AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782221085394
840 pages
Robert Laffont (12/09/1999)
4.44/5   18 notes
Résumé :
Durant un quart de siècle, en cinq ouvrages successifs - histoire, témoignages, réflexions -, Simon Leys a proposé une interprétation de la Chine contemporaine qui n'a pas eu le don d'amuser les belles âmes ni les gens futés (politiciens, hommes d'affaires et sinologues dans le vent). On a pourtant jugé bon de rassembler ici ces irritants écrits, pensant qu'ils pourraient aider l'honnête homme et le lecteur de bonne foi à se poser les vraies questions : quelle sera ... >Voir plus
Que lire après Essais sur la ChineVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
L'édition de ces essais nous consolera un peu de la disparition récente de l'auteur. Les curieux d'histoire culturelle du totalitarisme trouveront quatre livres qui firent date sur la Chine communiste, ouvrages à ajouter à la bibliothèque en cours de constitution de la mémoire humaine des tyrannies du XX°s. le talent de l'auteur, lecteur et analyste de la culture chinoise moderne, est un instrument irremplaçable pour comprendre ce véritable continent civilisationnel que nous connaissons si mal.

Cependant, ce recueil présente un autre intérêt : il analyse un aspect curieux de la maladie mentale occidentale, la fascination pour les dictateurs chez les intellectuels des sociétés ouvertes comme les nôtres, américaine ou européenne. L'étude de leur cécité volontaire, de leur refus de voir, de leurs discours vides, de leur mauvaise foi ou pire, de leur bonne foi, fait de ce recueil d'essais un document unique sur une époque de la pensée occidentale.
Commenter  J’apprécie          120
Ce recueil d'essais n'est pas seulement destiné à ceux qui s'intéressent à la Chine , son histoire récente et sa culture millénaire . Il est aussi un témoignage accablant de l'aveuglement de certains intellectuels envers la Chine de Mao ( après l'avoir été envers l'URSS de Staline.) J'ai souvenir de ces petits étudiants bien bourgeois qui agitaient leur livre rouge dans le hall de la fac de lettres d'Aix ! Leys , vrai sinologue , arrache aux idiots utiles de l'intelligentsia leurs oripeaux de fausse compétence tissée en fait de propagande . Outre la qualité de ses analyses , le courage de ne pas hurler avec les loups , Simon Leys possède la grâce du style .
Commenter  J’apprécie          80

Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
La fascination unique que la Chine semble exercer sur tous ceux qui l'abordent pourrait en un sens se comparer à l'attraction qui rapproche les sexes : elle suscite en effet toute une luxuriante imagerie qui suggère une romanesque touffeur de magie et de mystère, mais elle repose en fait sur une réalité élémentaire - du point de vue occidental, la Chine est tout simplement l'autre pôle de l'expérience humaine. Toutes les autres grandes civilisations sont soit mortes (Egypte, Mésopotamie, Amérique précolombienne), ou trop exclusivement absorbées par les problèmes de survie dans des conditions extrêmes (cultures primitives), ou trop proches de nous (cultures islamiques, Inde) pour pouvoir offrir un contraste aussi total, une altérité aussi complète, une originalité aussi radicale et éclairante que la Chine. C'est seulement quand nous considérons la Chine que nous pouvons enfin prendre une plus exacte mesure de notre propre identité et que nous commençons à percevoir quelle part de notre héritage relève de l'humanité universelle, et quelle part ne fait que refléter de simples idiosyncrasies indo-européennes. La Chine est cet Autre fondamental sans la rencontre duquel l'Occident ne saurait devenir vraiment conscient des contours et des limites de son Moi culturel.

Essai sur Victor Segalen, p. 761.
François Jullien dit la même chose, et le sinologue Jean-François Billeter a soutenu que rien n'était plus faux (dans "Contre François Jullien").
Commenter  J’apprécie          94
On pourrait dire que la Chine est une vision du monde, une façon de concevoir les rapports de l'homme avec l'univers, une recette pour l'entretien de l'ordre cosmique.

Le concept clef de la civilisation chinoise est celui d'harmonie : qu'il s'agisse d'ordonner les rapports des hommes entre eux, ou d'accorder l'individu aux rythmes de l'univers, cette même préoccupation d'harmonie anime et la sagesse confucéenne, et la mystique taoïste ; en ceci les deux écoles sont complémentaires plutôt qu'opposées, et ne diffèrent essentiellement que par leur aire d'application – sociale, extérieure et officielle pour l'une, spirituelle, intérieure et populaire pour la seconde.

Les divers courants de la pensée chinoise dérivent tous d'une commune source cosmologique. Cette cosmologie (résumée schématiquement dans le plus ancien, le plus précieux, mais aussi le plus obscur des traités canoniques, le Livre des mutations) considère que l'infinité des phénomènes est en état de flux perpétuel ; cette création permanente résulte elle-même du mariage de deux forces antithétiques et complémentaires. Ces deux forces – ou ces deux pôles – constituent une diversification de l'Avoir. L'Avoir est lui-même un produit du Non-Avoir (wu) que, par un contresens courant, on s'obstine à traduire « le Néant », alors que la notion se rapproche plutôt de ce que la philosophie occidentale appelle l'Être. Les penseurs chinois ont jugé avec sagesse que l'Être ne se peut appréhender que de façon négative : en effet, l'Absolu que l'on pourrait définir et nommer, qui aurait des qualifications et des propriétés, qui donnerait prise à une description, ne saurait être l'Absolu véritable, mais relève seulement du domaine de l'Avoir, avec son kaléidoscope éphémère et mouvant des phénomènes. Le processus qu'on vient d'esquisser ne forme pas un enchaînement mécanique, une séquence causale ; c'est un cercle organique à l'intérieur duquel les diverses phases existent simultanément. Si les textes plus anciens semblent impliquer une antériorité du Non-Avoir sur l'Avoir, les commentaires ultérieurs décrivent leurs relations comme un échange, une dialectique d'opposés-complémentaires, s'engendrant l'un l'autre. L'Être est le substrat fécond, le champ où germe l'Avoir, ou, si vous voulez, le vide est l'espace nourricier des phénomènes. On ne peut donc appréhender l'Être qu'en creux, en cernant son absence – un peu comme un sceau gravé in taglio livre son message en blanc, ne révélant son dessin que grâce à l'absence de matière. Cette notion selon laquelle 1'Absolu ne saurait être suggéré que par le vide est d'une importance particulière pour l'esthétique chinoise, comme nous verrons plus loin.

