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EAN : 9782370552631
329 pages
Le Tripode (08/04/2021)
4.37/5   15 notes
Résumé :
Si Goliarda Sapienza est connue pour ses romans, et notamment son chef-d’œuvre L’Art de la joie, ses premiers écrits étaient des poèmes.
Longtemps rejetés par les éditeurs italiens, ce n’est qu’en 2013 qu’ils ont été publiés pour la première fois. Écrits dans les années cinquante, on retrouve dans ces textes imprégnés de mélancolie, de solitude et de désir, la mythologie personnelle de l’auteure et les motifs qui parcourront par la suite l’ensemble de son œuv... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
La montagne la mer
Les fleuves
De ton ventre
Les aubes
De ton front
Voilà ce que je voudrais retrouver.

Nouvelle découverte d'une voix féminine italienne, plus exactement sicilienne, Goliarda Sapienza, plus connue pour son roman « l'art de la joie», qui attend sagement (enfin j'espère) sur les étagères de ma bibliothèque. Et pourtant sa poésie vaut véritablement le détour :

Désir que j'ai perdu
Paix de pierre
Je te retrouve au tournant du mur
Sous le figuier à l'ombre
Empoisonneuse

Une voix sensuelle et grave, traversée par des fulgurances. Certains poèmes sont emplis de violence, à l'image de la vie de la poète :

ENFANCE

Insouciante tu cours sous le soleil
Insouciante le ventre alourdi par
Le serpent de ton sang. Les seins
Saillants révélés par la première sueur transperçant
Ton tricot de fil blanc
D'Ecosse. Tu cours et ne sais pas
Que cette nuit la lune tapie
Sur le balcon guettera l'instant où tu t'assoupiras
Et subrepticement t'enlèvera ton enfance
En la tirant de sous ton coussin.

D'autres sont tout en délicatesse :

Je t'ai volé
Ta sueur
D'algue
Marine
Et la retiens
Sur ma poitrine
Sur mes bras
Entre mes cuisses
Dans ma
Chair
Je la retiens
Jusque
A l'aube

Les poèmes sont généralement courts et évoquent la nuit, la terre, le désir, l'amitié … autant de thèmes qui me sont chers. Et ce titre, Ancestrale, certains y verront une allusion au fait qu'il s'agit de la première oeuvre, antérieure à ses romans. Moi je préfère y voir un hommage à une autre poète qui a, elle aussi, habité la solaire Sicile, il y a plusieurs siècles : Sappho, l'une des plus belles voix de la Grèce Antique.

J'aurais pu recopier quasiment tout le livre, tant j'ai été séduite. Qu'à cela ne tienne. Je garde ce recueil sur ma table de nuit, à côté de ceux de Marina Tsvetaïeva, d'Etel Adnan et d'Andrée Chedid. Pas de doute qu'il embellira mes nuits et peuplera mes insomnies :

Tu ne pourras plus sortir.
L'heure est passée. La nuit
A refermé les grilles.
Le soleil était là et tu as hésité.
Maintenant il te faut rester dans l'obscurité.
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Reconnue comme auteure de plusieurs romans, Goliarda Sapienza a cependant abordé l'écriture par le biais de la poésie. Ses premiers poèmes ont été écrits en 1956. Il faudra attendre 2013 pour que l'ensemble de ceux-ci soient publiés en Italie. En France, éditeur de l'oeuvre de Goliarda Sapienza, les Éditions le Tripode font paraître Ancestrale en 2021, édition bilingue regroupant l'ensemble des poèmes de l'écrivaine italienne.

Dans son propos introductif, la traductrice Nathalie Castagné revendique " une approche sensible de ces textes, privilégiant le rythme et le sens à une traduction mot à mot ". Un choix qui s'avère précieux pour aborder la poésie de Goliarda Sapienza.

De forme courte, très souvent sans titre, les premiers poèmes apparaissent comme privés de contexte, ouverts à l'interprétation. Après leur lecture, il subsiste un sentiment d'incertitude, presque d'incompréhension. Pourtant, au fil des pages, progressivement, quelque chose prend forme, s'impose. le style dévoile un rythme, un sens qui n'apparaissaient pas d'emblée.

" La moisissure du silence fait germer
des ombres entre tes cheveux et les miens
Éclore tes poignets
À l'obscurité de mes paumes. À la fenêtre
La nuit tourne sur les gonds des étoiles. "

Dans les poèmes de Goliarda Sapienza, il y a quelque chose d'une épaisseur, d'une densité dans l'expression qui entre comme en résistance contre l'oubli, l'indifférence, capte une beauté captivante.

Goliarda Sapienza s'empare des mots pour dire la douleur, l'angoisse mais aussi la sérénité, la douceur présentes dans l'étreinte des corps, les moments de l'enfance, l'étendue d'un paysage, d'un lieu, et puis la mort, l'incompréhension… Cette parole intime révèle une conscience qui sait le tout mais qui ne veut dire que l'essentiel, pour qui la réalité ne peut être dite qu'avec sincérité et simplicité.

" Je voudrais à l'ombre de ton
regard
m'arrêter et de la
main dessiner
ta voix
qui descend vers
moi pour m'offrir ses récits

Je voudrais au rythme
du vers
m'abandonner mais
le temps presse
et je dois encore
courir. "
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C'est à Gaète qu'elle passe la dernière partie de sa vie et qu'elle est retrouvée morte, commune de la province de Latina, en Italie, au Sud de Rome, sur la côte Tyrrhénienne en 1996.

