse de la jeunesse, de cette civilisation de mouvement et d'agitation qui fait contraste avec la culture arrêtée, ancestrale, pleine de codes et de lourdeurs. En cela, l'auteur exprime clairement son rejet de la société moderne. Si la fibre politique de gauche de l'auteur est connue, elle ne se fait pas sans un dégoût pour la société athée, techniciste, individualiste. Les sociétés anciennes étaient certes monstrueuses, mais elles donnaient un sens à la vie.
En cela, Pasolini dénonce les fausses aspirations d'une jeunesse à une liberté perverse, à un monde sans dieu, sans aîné, sans culture, sans révérence. Une dénonciation qui prend tout à fait sens dans le contexte de création du film, Pasolini ayant très clairement pris position contre les fils de la bourgeoisie qui selon lui ont mené la révolte de mai 68. Les conséquences en sont cette totale perte de repères de Médée qui devient monstre, par sa souffrance, son refus d'être un laisser de côté, une victime collatérale de la lutte individualiste de Jason. Médée refusant de mourir avec sa société dépassée, Médée refusant d'être une victime, une perdante, une faible dans cette lutte moderne, se raccroche contre sa nature à cet homme perdu, qui va la perdre.
On retrouve ainsi l'explication plus traditionnelle de la colère première de Médée, la jeune femme est aussi symbole de l'abandon de la famille pour l'amour. La femme s'oublie, sacrifie tout pour son amour, pour l'homme trompeur. Ressaisit tout son indépendance, sa sauvagerie de femme, sa force, pour venger et se venger d'elle-même, de sa bêtise, par la destruction de ses enfants et d'elle-même.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Assise sur une pierre, Médée se tait, de même qu’autour d’elle se tait le monde purement physique, comme une atroce et stupéfiante apparition irréelle… Elle est comme hébétée : elle est inexpressive, mais elle a la majesté d’une gigantesque sauterelle, ou d’une divinité de pierre. Elle ne sait pas quoi faire d’elle-même. Elle s’est enfermée dans son silence comme dans un écrin.
Jason, largement repu, alors que les autres sont sur le point d’aller dormir, se lève et part à la recherche de cette femme « folle », qui est allée se fourrer on ne sait où. Léger, comme extérieur aux choses, s’acquittant de cette tâche sans vraiment s’impliquer, il rôde dans les environs sauvagement muets (dans la lumière orangée du soleil et dans la lumière bleutée de la lune), jusqu’au moment où il la voit. Résolu, il s’approche d’elle en souriant, comme un père (lui encore tellement jeune) avec sa fille désobéissante ; mais le regard qu’elle lui adresse l’arrête d’un coup. Ce regard ! Violence et peur mêlées : la première tout emplie de haine, la seconde d’humilité implorante, etc. Jason – lui, Jason ! – se sent confus, embarrassé ; son regard se perd. Il doit faire un effort (le premier), pour oser ce qu’il a décidé : il la prend par un bras et l’entraîne à sa suite. Elle, qui jusque là était royale et presque surnaturelle, cède d’un coup : elle se fait soumise, obéissante comme un enfant, justement. Elle se laisse entraîner vers les tentes.
Presque tous les argonautes sont allés dormir. Dans un coin, sous la lumière lunaire, il en reste quelques uns groupés autour d’Orphée qui joue de la guitare. C’est vraiment une nuit d’été populaire, au son d’une vieille chanson simple, etc.
Jason emporte Médée dans sa tente, et il la fait s’allonger sur la natte d’osier. Il lui sourit (paternel, protecteur). Maintenant, elle le regarde, fidèle et soumise, comme un chien au regard humide. Jason se déshabille. Il dissimule son intention et son incertitude derrière son sourire de petit garçon, tout fier de sa virilité. Médée le regarde enchantée, et elle se perd en lui. C’est un amour véritable, complet, etc. Ce qui prévaut à ce moment-là, c’est la virilité de Jason. Médée n’a plus cette atonie de bête désorientée : dans l’amour, elle trouve tout à coup (en s’humanisant) un substitut de la religiosité perdue ; dans l’expérience sexuelle, elle retrouve le rapport sacré qu’elle avait perdu avec la réalité. Ainsi le monde, l’avenir, le bien, la signification des choses se reconstituent brutalement devant elle. (p. 82-83)
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En Colchide on continue à travailler durement la terre. Des jeunes filles sont occupées aux travaux des champs (elles sèment, coupent l’herbe, etc.). Et en même temps, comme c’est l’usage, elles chantent une vieille mélodie populaire. Mais comme il arrive souvent, sur cette mélodie, elles ont adapté de nouvelles paroles. Le chant parle d’un certain Jason, un héros fabuleux, très beau, brun, qui a quitté ses terres lointaines pour gagner la Colchide et venir y semer la destruction et la mort. Dans sa chambre, derrière une petite fenêtre qui donne sur la cité, Médée écoute. Le chant, avec ses paroles tragiques et douces, monte jusqu’à elle. (p. 61)
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Médée se sent emplie de l’esprit de sa terre – du doux soleil – de l’antiquité, et elle est prise d’une sorte de ravissement. Elle tombe à genoux devant le petit arbre humble et sublime, auquel est accrochée la Toison, symbole de la continuité et de l’absolu de la condition humaine : et elle prie. Jamais elle n’a prié avec une telle ferveur, presque de la béatitude… Mais tout à coup, comme déchirée, la musique qui accompagne Médée s’interrompt. Un silence profond, non naturel, tombe sur les choses. Comme arrachée à un rêve, Médée paraît se réveiller brutalement : elle regarde autour d’elle, hésitante, sans comprendre, comme si quelque chose s’était déchiré à l’intérieur d’elle-même et qu’elle en cherchait les signes dans le monde extérieur. Monde qui lui paraît dans tout son mystère originel, antérieur à toute signification humaine : autrement dit impénétrable. Et voici que, dans le silence non naturel, on entend un bruit, un bruit de pas. (p. 68)
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Mon entreprise m'aura au moins servi à comprendre que le monde est plus grand que ton royaume...
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Jamais il n'est arrivé que Médée aille seule au lieu sacré. La sacralité est un bien collectif, commun, et non un secret intime qu'on a avec soi-même...
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PIER PAOLO PASOLINI / UNE VIE VIOLENTE / LA P'TITE LIBRAIRIE
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