La pratique des arts constitue une mise en œuvre concrète de cette vocation d'universalité, de cette suprême mission d'harmonie, que la sagesse chinoise assigne à l'honnête homme : il s'agit pour celui-ci de dégager et retrouver l'unité des choses, de mettre le monde en ordre, de s'accorder au dynamisme de la création. (pp. 576-577)
Commenter  J’apprécie          20
Enfin, sur bien des points spécifiques, les plus hautes autorités de
Pékin n'ont cessé d'apporter une éclatante confirmation de ce que
j'avançais. Ainsi par exemple, alors que, pour les maoïstes occidentaux,
les violences sanglantes, dont j'avais fait état, ne pouvaient relever que
de la calomnie, le président Mao devait déclarer à E. Snow dans une
interview célèbre que la presse étrangère était demeurée bien en deçà de
la réalité dans son évocation de ces violences ( ... Ce n'est pas la
première fois, ni la dernière, que le dieu aura infligé un camouflet à ses
dévots!).
Commenter  J’apprécie          120
La "révolution culturelle" de 1966 (Les Habits Neufs du Président Mao, p. 51).
La façon dont Mao mobilisa et utilisa les gardes rouges est très semblable à celle dont l'impératrice douairière Cixi manoeuvra les Boxers : il détourna contre ses ennemis une masse de mécontentement populaire qui avait été produite par son propre régime, et qui, plus lucide, aurait dû normalement se tourner contre lui-même. Les gardes rouges tout comme jadis les Boxers, étaient mus par un élan patriotique et un dynamisme révolutionnaire puissants et authentiques, mais ils étaient également dépourvus d'expérience politique et de cadres éduqués et informés. Leur mysticisme naïf et primitif se prêtait à toutes les manipulations d'un vieux politicien expérimenté qui, son objectif une fois atteint, n'eut ensuite aucun scrupule à se débarrasser de ses innocents auxiliaires. Le despotisme bureaucratique établi par Mao avait depuis longtemps engendré dans la jeunesse une insatisfaction et une frustration qui approchaient de leur point d'explosion. Il suffit à Mao de dénoncer ses adversaires personnels comme étant les seuls fauteurs d'un système dont lui-même était en réalité le premier auteur, et puis à ouvrir sur eux les vannes de la colère populaire, pour les balayer d'un coup. Mais quand la vague aura accompli son oeuvre, revenant sur elle-même, elle s'apercevra qu'elle n'avait rien accompli du tout : elle avait bien noyé tous les pantins, mais le maître de marionnettes, toujours le même, était resté au sec sur la digue, et déjà il refermait les portes de l'écluse. La conscience d'avoir été joués viendra finalement aux gardes rouges, mais elle viendra trop tard : à ce moment-là, leur rôle était terminé, Mao pourra les abandonner à la répression militaire, et remettre en place une collection de mandarins identiques à leurs prédécesseurs.
Commenter  J’apprécie          30
Dans son discours de septembre 1962, Mao avait ouvert le feuen direction des écrivains et des artistes qui prenaient prétexte de leur
activité créatrice pour se livrer à des manoeuvres « anti-Parti », et
ménager dans l 'opinion un climat favorable à la «restauration du capitalisme».

Cette première déclaration de guerre fut suivie en 1963 de campagnes
dirigées contre divers intellectuels, artistes et littérateurs. Ces campagnes
dans 1' ensemble manquèrent de mordant et ne parvinrent pas à prendre
un véritable élan.
Commenter  J’apprécie          120

Videos de Simon Leys (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Simon Leys
Retrouvez les derniers épisodes de la cinquième saison de la P'tite Librairie sur la plateforme france.tv : https://www.france.tv/france-5/la-p-tite-librairie/
N'oubliez pas de vous abonner et d'activer les notifications pour ne rater aucune des vidéos de la P'tite Librairie.
Si vous aimez les citations, voici un livre qui va vous ravir ! Et peut-être la plus jubilatoire de toutes les compilations de citations et elle est l'oeuvre d'un personnage totalement libre et rebelle !
« Les idées des autres », de Simon Leys, à lire aux Editions Plon.
Dans la catégorie : Histoire de ChineVoir plus
>Histoire, géographie, sciences auxiliaires de l'histoire>Histoire de l 'Asie>Histoire de Chine (88)
autres livres classés : chineVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (50) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (5 - essais )

Roland Barthes : "Fragments d'un discours **** "

amoureux
positiviste
philosophique

20 questions
849 lecteurs ont répondu
Thèmes : essai , essai de société , essai philosophique , essai documentCréer un quiz sur ce livre

{* *}