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EAN : 9782020133401
Seuil (17/05/1991)
3.52/5   152 notes
Résumé :
Dans la langue familière, se marier est souvent pris comme synonyme de faire une fin, ce qui semble impliquer qu'a été conclue une association assurant au nouveau couple l'opulence et la paix jusqu'à son dernier jour. Or ce jour-là est lointain, ceux qui s'écoulent entre-temps onéreux et la fin est en réalité celle de la vie antérieure à la cérémonie : tel est le paradoxe du mariage dont le jeune avocat angevin Abel Bretaudeau mesure la vérité dès le retour du voya... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (18) Voir plus Ajouter une critique
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Je me suis régalée.
Définition de 1968 pour le titre du livre : "Tout ce qui dans le mariage relève normalement de la femme".

Début de l'histoire en 1953 et prend fin pour nous, lecteurs, en 1967.
Une jeune femme, un jeune homme se plaisent, se marient et ont 4 enfants. Voilà pour la base.
C'est la description du début de la vie d'un homme jeune qui commence à découvrir les femmes et l'amour charnel jusqu'au jour où il va épouser son élue.
Il dépeint le couple et sa fougue, son mariage, la venue d'un enfant puis de deux puis de jumelles.
L'envahissement de la belle-famille car de son côté, ils sont en sous-effectif comparé à la famille de son épouse.
Très intéressant d'avoir le point de vue d'un homme sur les différents moments de sa vie au quotidien avec des changements considérables tout au long de ses années de mariage. On est quasiment dans sa tête. Ce qu'il pense du mariage, ses réflexions intérieures concernant son épouse qui n'est plus celle avec des seins fermes, fine et qui consacre uniquement son temps à le chouchouter, il remarque que celle-ci n'est plus qu'une mère, qu'elle a pris du poids, que ses soucis ne sont que domestiques. L'éducation des enfants qui est pris en charge uniquement par la maman et même lorsque en tant que père il essaie de s'aventurer sur le terrain, Mariette le remet en place.
A un moment de sa vie, il souhaite retrouver une femme qui soit avec lui, discute avec lui, il ne veut plus entendre parler d'enfant, de vaisselle, de machine à laver le linge et les cancans de la belle-famille qui se retrouve très souvent chez lui. Va t-il tenir ? Va t-il prendre une maîtresse ? Va t-il s'affirmer auprès de Mariette ? Va t-il prendre sa valise et partir ?
Abel, avocat, va disséquer son mariage pendant 15 ans avec un état d'esprit brutal.

Lu en mai 2019 / le Livre de Poche - Pas de prix pour ce livre car il provient d'un échange que j'avais fait avec un babelio fort sympathique.
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Connu et reconnu pour son roman Vipère au poing, Hervé Bazin souvent crédité comme le spécialiste des difficultés familiales, crée avec le Matrimoine une vive critique pessimiste du mariage et de ses conséquences. le roman est une chronique d'un mariage se déroulant du début des années 1950 jusqu'au milieu des années 1960, une période où la femme est vite rapatriée au rôle de mère au foyer consommatrice. le récit suit le point de vue d'un homme, Abel, un petit avocat, né d'une famille bourgeoise qui n'est pas forcément attrayant, un monsieur Tout-le-monde en quelque sorte. le roman s'ouvre sur une description du souvenir qu'il a eu de son premier rendez-vous avec sa future femme, Mariette. Un rendez-vous commun sur un banc de la ville d'Angers, le principal point géographique où l'oeuvre prend place.

