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EAN : 9782709647885
131 pages
J.-C. Lattès (27/08/2014)
3.66/5   45 notes
Résumé :
Alba et Maurizio se rencontrent à Rome pendant la guerre. Elle étudie le droit et résiste au sein de Bandiera Rossa. Il est juif, coiffeur dans le ghetto, et se cache chez Alba après la rafle d'octobre 1943. Chaque dimanche, Maurizio coupe les pointes des cheveux blond cendré d'Alba. Des cheveux qu'il vénère autant qu'elle. Mais au printemps 1944, ils sont arrêtés ensemble. Alba est incarcérée tandis que Maurizio est déporté à Auschwitz. Il y survit en devenant le b... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (25) Voir plus Ajouter une critique
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Blond cendré – Ėric Paradisi – JC Lattès ( 16 € - 249 pages)

La littérature, plus qu'aucun art, est capable d'accueillir en elle les morts. C'est le cas pour le roman d'Éric Paradisi où la vie et la mort se mêlent et « les morts parlent aux vivants ». Un roman douloureux, mais où la reconstruction est la plus forte.

Ėric Paradisi entrelace deux destins, celui du protagoniste central, le grand-père Maurizio et celui de sa petite fille, la narratrice. le récit balaye la période où sévit la chasse aux juifs dans une Italie dirigée par Mussolini, bientôt envahie par la Wehrmacht, puis nous embarque en Argentine, sous le régime de Perȯn, de la junte.

Le récit s'ouvre sur une silhouette de femme amoureuse, contemplant la neige sur son balcon, donnant au paysage un air virginal, aussi pur que la parfaite idylle qu'elle file avec « l'homme de sa vie ». Par flashback, elle se remémore les dernières paroles qu'elle lui adressa , une vraie déclaration d'amour. Mais pourquoi cette série d'interrogations au conditionnel? La remarque: « Maintenant, c'est trop tard » frappe de plein fouet le lecteur et suscite sa curiosité. N'en dévoilons pas plus.

Par chapitres alternés, la narratrice déroule sa vie et le parcours, semé d'embûches de son grand-père, juif, coiffeur à Rome, qui tomba amoureux d'Alba. Une femme, à «  la chevelure blond cendré », engagée dans la résistance, qui n'hésite pas à cacher celui qu'elle aime et initie. Combien de temps pourront-ils vivre leur amour ?
Maintes épreuves attendent Maurizio, dont sa déportation à Auschwitz, avant son retour en Italie. On le suit, ensuite, à Buenos Aires où il s'exile et apprend l'espagnol. Son talent de coiffeur coloriste lui ouvre alors les portes du succès. Sa notoriété grandit grâce à son art de nuancer le blond selon la personnalité des clientes, tel un alchimiste. le magnétisme de Lucia n'est pas passé par le regard mais par sa chevelure qui irradie de toute beauté, par son don de déceler « le caractère d'une personne » au toucher de ses cheveux. Cette rencontre providentielle l'amène à se reconvertir au catholicisme afin de l'épouser.

Quant à la narratrice, elle retrace sa rencontre avec son bien aimé, leur conversation au jardin du Luxembourg, évoque leurs projets d'avenir. Elle se remémore leur premier baiser, leurs retrouvailles sur la péniche, havre de leurs étreintes. Elle revit des instants clés de leur liaison. A nouveau l' expression « un immense gâchis », qui pétrifie le lecteur, traduit bien la détresse dans laquelle sont plongés la fratrie de la défunte et celui qui l'aime. Ne sont-ils pas taraudés par un sentiment de culpabilité? Ce qui fascine, c'est la justesse avec laquelle elle décrit le séisme qui ébranle celui qui reste à l'annonce du drame. On pense à Joan Didion qui évoque comment on peut passer de la vie ordinaire au cauchemar absolu, en un éclair.

Le récit prend un tournant plus lumineux quand les deux âmes masculines, broyées
par le destin de celles qu'ils ont aimées, sont amenées à rebondir en prenant un autre départ dans la vie. La narratrice, Flor, souligne la force de résilience de son grand-père, qui a su prendre de la distance avec son passé et « aller de l'avant », comme Algisa, sa logeuse, le lui intima. Rester enfermé dans ses souvenirs serait mortifère.

