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Brice Matthieussent (Traducteur)
EAN : 9782757803356
352 pages
Points (24/05/2007)
3.92/5   68 notes
Résumé :
Des visages marqués, des parcours singuliers disant la misère, la dégradation morale et physique, la déshérence : Robert McLiam Wilson raconte la pauvreté, au début des années 1990, dans l'Angleterre ultralibérale du gouvernement Thatcher. Son récit, illustré par les photographies de Donovan Wylie, abandonne toute distance journalistique au profit d'une empathie émue, pudique et profonde. Une autobiographie déguisée qui préfigure l'œuvre à venir.
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Robert McLiam Wilson et Donovan Wylie ont une vingtaine d'années lorsqu'ils décident de partir en reportage dans les villes de Londres, Glasgow et Belfast. Ils axent leurs recherches sur les quartiers défavorisés, là où vivent des familles qui ont à peine de quoi payer leur loyer et se nourrir. La plupart d'entre elles touchent les allocations logement et chômage qui ne couvrent pas leurs besoins quotidiens. La précarité fait peser sur leur tête la menace d'une expulsion, d'une coupure d'électricité ou le placement des enfants en foyer.
Robert est à l'écriture et Donovan derrière son appareil photo.
« Les dépossédés ce n'est pas les pauvres ». Ce témoignage montre l'Angleterre de Thatcher et son ultralibéralisme, l'Irlande en proie à une guerre de religion et l'Ecosse, dans les années 90. Bien qu'éloigné dans le temps, ce récit reste malheureusement on ne peut plus d'actualité. Il invite le lecteur à ne pas oublier qu'un simple accident de la vie peut plonger n'importe qui dans la misère et le désespoir et qu'une simple main tendue peut sauver des vies, alors restons solidaires, restons humains.
« Les dépossédés » est un reportage dont il faut prendre connaissance, qu'il faut lire attentivement et garder toujours dans un coin de sa mémoire afin de rester lié à la réalité d'une vie qui peut basculer à tout moment.
Traduction de Brice Matthieussent.
Christian Bourgois éditeur, 348 pages.
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The Dispossessed, en français Les Dépossédés, fut publié en 1992 en Angleterre, la même année que Manfred's Pain (La Douleur de Manfred), deuxième roman de Robert McLiam Wilson, qui à l'époque avait vingt-huit ans. L'écrivain est né à Belfast-Ouest en 1964. Il avait auparavant publié un magnifique premier roman intitulé Ripley Bogle. C'était en 1988, il était âgé de vingt-quatre ans.
Une telle précocité a quelque chose de stupéfiant : comment un jeune homme de vingt-huit ans peut-il évoquer avec autant de lucidité et de justesse la maladie mortelle d'un vieillard solitaire et miséreux? C'est La Douleur de Manfred. Comment ce même jeune homme de vingt-huit ans peut-il décrire avec autant d'humanité, d'attention et d'empathie la détresse matérielle, l'absence d'espoir, le naufrage absolu des laissés-pour-compte de la politique thatchérienne à Londres, à Glasgow et à Belfast? C'est l'objet des Dépossédés, l'objet du présent travail d'adaptation.
Les Dépossédés, ce n'est pas Les Pauvres. Au lieu de constater un état, la pauvreté, et d'y voir peut-être une fatalité immuable de toutes les sociétés, l'auteur s'insurge contre une telle naturalisation de la précarité et, par le choix de ce titre, suggère un processus : pour être dépossédé, il faut d'abord avoir possédé, avant d'être contraint de renoncer à ses possessions – un emploi, un logement, quelques biens, une famille et parfois jusqu'à la liberté. C'est tout cet historique de la déchéance sociale, morale, financière, juridique, humaine, que l'auteur cherche à comprendre dans chaque cas : non pas la description d'un état figé, d'une condition humaine soi-disant éternelle, «naturelle», mais la recherche d'un récit à la fois individuel et collectif, local et global, intime et politique : comment celle qu'on a surnommée la Dame de Fer a délibérément – et malgré des statistiques officielles truquées – aggravé le sort de celles et ceux qu'on désigne honteusement par l'expression de «classes défavorisées»; comment cette catastrophe sociale et économique au sens large entraîne autant de désastres individuels; comment chaque femme, par exemple Gabrielle, chaque homme, ainsi Hally ou Alan, subit de plein fouet, dans son quotidien, les répercussions dramatiques de cette politique. Il y a là un tissage, un engrenage, proprement terrifiant.