À partir de ce souvenir, contredit par la propre famille de Mariette lors d'une discussion autour d'une table, Abel exalte son profond pessimisme vis-à-vis de son mariage. Il faut être prévenu, Bazin n'est pas là pour donner un reflet bucolique, il veut renvoyer une image beaucoup plus dure et peu flatteuse de nous-même. À travers Abel, c'est bien l'écrivain qui parle, marié trois fois dans sa vie, l'auteur a bien conscience de l'état des vérités qu'il veut pointer à l'observateur qui lit ce journal intime qu'entretient régulièrement Abel. le style de l'auteur est rempli de formules percutantes, qui nous touchent directement au coeur, avec ses effets d'accumulation de détails, l'écrivain décortique avec soin la progression d'un début de mariage qui s'engouffre dans le train-train du quotidien. le personnage donne cette impression de n'avoir jamais été heureux, pourtant, il le dit, il aime Mariette, il ne s'est pas marié à contre-coeur ou pour s'embrigader dans les bonnes moeurs bourgeoises. Et, effectivement, les Guimarch (nom de famille de la jeune femme) sont une famille peu plaisante, nombreuse, avare, avec une grande gueule, qui pense toujours tout savoir. Tout ce qu'il y a de plus populaire. Contrairement au bercail d'Abel, les Bretaudeau, qui ne sont plus que trois. La mère veuve, très discrète et distinguée, quelqu'un parlant avec le regard et l'oncle Tio, un vieux « philosophe » très attachant qui a toujours le bon mot dans la bonne situation. le protagoniste décrit alors sa vie quotidienne comme ses repas chez sa belle-famille qui devient de plus en plus envahissante, sa première cohabitation avec sa bien-aimée, l'éloignement progressif de ses amis, le début de l'ennui qui pèse en lui, son désir sexuel qui s'évapore également, les attitudes de sa femme qui l'agace, l'abrutissement matérialiste qui la pénètre, l'évolution physique de cette dernière, sa relation avec sa mère et son oncle, etc. Mais le personnage était encore bien installé jusqu'à la première venue de leur premier enfant. Clairement, le livre de Bazin n'y va pas de mainmorte avec la relation entre lui et ses enfants (car derrière trois autres naissent, dont des jumelles). La tranquillité de son foyer disparaît, mais c'est surtout la disparition de Mariette en tant qu'épouse qui décline. Elle devient seulement une mère, n'ayant plus des yeux que pour ses enfants. Avec ce propos, Bazin veut interroger une forme d'esclavage moderne de la femme qui se change en « mémère » et critique cette institution (pour l'auteur, le mariage en est formellement une.) qui donne trop de pouvoir à l'enfant, en d'autres termes, il est le roi. À trop donner et céder, pour l'auteur, l'enfant devient une charge tellement pesante qu'il n'a plus la notion de justice, des droits pour les autres, d'un équilibre logique pour toute la famille.

C'est là où l'on touche un point essentiel du roman, cette transmission de mère en fille du devoir familial qui est totalement contre-productive. Abel le dit à un moment, Mariette ne peut plus vivre normalement, elle en oublie son état physique et mental. Il y a donc aussi une certaine beauté qui advient dans le récit, car le mari n'est pas totalement antipathique envers sa femme, même si elle sait qu'elle est à présent un produit façonné par la société, elle reste avant tout la personne qu'il aimait et désirait. Mais l'homme est loin d'être parfait, avec son air désabusé et sa vision maussade, il cède au péché du mariage, celui de l'adultère. C'est d'ailleurs dans une scène assez ambivalente qu'il tente de se rapprocher d'une jeune cousine de Mariette lors d'un séjour estival et familial en Bretagne. Une relation qui n'amènera à rien, juste à la douleur égocentrique d'Abel qui tentait de retrouver le physique de sa Mariette plus jeune. Il y a également des très belles scènes — comme les accouchements ou l'accident de Mariette — entre le mari et la femme avec des moments d'empathie, de peur et de souffrance et bien sûr cette fin qui fait advenir un léger espoir illuminant. Mais, le reste du temps, Abel condamne son mariage avec plein d'excès de sentiments et d'exigences, d'où alors cette ambiguïté qui construit un fort caractère réaliste au personnage, mais aussi à tous les autres. L'être humain a ses contradictions, ses habitudes et ses nécessités, on ne peut difficilement le changer sur ce point. L'intimité profonde qui se déploie dans ce livre s'ouvre finalement à une forme d'universalisme intemporel. En effet, le livre parle d'une certaine période maintenant dépassée, mais le mariage existe toujours, la question de l'émancipation de la femme aussi, mais aussi celui de l'homme. La force de ce titre est de se concentrer énormément sur les émotions et les situations conjugales — et non les questions de société ou politique des années 1950/1960 — car l'histoire (avec quelques changements bien sûr) pourrait très bien se calquer sur notre période. Peut-être que le mariage a moins d'impact, mais les relations amoureuses sont toujours là et l'avachissement progressif ainsi que le dysfonctionnement dans le couple existe bel et bien.