Comme le confie Philippe Besson dans son roman La maison atlantique: « le plus difficile est d'apprendre à vivre avec ses disparus. Mais quand on a appris, alors on est imbattable ». C'est ce soutien que Flor veut apporter à celui qu'elle laisse fracassé, dévasté et qu'elle exhorte à faire « comme si tout allait bien », à vivre, lui prodiguant l'énergie d'aller de l'avant. Elle se confie à celui qui l'apaise et multiplie ses injonctions. Ses paroles résonnent: « Fais comme si... », « C'est pas grave si... », ce qui convoque une pensée de Jacqueline de Romilly pour qui « La vie est belle et mérite d'être aimée ». Par la force de la croyance, elle sépare corps et esprit, laissant entendre que l'âme est omniprésente.

L'auteur montre l'importance de certains objets, derniers liens avec l'être aimé parti.
Si les objets n'ont pas d'âme, ils ont une mémoire. En magnifiant leurs souvenirs, ils restent inscrits dans la durée et apportent du baume au coeur.
Pour Maurizio, c'est la paire «  de vrais ciseaux de coiffeur » offerte par Alba, et cette « boucle blonde » sertie dans un médaillon. Pour l'architecte naval, c 'est la fougère où se cache l'âme de l'absente, l'orchidée blanche et aussi le flacon de parfum. Poignantes, les scènes où il faut trier, récupérer ce que l'on veut garder, comme des reliques. Cela soulève la question de ce qui reste de nos vies, de ce qu'on laisse. Ineffable le moment de l'adieu devant ce corps drapé dans une soie blanche.

Éric Paradisi a recours à un style obsédant à la manière de litanies psalmodiées pour mieux imprimer chez le lecteur la charge écrasante de vivre sans l'autre.
Le verbe « respirer », accentue cette impression de suffocation qui finit par gagner le lecteur, rehaussée par les mots: « noirceur, calcinés, suie, mousse charbonneuse ».
De même, les mots puissants « flammes, cendres, cheminée » qui ponctuent le récit traduisent le traumatisme vécu par les prisonniers devant les scènes insoutenables.


Dans Blond cendré, le temps d'aimer est aussi le temps de la face sombre de l'histoire. A l'instar du peintre Mandelbaum, Flor par ses tableaux ( « des toiles ayant pour thème la dictature ») et la biographie de ses grands parents se fait témoin de moments tragiques de l'histoire contemporaine, de ses soubresauts.

L'art pour traduire l'indicible. La littérature pour dire l'innommable, pour communiquer avec l'au-delà, nous faire naviguer entre deux mondes : du visible à l'invisible, d' aujourd'hui à hier et pour conjurer la cruauté implacable du destin.

Éric Paradisi signe un cinquième roman bouleversant, émotionnellement intense traversé par des effluves de jasmin, dont l'épilogue est un hymne à la vie.