Loin d'adopter la posture froide et distancée de l'universitaire ou la prétendue «objectivité» du journaliste, l'écrivain tient à décrire de première main, et subjectivement, un an de rencontres, de conversations, de visites dans des squats, des taudis, des appartements délabrés, des cités sinistrées, des banlieues peu sûres, des lotissements monstrueux, des quartiers en ruine, des centres d'accueil, pour aboutir à ce livre qui de toute évidence est le livre d'un écrivain. Non seulement parce qu'il contient quelques splendides pages de pure littérature, ainsi les descriptions du climat ou des lieux, mais surtout parce que son auteur s'y inclut constamment, livrant son incrédulité, ses doutes, voire son sentiment croissant d'échec, son admiration, son affection grandissante pour certains «dépossédés», mais aussi sa fatigue, son horreur, son écoeurement, son impossibilité de continuer.
«J'ai déjà dit, écrit Robert McLiam Wilson vers la fin de l'essai, que ce livre est un échec ou, au mieux, un livre sur l'échec. Plus j'écrivais, plus cette conviction grandissait.» Suit une liste de tous ses prétendus manquements : oublis, notes perdues, incompétences diverses, avantage de la photographie sur l'écriture... Certes, toutes ces «lacunes», ces «handicaps» ou ces «négligences» font que Les Dépossédés est tout sauf un rapport objectif sur un phénomène social, tout sauf une étude «sérieuse», crédible et criblée de statistiques (voir le passage où, plutôt que de se lancer dans une bataille de statistiques sur la pauvreté, Robert dénonce la fascination malsaine des statistiques et les «bidouillages» pratiqués sur ces dernières par l'administration Thatcher).
«Je noterai ici scrupuleusement les effets d'une pauvreté constante sur l'individu.» Tel pourrait être le programme de Robert Mc Liam Wilson pour son livre. Ce projet de dissection in vivo, cette anatomie de la souffrance et de ses symptômes physiologiques plus ou moins dégradants, exclut tout respect d'un quelconque bon goût : pour respecter ces gens et leur rendre justice, pour simplement dire ce qu'on voit, il faut envoyer au diable le respect des convenances et de la bienséance littéraire.
Présentation d'après Brice Matthieussent, sur le site de France Culture
Lien : https://blogs.mediapart.fr
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Robert McLiam Wilson, écrivain irlandais raconte la pauvreté, au début des années 1990, dans l'Angleterre ultralibérale à outrance du gouvernement Thatcher. Dès les premiers mots, j'ai senti que ce roman, « Les Dépossédés », était un complément, comme un écho, d'un vieux George Orwell, « Dans la dèche à Paris et à Londres ». Mais avant de débuter les premières pages, je me suis posé la question sur l'utilité d'une telle lecture. Les années 90 sont maintenant loin dernière moi, deux décennies se sont écoulées, le gouvernement Thatcher n'existe plus, Londres n'est pas Paris et le France n'est pas l'Angleterre… Pourtant, en guise de préambule, il faut lire la préface de l'auteur même, destiné aux lecteurs français (Préface de 2007 réactualisée pour la sortie du livre en poche). Car l'auteur sent, pressent, que ces quelques 300 pages décrivant la pauvreté de l'Angleterre n'est pas encore aussi présente en France, mais que d'ici peu, cela pourrait le devenir. Car les mesures politiques et économiques prises sous l'ère Thatcher semblent petit à petit apparaître sous différentes formes dans la politique actuelle de notre pays. Les mesures phares concernant notamment la protection sociale et l'aide aux plus démunies furent à l'origine de cette nouvelle pauvreté en Angleterre, et la France semble aller dans ce même sens. Sans oublier, les fameuses statistiques, fascinantes en soi, mais qui triturées dans un sens ou dans l'autre, ne donnent pas du tout les mêmes perceptions de notre monde, les modes de calcul du nombre de chômeurs ou de l'indice de pauvreté, totalement magouillés pour aller dans le sens de l'optimisme gouvernemental même s'ils ne traduisent plus la réalité… Français, attention…