Pour conclure, le Matrimoine est un roman nous renvoyant une image inconfortable de nos vies. Même si nous ne sommes ni marié(e)s, ni père, ni mère, il y a une compréhension du sujet si nous avons vécu ne serait-ce qu'une relation amoureuse. C'est là, toute la puissance de livre qui se lit comme un journal que l'on aurait secrètement volé à cause de notre curiosité. C'est une grande analyse et dissection d'un mariage d'une certaine époque qui s'ouvre à une universalité constante. le propos tend vers un fort pessimisme, mais pourtant pour Bazin le mariage n'est pas une fatalité. Il dit lui-même que ce type de mariage se concentre beaucoup en province, car la vie n'est pas la même qu'en ville. Une oeuvre donc pleine de sincérité pouvant secouer, mais qui se lit tout de même avec un grand plaisir.
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Ciel, voilà une lecture qui aura été bien fastidieuse ! Dix jours pour venir à bout de ces 270 pages... Il est vrai que j'ai été bien occupée ces derniers temps et que je n'avais qu'un temps restreint pour la lecture, mais tout de même ! J'ai eu la sensation de peiner autant qu'Abel, le personnage principal, au milieu de sa belle-famille.
Précisons immédiatement une chose : le style d'Hervé Bazin n'est en aucun cas responsable de mes difficultés. Au contraire, je l'ai trouvé une fois de plus pétillant, piquant, tranchant, amusant.
Non, non, le problème, c'est l'histoire elle-même. Abel, donc, jeune avocat, s'est finalement décidé à épouser Mariette qu'il fréquentait depuis trois ans. Nous sommes à Angers en 1953. C'est parti pour la grande aventure du mariage ! Quelle aventure, mon Dieu ! Ainsi racontée, on en dégoûterait n'importe qui. La mince et jolie Mariette se transformera bien vite en commandante de l'ombre, s'installant sans partage dans la maison où Abel a grandi. J'ai eu, personnellement, bien du mal à comprendre ce qu'il lui avait trouvé : il dépeint sa femme comme intellectuellement plutôt fadasse, ne lisant que des revues de bonne femme, et incapable d'indépendance. le domaine Bretaudeau se retrouve colonisé par les habitudes Guimarch, la belle-famille, donc. Au secours, la belle-famille ! Un bel échantillon de beaufs, si vous voulez mon avis. Adieu l'élégante politesse de la famille d'Abel...
Et encore, tout cela ne constitue que le décor. le fond du roman, c'est la métamorphose de l'épouse en mère, ou plus exactement en "méragosse". Il n'y en aura plus que pour les enfants qui profitent allégrement de la faiblesse de maman chérie. Cette dernière se laisse aller, ne prend plus du tout soin d'elle, décrépit, et vu qu'elle ne brillait pas pour son esprit, on imagine aisément combien ennuyeuse elle doit être. Et pourtant, elle dirige la maison, son influence est partout, envahit tout et si Abel ne se sent plus chez lui, il n'ose rien dire et rumine la plupart du temps en silence.
Parlons donc de lui, un peu, car il serait injuste de donner à Mariette la totalité de la faute. Monsieur l'avocat, à la maison, s'est rapidement trouvé dépassé par son épouse et, lâchement, pour avoir la paix, il ne dit rien. Il a beau ronchonner que sa famille fonctionne à la mode de la belle-famille, il ne fait pas grand-chose pour s'y opposer. Et que signifient ces façons de se plaindre du changement physique de sa femme? Il vieillit, lui aussi, non mais ! Décidément, il a également sa part de responsabilité dans l'histoire.
Est-ce donc ça, le mariage? Est-ce donc ça, fonder une famille? Voir sa propre existence engloutie dans le mode de vie de l'autre? J'espère bien que non !
Heureusement, à la clôture de l'histoire, en 1967, après 14 ans de mariage, une onde de quiétude semble enfin de répandre dans l'esprit d'Abel.

