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EAN : 9782883870123
231 pages
Plaisir de lire (30/11/-1)
3.91/5   16 notes
Résumé :
« L'homme arriva au village vers les sept heures ; il faisait jour encore parce qu'on était en été. L'homme était maigre, il était petit ; il boitait un peu. »

Charles-Ferdinand Ramuz est né à Lausanne le 24 septembre 1878. Il a fait des études de Lettres à l'université de Lausanne et y a obtenu sa licence en 1901. Il a exercé la profession de maître d'études au Collège d'Aubonne avant de comprendre rapidement qu'il n'était pas fait pour l'enseignemen... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Avec "Le règne de l'esprit malin", Charles Ferdinand Ramuz propose un roman angoissant sur le thème classique de Faust.

Dans une bourgade montagnarde débarque un beau jour un inconnu, cordonnier de son état, qui installe son échoppe. Bien qu'étranger, il possède de l'argent, travaille bien, pour pas cher, et sa popularité grandit vite, d'autant qu'il a également des dons de guérisseur. Tout serait donc parfait dans le meilleur des mondes possibles si... d'étranges phénomènes ne se produisaient pas depuis son arrivée. Maladies, violences en tout genre, malhonnêtetés, catastrophes naturelles ; à croire que les calamités divines se sont abattues sur le modeste village. Atteints dans leurs comportements, les habitants sont tour à tour démunis et débridés. Ils passent par les stades classiques de la peur et du désespoir : recherche d'un coupable, identification d'un bouc-émissaire, perte de la foi, pacte avec le Mal, violences en collectivité et rejet de l'autorité.

Il s'agit de ma première rencontre avec l'auteur et je peux dire que ce ne sera pas la dernière. J'ai vraiment apprécié le style et les effets narratifs, j'ai été transportée avec facilité et réalisme dans cette bourgade, au coeur de la montagne, j'ai côtoyé les protagonistes et j'ai compris leurs actes, j'ai compati à leurs émotions et j'ai été fascinée jusqu'au bout par le récit. Un très belle découverte.


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Notre ami babéliote défricheur Lavieestunlongfleuvetranquille a peut-être raison : "Le Règne de l'esprit malin" (paru en avril 1917) n'aura, pour nous tous, PAS FORCEMENT toutes les séductions - inaltérables - de "Derborence" [1934] ou même de "Si le soleil ne revenait pas" [1937]... mais tout de même, tout de même... Quel conteur, quelles "forces d'images", et quel humour tout en finesses de langue (fourchue) !

Après la belle chronique de "La guerre dans le Haut Pays" (son sixième roman, paru en 1915), voici le septième... premier de la saisissante série de ses six romans (dits) "mystiques" [soit : "Le Règne de l'esprit malin", "La guérison des maladies", "Les signes parmi nous", "Terre du ciel", "Présence de la mort", "La séparation des races"] dont la parution s'étalera de 1917 à 1922 - à un rythme accéléré et notamment grâce à la fondation des "Cahiers Vaudois" à Lausanne (années de vie de cette Revue littéraire : 1914 à 1920)...

Une histoire toute faustiennne : Branchu, le "vagabond-cordonnier" (qui arrive puis stationne dans l'auberge, quelle coïncidence ! ... ce juste trois jours après la mort du cordonnier du village... et s'enquiert aussitôt d'un commerce à racheter), c'est Mephistophélès... le naïf "Faust", par contre, c'est le village entier, séduit d'abord par le bagoût et les espèces sonnantes et trébuchantes de l'étrange vagabond...

Nous irons jusqu'au bout de la route avec le Maudit : la séduction puis le malheur... "Le règne de l'esprit malin" s'empare du village... Force du diable (ou du diablotin) : car il est justement si "malin"...

Seule "l'innocence" d'un enfant, peut-être, en contrepouvoir si fragile... Cette innocence-là, inatteignable par le monde matérialiste des adultes, n'offrira plus "prise"... imperméable à toute emprise, à toute puissance sournoise...

Le conte reste réaliste. Branchu pourrait tout aussi bien ne pas être "le diable"... Diable d'homme, tout simplement !

