AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Guillaume Ollendorff (Traducteur)Alzir Hella (Traducteur)David Sanson (Traducteur)
EAN : 9782290393130
416 pages
J'ai lu (18/10/2023)
3.1/5   10 notes
Résumé :
Ce nouvel inédit s'inscrit dans le sillage de l'oeuvre la plus emblématique de Zweig, Le Monde d'hier. Il nous emmène à Vienne, la ville de naissance et de coeur de l'écrivain.
La capitale de l'Empire austro-hongrois a été le paradis de son enfance. Au fil du temps, et après bien des drames, elle est devenue pour lui un monde idéal, où les apports les plus divers finissaient toujours par se mêler harmonieusement, où l'ouverture à la modernité s'appuyait sur u... >Voir plus
Que lire après Vienne, ville de rêvesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Aujourd'hui, la Vienne de Zweig rentre en grâce. Nous ne pensons plus tellement au « laboratoire du crépuscule », comme a nommé cette ville, un jour, Milan Kundera, ni au venin hitlérien qui s'y est échafaudé, ni aux reproches véhéments de Hannah Arendt faits à la tour d'ivoire d'un monde de lettrés où Zweig a conquis sa célébrité. Ce monde de privilégiés qui, par la pratique de l'écart de la politique, permet l'arrivée des nazis au pouvoir.
Je ne compte pas rivaliser avec l'oeil attentif des ami(e)s babelios, aiguisé(e)s par de perpétuelles comparaisons, et qui ont laissé tant de billets sur Vienne et ses auteurs de prédilection. Je ne fais que résumer le contenu du livre.
Ce titre, lourd de sens, m'a attirée, fan des musées et d'architectes illuminés que je suis. Ma Vienne est à des années-lumière des couplets d'opérettes et des valses tourbillonnantes. Cependant, d'emblée ce bouquin n'est pas ce que je croyais. Observant sa couverture, comme une ancienne carte postale, j'imaginais un texte qui me perlerait des rues cosmopolites aux passants incessants, de l'architecture de la capitale autrichienne marquée par Otto Wagner, digne représentant de l'Art Nouveau, de ses arbres, de ses berges, de ses lieux déserts se prêtant aux rêveries à la Giorgio de Chirico, aux souvenirs refoulés d'une souffrance, aux visions audacieuses et incongrues, en somme un Zweig secret, en promeneur respirant l'air de Vienne, puissamment porté à l'introspection, un labyrinthe du coeur conté par celui des vieilles venelles… Ah, pardon, j'ai rêvé d'un livre… !
C'est finalement la Vienne des artistes, illustres ou moins illustres, qui obnubile Zweig, même si sa foi en leur production dépasse parfois celle que leur réservent leurs contemporains. Ces Artistes généreux, ceux dont la vie chatoyante est « faite de mille vies »… « C'est toujours chose magnifique que de vivre dans la proximité d'un homme que son oeuvre a déjà fait entrer dans l'histoire et qui en même temps continue de créer, qui est encore souffle vivant s'échappant des lèvres du temps », dit Zweig au sujet du compositeur Richard Strauss. C'est sa Vienne où toutes les voix d'Europe centrale s'expriment.
Que de figures attachantes possédant une affinité particulière avec Vienne, amis ou proches de Zweig qu'il admirait sans réserve, alors que ce n'était pas systématiquement réciproque ! Dans cet ouvrage, on rencontre la sculptrice Teresa Ries, le romancier Jakob Wassermann, « les dieux » comme Mahler ou Rilke (« la pure existence poétique », capable de « rendre tout harmonieux autour de lui »), les poètes Albert Ehrenstein, Peter Rosegger, Hugo von Hofmannsthal, le philosophe Otto Weininger, le comédien Josef Kainz (dont même le cocher était « une personne très respectable, que l'on enviait secrètement »), Sigmund Freud, Joseph Roth, le chef d'orchestre Bruno Walter, l'écrivain Arthur Schnitzler (à propos de qui Zweig dit : « Ce n'est pas lui qui a trahi le monde, c'est la réalité qui est devenue infidèle à son poète. ») On y trouve également des personnalités qui ne sont mentionnées dans aucune histoire officielle. Zweig apparaît dans le rôle de passeur, découvreur de talents, lui pour qui l'art n'a qu'une seule finalité, celle d'unir les hommes.