Challenge XXème siècle 2021
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Un livre incontournable, dont la lecture devrait être imposé à tout couple souhaitant s'unir par le mariage. Bazin par son style bien unique, traite un sujet encore sensible à l'époque, tout en brisant les tabous, en évoquant la réalité de la vie conjugale pour enfin conclure que le mariage n'est pas toujours cette heureuse fin dont fantasment beaucoup de jeunes couples.
Résumé (j'ai taché de gardé le style de l'auteur) :
Après une amitié d'enfance insensiblement devenue tendre, un lot de jolis souvenirs, de baisers, de caresses blanches, Abel Bretaudeau épouse Mariette Guimarch. Très vite leur mariage perd de sens, de commencement, devient fin. le partage charnel semble réduit à un devoir conjugal, et une soumission paralysante empêche d'évoquer l'intime du couple.
Bien que portant son nom Mariette semble loin d'être devenu une Bretaudeau, c'est Abel qui semble devenu un Guimarch !
Abel se rend compte alors que le mariage est bien différent de ce qu'on pourrait voir dans les films, littérature ou théâtre, car nul n'évoque le mariage que les mêmes gens vivent; lent, long, quotidien et dont le lit n'est pas le seul autel. A travers leur vie quotidienne, Abel apprend à mieux connaître sa femme, ses qualités, ses défauts. Finalement, il admet que vivre ensemble n'est pas si facile, l'homme et la femme sont rarement sur la même longueur d'ondes, chacun cherche son double chacun trouve autre chose: un être, qu'on apprend bien des choses, mais on n'apprend pas à vivre ensemble: le mariage est sa propre école mixte.
Un nouveau chapitre de leur vie commune s'ouvre avec la naissance de leur premier enfant, il devient beaucoup plus mariés qu'hier.
Très vite Nicolas (leur enfant) occupe le centre de leur vie de couple. Mariette, de conjointe devient essentiellement mère avec une faiblesse maternelle envers son enfant et une moindre allégeance envers son mari; et bientôt leur union donnera encore trois enfants, la jeune femme ne sera alors qu'une femme jeune de plus en plus ménagère; les soins de sa beauté passant forcément après d'autres.
Mariette est devenue une de ces femmes invisibles comme en ont la moitié des Angevins, une de ces femmes bloquées dans le champs de gravitation intense de la famille qui concentre leur espace sensible en raison directe du nombre de gosses et en raison inverse du carré de l'éloignement: Mariette en fait trop pour ses enfants, elle ne s'autorise plus à vivre; la vie pour Abel devient de plus en plus monotone et les accrochages avec sa femme se multiplient, surgit Annick, cousine Guimarch très charmante jeune fille dans les vingtaine, dont la beauté rappelle à Abel, celle de Mariette qu'il a épousé, il s'en vole avec elle en l'air dans un îlot et n'éprouve guère l'impression d'avoir trompé sa femme, car dans l'envie qu'il garde pour Annick, Mariette n'est pas étrangère.
Annick, craignant le scandale, préfère s'éloigner d'Angers.
Abel et Mariette se revoient au mariage d'Arlette, se rappellent de leur commencement et se souviennent de la raison de leur engagement.
Enfin, Abel, dans son Bureau, philosophe sur sa vie après le mariage et constate que le mariage est bien une fin, la fin d'une vie, mais pour le commencement d'une autre.
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Ce livre a choqué la France bien pensante des années 60, pour avoir remis en cause le mariage, la famille, alors pièce à valeur non contestée de la construction d'une vie humaine, et passage logique et obligé de la mi-vie. Hervé Bazin en rajoute: à l'usure progressive de l'amour originel, à la banalité des gestes et préoccupations quotidiennes de la mère de famille, à l'obligation de calculer (même avec une bonne situation, il faut faire des choix), à la présence trop intrusive de la belle famille, il ajoute des éléments ordinairement tabous dans la description de la vie du couple: la sexualité des jours ordinaires, le changements du physique de sa femme au fil du temps qui passe et des grossesses, les incidents, frictions, chamailleries de la vie quotidienne, le dérisoire des loisirs des vacances à la mer...... Il y a pourtant des absents: jamais un enfant n'est présenté de façon positive (ce n'est qu'une sorte d'animal bruyant et capricieux, et en plus une bouche à nourrir.....), le physique de sa femme évolue, certes, mais n'a-t'elle vraiment aucun charme à 38 ans? Et pourquoi ne souligner que les évolutions négatives, physiques et morales, de l'autre....? La fin du livre laisse espérer que l'auteur (ou du moins le personnage qui écrit) a fini par percevoir un peu de positif dans sa situation de père de famille. Sur le fond, donc, la thèse est plus que criticable. Mais ce livre est bien écrit, travaillé; son auteur n'est pas sans talent. Et cette vie provinciale - l'action se situe entre Angers et le Morbihan: les lieux qu'a connus l'auteur - des années 50 et 60 est d'un réalisme terrible. Je voudrais être face à Bazin, pour lui porter la contradiction. Mais je lui dirais quand même que réellement, j'ai apprécié son livre.
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Citations et extraits (42) Voir plus Ajouter une citation
Quelques citations/extraits du livre Le Matrimoine (1967) d’Hervé Bazin (Édition Rombaldi, 1970) :

