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EAN : 9782070131143
240 pages
Gallimard (30/05/2013)
3.26/5   123 notes
Résumé :
Banni de la famille après son installation en Californie, l’oncle Yeshayahou concocte un plan diabolique pour secouer son frère et sa belle-sœur Tonia, la grand-mère du narrateur, installés au mochav de Nahalal, une coopérative agricole de Galilée. Après la révolution d’Octobre, et alors qu’une importante partie de la communauté juive quitte la Russie pour émigrer en Palestine, se développe une défiance toujours plus grande vis-à-vis de l’Amérique au sein des commun... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (30) Voir plus Ajouter une critique
3,26

sur 123 notes
Je propose de me concentrer ici sur l'élément-clé en somme du récit : un superbe aspirateur ménager de la marque prestigieuse américaine "General Electric", expédié dans les années 1930 de Los Angeles en Californie par Yeshayahou Ben-Barak à son frère et belle-soeur vivant à Nahalal en Palestine/Israël.

S'il n'y a pas de photos dudit engin dans l'ouvrage de Meir Shalev, il y en a, en revanche, des destinataires du fameux cadeau : le sieur Aharon Ben-Barak et son épouse d'origine russe, Tonia Pekker, les grands-parents maternels de notre auteur.

Ces grands-parents avec leurs 5 enfants menaient une vie pauvre et dure dans une coopérative agricole, appelée moshav et comparable à un kibboutz, dans la vallée de Jezréel au nord du pays. Aussi bien que le grand-oncle d'Amérique, devenu riche et Sam, envoyait des sous à son frère aîné pour aider la famille. Des dollars qu'Aharon renvoya par retour du courrier à Sam. le grand-père du narrateur, enseignant et poète à ses heures, considérait son frangin comme un double traître : traître à l'idéal sioniste et socialiste !

L'expédition d'un aspirateur dernier cri était en fait une douce revanche d'un Sam évidemment offensé, qui spéculait sur la manie de propreté de sa belle-soeur et le fait que le renvoi d'un paquet aussi volumineux poserait un problème insurmontable à son frère dans son bled primitif.

Il est vrai que Sam avait insisté auprès d'un marchand juif, originaire comme lui de Makariv (actuellement en Ukraine), de lui fournir "dem grestn, shtarkstn shtoyb-zoyger" (le plus gros et plus lourd aspirateur, en Yiddish) qu'il avait.

Et, en effet, grand-mère Tonia l'avait "condamné à la réclusion à perpétuité dans la salle de bains verrouillée à double tour".
Lorsque ses filles Batya (la mère de l'auteur) et Batsheva lui demandaient de pouvoir utiliser le "svieper" (Yiddish pour sweeper), la réponse invariable de maman Tonia était : "Vous n'hériterez pas tant que je serai en vie".

Ma brève présentation de ce roman partiellement autobiographique de Meir Shalev prouve, j'espère, que l'auteur dispose d'un sens d'humour incontestable, mais sa fresque familiale ne s'arrête pas là, bien entendu.

C'est surtout une évocation sensible de la rude et pénible situation d'une famille de simples Juifs venant de l'Europe de l'Est pour s'établir comme petits colons laboureurs et cultivateurs en Terre promise à partir de 1928-1929, soit une vingtaine d'années avant la proclamation de l'État d'Israël par David Ben Gourion et la naissance de Meir Shalev, le 29 juillet 1948, à Nahalal.

La protagoniste principale de ce conte de 239 pages, paru en Hébreu en 2009 et agréablement traduit en Français par Sylvie Cohen, est grand-mère Tonia Pekker, le pivot de cette sympathique tribu. Une femme de tête que je vous laisse découvrir.

Le nom de famille "Shalev" me fait toujours penser à un autre nom de famille juif à savoir "Singer" : des familles israéliennes provenant toutes les deux de l'Europe de l'Est et réputées pour leurs talents littéraires.
Parmi les Singer, il y a le Nobel Isaac Bashevis Singer (1902-1991), sa soeur Esther Kreitman (1891-1954) et son frère Israel Joshua Singer (1893-1944).
Dans la famille Shalev, il y a Meir, son père le poète Yitzhak Shalev (1919-1992) et sa cousine la romancière Zeruya Shalev, née au kibboutz Kimmeret en 1959 et auteure des best-sellers "Ce qui reste de nos vies" en 2014 et "Douleur" en 2017.
À ma connaissance, sa terrible grand-mère Tonia n'a rien publié,... faute de temps. le nettoyage, n'est-ce pas !
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Il arrive que des livres retiennent l'attention par leur titre, qui laisse augurer d'une bonne lecture. C'est clairement le cas ici !

