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EAN : 9782213632971
287 pages
Fayard (28/03/2007)
4/5   3 notes
Résumé :
Un homme d'âge mûr retourne dans la banlieue de son enfance pour enterrer son père.A travers les soubresauts de l'Histoire lui reviennent alors en mémoire ses années de lycée,ses difficultés avec les filles,ses ivresses de coureur de fond et les colères de son père râleur avec les patrons et irritable avec sa famille.
Ajusteur-outilleur chez Renault,ce dernier vénérait le travail,et surtout l'instruction qu'il n'avait pas.Il voyait déjà son fils ingénieur.>Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Le livre débute par une citation de Paul Valéry, que je trouve magnifique d'humanité, extrait du discours de réception à l'Académie française au fauteuil d'Anatole France :
« Les morts n'ont plus que les vivants pour ressource. Nos pensées sont pour eux les seuls chemins du jour. Eux qui nous ont tant appris, eux qui nous semblent s'être effacés pour nous et nous avoir abandonné toutes leurs chances, il est juste et digne de nous qu'ils soient pieusement accueillis dans nos mémoires et qu'ils boivent un peu de vie dans nos paroles. »

Voici un roman pour une très large part autobiographique, semble-t-il. A Villeneuve-Saint-Georges, Gérard assiste à l'enterrement de son père qui a lieu en même temps que celui du professeur d'allemand détesté, un certain Blandin. Récit à partir des souvenirs d'enfance, tableau minutieux d'une famille, de la famille de l'auteur. le narrateur s'attarde sur tous les êtres chers qu'il a irrémédiablement perdus, sur le contraste du temps d'enfance qui paraît à cet âge infini et la rapidité avec laquelle tout se délite fatalement.
« Nous sommes tous assis, indubitablement, sur le grand toboggan qui conduit au sous-sol, tous essayant de ralentir la folle descente, d'esquiver la chute vers l'abîme dont rien ne nous sauvera jamais, pas même la littérature. »

Aller-retour entre Paris et la province. Il habite avec ses parents, Maurice et Dédée, en région parisienne, plus précisément dans le Val de Marne à Villeneuve-Saint-Georges (Maurice travaille chez Renault à Choisy-le-roi) puis ils vont construire un pavillon à Crosnes, à quelques kilomètres de Villeneuve (drame du désir de la mère de Gérard d'un toit à quatre pans à la place du toit à double pente existant). Une partie de la famille est dans l'Allier, à Thionne, ce qui donne lieu à de bien belles parties de pêche à Jaligny sur la Besbre avec l'oncle Claude dit Tarin.

Les personnages sont originaux et pathétiques, que ce soit le père, la mère et leur famille : l'oncle Claude (l'éternel perdant), l'oncle Maurice Ogburn (construction jamais terminée de la machine pour « le bonheur de la dactylo »). L'autre frère René (c'est l'écrivain et scénariste René Fallet) fait partie des personnages solaires qui vont tracer une voie émancipatrice à l'auteur. « Pas perdus » est un film adapté d'un roman de René avec Michèle Morgan et Jean-Louis Trintignant. C'est cet oncle qui va l'introduire à la littérature en lui faisant côtoyer des artistes majeurs de l'époque (Brassens, Prévert, Devos, Püpchen (l'amie de Brassens), André Hardellet). Il y a aussi des modèles (masculins toujours) plus ambigus : le champion de courses de fond, Bernard Paulat, François M fils de Georges M ministre de De Gaulle promis lui-même à une carrière politique, Serge Grünbaum l'énigmatique fils de bonne famille devenu psychanalyste. Mais comment être satisfait de soi quand on a de tels modèles si inaccessibles et d'autres modèles plus proches mais malgré tout toujours inaccessibles (Paulat par sa course souple et aérienne, François par sa facilité liée à une naissance dans une « bonne famille »), Serge étant plus un équivalent gênant.

Pour atteindre l'inaccessible – les personnages qui gravitent autour de lui ont placé la barre trop haut – Gérard court jusqu'à l'épuisement… Les cours avec le professeur d'allemand sont un cauchemar (la langue allemande est vue ici, de façon très injuste selon moi, à travers ce personnage et à travers l'histoire de la famille avec ses drames mêlés aux guerres avec l'Allemagne).

Heureusement il y a des journées lumineuses à la campagne. Quelle belle scène que celle de la partie de pêche sur la Besbre :
« Soudain d'un coup de rein le brochet crève la surface de la crique…Tendue vers le ciel, c'est une torpille sombre, une longue ogive de cuir fauve corsetée de fureur et caparaçonnée de rêves. »
La description du mouvement du poisson dans le ciel est digne d'un ralenti de cinéma :
« Vandoises et chevesnes, brutalement ferrés alors qu'ils venaient gober l'hameçon en surface, traversaient l'espace, zébrant l'azur de reflets, pour venir choir dans l'herbe des berges. J'étais chargé de recueillir cette argenterie tombée du ciel. »

Ce n'est pas la même poésie avec le curé Dubidet (espérons que c'est un nom inventé par le romancier) :
« Je me sentais coupable de ne rien trouver de licencieux à avouer à Dubidet, qui me soufflait au visage une haleine tournée, car cet hépatique au teint de citron ne se nourrissait pas que de fumées d'encens… Il me semblait que ce moment passé avec Dubidet avait sali les prés et jusqu'à la lumière du soleil. »