• « L’avenir, c’est simplement la suite — ou la fuite. » p. 26.

• « Tu l’as entendue, la mère Guimarch ? Oui, tout est bien qui finit bien. Tu te sens fini, toi ? A moi on m’a appris que le mariage, c’était plutôt un commencement ; et même le commencement, bagatelle y comprise, de quelques emmerdements. » (l’Oncle Tio à Abel) p. 31.

• « Ce qui m’a longtemps effrayé dans le mariage, c’est la diminutio capitis qu’il faut maintenant y subir. Élevé par une veuve, je le sais : l’emprise féminine tire son efficacité de sa nature même. Cela soigne, réchauffe, amollit, vous sépare du monde, vous enveloppe de baisers et de laines. Nos père tenaient à peine, malgré leurs privilèges. Devant la tendre égale, comment tiendrions-nous ? Depuis que mes amis se marient, je les vois plus plupart disparaître, comme exilés, bloqués aux frontières du ménage. Ils portent le même nom, ils l’ont même donné à leur femme ; mais je n’ai jamais l’impression que celle-ci soit pour autant entrée dans leur famille. Souvent, fondrait plutôt le contraire ; et c’est presque la règle quand le clan où ils ont pénétré est plus nombreux, plus vivace, plus puissant que le leur… » p. 38-39

• « Fiancée, Mariette était déjà ce livre ouvert, mais écrit à coups de points de suspension. » p. 46.

• « Le début, la fin de l’amour, voilà de bonnes histoires ; le milieu n’est censé intéresser personne. Je demande où est le mariage : ce mariage que les mêmes gens vivent, presque tous, et où, presque tous, ils demeurent ; ce mariage lent, long, quotidien, dont le lit n’est pas le seul autel, mais aussi la table de cuisine, le bureau, la voiture, la machine à coudre, le bac à laver. » p. 57.

• « Certes, il faut l’admettre, homme et femme sont rarement sur la même longueur d’ondes. Chacun cherche son double. Chacun trouve autre chose : un être. On n’a jamais si faim d’un être que nous n’avons, en lui, faim de nous. Arrange-toi de moi, maintenant, ma femme, comme je m’arrange de toi. Ce que tu es, je commence à la savoir. Dans l’émotion, l’agecement, l’illusion qui persiste, l’égoïsme qui insiste, il est certain que je te fausse ; que mon jugement me juge. Le photographe ne vit que de qu’il voit et pourtant, flash par flash, il le fragmente, il le déforme, il en trahit l’unité. Mais il faut bien faire le point. » p. 62-63.