La première étape de son « étude » est la grande capitale, Londres, le royaume de Big Ben et de la bourse. Son immersion parmi les dépossédés est effarante. Au fait, selon la définition de Robert McLiam Wilson, un dépossédé n'est pas forcément un sdf. C'est une personne qui n'arrive plus à subvenir à ses besoins, ou difficilement, qui même si elle ne vit pas dans la rue, dans les « foyers d'accueil » ou les squats, ne possède plus grand-chose dans la vie, ni richesse, ni espoir en encore moins de dignités. Ces personnes ont été dépossédées de tout avenir et envie. Elles continuent de se battre, de (sur)vivre pour le bien du noyau familiale. Elles continuent d'espérer et de s'accrocher à une utopie mais savent pertinemment qu'au fond de leur âme, leur avenir est sombre, nul même…
Et puis il y a une chose encore pire que d'être pauvre : être une femme pauvre. Ce fut la grande découverte de Robert McLiam Wilson. Il n'imaginait certainement pas ce que peuvent endurer ces femmes, souvent avec des enfants à charge, qu'elles soient esseulées ou en couple. En plus de leur travail, elles doivent gérer, jongler avec toutes les difficultés qu'un maigre budget le leur permet, pour subvenir aux besoins de toute la famille. Femme et dépossédée, l'avenir est plus que sombre ; il est inexistant…

La seconde étape de Robert McLiam Wilson, pour son livre sur Les Dépossédés, devait être Glasgow. Je parle au passé, car l'auteur n'y passa guère plus le temps d'un week-end. Son incursion parmi les dépossédés de Londres fut trop éprouvante. Mais ce chapitre ne tourna pas court puisque le livre est composé de deux auteurs, Robert McLiam Wilson, et son ami photographe Donovan Wylie. Donovan se charge de mettre en image sa vision de la pauvreté à Londres et à Glasgow. Mais pour cette seconde étape, et en l'absence de Robert, il prit la plume et nous décrivit sa vision de Glasgow. L'oeil est différent. Photographe, il s'attache davantage à l'environnement de cette pauvreté, aux murs et aux terrains vagues qui jouxtent les quartiers des dépossédés.

Cela commence comme pour un journal intime. le début griffonné dans le train, la précision des dates et heures de ses rencontres, de ses mouvements… Puis petit à petit, Donovan se prend au jeu de l'écrivain, à tel point que j'en oublie que c'est le photographe qui écrit, et non plus l'écrivain. Donovan s'attache moins aux statistiques que son compagnon d'étude. Il rentre peut-être moins en cohésion avec les gens mais il sait tout aussi bien nous faire partager ce monde de pauvreté dans Glasgow, ce sentiment de découvrir une ville industrielle abandonnée…

Troisième et dernière étape : retour aux sources, retour chez soi, Belfast Est et Ouest. le contexte politique y est pour beaucoup dans la situation désastreuse de la ville ; une ville abandonnée, longtemps sous les bombes, qui faisaient fuir les investisseurs économiques. Pourtant, le potentiel était là. Les gens, intelligents, débrouillards et travailleurs ne demandaient qu'un simple travail. Mais quand le faciès d'origine apparait sur un CV, les portes se referment. Quand je parle faciès d'origine, je ne pense pas à catholique ou protestant mais à la localité dans laquelle vous habitez. Si vous logez dans tel quartier, qu'il vous faut prendre 3 bus et 2 trains pour vous rendre sur votre lieu de travail, pas sûr que l'emploi vous sera réservé. Imaginez un jeune de nos banlieues à la recherche d'un boulot sur la capitale (car en banlieue l'emploi n'est guère développé)… Belfast ou Paris, l'écart n'est pas forcément si loin…
Lien : http://leranchsansnom.free.fr/
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Voilà un livre qui m'a posé problème. J'ai longtemps hésité à écrire une critique:
1- Parce-que des gens plus experts que moi en littérature et dont j'apprécie la plume l'ont aimé et que moi, je me suis ennuyé..