L'humour et la bienveillance sont présents, alors même que les histoires cocasses et les bons mots fusent de toute part. Ainsi de l'histoire de la grand-mère maternelle et sa soeur, tante Eugénie, intoxiquées par l'eau bénite de Lourdes dont elles ingurgitent un petit verre tous les soirs…

Bravo Gérard Pussey pour ces récits hauts en couleur, explorant comme il est dit sur la quatrième de couverture « les territoires oubliés du passé et leur peuple d'ombre. » Ce livre permet d'avoir une vision précise de la vie dans les années 1950, de la sociologie et de l'histoire proche, un peu à la manière d'Annie Ernaux, ce qui est un vrai compliment à cet auteur attachant et une incitation à le découvrir ou le relire.
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"L'enterrement d'un proche ouvre les placards du passé" affirme Gérard Pussey dans son roman autobiographique Au temps des vivants.
Les souvenirs se ramassent à la pelle, suite au décès de son père ouvrier des Usines Renault, communiste notoire qui s'élevait, avec hargne, contre Dieu et les patrons.
D'origine modeste, après six ans passés chez une nourrice "omnisciente et bienfaitrice", Gérard Pussey a été poussé par sa mère (plus que par son père qui l'aurait vu ingénieur) à sortir de la mécanique, du cambouis et surtout "de leur condition de gens simples".
A la mort d'un père on se dit:qu'est-ce qui a fait que je n'ai pas suivi le même parcours?
C'est l'attrait pour la fantaisie de l'oncle René écrivain "bohème" qui lui ouvre des perspectives, l'amitié constructive pour Voltaire, un coiffeur des plus farfelus (qui coupe les cheveux des sublimes "Blue Bell Girls"),le rejet d'un père parfois porté sur la boisson, le besoin de reconnaissance sociale, la fuite des petites humiliations d'un enfant différent car de milieu simple (ex:la petite cravate à élastique imposée pour faire riche, dont l'élastique claque comme une gifle), les diverses amitiés qui ont influencé son choix de vie.
Au temps des vivants permet au lecteur de comprendre la naissance d'un futur écrivain car même si Gérard Pussey, enfant, n'était pas un élève des plus studieux, c'est la fascination pour son oncle René, pris pour modèle, qui l'a initié aux vers de Rimbaud (et aux bons livres) et l'attrait pour le monde (éditeur,Prévert,Brassens..) qui gravitait autour de ce même oncle qui l'ont incité à rêver d'écrire lui aussi.
Sur fond de pans d'histoire (De Gaulle, Kennedy) et de progrès (premier Frigidaires, télévision..) ce roman fourmille d'émotions entre frustrations,peur du ridicule,acharnement,premiers émois,admiration...et de souvenirs familiaux (plus ou moins intéressants).
De la course à pied d'un bon sprinter (se réfugiant dans le sport pour fuir ses angoisses) à Châteaux en Afrique (prix du premier roman), L'homme intérieur (prix Roger Nimier et prix de la vocation) à L'amour tombé du lit ( prix Contrepoint) que de chemin parcouru!
Un chemin où un adolescent, sous influences, ouvre les ailes du libre arbitre!
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Les morts n’ont plus que les vivants pour ressource. Nos pensées sont pour eux les seuls chemins du jour. Eux qui nous ont tant appris, eux qui nous semblent s’être effacés pour nous et nous avoir abandonné toutes leurs chances, il est juste et digne de nous qu’ils soient pieusement accueillis dans nos mémoires et qu’ils boivent un peu de vie dans nos paroles.
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Les morts n'ont plus que les vivants pour ressource.Nos pensées sont pour eux les seuls chemins du jour.
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Certains parents s'imaginent de leur devoir d'inculquer à leur progéniture ce qu'ils pensent être les secrets de la réussite sociale:la docilité et le conformisme.
Les miens étaient de ce type.Ils souhaitaient que mon âme,toutes velléités critiques abolies,adhère au moule.
Malheureusement pour eux,l'extravagance m'entourait.
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J'ai longtemps pensé que les livres pouvaient donner un sens à notre passage sur terre.J'ai vu en eux des fétiches,des gris-gris propres à exorciser le néant qui,chaque jour,fond sur nous.
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Dans le mystère de ce manuscrit,je contemple un miracle,une manifestation du divin,le sésame souverain imaginé par René pour fuir la vie ordinaire et prendre les chemins de traverse qui vous font échapper au morne destin d'un fils des banlieues.
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Videos de Gérard Pussey (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Gérard Pussey
Publié en 1984, "Chronique de la vie continue", dont le titre est déjà en soi tout un programme, est le second livre écrit par Jacques A. Bertrand. le style et l'humour inimitables de ce « funambule plein de grâce qui rit au bord des gouffres et voit dans la légèreté une indispensable politesse à rendre à l'existence » (Gérard Pussey, Elle) s'y expriment dès les premières lignes. Trente-cinq ans plus tard, conforté par la vingtaine d'ouvrages publiés depuis par Jacques A. Bertrand, l'effet est toujours aussi spectaculaire.
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