• « […] nous n’avons pas toujours le cœur dans l’œil pour savoir déchiffrer un visage. » p. 79.

• « Nous restons seuls, Mariette et moi. Ma loquacité coutumière s’accommodera fort bien du silence, ici recommandé. La jeune femme qui est là, c’est bien toi, ma petite fille, dont je caresse les cheveux ; c’est bien toi que, pourtant, je ne reverrai jamais telle que tu as été : sans partage et sans tiers. Nous deux, nous ne serons plus jamais ensemble de la même façon. Ton œil était sur moi, sans passer par quiconque. Maintenant il se pose sur ce berceau, avant de remonter vers… Oui, j’ai vu, c’est un bel enfant. Oui, c’est même moi qui l’ai commencé, en m’y reprenant tous les soirs. Le bougre ! Nous n’avons pas d’hormones, nous, pour nous travailler le sang, pour nous faire monter le lait aux seins, l’amour au cœur. Il nous faut un peu plus de temps, d’habitude et d’échange. » (Abel à propos de la naissance de son premier enfant, Nicolas) p. 105.

• « L’argent, l’argent. Pensez-y toujours, n’en parlez jamais. Ma femme s’ouvre le ventre. J’ouvre mon portefeuille. C’est dans l’ordre et l’ironie n’est qu’apparente. Le géniteur est bref ; le nourricier sera long. Je la déteste, cette hésitation à m’ôter sinon le pain, du moins le beurre de la bouche, ce regret d’avoir à rogner sur mes plaisirs, mon calme et mes sûretés. » p. 120.

• « Quand il est marié, n’est-ce pas, l’homme doit tout. Du patrimoine au matrimoine, le mien, avec le tien, ne fait aisément qu’un seul bien. Pour l’argent comme pour le reste. » p. 162

• « Ce qui ne va pas se trouve intimement lié à ce qui va ; et par là même presque invisible. Mariette elle-même le voit-elle ? Elle est femme, le mariage est son métier ; ses parents, ses enfants, sa maison, tout pour elle fait écran ; elle vit et c’est sa force. Moi je commence à me regarder vivre et c’est ma faiblesse. Je me trouve ces temps-ci peu porté sur la satisfaction. » p. 163.

• « — Le pouvoir des femmes ! Je ne l’ai pas détesté. Mais seul il ne vaut pas mieux que celui des hommes. Trop de père, on se révolte ; trop de mère, on s’amollit. » (La mère d’Abel à son fils) p. 207.

• « Le cirque est tout petit : c’est le rond de famille. Mariette est au milieu et, selon le jour, regarde des Ricains étriper du Vietcong, des provos casser des vitrines, des serpents déglutir des gerboises, des gangsters rafler des lingots et le pape, urbi et orbi, venir la planète où se succèdent raz de marée, incendies, éruptions, viols, assassinats, chutes d’avion, déraillements, que « nos envoyés spéciaux » ont filmés pour meubler, tricote-tricota, la petite séance du soir. La seule terreur, c’est le carré blanc. Oh la la, au lit, les enfants ! Voir tant de gens couchés morts, passe ! Mais une dame bien vivante couchée près d’un monsieur qui ne serait pas son mari… » p. 228.