Si l'on ne connaît pas Meir Shalev (ce qui était mon cas), on peut s'attendre à une fiction, mais c'est bien plus que cela : l'auteur nous raconte ici la vie de sa famille, sans concession, avec un humour mordant, jouissif, teinté d'ironie pour notre plus grand plaisir. Sans se prendre jamais au sérieux mais en veillant à l'être dans sa description des faits, il nous embarque dans le destin d'une lignée familiale certes, mais au-delà, il dessine les contours de la société israélienne à ses débuts, de Nahalal à Jérusalem en passant par Haïfa, avec toute sa complexité et ses ambiguïtés. Pour la novice que je suis en la matière, cette lecture a été l'opportunité de comprendre davantage la vie de ces communautés depuis leur arrivée à la fin des années 20 : kibboutz, mochav, travail de la terre, valeurs portées à la modestie et l'entraide, reconnaissance du travail manuel, rejet du luxe et des superficialités…L'occasion d'effleurer et de s'imprégner de cet univers ashkénaze riche et haut en couleurs.

Un délice à parcourir car Meir Shalev a le don de mettre en scène l'ambiance familiale tout au long de la lecture et de le distiller page après page, agrémenté de temps en temps par une photo qui achève de nous plonger dans son récit : passant de digression en anecdotes, on a l'impression d'assister avec lui à un de ses grands repas de famille où chacun y va de sa version des faits, s'interrompant pour raconter une autre histoire qui vient s'intégrer avec une fluidité presque insolente dans la trame du récit. Et l'auteur est un vrai conteur qui sait nous maintenir en haleine pour savoir comment, oui, comment grand-mère Tonia s'est procuré cet aspirateur, pourquoi il est arrivé jusqu'ici et pourquoi elle le garde enfermé dans sa salle de bains dans laquelle personne n'a le droit d'entrer ! Il faut accepter de rentrer dans le jeu de l'écoute attentive de Meir Shalev, qui ne perd pas une occasion d'entrer dans le détail de la grande épopée de sa famille.

Et c'est cela qui constitue aussi le sel de ce texte : l'histoire de l'aspirateur est certes drôle, mais ce sont les personnages tous plus étonnants les uns que les autres qui teintent le récit d'une aura si éclatante. Grand-mère Tonia et son caractère bien trempé, maniaque et autoritaire jaillit tout au long du texte et retentit fortement dans le paysage, mais frères, soeurs, mère, tante et oncle sont tout aussi savoureux et on est happé en un rien de temps dans la narration, avec la volonté d'en savoir plus sur chacun d'eux. L'âne de la famille aurait même eu la capacité de voler, mais plus personne aujourd'hui ne peut le confirmer. le plus original de tous, c'est bien sûr le sweeper, ou sveeperrr comme dirait Tonia, personnage à part entière doté d'une capacité à penser et qui va créer le terreau de nombreux débats, même bien après sa disparition inexplicable.

