La lecture de
Feux a été pour moi un véritable choc esthétique, et rien que pour cette émotion rare, je dis chapeau bas la
Yourcenar !
Yourcenar : vénérable, marmoréenne, que dis-je, immarcescible! On la regarde avec respect, à distance, intimidé par Hadrien,
L'oeuvre au noir ou les
Nouvelles orientales, structures parfaites, blocs de marbre polis avec le plus grand soin par un style toujours tendu vers la justesse historique.
J'étais donc un peu paralysé par avance en ouvrant ce livre. M'attendant à un classicisme épuré, j'ai été bien secoué.
L'auteur reprend des modèles antiques (fidèle en cela à ses fondamentaux, les classiques grecs et latins, excepté pour la figure de Marie-Madeleine), Achille, Phèdre ou Antigone entre autres, tous placés sous le signe d'un amour protéiforme. Pour être plus précis,
Feux ne parle pas d'amour, mais de passion, cette malédiction.
Nous sommes dans un temps indéterminé, le temps du mythe, néanmoins parsemé d'anachronismes et de références à son époque (les années 30).
Les textes sur ces archétypes sont entrecoupés de réflexions personnelles sur les affres de l'absence, sur la souffrance des sentiments. Ces courts passages ont valeur de maximes universelles tant ils sont directs et bien sentis. On sent le coeur de Marguerite battre avec violence. Et saigner. L'auteur avoue d'ailleurs volontiers dans sa préface que l'origine de ces
Feux vient d'une expérience passionnelle et douloureuse.
Loin du dépouillement de ses autres oeuvres, le style est ici flamboyant, baroque, et après un léger temps d'adaptation, une vraie délectation.
Ce recueil est de la véritable poésie en prose, au phrasé ouvragé, orné, parfois au risque de l'asphyxie, mais aux éclats foudroyants.
Feux est un alliage entre une recherche de transcendance et la constatation de ce que la passion et le manque de l'être aimé ont de physique, charnel. Une alchimie inespérée.
La préface de l'auteur est elle-aussi parfaite.
Yourcenar (malice? ironie? fausse modestie ?), semble presque s'excuser de ce que cette oeuvre de jeunesse peut avoir d'excessif.