• « Cette langue, dit A. B., est absolument complice du sexe opposé. Nous sommes floués, nous, les hommes, par le lexique. Que la terre, la mer, comme la plaine, soient du féminin, on veut bien : ce sont, à l’horizontale, de grandes fécondes, au-dessus de quoi l’air, le feu, l’arbre, l’oiseau, qui se dégagent à la verticale, sont correctement masculins. Mais le reste, hélas ! Devrait-on parler de mère-patrie quand ce sont les hommes qui se font tuer ? Pourquoi l’amour est-il masculin au singulier (où il est ambigu), féminin au pluriel (où il est noble) ? Pourquoi la passion, l’émotion, la sensibilité sont-elles féminines, tandis que nous sont laissés le rut, le sexe, ces grands sales ? Pourquoi la vertu en face du vice ? L’humilité, la charité en face de l’orgueil et de l’égoïsme ? Creusez la question et bientôt vous verrez se dégager une règle : le masculin dégrade. A la nation s’oppose l’état, réalité plus rude (quelque chose comme son mari). C’est baisser dans l’ordre des valeurs que passer de la fortune à l’argent ; de la contribution à l’impôt, de la puissance au pouvoir, de la vocation au métier, de la volonté à l’entêtement, de la justice au droit, de la destinée au sort. Vive la République ! A bas le Gouvernement ! Sublime est la parole, mince le propos, vulgaire le bagou… » (Article qu’écrit Abel pour un journal) p. 235

• « J’en suis un : vivant comme eux un petit présent, soumis à la pendule. Les jours font des semaines, les semaines font des mois, les mois des années : cette absurde évidence a besoin de rabâchage, car c’est nos qui nous y rabâchons. Quand il n’y a plus de dates dans la vie d’un homme, y a-t-il un homme dans la suite des dates ? Je suis entré en quarantaine ; et le mot a deux sens. Je suis dans ce qu’on appelle la force de l’âge. Quelle force ? La seule que je me reconnaisse, parce qu’elle me crève les yeux, c’est de savoir supporter mes faiblesses. Ce genre de qualité me paraît répandue. » p. 249.