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Ce roman est un chant, une prière obsédante adressée à l'homme aimé. de l'au-delà descend une voix, celle de Flor. Elle lui dit tout son amour et lui raconte l'histoire de son grand-père Maurizio ; sa passion pour Alba, la route chaotique qu'il a dû emprunter, sa confrontation avec l'horreur, son frôlement avec la mort et sa paire de ciseaux qui l'a sauvé plus d'une fois.
Le récit de Flor débute dans les années quarante à Rome. L'Italie est entre les mains de Mussolini, l'armée allemande est en marche... Maurizio vit dans le guetto, il est juif. Issu d'une famille de coiffeurs, il a naturellement pris la suite. Fougueux et impétueux, il aime la vie. Son regard croise un jour celui d'Alba, une femme un peu plus âgée que lui. Fervente communiste, elle fait partie de la résistance, elle transmet des messages, bravant sans cesse la mort. Elle est belle, Alba. Une longue chevelure d'un blond cendré repose sur ses épaules.
Ces deux-là s'aiment et ne se quittent plus... Et puis c'est la rafle. Ils sont arrêtés chez elle, dans son appartement. Maurizio est déporté à Auschvitz. Quant à Alba, on ne sait pas ce qu'elle devient. Il découvre avec effroi le camp et ses cheminées qui crachent leur fumée grise. Dans sa tête, l'image d'Alba lui apparaît sans cesse, il revoit ses boucles blondes et son sourire. Cet amour si fort qu'il éprouve pour elle le porte, l'aide à tenir, à garder espoir. L'air se raréfie, mais il respire encore.
Flor aussi manque d'air, une fumée dense a envahi son appartement... un incendie... elle est sur son canapé, c'est l'asphyxie. Mais, son amour lui, il est encore là, l'oxygène continue d'entrer dans ses poumons. Il est vivant. Et de sa voix vibrante lui crie de vivre, de ne pas être triste, de continuer à regarder les fleurs pousser, tout n'est que vie autour de lui.
Maurizio survivra à la guerre. Grâce à ses ciseaux, il deviendra coiffeur et barbier pour les officiers. Puis on lui confiera une mission ; devant lui des corps empilés, des cheveux en cascades... trésor de guerre, commerce de la mort... Maurizio est effondré mais l'amour le transcende.
Fin des atrocités, le grand-père de Flor rentre d'abord chez lui et puis s'en va, part pour un ailleurs, pour débuter une nouvelle vie, pour tenter de chasser les images terribles qui le poursuivent. Il s'installe à Buenos Aires, en Argentine. Et toujours dans ses bagages, Alba. Sans elle, il n'aurait pas pu aller aussi loin. Elle est son guide, sa raison de vivre. Il deviendra un grand coiffeur, spécialiste des colorations, essentiellement des nuances de blond. Il rencontrera une femme, se convertira au catholicisme pour elle, aura des enfants...
Un roman poignant, dur mais jamais pathétique. Un roman de cendre et de flammes traversé par la douce fragrance du jasmin. Et par-dessus tout, un roman gorgé de vie mené par une écriture sensible et onirique. L'entrelacement de deux récits, deux histoires, deux époques, deux liens qui s'unissent pour nous dire l'amour, la mémoire, la transmission, l'héritage. Je termine par les mots de Jankélévitch, en épigraphe de ce livre « Si la vie est éphémère, le fait d'avoir vécu une vie éphémère est un fait éternel » Un coup de coeur, forcément.
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Ce roman se présente comme un chant à deux voix : celui d'une femme adressant à son amant des mots d'amour et celui de cette même femme racontant, toujours à son amant, l'histoire de son grand-père Maurizio.
Maurizio a connu Alba à Rome, durant la Seconde Guerre Mondiale.
Lui est Juif et habite le ghetto, elle est dans la résistance et transmet des messages.
Maurizio aime cette femme à la chevelure blond cendré si particulière, elle l'aime aussi son coiffeur, mais c'est la guerre, Maurizio est arrêté, déporté à Auschwitz et ne doit sa survie qu'en étant devenu le barbier de sa baraque.
Inutile d'en dire plus car la vie de Maurizio a connu de nombreux drames qu'il a réussi à surmonter à chaque fois, l'amour ayant toujours été le plus fort, y compris de la mort : "Tu sais qu'un sentiment plus fort que moi t'oblige désormais à vivre. C'est peut-être ça l'amour, quelque chose qui t'oblige à vivre."; et celle de sa petite-fille n'est pas plus exempte de drame car au fur et à mesure de la narration s'en est un autre qui prend corps et finit par tout emporter sur son passage.
Cette narratrice a, comme le dit la chanson, reçu l'amour en héritage, c'est en tout cas ce qui ressort des propos qu'elle tient à l'homme qu'elle aime et avec qui elle partage sa vision de l'amour : "Je le sais à présent, mon amour, que l'amour est le coma de tout être vivant.", mais également de la mort.
Vie et mort se côtoient effectivement beaucoup tout au long de cette histoire, l'une n'étant finalement pas dissociable de l'autre, il faut apprendre à faire avec et à continuer de vivre, c'est en tout cas ce que je retiens principalement de ce roman.
Je n'ai jamais caché aimé en littérature la période de la Seconde Guerre Mondiale, c'est même ce qui m'a poussée vers ce livre.
Ici, j'ai pu y découvrir la guerre vécue de l'intérieure de l'Italie, avec les ghettos Juifs mais également les mouvements de résistance qui luttaient contre le régime fasciste.
Mais cela n'est qu'une partie de ce roman, l'autre se déroulant à Auschwitz et enfin en Amérique du Sud.
J'ai trouvé le parcours de Maurizio beau et dur, c'est un homme marqué par le destin qui aurait pu sombrer et ne jamais reprendre goût à la vie, il va finalement y arriver, s'investir dans quelque chose qui lui tient à coeur : la coiffure pour dames, avec pour seul guide la couleur blond cendré si particulière des cheveux d'Alba, sa petite-fille ayant au passage hérité de la même teinte de cheveux.
Je suis plus partagée sur la narration de la petite-fille que j'ai trouvée plus brouillon, pendant longtemps je me suis interrogée sur le pourquoi de ses propos, pourquoi tenait-elle autant à rassurer l'homme qu'elle aime en lui disant à quel point il compte pour elle, qu'il est le seul et l'unique et sera le dernier.
La réponse vient tardivement et je n'ai pas apprécié de marcher à l'aveugle dans ma lecture car je sentais bien qu'une clé de l'histoire me manquait pour en saisir toute la nuance.
Un peu de mystère soit, autant cela donne un récit brouillon qui perd un peu le lecteur voire même pourrait le décourager.
J'aurais aussi aimé y lire bien avant que cela ne soit évoqué les points communs entre le grand-père Maurizio et sa petite-fille.
Au final j'ai suivi le devenir des personnages mais sans jamais réellement m'attacher à eux et vibrer avec eux, ce qui me fait dire qu'il manque à mon sens un petit quelque chose à ce récit.
Quant au style d'Eric Paradisi, j'ai assez aimé, c'est à la fois simple mais évocateur, ça se lit facilement même si je ne suis pas sûre de garder un souvenir ému de cette lecture d'ici quelques mois.