Cela reste du Zweig, avec son don de l'atmosphère et des changements psychologiques, avec ses interrogations intarissables sur la vocation de l'écrivain dont les oeuvres doivent, d'après lui, venir « du plus intérieur » mais rester accessibles au lecteur lambda. Même s'il s'agit ici souvent de textes hommages, le livre est semé de réflexions profondes : « Mais ce mot de gloire, comme il peut être multiple ! La gloire, c'est la curiosité et l'anxiété, c'est l'effet que l'on produit et la violence des hommes, c'est un monument et un cercueil, c'est à la fois le vacarme et l'oubli. »
Cette lecture, formée d'une série d'articles pour des revues, récits, préfaces, discours, conférences et nécrologies, situés entre 1902 et 1940, parfois inédits en français, exige de la concentration et pour garder celle-ci il faut être passionné de l'histoire de l'art. Ce sont tantôt des portraits, tantôt des analyses littéraires ou les deux à la fois. Finalement, j'en suis sortie éclairée et rassérénée, couverte de confetti de mots prenants, nourrie de plaisir esthétique, surtout à travers tant de nuances. Tout est bien qui commence mal !
« La Vienne d'hier » conclut cette publication. Zweig y noie sa nostalgie de l'âme de la vieille Autriche, le drame de sa génération, l'idéal de la liberté plus que jamais inaccessible, le rêve d'une Europe fraternelle dans les eaux troubles de l'entre-deux-guerres. Il protège constamment l'humanisme malgré la mélancolie qui l'habite de plus en plus. E même temps Zweig craint et déplore une victoire du baroque sur les valeurs intemporelles, de la forme sur le fond, la perte d'un fragile essentiel. L'éclipse de Vienne surgit en même temps que le suicide de Zweig, le combattant inlassable d'une cause perdue.
L'Introduction est rédigée par Bertrand Dermoncourt et intitulée « Vienne, ou les rêves déçus de Stefan Zweig ». Il justifie avec brio la démarche de cette publication : explorer l'oeuvre de Stefan Zweig dans sa grande diversité. Il souligne, tout en citant "Le monde d'hier" de Zweig : « Vienne était bien cette « ville jouisseuse » où l'amour de l'art était « fanatique ». Quel est le sens de la culture, […] sinon, justement, d'extraire de la matière brute de l'existence, « par les séductions flatteuses de l'art et de l'amour, ce qu'elle recèle de plus fin, de plus tendre et de plus subtil ? » » Bertrand Dermoncourt nous montre que la vision de Zweig s'oppose à d'autres images de Vienne précisément comme un lieu de cauchemar (Robert Musil, Hermann Broch, Paul Morand, Karl Kraus, pour qui Zweig n'est qu'un enjôleur).
Cependant à la Vienne éternelle de Zweig, qui ne peut que nous fasciner !
Commenter  J’apprécie          8317
un Livre tout à fait décevant, d'abord parce que Zweig n'y parle pas de Vienne, (juste une accroche pour l'éditeur !) mais de personnes ayant un lien plus ou moins proche avec la ville, voire l'Autriche. Ensuite, contrairement à ses biographies, en général fort réussies, il s'agit pour la plupart de nécrologies de ses amis écrivains ou d'articles à leur propos. Il y manie le politiquement correct, c'est à dire le compliment et la brosse à reluire. Des écrits dans lesquels on le retrouve peu et même par moment, fastidieux !
Commenter  J’apprécie          30

Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Dans l'article consacré à Teresa Ries, sculptrice :

Un certain résidu de sauvagerie et de déséquilibre perdure souvent dans ses figures, il renforce cependant d’autant plus la violence immédiate de la première impression – comme chez Rodin. Dans ce registre, le groupe des Invincibles est particulièrement fort. Il manifeste le plus intensément possible à quel point Teresa Feodorovna Ries est formaliste, à quel point non seulement chaque groupe, mais aussi chaque figure individuelle doit devenir le modèle d’une idée. Celui qui regarde en surface, sans comprendre, ne voit que quatre ouvriers tirant un invisible fardeau avec une corde, mais les différentes expressions de chaque visage ne lui donneront pas d’elles-mêmes les clefs de la profondeur artistique de cette œuvre. Teresa Ries a en effet produit une merveilleuse métaphore de la vie, une image sombre et pessimiste pleine de mélancolie et de renoncement. L’existence telle qu’elle l’illustre ici n’est rien d’autre qu’un fardeau invisible, que nous ne pouvons pas voir, mais dont nous sentons le poids, parce qu’il nous faut le tirer pour aller de l’avant. Et chacun supporte la charge à sa façon. Les quatre figures ne sont finalement que quatre types de tempéraments et, en tant que tels, des représentations de différentes conceptions de la vie. Le premier ouvrier, penché et indifférent comme un animal de trait, est le flegmatique, qui se soumet sans volonté au plus dur des verdicts du destin. Le deuxième représente le mélancolique, qui reconnaît parfaitement la douleur de l’existence et la ressent en toute conscience à chacune de ses minutes. Le troisième méprise lui aussi la vie : il hale cette corde avec une colère sauvage, incapable d’endurer la souffrance dans le calme et le silence. Seul le quatrième – que l’artiste a représenté plus jeune que les autres – tire le fardeau avec une joie brave, une persévérance consciente de sa force ; c’est peut-être seulement chez le sanguin qu’on trouve l’espérance de maîtrise de l’existence. Ils luttent pourtant tous autant qu’ils sont, même quand ils se sentent faiblir, comme le montre aussi ce titre imposant qui ennoblit le groupe Les Invincibles.
[…] Les pensées de la mort et l’idée de l’oppressant fardeau de la vie ont jusque-là animé toute son œuvre.
[…] Le parcours de la poétesse des idées, de la sculptrice si richement douée Teresa Feodorovna Ries est ainsi lancé à la conquête de hauteurs bien trop escarpées pour que nous puissions aujourd’hui prévoir où il se terminera.
Commenter  J’apprécie          237
J’écoute… Rien. Pas le moindre son ! Même l’horloge avale son tic-tac. Pas de bruit. Rien, rien, rien. Effrayé, je reconnais enfin l’intrus. Le silence est entré sans que je le remarque, et je ne l’ai pas chassé à temps de la chambre par quelque geste sûr. Le silence est là, mais pas la tranquillité, ce souffle du soir descendant, cette paix que l’on cherche, que l’on aspire avec plaisir comme l’air apaisant des champs. Non, c’est le mauvais silence de la nuit solitaire, l’intrus insolent à la froide respiration et aux mains moites. Il se glisse à l’intérieur sans invitation, rampe d’abord au sol comme la froidure, s’enroule autour du corps, et frappe soudainement au cœur avec le poing. Il est maintenant partout, perché sur le fauteuil, debout derrière la fenêtre, humant les livres, il gonfle, je sens comme il fait pression sur mon torse, comme je le bois à chaque inspiration, comme je me noie, comme je m’étouffe dans ce calme angoissant…
[…] Je produis des sons intentionnellement, en tournant les pages du livre : elles bruissent comme les feuilles tombées de l’automne. Le calme revient. Comme la neige sur une récente trace de pas, le silence tombe sur chaque sonorité et l’étouffe. Il est plus fort que l’être solitaire, le silence de minuit…
[…] Allez, dans la rue ! […] Une voix, entendre une voix à présent !
[…] Un son résonne soudain de quelque part. Je m’immobilise et marche à tâtons vers lui, je l’épie : de la musique ! Un clavier. Une csardas*.