Il est curieux de voir en ce touchant récit combien s'annoncent - comme en germe - les maléfices des alpages maudits de "La grande peur dans la montagne" [1926], les ravages de l'avalanche de pierres de "Derborence" [1934] et les charmes de l'aura fédératrice et rédemptrice de la jeune Isabelle, puissance solaire, face à la toute-puissance malfaisante du devin Anzevui dans "Si le soleil ne revenait pas", conte poétique magistral et secret - presque ultime - de 1937...

(Gloire à la) grâce intemporelle de l'étrange langue nouvelle de C.F. RAMUZ !
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1917 : "Le Règne de l'esprit malin"...

Après la belle chronique de "La guerre dans le Haut Pays" (son sixième roman, paru en 1915), voici le septième... et tout premier d'une saisissante série de six romans (dits) "mystiques" [soit : "Le Règne de l'esprit malin", "La guérison des maladies", "Les signes parmi nous", "Terre du ciel", "Présence de la mort", "La séparation des races"] dont la parution s'étalera de 1917 à 1922 - à un rythme accéléré et notamment grâce à la fondation des "Cahiers Vaudois" à Lausanne (les années d'existence de cette courageuse Revue littéraire si excentrée seront : 1914 à 1920)...

Eh bien, quel conteur, quelles "forces d'images", et quel humour tout en finesses de langue (bien fourchue) !

Au final, une histoire toute faustiennne... Branchu, le "vagabond-cordonnier" qui paraît soudain (arrive puis stationne à l'auberge, et - quelle coïncidence ! - juste trois jours après la mort du cordonnier du village, s'enquiert aussitôt d'un commerce à racheter,

Branchu, c'est Mephistophélès... mais le naïf "Faust", par contre, c'est le village entier, séduit d'abord par le bagout et les espèces sonnantes et trébuchantes de l'étrange vagabond, toujours si plein de largesses...

Nous irons jusqu'au bout de la route avec le Maudit : la séduction puis le malheur... "Le règne de l'esprit malin" s'empare du village... Force du diable (ou du diablotin) : car il est justement si "malin"...

Seule "l'innocence" d'un enfant, peut-être, en contre-pouvoir si fragile... Cette innocence-là, inatteignable par le monde matérialiste des adultes, n'offrira plus "prise"... imperméable à toute emprise, à toute puissance sournoise...

Le conte reste réaliste. Branchu pourrait tout aussi bien ne pas être "le diable"... Diable d'homme, tout simplement ! Ou peut-être serais-tu "notre" capitalisme du futur, fourvoyeur et égareur d'âmes ?

Il est curieux de voir en ce touchant récit combien s'annoncent - comme en germe - les maléfices des alpages maudits de "La grande Peur dans la montagne" [1926], les ravages de l'avalanche de pierres de "Derborence" [1934] et les charmes de l'aura fédératrice et rédemptrice de la jeune Isabelle, puissance solaire, face à la toute-puissance malfaisante du devin Anzevui dans "Si le soleil ne revenait pas", conte poétique magistral et secret - presque ultime - de 1937...

Gloire à la grâce intemporelle de l'étrange langue nouvelle de C.F. RAMUZ ! Chaque ligne, chaque image du texte semble s'inventer seule, luire et chanter sa petite chanson sous nos yeux, parler directement à notre coeur...
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Une petite veine de sombre basalte dans du quartz...

Lorsque Branchu, cordonnier de son état, s'installe dans le village, chacun, étonnamment, lui fait bon accueil : il est souriant, généreux et semble respectueux des us et coutumes du pays. Mais petit à petit, le malheur suinte sur les habitants du village : fausse-couche, crises d'épilepsie, suicide... le sympathique bouif cacherait-il de diaboliques desseins ?

Lapidaire, ce court roman de Ramuz, tel un brouillard maléfique, insinue son angoisse latente avec virtuosité. Comme à son habitude, l'écrivain, prodigue en images inédites, lésine sur le moindre effet : son récit, écuré, blanchi à l'os, s'élève comme un réquisitoire eschatologique. Les images saisissent, les dialogues crèvent comme des bulles de boue et la fable étiologique (d'où vient le mal ?) nous étreint avec brutalité.

Ramuz peint à fresque une fulgurante danse macabre où un hypocrite démon mène le bal. Dans cette quête de l'absolu dans le mal ou le bien, chacun s'abandonne à ce qui le magnétise : mensonge, érotisme, angoisse, désespoir, révolte... Seule une jeune fille d'une ingénue pureté, rayonnante de confiance et d'abandon, saura combattre le ricanant Branchu, antéchrist rustique.