2- Parce qu'il parle de pauvres et de pauvreté, sujet délicat sur lequel on court toujours le risque d'être mal compris ou d'être mis en demeure de se justifier quand on n'a pas été soi-même pauvre ou que sais-je encore dans notre époque du politiquement correct.. Il était donc plus raisonnable de s'abstenir.
Cependant, ce livre n'ayant pas beaucoup de critiques et plusieurs babeliotes l'ayant inscrit sur leur liste "à lire", comment garder mon opinion, même fruste et simpliste, pour moi ? l'intérêt de Babelio n'est-il pas d'offrir une grande quantité d'avis dans laquelle chacun va chercher son bonheur. J'ai donc décidé de risquer une bafouille quitte à être raillé.

Bon, ne vous attendez pas à un truc romanesque, avec émotions, suspense, petits mouchoirs, larmes et zimboumboum.. Ce n'est qu'une enquête de journaliste et qui plus est, d'un jeune journaliste encore hésitant dans sa façon de fouiner dans la vie des gens et encore un peu scolaire question style, genre Rue89.

Le truc intéressant, comme dit le Bison dans son excellente critique, c'est la préface. Mais c'est peut-être un peu normal parce qu'elle a été écrite en 2007 longtemps après la première parution du livre, en 1992. L'auteur avait plus de bouteille, plus de style et une intuition plus aiguisée, sans doute.

Pour le reste, je vais faire court : Robert McLiam Wilson interroge deux sortes de pauvres. Ceux qui ne s'en sortiront jamais quoi qu'on fasse parce qu'ils ont d'abord besoin de soins psychiatriques et qu'ils n'en auront vraisemblablement pas. C'est souvent des SDF. Et puis, ceux qui s'en sortiraient s'ils trouvaient ou retrouvaient un travail décent ou bien si la politique sociale était un peu plus humaine. Ceux-là, souvent, n'ont pas l'air pauvres: correctement vêtus, propres, pas de litron dans la poche, s'exprimant clairement. C'est les pauvres "invisibles". Ceux qui se tuent à joindre les 2 bouts sans jamais y arriver, qui continuent à se lever le matin, à se laver, à résister tant bien que mal à l'alcoolisme.
Comment en sont ils arrivés là ? Pourquoi est-ce plus difficile depuis que Maggie est au pouvoir ? Quels sont leurs chances de sortir de cette mouise ou au moins, d'améliorer le quotidien ? Je ne vous donne pas la réponse et je ne suis pas certain que vous la trouverez d'ailleurs.

Bref, c'est un livre de bonnes intentions (sans ironie), probablement utile en son temps, mais le vieux screugneu que je suis bondit quand il lit : "les concepts à la mode d'aliments complets ou de régime riche en protéines étaient complètement hors de portée" (chez les pauvres), "Les nouvelles manières de cuisiner font l'objet de soupçons récurrents" (de la part des pauvres). Là je me dis, dans un instant, il va leur proposer d'organiser des stages de cuisine macrobiotique ? Parfois, McLiam semble vraiment découvrir la pauvreté pour la première fois de sa vie alors qu'il prétend avoir grandi dans un quartier pauvre de Belfast. C'est sans doute maladresses d'expression, mais ça énerve.

Et puis, aujourd'hui, le chômage et la précarité sont tellement répandus en France, le nombre de pauvres est tellement plus grand, l'avenir radieux est tellement encore plus improbable qu'il y a dix ans, Thatcher a fait tant d'émules que je n'ai pas eu le sentiment d'apprendre quelque chose de nouveau avec ce livre. Peut-être aurais-je dû le lire longtemps avant mais il y a tant de choses que j'aurais dû faire avant...Donc lisez le avant qu'il ne soit trop tard pour vous aussi..