À la fin de sa vie, elle travaillait sur des textes autobiographiques seulement ses débuts en littérature furent intimement liés à la poésie. Dans ses oeuvres de jeunesse s'exprime donc une poésie lyrique. On Y découvre ses sentiments, ses élans envers son père, sa mère.

Les thèmes existentiels suivants : la vie, la mort, le vagabondage de l'esprit, l'amour, le désir, la nature. Ceux-ci sont rendus par la concision, la subjectivité, la profondeur.

Si l'autrice vise quelque chose d'individuel pour dire ce qu'elle voit, ses états d'âmes, il y a un effet qui s'installe de mystérieux liés à la complicité de certains liens, à leur simplicité et leur complexité.

Si elle aspire à la sensualité, la poétesse ne paraît pas épargnée par la souffrance. Ainsi elle écrit :

" Je porte en moi une peine
et ponctuel le soleil mord
la chaux le long du mur
Et ponctuel
le lézard revient à mon seuil "

Et comme d'autres elle est alors portée à convertir cette souffrance en beauté grâce à une poésie qui nous interpelle tous et entraîne vers l'universel. Je me suis senti sensible à ses mots.

Il aurait été bien néfaste je trouve que son travail tombe dans l'oubli. Saluons donc les efforts accomplis après sa mort pour publier ses oeuvres.

Certains n'y trouveront pas la " joie " qu'ils recherchent car ses poèmes sont souvent " noirs ". L'autrice ne sait pas mentir en effet.

Elle affronte la mort, le temps qui passe mais elle nous fait découvrir qu'à côté de la noirceur de la vie, il y a autre chose : de la liberté, de la sensibilité, des possibilités pour rêver, s'évader, aimer.

" C'est prévu
Ta vie
au bord de mer
ma mort
au fond du puits
C'est prévu
la table dressée
avec les verres et les couteaux
C'est prévu depuis longtemps
ton retour à mon
puits d'eau fluviales. "

Et c'est ainsi que sa poésie nous invite à affiner notre vision de la vie et à la tourner vers une sensibilité plus grande.
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Depuis longtemps, j'ai envie de découvrir la plume de G. Sapienza, mais l'épaisseur du livre que j'avais envie de lire m'a très longtemps refroidie (l'art de la Joie). En tombant sur ce recueil de poèmes à la bibliothèque, je ne pensais pas découvrir l'un de mes futurs gros coup de coeur poétique. J'ai adoré la plume de l'autrice, sa façon de manier les mots et maintenant, je n'ai qu'une envie : lire d'autres oeuvres de cette femme.
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critiques presse (1)
Liberation
14 septembre 2021
Prenez une profonde inspiration avant de plonger dans Ancestrale, recueil de très beaux poèmes de l’Italienne Goliarda Sapienza (1924-1996), où l’art de la joie n’a pas vraiment sa place. La mort est partout, elle s’étale sur les visages, «là où le sang se coagule /en nœuds cartonneux de peine», sur les murs, quand «les miroirs se fissurent». L’autrice converse avec, la rejette ou l’invite.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Si je pouvais te voir
une fois encore
je voudrais te dire
que maintenant je sais
qui tu étais
que je sais maintenant
ta force
ta chaleur.

(Si putissi viririti
n'autra vota
ti vurria diri
ca ora sacciu
cu eri
ca ora sacciu
a to forza
lu to caluri.)
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On entend
toujours une voix
Toujours
on regarde un visage
On attend
heure par heure qui
doit arriver
On épie
son retour
ses aubes
son approche
dans l'herbe du soir
Seule à présent
tu chutes dans le précipice de tes cris
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Je voudrais à l'ombre de ton
regard
m'arrêter et avec la
main dessiner
ta voix
qui penche vers
moi pour raconter.
Je voudrais au rythme
du vers m'abandonner mais
le temps presse
et je dois courir
encore.
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Je n’ai pas pu et suis restée
debout. Ô difficulté
de tomber.
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Le soleil était là et tu as hésité.
Maintenant il te faut rester dans l’obscurité.
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Videos de Goliarda Sapienza (18) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Goliarda Sapienza
Par Marie Vialle Dans le cadre du festival Italissimo 2024
Liberté, désir et rébellion. Dans Moi, Jean Gabin, Goliarda Sapienza retrace l'histoire d'une enfance insoumise dans la Sicile des années Trente. À une époque où le fascisme étouffe la société italienne, une enfant de Catane, captivée par les images du film Pépé le Moko, ne rêve plus que de devenir Jean Gabin, symbole d'une vie libre et passionnante. Par l'auteure de L'Art de la joie, Moi, Jean Gabin est l'un des plus beaux textes de Goliarda Sapienza, à la fois roman autobiographique et testament philosophique qui célèbre la liberté et les rêves. À l'occasion du centenaire de la naissance de l'écrivaine, Marie Vialle met son talent et sa virtuosité au service d'une histoire magnifique.
À lire – Goliarda Sapienza, Moi, Jean Gabin, trad. de l'italien par Nathalie Castagné, le Tripode, 2012
Lumière par Hannah Droulin Son par Alain Garceau Direction technique par Guillaume Parra Captation par Marilyn Mugot
+ Lire la suite
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