• « Chérie ! Je disais encore : où elle celle que j’avais épousée ? Elle est là. Et je dis : où est celui que tu avais épousé ? Il est là aussi. Dans l’état où ils sont. C’est fini pour nous. Je veux dire : c’est de fini de penser que ça pourrait finir autrement. Ce que ça donnera, cahin-caha, mon Dieu, c’est au bon cœur de chacun. Il suffit d’admettre que la réussite (montre-m’en donc une vraie !) n’existe pas pour diminuer le sentiment de l’échec, le trouver relatif, refuser de s’y complaire. On s’ennuiera beaucoup. On se disputera longtemps. Mais nous aurons des instants, qui sans friser le sublime, tu parles ! Iront peut-être, comme celui-ci, jusqu’au considérable. Je veux dire, bien entendu : digne de considération. On se serre, on s’écarte, on se resserre : ce n’est qu’un va-et-vient. Regarde. Le soir n’arrive pas à tomber. L’interminable crépuscule du solstice est encore assez fort pour lancer à travers la persienne ce rai de lumière où danse de la poussière. Notre poussière. Cette grisaille qui toujours se dépose à la surface de meubles, je la respire, je la souffle, elle est en moi, elle est en toi. Il n’y a pas de ménage — et ceci dans le deux sens du mot — qui puisse s’en débarrasser. Mais nous savons ce qui peut, jailli de nous, l’illuminer parfois. » p. 266-Fin.
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Et les jouets ! N'est-ce pas aussi un exemple?
Je dis même que c'est un scandale, un gaspillage organisé. En avions-nous le dixième? Etions-nous plus malheureux? Nos parents, relayés par nos parrains, étaient-ils moins chaleureux ou moins bêtes? Quelles sommes leur avons-nous épargnées, nous qui aimions inventer nos simulacres? Oui, je sais, depuis lors, s'est montée l'industrie des loisirs et, à l'étage au-dessous, celle du jouet. Mais ce qu'il y fond d'argent m'ahurit, autant que la sottise des donateurs, aux cadeaux toujours en avance sur l'âge des donataires. Je vois ces Meccano dont le balai emporte les vis ; ces ménageries dont les fauves à pattes cassées sont censés dévorer les moutons de la ferme ; ces épiceries qui se regarnissent à la cuisine de sel, de riz, de mie de pain, vite absorbés par les rainures du parquet ; ces grues, ces tanks à piles défuntes, tractés par des bouts de ficelle ; ce sublime ensemble ferroviaire - avec grand huit, signaux, tunnel et transfo - dont personne ne sait se servir, sauf Tio et moi, qui n'arrivons jamais à rassembler les pièces éparses. Je vois tant d'autos miniatures, de baigneurs, de nageurs, de poupards désossés qui naguère fermaient les yeux, disaient maman, faisaient pipi ; et tant de pâte à modeler, éperdument créatrice, jaspée par les mélanges, en boudins, en crottes, en médaillons collés au tapis ; et proposés par tant de marques sur d'astucieux cartonnages, tant de découpages éparpillés, avec ce qu'il reste des jonchets made in Japan, des combinés made in Germany, des cartes, des pions, des billets de banque du Petit-Monde ; et surtout, partout, criant du vert, criant du jaune, criant du rouge, cette marée de plastique : bibelots de quatre sous, bricoles indéfinies, réglettes, mini-soldats de vinyle, ardemment exhumés du fond de trente-six boîtes pour être aussitôt cassés, oubliés, abandonnés sur le tas multicolore... Assez ! Assez ! N'en jetez plus ! Mais en voilà encore, mais en voilà toujours. Le ciel polymérise pour les enfants du siècle.
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L'éducation Guimarch, si je n'y mettais pas bon ordre, ferait de mes fils des Eric et de mes filles des Reine. Voilà des enfants qui n'ont jamais faim à dîner : parce que Mariette les laisse pignocher dans les placards. Qui ont tendance à faire les intéressants : parce qu'on admire leurs numéros. Qui ont du retard à l'école : parce qu'on a tellement bêtifié en leur parlant la langue dada qu'ils ont du mal à parler français. Qui n'ont pas d'amis : parce que Mariette les trouve tous impossibles [...]. Qui sautent sur le blanc de poulet, le quignon du pain : parce qu'ils choisissent d'abord. Qui ne font rien à la maison, même pas leur lit, parce que Mariette met un point d'honneur à les traiter en princes. Qui acceptent seulement de faire des commissions : parce qu'elle les laisse prélever sur la monnaie de quoi s'acheter bonbons et surprises. Qui la tyrannisent à tout propos, ne savent pas la laisser un instant tranquille : parce qu'elle les habitue à abuser d'elle. Qui sont peureux, timides, pleurards : parce qu'enjupés, privés des bonnes bosses et des bons bleus, de la petite expérience du risque indispensable à la croissance mentale... Seigneur ! Il paraît que les hommes n'y entendent rien.
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La question rituelle tomba :
- Heureux, en fin de compte?
Pour qui parle de bonheur, la lâcheté d'un homme n'a d'égale que la niaiserie de la femme. Répondre oui lui semble ridicule : le bonbon, le bonheur, ça fait partie des sucres, mais non des nobles viandes dont se nourrissent la force et l'ambition. Et puis (sauf la sienne, qui a besoin d'être confortée) le mot pourrait désobliger les dames : il les exclut, dans le passé ou dans l'avenir. Répondre non, d'autre part, paraît ingrat ; et désobligeant pour lui-même, en ce que cela suppose de ratage. Un homme bien constitué répond toujours en ce cas-là comme si on lui demandait des nouvelles de sa santé :
- Ca va, je te remercie.
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Le début, la fin de l'amour, voilà de bonnes histoires ; le milieu n'est censé intéresser personne. Je demande où est le mariage : ce mariage que même les gens vivent, presque tous, et où, presque tous, ils demeurent ; ce mariage lent, long, quotidien, dont le lit n'est pas le seul autel, mais aussi la table de cuisine, le bureau, la voiture, la machine à coudre, le bac à laver. S'ennuient-ils donc si fort dans l'institution, nos voyeurs, qu'ils n'en puissent rêver (rêver seulement : il faut vivre) que le bandant exorde ou l'agréable issue ?
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Entrevue avec le romancier Hervé Bazin en 1968
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Hervé Bazin

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