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Le présent livre est un documentaire littéraire, qui se propose de porter la voix des déclassés de la politique économique radicale du thatchérisme. Loin de prétendre à l'objectivité universitaire ou à une fallacieuse neutralité journalistique, Robert McLiam Wilson avait pour but premier d'atteindre à une forme d'incarnation de la paupérisation par le biais de témoignages pris sur le vif et en s'assurant de la collaboration de Donovan Wylie, un photographe prometteur chargé de saisir avec son objectif une certaine vérité que les mots semblent incapables de traduire. A plusieurs reprises l'auteur conclut à l'échec : la tâche dépassait de beaucoup ses capacités de résistance, la multiplicité des situations critiques le submergeait, certaines parties étaient écrites beaucoup trop vites, d'autres trop lentement et toujours planait l'écueil ultime : faire de la littérature. Mais la faiblesse pressentie du présent document atteste de sa véracité, le côté disparate et décousu porte témoignage de la matière vivante étudiée et de l'investissement personnel des deux enquêteurs. le projet initial était un triptyque dont l'élaboration comprenait des séjours dans les quartiers les plus déshérités de Londres, Glasgow et Belfast. Après deux mois à Londres, McLiam Wilson rétamé, fait faux bond à Donovan Wylie et lui demande d'investir seul Glasgow, le photographe tenant un journal. Cette partie est donc son oeuvre et apporte un contraste rafraîchissant, un côté pris sur le vif : moins de témoignages, des relations plus poussées avec quelques personnes attachantes. Enfin les deux auteurs se retrouvent à Belfast, leur ville natale et c'est logiquement la partie la plus fouillée qui prend des allures d'essai et d'analyse sociologique de sa population. Alors certes le présent documentaire ne vise pas à l'exhaustivité et ne s'appuie aucunement sur des données chiffrées, l'auteur dénonçant par ailleurs la vaste entreprise de manipulation éhontée des statistiques concernant le chômages et la pauvreté dont les gouvernements successifs de la Dame de fer se sont rendus coupables. Mais tout de même chaque portrait des personnages apporte un éclairage sur les facteurs aggravant de cette appauvrissement et qui dépassent les considérations macroéconomique, tels les accidents de la vie, les situations familiales, les addictions, les troubles mentaux, le climat politique, l'héritage historique, les dissensions religieuses, un urbanisme pensé en dépit du bon sens... L'auteur rend aussi un hommage appuyé aux femmes : " Les femmes rendent la pauvreté supportable. Sans les femmes, la pauvreté serait plus intolérable qu'elle ne l'est déjà. La pauvreté risquerait d'entraîner un effondrement complet. Les hommes ne faciliteront jamais la vie des femmes".

Les Dépossédés est un livre saisissant, qui colle au réel autant que le permet l'écriture et qui est remarquablement illustré. Point de misérabilisme ni de recherche du sensationnel dans cette plongée chez les sacrifiés du libéralisme anglo-saxon. Juste une oreille attentive, du tact dans l'écriture et un regard vigilant. Poignant et fascinant, une très belle découverte, une parenthèse bienvenue pour l'amateur de roman.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Ma première nuit à Londres, je l’ai passée à Nutfriars, le foyer de l’Armée du Salut. Plutôt horrible. Quatre-vingts personnes dans un dortoir. C’était répugnant. Une puanteur terrible. Au moins cinquante pour cent des gens présents étaient d’anciens pensionnaires d’hôpitaux psychiatriques jetés à la rue par les changements de la législation relative au traitement des maladies mentales. Peu importait leur état psychique, tous étaient traités de la même manière – c'est-à-dire mal. La nourriture était atroce. Je veux dire, vraiment atroce. L’endroit était crasseux. Des cafards partout. Tout bien pesé, il valait mieux dormir dehors. Au moins on conservait un peu de dignité et on risquait moins de se faire agresser par quelqu’un de très perturbé. Bref, le lendemain matin, j’ai pris mes cliques et mes claques. J’ai essayé de trouver un autre endroit pour dormir, mais en vain. Je suis allé à Lincoln’s Inn parce que c’était un endroit célèbre pour dormir à la belle étoile.