*Danse hongroise



LA VOIX, page 123
Commenter  J’apprécie          290
Je crois qu’un excès d’ambition dans l’âme d’un homme comme dans l’âme d’un peuple détruit des valeurs précieuses, et que le vieux dicton viennois, « vivre et laisser vivre », est non seulement plus humain, mais aussi plus sage que toutes les maximes sévères et les impératifs catégoriques. […]
Pour le peuple allemand, le concept de jouissance est lié à la performance, à l’activité, au succès, à la victoire. Pour se sentie pleinement soi-même, chacun doit surpasser l’autre et le rabaisser dès que possible. Même Goethe, dont la grandeur et la sagesse sont admirées par-delà toutes les frontières, a placé ce dogme dans un poème qui m’a, depuis ma plus tendre enfance, semblé contre nature. Il en appelle aux hommes :
Tu dois dominer et gagner
Ou bien servir et perdre,
Souffrir ou triompher,
Être l’enclume ou le marteau.
[…] Je crois qu’un homme - tout comme un peuple – ne doit ni dominer ni servir. Il doit avant tout demeurer libre et laisser à tous les autres la liberté, il doit, comme nous l’avons appris à Vienne, vivre et laisser vivre et n’avoir pas honte d’être joyeux dans toutes les choses de la vie. La jouissance me paraît être pour l’homme un droit, et même une vertu, du moment qu’elle ne l’abrutit ni ne l’affaiblit.
Commenter  J’apprécie          322
Ses réserves vis-à-vis de l’expressionnisme et, plus généralement, du modernisme et des avant-gardes transparaissent d’ailleurs clairement dans « Vienne, ville de rêves ». […]
Formé par l’ébullition de la Vienne moderne, Zweig possédait une conscience aiguë du conflit entre la recherche de l’originalité et la nécessite de poursuivre la tradition. On perçoit violemment cette ambiguïté dans l’œuvre de Mahler ou de Kokoschka, où les sentiments et les genres se heurtent en permanence. La littérature de Zweig est volontairement plus sage. L’auteur d’Amok savait bien que l’abstraction en peinture, l’atonalité en musique, l’hermétisme en littérature participent d’un même sentiment de perte de sens. Ainsi remarque-t-il dans Le monde d’hier : « Partout on proscrivait l’élément intelligible, la mélodie en musique, la ressemblance dans un portrait, la clarté dans la langue »… En fin de compte Zweig a rejeté cette approche, que Paul Valéry appelait la « tradition de l’excessif ». Elle lui apparaissait comme une dangereuse « passion pour l’inhabituel », aboutissant au « détachement des attaches intimes » et à l’hermétisme. Lui n’a jamais souhaité « éructer les rots de l’amertume ».
Au contraire, il a résisté toute sa vie à l’acidité et à l’aigreur, grâce à « cette foi en une élévation de l’humanité », impossible à renier.

(passage trouvé dans l'introduction de Bertrand Dermoncourt)
Commenter  J’apprécie          200
En 1910, à l’occasion des cinquante ans de Gustav Mahler, Zweig écrit un long poème, Der Dirigent*, où il célèbre avant tout l’interprète, garant de « la redoutable magie des sons ».

Mahler nous conduit « sur le rivage où s’échouent les rêves ». Difficile d’être plus lyrique que Zweig.

[…]Mahler, pour lui, reste à jamais le symbole de ces « Juifs de Vienne [qui] étaient devenus productifs dans le domaine des arts, non pas d’une manière spécifiquement juive, mais par un prodige d’harmonisation avec leur milieu, en donnant au génie autrichien, au génie viennois, son expression la plus intense ».

* Le Chef d’orchestre.
Commenter  J’apprécie          161

Videos de Stefan Zweig (66) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Stefan Zweig
Stefan Zweig, auteur à succès, se voulait citoyen d'un monde qu'unifiait une communauté de culture et de civilisation. Il n'a pas survécu à l'effondrement de ce «monde d'hier» qu'incarnait la Vienne impériale de sa jeunesse.
Stefan Zweig et tous les grands auteurs sont sur www.lire.fr
autres livres classés : littérature autrichienneVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (71) Voir plus



Quiz Voir plus

Le joueur d'échec de Zweig

Quel est le nom du champion du monde d'échecs ?

Santovik
Czentovick
Czentovic
Zenovic

9 questions
1884 lecteurs ont répondu
Thème : Le Joueur d'échecs de Stefan ZweigCréer un quiz sur ce livre

{* *}