Quelle est la genèse d'une personnalité ?
Et surtout, pour
Stefan Zweig, le décortiqueur de l'âme, quelle est la genèse d'une personnalité non pas alitée, mais bien debout et fière de ses valeurs comme la pureté, la vérité, l'humilité, la fidélité, la nécessité intime, l'énergie, la volonté, la lutte, la rigueur morale, le rêve, l'atteinte de la perfection, enfin quel est son humanisme ?
L'âme humaine est un ouvrage qui regroupe en 2022, 18 mini biographies, pour la plupart inédites en français.
Seules trois personnes me sont à peu près connues.
Je ne vais citer que les plus puissantes évocations comme le Belge
Constantin Meunier et ses gravures, sculptures de travailleurs de la mine, un pendant en images de l'oeuvre de
Zola ;
Lafcadio Hearn, le Gréco-Irlandais, qui n'a trouvé de repos pour créer qu'au Japon ;
Dante, le proscrit qui veut créer l'union du temporel et du spirituel, qui veut réunir l'Empereur et le pape en une seule personne, puis juger comme seul Dieu le fait ;
Lord Byron, le révolté, l'exalté, qui devient poète par défi ;
Maxime Gorki, seul écrivain russe issu de la classe prolétaire ;
Jacobsen, le Danois rêveur, dont un livre a baigné l'adolescence de Zweig ;
Toscanini, le chef d'orchestre baptisé "No-no !", car la perfection n'était jamais atteinte ;
le poète cinéaste Anglais Drinkwater, qui ne buvait peut être pas que de l'eau, décédé deux jours après avoir invité des intimes dont Zweig à la première de son film ;
Léon Tolstoï qui, au milieu de ses chefs d'oeuvres, s'arrête pour conquérir la paix de son âme, veut abolir la propriété privée, devient un aristocrate qui travaille de ses mains, invente la révolution passive qu'utilisera Gandhi. Il est, selon l'auteur, le véritable initiateur de la révolution russe.
Et
Cicéron c'est Poincaré ;
Cicéron, le chantre de la liberté sociale, le démocrate, apôtre de la res publica entre Marius et César ( ça, c'est véridique, et avant
Marcel Pagnol ), donc
Cicéron qui, chassé à 60 ans par celui-ci, va profiter de sa res privata afin de penser et écrire pour son fils... mais il apprend que César est tué, revient prôner la démocratie, et meurt debout, assassiné par les sbires de Marc Antoine.
Enfin, et, vous pensez, je l'ai lu en premier, la Mater Dolorosa, mère de
Nietzsche, si fière de son rejeton lorsqu'il enseigne à l'université de Bâle, puis qui s'interroge sur le pourquoi de son rejet des religions alors que son mari était pasteur, et enfin, la Mater Dolorosa, qui arrache son fils aux mains des psychiâtres pour le "soigner" jusqu'à sa mort.
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C'est, pour moi, toujours bouleversant de lire un Zweig, car outre sa profondeur psychologique et la description minutieuse des ressentis du personnage analysé, je comprends les sentiments approbateurs ou indignés de Stefan à travers ce qu'il écrit, et sa déception, sentiments humanistes que je partage, de l'éternel constat des vices des puissants, que ce soit dans l'Empire Romain, ou au début de la révolution russe.