"Blond cendré" d'Eric Paradisi est un roman agréable de cette rentrée littéraire qui a le mérite de ne pas tomber dans le drame comme cela aurait pu être le cas avec l'histoire traitée mais est au contraire tourné vers la vie et vers l'amour.
Je ne suis pas sûre d'en garder un souvenir éternel mais il a éveillé ma curiosité pour lire d'autres livres de cet auteur.
Lien : http://lemondedemissg.blogsp..
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Le roman d'Eric Paradisi met en scène deux personnages au temps de l'Italie fasciste : Maurizio est coiffeur dans le ghetto de Rome, Alba est une militante , elle transmet des messages de la Résistance au péril de sa vie .Ils se rencontrent à Rome et tombent amoureux l'un de l'autre .Les autorités allemandes décident la déportation des Juifs italiens , par le biais de rafles organisées à grande échelle .Maurizio est déporté à Auschwitz ; il survit en devenant coiffeur , le barbier de sa baraque .Il se souvient d'Alba , de la couleur de ses cheveux, le blond cendré , dont il a conservé une mèche . Au retour des camps, Maurizio décide d'émigrer vers l'Argentine en 1948, pour tenter de fuir l'Europe, meurtrie par la guerre, n'ayant pas encore mesuré toute la dimension spécifique et unique de la Shoah.

Pourtant, Maurizio s'applique, à exercer correctement son métier, ce qu'il parvient excellemment à faire, se constituant une clientèle fidèle qui fait prospérer son salon. Il perpétue l'amour de cette femme, Alba, et repense à ce qu'aurait pu être sa vie avec Alba : « Bien sûr qu'Alba serait devenue sa femme, et ils se seraient aimés comme des revenants, éternellement unis au corps de l'autre pour se sentir en vie (…) car l'esprit d'Alba, où qu'elle fût, nourrissait sans cesse le sien. »
Pourtant, Maurizio est rattrapé par son passé de déporté ; il croit reconnaître au salon l'un des anciens miliciens ayant participé à son arrestation ; il le tue, avec son rasoir de coiffeur, et n'est pas découvert.