Le Règne de l'esprit malin brasille d'une phosphorescence livide, déjà bernanosienne, et, stigmate indélébile, nous marque durablement.

Ensorcelant.
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La veine fantastique de Ramuz n'est pas celle que je préfère, ce qui ne m'a pas empêchée d'apprécier ce roman longuement travaillé par l'auteur qui en a élaboré plusieurs versions successives. Ici l'oeuvre n'est pas centrée sur un narrateur ou un personnage principal auquel on peut s'attacher ou s'identifier. C'est un village des montagnes valaisannes tout entier qui se trouve en proie à l'influence pernicieuse d'un étranger qui séduit les habitants avant de les tourmenter, sans qu'on s'accorde tout d'abord à reconnaître en lui un humain, un démon ou une figure christique. A son contact, les instincts réprimés de tout un chacun se réveille. L'un se révolte contre sa pauvreté jusqu'alors acceptée de bon coeur et déplace les bornes de ses champs, l'autre, bon mari pourtant, rudoie sa femme ; puis viennent les fausses couches et les maladies. L'auteur ne manque pas de verve et d'imagination dans l'évocation des maux qui accablent bêtes et gens, de la famine, d'une sorte de lèpre s'attaquant à la pierre même. Une oeuvre originale témoignant du goût de Ramuz pour la recherche esthétique et de sa volonté de faire évoluer son art.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Le lendemain matin il faisait du soleil. Les nuages, pendant la nuit, s'étaient défaits de devant la lune. Ils passent rapidement dessus, laquelle est là qui les élime comme la pierre fait d'un filet ; et, quand enfin le jour se lève, on la voit toute pâle et ronde, être seule dans le ciel bleu.

[C.F. RAMUZ, "Le Règne de l'esprit malin", 1917, chapitre III - III - page 1050 de l'édition La Pléiade, T.I]
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Il y avait en lui un drôle de mélange de toute espèce de sentiments comme quand on met dans un tonneau des vins de diverses sortes : fierté, honte, faux aplomb, de la peur, de l'entrain, des accablements ; au total un affreux désordre. Il avait mis des grandes guêtres, ses yeux brillaient sous un chapeau tiré très bas ; malgré qu'il fît froid, son long cou sortait nu de sa veste de grosse laine. Et il le tendait en avant, rentrant chez lui dans la neige qui était profonde et où il enfonçait quelquefois jusqu'à mi-cuisses. Qu'est-ce qu'il faudrait pour qu'on soit heureux ? Dix francs par jour ? Mettons quinze tout de suite. Et encore ça ne suffirait pas. Car il ne faudrait pas qu'on fût obligé de les gagner : il faudrait que ces quinze francs vinssent d'eux-mêmes, à date fixe, comme ce que les riches appellent leurs rentes : c'est de l'argent qui a des égards pour vous ; il se présente à vous le chapeau à la main. Alors je me sentirais un homme. Il ne s'apercevait pas que la nuit venait : d'ailleurs il n'était plus très éloigné du village. Mais tout à coup l'aspect des choses avait changé. L'éclairage gris d'un reste de jour derrière les nuages avait fait place à une lumière verte qui venait on ne savait d'où, vu l'absence de lune et d'étoiles ; et elle semblait venir de dedans la neige, comme si celle-ci était devenue transparente [...]

[C.F. RAMUZ, "Le Règne de l'esprit malin", 1917, chapitre III - II]
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Il ne tarda pas à voir paraître sa maison. Une lampe était allumée dans la cuisine. Et sa femme, vu l'heure tardive, devait l'attendre : pourtant quelque chose l'empêchait d'entrer. Il s'approcha de la fenêtre et, se collant au mur, avança la tête, un peu. La petite Marie était assise au bout de la table devant un livre et ses lèvres bougeaient. Bien sûr que ce livre était un de ses livres d'école et qu'elle apprenait son devoir ; on la voyait épeler avec application chaque mot ; puis, arrivée au bout de la phrase, elle fermait les yeux et se la récitait à elle-même, alors elle se redressait. La lampe, pendue au plafond, éclairait doucement son front rond aux cheveux tirés, où, à l'endroit de son plus fort bombement, il y avait une lumière. Tout était parfaitement calme, parfaitement comme toujours. Le feu brûlait sur le foyer, les assiettes attendaient autour de la soupière. Et Jean Lude voyait tout cela, et il ne se décidait pas à entrer.