Vérité, réalité, mensonge, déformation se mélangent en une joyeuse mêlée familiale avec laquelle l'auteur s'amuse et dans laquelle il tente de faire émerger malgré tout le Vrai, en prenant des pincettes. Avec tendresse, malice et facétie, il nous plonge dans un récit à la croisée du documentaire et de l'autobiographie pour nous faire découvrir la vie de l'un des premiers moshav de Palestine. Il dresse avec intelligence un portrait qui rend hommage à ces populations juives ayant quitté l'Europe de l'Est et qui en voulant mettre en place un idéal du travail agricole en communauté sur la Terre Promise ont développé une culture hybride assez souvent méconnue. Une saga familiale drôle avec une approche intéressante mêlant petite et grande histoire.
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Découvrir l'histoire du sweeper, de l'aspirateur, offert par l'oncle Yeshayahou à sa belle-soeur Tonia,est en réalité découvrir l'histoire de la famille de Meir Shalev et surtout la forte personnalité d'une grand-mère hors norme. Cette famille juive a quitté la Russie après la Révolution d'Octobre pour émigrer en terre d'Israël alors sous protectorat britannique. Elle a vécu au sein du moshav de Nahalal, une coopérative agricole de Galilée.
Tonia a épousé son beau-frère veuf de 14 ans son aîné. Femme au tempérament trempé, elle a comme beaucoup travaillé inlassablement sur la ferme mais surtout elle passait sa vie à traquer la poussière.. transformant sa vie et celle de sa famille en véritable enfer . Alors quand le renégat, le traître , le capitaliste immigré en Californie, celui qui a changé son nom et se fait appeler Sam lui fait parvenir l'aspirateur dernier cri Tonia est d'abord ravie mais va vite se buter et ...
Meir Shalev , écrivain israélien reconnu, a sans aucun doute un réel talent de conteur. Au travers des évènements survenus dans sa famille, grands ou petits, réinventés ou réels, c'est son enfance, son adolescence qu'il nous narre c'est aussi me semble t'il la gestation de la société israélienne contemporaine . Une lecture souvent cocasse, parfois monotone , surtout un regard sur un pan d'histoire, une culture que je ne connais peu ou pas, rien que pour cela elle valait le détour.
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Dans le mochav de Nahalal, une coopérative agricole de Galilée, on considère que l'oncle Yeshayahou est un traître. Car il est parti en Amérique et le pays du capitalisme est mal vu par cette communauté juive d'origine russe. Mais l'oncle Yeshayahou a un plan diabolique. Il connaît l'obsession pour la propreté de Tonia, la grand-mère du narrateur, et lui envoie le tout dernier modèle d'aspirateur General Electric. Un sweeper qui deviendra le moteur des histoires familiales, des tensions intergénérationnelles et des anecdotes les plus folles.
Ma grand-mère russe et son aspirateur américain est un roman d'un auteur israélien reconnu dans son pays, Meir Shalev, que je ne connaissais pas, et dont j'ai appris à savourer l'univers autobiographique et complètement surréaliste en même temps dans lequel il nous plonge dans une invraisemblable histoire familiale qui nous dit pas mal de choses pertinentes sur la société israélienne à ses débuts.

On y apprend pas mal de choses sur un des premiers moshav de Palestine, fondés par une poignée d'Ukrainiens communistes hauts en couleur, et dans lesquelles ces populations juives chassées de leurs pays respectifs et condamnées à assimiler une nouvelle culture et une nouvelle langue.