[…] C’était la fin de l’automne, presque l’hiver. Il faisait très froid et je crois que la température constitue le plus grand choc culturel qui soit. Il y avait beaucoup de gens – près de deux cents personnes certaines nuits. Parfois d’authentiques alcooliques mais pas seulement.
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J’ai pris une photo près de Blackhill qui, selon moi, serait un bon exemple des sensations ou des pensées que cette ville m’inspirait. On y voit un gazomètre au premier plan, à côté d’un terrain vague. Au loin, sur la droite, il y a un ensemble de sept énormes tours. Ce paysage était désolé, mais aussi d’une beauté étrange. Il montrait deux générations d’architecte à Glasgow : les usines à gaz, magnifiques et abandonnées ; les tours, affreuses, qu’on aurait du détruire. J’ai pensé à l’Amérique. C’était un quartier dangereux, inquiétant, dont les habitants étaient dominés par l’architecture. On aménageait une voie nouvelle à travers le terrain vague, une sorte de voie d’accès à la ville ou à une autoroute. Elle semblait couper à travers ce quartier en direction du centre-ville. Cette voie, on ne l’aurait jamais tracée dans une banlieue bourgeoise. C’était une route qui ne tenait aucun compte de son environnement. Elle ignorait, elle marginalisait encore plus ce quartier.
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Même sans les chiffres, même sans les preuves ou les faits, même si vous avez sauté les trois ou quatre pages précédentes, vous savez malgré tout que le gouvernement a menti. Bien-sûr vous le savez. Nous le savons tous. C'est un phénomène stupéfiant, mais je n'ai jamais rencontré personne qui croyait aux déclarations gouvernementales sur les chiffres du chômage ou les statistiques liées à la pauvreté.[...] Nous savons pertinemment que nous sommes gouvernés par une administration qui nous ment effrontément. Nous sommes apparemment comme ces parents libéraux qui acceptent volontiers les affabulations de leur enfant préféré. Nous voulons croire que la vie ne va pas sans une certaine vilenie....
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J'étais bouleversé d'entendre des projets aussi complexes dans la bouche de gens aussi blessés par la vie. Ils sont gênants, mais également d'une étrange dignité. Dieu sait que j'entretiens moi aussi des rêves mégalomaniaques concernant mon avenir. Lauréat du Prix Nobel, joueur de cricket vedette de l'équipe d'Irlande, orateur, génie, dieu du sexe. En fin de compte, les rêves concoctés par ces gens étaient aussi admirables que n'importe quels autres. Leur imagination refusait de se laisser écraser par l'acceptation de leur statut de victime.
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Pour une capitale de province dans un pays sous-peuplé, Belfast est vraiment très célèbre. Elle doit sa célébrité au violent conflit politique des vingt dernières années. Belfast a peu d’autres motifs de notoriété. Elle n’a engendré aucun peintre célèbre ; aucun roman célèbre n’a Belfast pour décor. Elle n’a pas de grand orchestre, son université n’est guère connue. Les « troubles ont fait de Belfast une célébrité ?
Peu de gens qui n’habitent pas l’Irlande du Nord connaissent bien Belfast, en dehors de sa liste de morts et de blessés pour raisons politiques. Peu de gens savent combien Belfast est parfois belle – une ville basse qui s’étend au fond d’une vaste baie ceinte et bordée de montagnes.
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Vidéo de Robert McLiam Wilson
Le mercredi 20 juin 2018, la librairie Charybde (129 rue de Charenton 75012 Paris - www.charybde.fr ) avait la joie d'accueillir Thierry Corvoisier (éd. Rivages) et Sébastien Wespiser (éd. Agullo) en tant que libraires d'un soir.
Ils nous parlaient de :
1. Jim Harrison, "Dalva" (04:20) 2. François Médéline, "La politique du tumulte" (16:40) 3. Gregory McDonald, "Rafael, derniers jours" (24:01) 4. Grégory Nicolas, "Là où leurs mains se tiennent" (30:14) 5. Robert McLiam Wilson, "Eureka Street" (40:10) 6. François Guérif, "Du polar" (48:45) 7. David Peace, "Le quatuor du Yorkshire" (58:00) 8. David Peace, "Rouge ou mort" (1:01:51)
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