Un petit récit doux, léger, moelleux comme un caramel tendre qui parle de la route, de l'amour, de l'acte d'écrire, de la vie…et de la fusion de toutes ces choses : amour mêlé de voyage tissé d'écriture, qui permettent d'accéder au bonheur simple de vivre.
Vie bohême, vie nomade, vie d'amoureuse, vie d'écrivain, que la narratrice,
Alina Reyes elle-même, déroule comme on avale les kilomètres en voiture ou en train, avec cette fugacité qu'ont les images lorsqu'elles miroitent un bref instant derrière la vitre puis disparaissent, en laissant malgré tout une trace vivace de lumière qui viendra s'immortaliser dans la rétine comme un fil d'argent, et prendre sa place dans la boîte aux souvenirs.
Accomplissement d'une existence qui refuse le schéma traditionnel : argent, confort, sédentarité, routine ; qui s'abreuve à la source de l'imprévu, de l'imprévisible, de l'impromptu, quand bien même elle rimerait quelquefois avec les incertitudes et les difficultés pécuniaires, la précarité des situations, les doutes et les peurs aussi, parfois.
Elle est écrivain, femme divorcée avec deux enfants, elle vit un amour plein et entier avec Oscar, un homme plus jeune.
Ce matin-là, le désir de partir se fait sentir avec toute la force d'une injonction, impératif, primordial.
Dans sa vieille voiture, elle prend la route, direction Eralitz, sa maison des Hautes-Pyrénées, sa bergerie isolée au fond des bois, son repaire, son fief, le lieu où se ressourcer, l'endroit où se chercher, où se retrouver. Un refuge qui contient « les objets rescapés d'une dizaine de déménagements, les albums de photos, les lettres d'amours, les dessins et les poèmes, les livres… », tous ses souvenirs en sommeil au fond de sa poitrine, enfermés dans des boîtes en cartons.
Quelques jours à Eralitz, le temps de prendre une plume, d'écrire cette histoire, de parler de son amour avec Oscar, de leur rencontre, des premiers temps passionnels et douloureux de leur idylle, et puis l'installation à Montréal sur un coup de tête, sans certitude professionnelle, le voyage aux Etats-Unis et les villes qui défilent comme des instantanées, cheveux au vent et décapotable, « La Nouvelle-Orléans, ville de joie, San-Francisco, ville amusante, Las Vegas, ville électrique, Salt Lake City, ville comptable, El Paso, ville barrière, Tombstone, ville fantôme… »
Une existence qui glisse comme le bitume sous les roues, simplement esquissée, happée au détour d'une image, d'un souvenir.
Alina Reyes ne s'attarde pas, ses mots ont soif d'urgence, jetés sur le papier en notes éparses, comme en partance eux-aussi, ils ont le goût du départ à l'instar de leur calligraphe, voués à l'éphémère comme ils le seront peut-être dans le coeur du lecteur, qui, passé le bien-être d'une lecture à la grâce aérienne, ne gardera sans doute pas un souvenir impérissable de ces mots condensés, ramassés sur leur brièveté. Mais qu'importe ce sentiment de provisoire, on passe un délicieux moment en partageant un peu de cette évasion perpétuelle qui sied tant à ce couple d'artistes. Car comme nous le dit la narratrice, « la route, c'est un peu comme l'amour », c'est renaître, c'est se débarrasser de sa mue comme un serpent pour donner vie à une autre, pour engendrer un être neuf, c'est pouvoir être libre, par l'action même de se libérer de ses anciennes enveloppes.
Ecrire fait partie de la même procédure, écrire est un voyage, écrire c'est aimer ; « autant que je m'en souvienne j'ai toujours écrit pour dire que j'aimais. Au point de ne plus très bien savoir si j'écris pour mieux aimer, ou si j'aime pour mieux écrire ». L'encre s'écoule, on s'en abreuve, on s'en nourrit.
Dans cette vie où le confort, la peur du lendemain, les contraintes du quotidien impriment souvent un sentiment de vide, de monotonie, de médiocrité, il est agréable d'écouter la voix de cette femme qui a tenté de construire son existence autour des mots amour, écriture et départs. « Rêves, réseaux de la mémoire…voyages…jouissances…Tout ensemble, tout mêlé. J'écris ça dans mon lit, comme toujours j'ai de l'encre sur les doigts…J'aime ça, j'aime ça. »
Une femme qui, même si elle avoue être habitée parfois par un sentiment de peur ou de perte et n'être pas toujours sereine, demeure malgré tout foncièrement et inébranlablement ardente et palpitante de vie, « je veux continuer à sentir que ma vie est en même temps précieuse et dérisoire, je veux rester légère, fragile et vivace comme une fleur sauvage».
Parce qu'il nous dit des choses simples, élémentaires mais sensibles : « il n'y a pas de modèle, parce qu'il faut inventer ses amours, inventer sa vie», et qui font du bien, le livre d'
Alina Reyes est ainsi comme un caramel tendre, petit récit intimiste généreux et bienveillant…