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EAN : 9782070733125
238 pages
Gallimard (13/05/1993)
3.87/5   94 notes
Résumé :
Feux est une suite de nouvelles, de proses lyriques, presque de poèmes, inspirés par une certaine notion de l'amour. Alternant avec des notes sur la passion amoureuse, on y trouve les histoires de Phèdre, d'Achille, de Patrocle, d'Antigone, de Léna, de Marie-Madeleine, de Phédon, de Clytemnestre, de Sappho. « Dans Feux, où je croyais ne faire que glorifier un amour très concret, ou peut-être exorciser celui-ci, écrit l'auteur, l'idôlatrie de l'être aimé s'associe tr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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La lecture de Feux a été pour moi un véritable choc esthétique, et rien que pour cette émotion rare, je dis chapeau bas la Yourcenar !
Yourcenar : vénérable, marmoréenne, que dis-je, immarcescible! On la regarde avec respect, à distance, intimidé par Hadrien, L'oeuvre au noir ou les Nouvelles orientales, structures parfaites, blocs de marbre polis avec le plus grand soin par un style toujours tendu vers la justesse historique.

J'étais donc un peu paralysé par avance en ouvrant ce livre. M'attendant à un classicisme épuré, j'ai été bien secoué.

L'auteur reprend des modèles antiques (fidèle en cela à ses fondamentaux, les classiques grecs et latins, excepté pour la figure de Marie-Madeleine), Achille, Phèdre ou Antigone entre autres, tous placés sous le signe d'un amour protéiforme. Pour être plus précis, Feux ne parle pas d'amour, mais de passion, cette malédiction.
Nous sommes dans un temps indéterminé, le temps du mythe, néanmoins parsemé d'anachronismes et de références à son époque (les années 30).
Les textes sur ces archétypes sont entrecoupés de réflexions personnelles sur les affres de l'absence, sur la souffrance des sentiments. Ces courts passages ont valeur de maximes universelles tant ils sont directs et bien sentis. On sent le coeur de Marguerite battre avec violence. Et saigner. L'auteur avoue d'ailleurs volontiers dans sa préface que l'origine de ces Feux vient d'une expérience passionnelle et douloureuse.

Loin du dépouillement de ses autres oeuvres, le style est ici flamboyant, baroque, et après un léger temps d'adaptation, une vraie délectation.
Ce recueil est de la véritable poésie en prose, au phrasé ouvragé, orné, parfois au risque de l'asphyxie, mais aux éclats foudroyants.
Feux est un alliage entre une recherche de transcendance et la constatation de ce que la passion et le manque de l'être aimé ont de physique, charnel. Une alchimie inespérée.

La préface de l'auteur est elle-aussi parfaite. Yourcenar (malice? ironie? fausse modestie ?), semble presque s'excuser de ce que cette oeuvre de jeunesse peut avoir d'excessif.
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"L'amour est un châtiment. Nous sommes punis de n'avoir pu rester seuls."

"Série de proses lyriques reliées entre elles par une certaine notion de l'amour.", Feux -même si Yourcenar s'en défend- s'apparente à de touchants juvenilia.

Intenses sont les neuf blocs poétiques -turgides, denses, serrés, sévèrement justifiés, sans l'haleine des alinéas- que la romancière dédie à ses saturniennes muses d'élection. du désespoir au suicide, notre Marguerite dépouille son coeur comme elle déchiquèterait un mouchoir de linon infusé de larmes. Elle fouille la vase de ses passions en les rattachant à d'illustres figures du passé. Toujours le goût de l'antique.

Prudente à l'ébauche du recueil (Phèdre, Achille, Patrocle ou Antigone), Yourcenar petit à petit s'enhardit, lâche la bonde à son inspiration (Léna) jusqu'à s'autoriser le "je" ; elle revit alors les affres de Marie-Madeleine (l'un des textes les plus brûlants), de Phédon ou de Clytemnestre avant de s'absenter dans un troublant effet de miroir avec Sappho.

Ce florilège dont la préciosité porte aux nerfs éblouit cependant : la prose y est superbe qui charrie munificence du vocabulaire et audace des images. Yourcenar y joue discrètement avec les anachronismes : les effets de ces archétypes de la passion amoureuse sur le lecteur ne devant pas être transitoires et gâtés mais pérennes et brûlants.

Griffures échappées à l'autodafé patent de quelque journal intime, de sentencieuses sentences qui tentent d'excorier l'amour et ses objets, enchatonnent ce bouquet. On y retrouve surtout les ardeurs maladroites d'une jeune amante qui s'éprend, se rend ou se déprend.

"Solitude... Je ne crois pas comme ils croient, je ne vis pas comme ils vivent, je n'aime pas comme ils aiment... Je mourrai comme ils meurent."

En effeuillant la Marguerite... Je l'aime, un peu.
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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Feux, c'est à la fois une magnifique relecture des mythes grecs. Yourcenar, en helléniste émérite, nous permet de redécouvrir Antigone, Phédon, Achille, Sappho... mais aussi Marie-Madeleine, qui viendra questionner le sacré dans nos vies, l'abandon à la foi. Et entre chaque passage centré sur un personnage mythologique, ce que les puristes appellent des apophtegmes, à savoir des citations, des sentences, sur l'amour, la passion et le désir. Un livre qui entre en résonance...
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Feux qui m'avait été conseillé parce que j'ai le goût des antiques & des figures mythologiques.

Feux se compose comme un recueil, des bribes de bravoure amoureuse, de la prose poétique à vif qui raconte l'amour comme à la fois un appel irrésistible et une malédiction, une maladie incurable. Toujours racontées du point de vue de l'écorché, « je » est à la fois protéiforme, mais constamment lyrique voire élégiaque.