[C. F. RAMUZ, "Le Règne de l'esprit malin", 1917, chapitre III - II]
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Mais voilà que, comme il arrivait devant chez lui, la plus grosse des cloches laissa tomber un long son sourd. ...
Boum!... Il y a quand même grand peine chez les hommes. Où qu'on soit, quoi qu'on puisse faire, on est en face de la mort. Elle ne permet pas qu'on l'oublie: qu'un instant on n'y pense pas et elle se rappelle à vous.
...
Boum! Seigneur notre Dieu, protégez-nous dans notre affliction; on ne peut rien sans vous, sans vous on n'est rien, on a terriblement besoin de vous, Seigneur notre Dieu, dans notre misère ayez pitié de nous, Seigneur.
[Joseph voit son enfant mort et sa femme morte qu'on ensevelit] ... ; mon Dieu! est-ce possible, c'est mes entrailles qui s'en vont, c'est le coeur de mon coeur, c'est la pensée de ma pensée. C'est le meilleur de moi, la promesse de mieux encore; elle était ma seule vendange, la vraie richesse de mon grenier. ... "On a coupé le noyau de ma chair, on a ôté la bonne amande." A ce moment, les mottes tombèrent sur la caisse, il poussa un cri, on l'emmena.
(chapitre IV - i)
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L'homme arriva au village vers les 7 heures ; il faisait grand jour parce qu'on était encore en été. L'homme était maigre, il était petit ; il boitait un peu ; il portait sur le dos un sac de grosse toile grise. Il n'y eut point d'étonnement pourtant parmi les femmes qui causaient entre elles devant les maisons, quand elles le virent venir, et les hommes, occupés dans les granges et les jardins, à peine s'ils levèrent la tête ; sûrement que ça devait être un ouvrier de campagne en quête d'ouvrage, comme on en voit souvent passer dans le pays.

[C. F. RAMUZ, "Le Règne de l'esprit malin", 1917, chapitre I - incipit]
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Videos de Charles-Ferdinand Ramuz (13) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Charles-Ferdinand Ramuz
Soirée rencontre à l'espace Guerin à Chamonix autour du livre : Farinet ou la fausse monnaie de Charles Ferdinand Ramuz enregistré le 20 juillet 2023 en présence de Gérard Comby (membre de l'Office tourisme de Saillon & de la Commission du Patrimoine)
Résumé : Un généreux Robin des bois, roi de l'évasion, porté par la plume de C. F. Ramuz.
Farinet, c'est un fameux faux-monnayeur, roi de l'évasion et Robin des bois qui vécut entre Val d'Aoste, Savoie et Valais au XIXe siècle. Arrêté pour avoir fabriqué de fausses pièces qu'il distribuait généreusement dans les villages de montagne, il s'évade à de nombreuses reprises. Ce héros populaire à la vie romanesque et rocambolesque meurt à 35 ans, en 1880. Cinquante ans plus tard, Ramuz s'empare du personnage et en fait le héros d'un récit classique, haletant comme un roman d'aventure, mais porté par son style unique : irruption du présent au milieu d'une phrase, mélange des temps qui rend le présent dense et incandescent, langue vaudoise aux accents paysans transfigurée par une écriture singulière, moderniste, au confluent des révolutions artistiques du XXe siècle (il est passionné par Cézanne et Stravinsky). Farinet se serait caché un temps au fond de la vallée de Chamonix, dans une grotte au-dessus de Vallorcine. Un petit mémorial y est installé. Ce roman est paru pour la première fois en 1932.
Bio de l'auteur :
Ed Douglas, journaliste et écrivain passionné par l'Himalaya, a publié une douzaine de livres, dont plusieurs ont reçu des prix. Deux ont été traduits en français : de l'autre côté du miroir (Éditions du Mont-Blanc, 2018), Himalaya, une histoire humaine (Nevicata, 2022). Il publie des articles de référence dans The Observer et The Guardian. Il est rédacteur en chef de l'Alpine Journal et vit à Sheffield, en Angleterre.

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