Il y a dans ce roman beaucoup de réflexions et d'observations sur l'histoire de la déportation, sa mémoire , son intégration dans l'histoire , qui ne fut pas immédiate comme on le sait maintenant, mais nécessita du recul et des travaux historiographiques considérables .Ce qui frappe , c'est le lien que font les personnages , Maurizio et ses proches, entre le passé et le présent , l'histoire de l'Italie de la Guerre froide, celle de l'Argentine de la dictature militaire des années 70 .Comme si les périls n'étaient jamais vraiment éteints, comme si les dangers se rappelaient à notre bon souvenir , pour nous suggérer leur éventuelle reproductibilité …
Dans la seconde partie du roman, l'auteur fait dialoguer la petite-fille de Maurizio, avec l'homme qu'elle aime .C'est un récit à la deuxième personne du singulier ,plus distancié , plus impersonnel mais qui crée les conditions d'un dialogue entre morts et vivants , au cours duquel l'amour l'emporte sur la cruauté du monde : « Ne restait d'elle que la couleur trouvée en lui, ce blond cendré qui l'avait rendu libre .(…) Il sut alors qu'il avait bâti un sanctuaire pour chacune des femmes dont il avait profané la chevelure .Toutes reposaient dans son salon , toutes attendaient le moment où Maurizio restituerait aux vivants l'au-delà de leur beauté. »
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Merci à Babelio et aux éditions Jean-Claude Lattès pour ce partenariat.
Lire des romans qui parlent de la Seconde Guerre mondiale est un défi que je m'impose – de temps en temps. Dans Blond Cendré, l'auteur donne la parole à un rescapé des camps de concentration, Maurizio, ou plutôt, il donne la parole à sa petite-fille, qui raconte à l'être aimé deux histoires, la sienne et celle de son grand-père.
J'ai eu beaucoup de mal avec cette voix, si sereine, déjà, cette voix qui cherche à apaiser l'autre, à l'aider à se reconstruire – alors qu'elle est la voix d'une morte et qu'elle décrit sa propre mort. Ne cherchons pas ici de théorie sur la vie après la mort, ou de tentative de tirer ce roman vers le genre fantastique. Flor parle, Flor crée le lien entre le passé, le présent, et le futur des êtres qu'elle aime, êtres marqués par la tragédie depuis plusieurs générations.
Comment raconter la déportation ? En essayant pas d'anticiper outre mesure. Maurizio se sent italien, bien plus que juif. Il ne peut croire que des millions de juifs sont déportés, puis tués, pas plus que les nouveaux arrivants ne mettent en doute les paroles rassurantes des soldats allemands.
Bien sûr, le lecteur sait que Maurizio survivra. Il ne sait pas comment. Rares sont les romans qui s'intéressent à ce combat quotidien, absurde, presque perdu d'avance pour être celui qui vivra un jour de plus. Je me souviens avoir croisé des témoignages, et entendu aussi des jugements abrupts sur les « survivants », comme s'ils étaient coupables de vivre. Comme si Maurizio lui-même ne devait pas vivre avec ce sentiment de culpabilité.
Et c'est ce qui nous est raconté pas à pas. Maurizio n'attend pas, contrairement à d'autres. Il l'a vécu. Il sait. Il s'efforce de vivre, et s'il n'est pas question de devoir de mémoire, exercer son métier (et de quelle manière) est un hommage à Alba, à son combat, un moyen de perpétuer son souvenir. « C'est peut-être ça l'amour, quelque chose qui t'oblige à vivre. »
Blond cendré est un roman qui aborde avec délicatesse, sans mièvrerie, des sujets difficiles.

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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
« Dis-moi que je n'en finis plus de dormir, dis-moi que demain tu seras adossé au balcon comme au premier jour. Il ne neigeait pas ce matin-là, le soleil crépitait dans nos yeux, je ne reposais pas sur le canapé. Nous étions tous les deux en train de converser avec les fleurs. Que nous murmuraient-elles ces fleurs ? Moi, je t'aurais tout donné, le moindre pétale, mes racines en entier, et le goût de la terre qu'il me faudra avaler. Car je suis comme ceux des fosses, comme tous ceux que l'histoire a ensevelis, l'histoire qui se rappelle à moi. À nous. L'histoire de nos corps qui refusent de se séparer. Ton empreinte d'homme fossilisé dans ma chair. Parce que je te garde en moi. À jamais. Tout est si vivant quand je t'aime. »
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Nous étions tous les deux en train de converser avec les fleurs. Que nous murmuraient-elles ? En voulais-tu vraiment de mes fleurs ? Moi, je t’aurais tout donné, le moindre pétale, mes racines en entier, et le goût de la terre qu’il me faudra avaler. Car je suis comme ceux des fosses, comme tous ceux que l’histoire a ensevelis, l’histoire qui se rappelle à moi. A nous. L’histoire de nos corps qui refusent de se séparer. Ton empreinte d’homme fossilisée dans ma chair. Parce que je te garde en moi. A jamais. Tout est si vivant quand je t’aime.
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Ne restait d’elle que la couleur trouvée en lui, ce blond cendré qui l’avait rendu libre .(…) Il sut alors qu’il avait bâti un sanctuaire pour chacune des femmes dont il avait profané la chevelure .Toutes reposaient dans son salon , toutes attendaient le moment où Maurizio restituerait aux vivants l’au-delà de leur beauté.
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Jamais il n'utilisait le mot Häflinge pour désigner les détenus, les considérant comme des Stücke, expression chère aux SS, des milliers de Stücke, des pièces, de vulgaires pièces estampillées d'un numéro, des pièces que l'on faisait fondre dans la cheminée.
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« Tu sais maintenant que comme grand-père devant le corps d'Alba, tu n'auras pas le courage de me suivre. Tu sais qu'un sentiment plus fort que moi t'oblige désormais à vivre. C'est peut-être ça l'amour, quelque chose qui t'oblige à vivre. »
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