Si vous avez envie d'amour absolu, celui qui fait rougir honteusement d'y avoir cru, si inaccessible et si beau, Feux est pour vous, dans la droite lignée de la poétesse Sapphô qui est d'ailleurs une des figures antiques évoquées dans ce recueil, comme Achille, Antigone, Marie Madeleine, ou encore Phèdre et Léna qui m'ont particulièrement touchée.

J'ai d'ailleurs vu en Feux, par son lyrisme, ses figures mythologiques et le point de vue choisi, une sorte de réécriture inavouée des Héroïdes d'Ovide (recueil de lettres fictives des femmes abandonnées des héros de la mythologie).
« Je » peut en même temps, bien caché au milieu de ce kaléidoscope, s'adonner à l'abandon de soi et oser l'écorchure amoureuse, bien loin de la posture érudite et débonnaire de la figure de l'écrivain.

C'est dans ces aphorismes incandescents, entre chaque portrait d'amoureux éperdu qu'il m'a semblé percevoir Marguerite poétesse, impression encouragée par des incursions modernes dans un cadre antique comme des réminiscences du réel biographique au milieu de ces transes brûlantes et passionnées.

« Brûlé de plus de feux... Bête fatiguée, un fouet de flammes me cingle les reins. J'ai retrouvé le vrai sens des métaphores de poètes. Je m'éveille chaque nuit dans l'incendie de mon propre sang. »

Des amours déçues, bafouées, abîmées, abandonnées, trahies, assassinées, tues, voilà ce que vous lirez.
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La plus classique, la plus virile de nos écrivains n'a pas écrit que des chefs-d'oeuvre. Feux, qu'elle décrit comme des poèmes d'amour et dédicace à Hermès (oui, le messager, dieu des voyageurs et des voleurs) est un livre décoratif, désordonné, à mi-chemin du décadentisme et du surréalisme, jouant sur le baroque et l'anachronie : « Antigone seule supporte les flèches décochées par la lampe à arc d'Apollon, comme si la douleur lui servait de lunettes noires » « Elle marche sur les morts comme Jésus sur la mer ». Quelques trouvailles aussi : « Un coeur, c'est peut-être malpropre. C'est de l'ordre de la table d'anatomie et de l'étal de boucher. Je préfère ton corps ».
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Citations et extraits (59) Voir plus Ajouter une citation
Tout livre porte son millésime et il est bon qu'il le fasse. Ce conditionnement d'un ouvrage par son temps s'accomplit de deux manières : d'une part, par la couleur et l'odeur de l'époque elle-même, dont la vie de son auteur est plus ou moins imprégnée ; de l'autre, surtout quand il s'agit d'un écrivain encore jeune, par le jeu compliqué des influences littéraires et des réactions contre ces mêmes influences, et il n'est pas toujours facile de distinguer les unes des autres ces diverses formes de pénétration.

Extrait de la préface rédigée par l'auteur, 2 novembre 1967
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Tu pourrais t’effondrer d’un seul bloc dans le néant où vont les morts : je me consolerais si tu me léguais tes mains. Tes mains seules subsisteraient, détachées de toi, inexplicables comme celles de dieux de marbre devenus poussière et chaux de leur propre tombe. Elles survivraient à tes actes, aux misérables corps qu’elles ont caressés. Entre les choses et toi, elles ne serviraient plus d’intermédiaires : elles seraient elles-mêmes changées en choses. Redevenues innocentes, puisque tu ne serais plus là pour en faire tes complices, tristes comme des lévriers sans maître, déconcertées comme des archanges à qui nul dieu ne donne plus d’ordres, tes vaines mains reposeraient sur les genoux des ténèbres. Tes mains ouvertes, incapables de donner ou de prendre aucune joie, m’auraient laissé tomber comme une poupée brisée. Je baise, à la hauteur du poignet, ces mains indifférentes que ta volonté n’écarte plus des miennes ; je caresse l’artère bleue, la colonne de sang qui jadis incessante comme le jet d’une fontaine surgissait du sol de ton cœur. Avec de petits sanglots satisfaits, je repose la tête comme un enfant, entre ces paumes pleines des étoiles, des croix, des précipices de ce qui fut mon destin.
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je n'ai pas faim : je ne parviens pas ce soir à digérer
ma vie.
Je suis fatiguée : j'ai marché toute la nuit pour semer
ton souvenir.
Assise sur un banc, abrutie malgré moi par l'approche
du matin, je cesse de me rappeler que j'essaie de
t'oublier.
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Je ne tomberai pas. J'ai atteint le centre.
J'écoute le battement d'on ne sait quelle divine horloge
à travers la mince cloison charnelle de la vie
pleine de sang, de tressaillements et de souffles.
Je suis près du noyau mystérieux des choses
comme la nuit on est quelquefois près d'un coeur.
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“un coeur, c’est peut-être malpropre. C’est de l’ordre de la table d’anatomie et de l’étal du boucher. Je préfère ton corps”
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Vidéo de Marguerite Yourcenar
*RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE* : _La poudre de sourire : le témoignage de Marie Métrailler,_ recueilli par Marie-Magdeleine Brumagne, précédé de _lettres de Marguerite Yourcenar de l'Académie française à Marie-Magdeleine Brumagne,_ Lausanne, L'Âge d'Homme, 2014, pp. 179-180, « Poche suisse ».
#MarieMétrailler #LaPoudreDeSourire #LittératureSuisse
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