Sur un sujet qui aurait pu être plein de tragique et de gravité, Meir Shalev préfère la fantaisie et la farce ( un peu à la manière d'un Emir Kusturica dont j'ai parlé récemment) mais n'oublie pas la tendresse et la malice dans ce livre à mi chemin entre le récit iniatique jubilatoire et le documentaire d'une partie d'une population qu'on connaissait fort mal.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Ce livre, je l'ai choisi par curiosité en raison de son titre. le titre français et l'illustration donnent une bonne idée du ton du récit plein de clins d'oeil humoristiques. Par contre ils induisent le lecteur en erreur sur le sujet du livre, l'aspirateur n'est qu'un fil conducteur, l'essentiel est dans le portrait de la grand-mère et dans la peinture de la vie dans un mochav (coopérative agricole constituée de fermes individuelles, par comparaison avec le kibboutz entièrement collectif). Je crois que le titre d'origine signifie quelque chose comme « Mamie était comme ça », ce qui correspond bien mieux au contenu de ce livre, plein d'anecdotes familiales, d'éléments biographiques et autobiographiques. J'ai beaucoup apprécié de découvrir avec sa famille les débuts de la colonisation juive, bien avant l'État d'Israël. L'auteur a un grand talent de conteur, mais il a aussi les défauts qui vont parfois avec. Parce que des défauts gênants, ce petit livre (à peine plus de 200 pages) n'en manque pas. D'abord une petite carte n'aurait pas été de trop, et surtout un arbre généalogique pour que le lecteur s'y retrouve dans cette famille nombreuse avec des écarts de générations importants. Les quelques photos de famille qui illustrent l'ouvrage auraient pu jouer ce rôle, malheureusement elles sont semées dans l'ouvrage au petit bonheur la chance et bien après que les personnages photographiés soient mentionnés dans le récit. Et surtout, surtout, le récit est terriblement décousu, faisant tantôt des bonds en avant, tantôt des bonds en arrière. le pire est le passage où l'auteur raconte des enterrements dans sa famille : d'abord celui du grand-père, mort très vieux, puis celui de sa mère, morte à la soixantaine, et enfin celui de la grand-mère. Quelle n'a pas été ma surprise de découvrir dans l'assistance … la mère, enterrée dans les pages précédentes ! le reste est à l'avenant, un peu trop confus, comme si l'auteur avait tout écrit à la suite sans se relire sérieusement. de digression en digression, le lecteur ne sait plus où il est ni où il va. C'est dommage car il y a des passages savoureux, d'autres cocasses et on sent que l'auteur a une vraie tendresse pour cette grand-mère si maniaque, si tyrannique avec certains et perçue comme totalement hors norme dans le mochav.
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critiques presse (1)
Lexpress
24 juillet 2013
Ma grand-mère russe et son aspirateur américain est une chronique drolatique où, sous forme de parabole discrète, Shalev évoque la naissance de la société israélienne.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
On dit qu'elle se fait même une manucure". Cette expression encore usitée aujourd'hui exprime le summum de l'abjection, une décadence tant idéologique que spirituelle. Elle procédait d’une conversation au cours d'un dîner familial. Quelqu'un du village "a vendu des melons à un négociant qui passait par là", déclara l'un des convives. En d'autres termes, cette personne avait transgressé les principes du moshav subordonnant les échanges commerciaux aux institutions officielles. A l'époque, cela représentait une faute morale si grave qu'un autre convive s'empressa d'ajouter: "Et en plus, sa femme fricote avec un type de Ramat David.", pas du kibboutz d'à côté, heureusement, mais de la base aérienne voisine.

Une fois établi qu'il s'agissait de gens profondément malhonnêtes ayant enfreint le règlement du moshav, comme le code moral de l'humanité tout entière, on porta le coup final, la phrase prouvant la pire dépravation où l'on puisse tomber :"Et elle se fait une manucure, à ce qu'il paraît".

La manucure incarnait une symbole négatif, le pire de tous, car elle s’appliquait aux doigts, aux mains industrieuses vouées à labourer, bêcher, semer et construire. Les mains des pionniers que la révolution pouvait arracher à la plume, au commerce, à la casuistique talmudique pour les renvoyer aux outils et aux travaux des champs. Ces mains destinées à manier le sécateur ou le pis des vaches, attraper le manche de la faux, et, le cas échéant, appuyer sur la détente, comment pouvaient-elles jouer les coquettes?
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Les rapports complexes qu'entretenaient les pionniers juifs avec la terre ont fait couler beaucoup d'encre, mais le cas de grand-mère Tonia était plus épineux encore. Elle possédait une information que le sionisme semblait méconnaître: la terre n'est pas seulement vierge, l'héritage ancestral, un refuge pour les Juifs errants et persécutés.
En certaines circonstances, pas si exceptionnelles, elle était synonyme de saleté, un point c'est tout.
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"L'Amérique ignorait sans doute que, dans mon jeune âge,en sus de l'Union soviétique, de l'Allemagne de l'Est et la Corée, elle avait un autre ennemi. Oh pas très puissant ni spécialement dangereux, à vrai dire, mais virulent acharné et moralisateur : une poignée de moshavim et kibboutzim - le courant pionnier en Terre d'Israël."
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Mais la manucure incarnait un symbole négatif, le pire de tous, car elle s'appliquait aux doigts, aux mains industrieuses vouées à labourer, bêcher,semer et construire. Les mains des pionniers que la révolution devait arracher à la plume, au commerce, à la casuistique talmudique pour les renvoyer aux outils et aux travaux des champs..."
C'est là qu'intervient le fameux aspirateur, cadeau d'un double traître qui a préféré faire des affaires en Californie.
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En tout cas, les voyages en train permettent de développer l’empathie. “Ce sont des cultivateurs comme nous”, commenta maman en nous incitant à les saluer .
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