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Katya Berger Andreadakis (Traducteur)
EAN : 9782879294834
239 pages
Editions de l'Olivier (05/01/2006)
3.7/5   10 notes
Résumé :

A Lisbonne, au détour d'une rue, John Berger rencontre sa mère, pourtant morte depuis quinze ans. Elle l'accompagne le temps d'une balade parmi les azulejos colorés et lui raconte son premier amour. A Cracovie, dans le dédale d'un marché, il aperçoit Ken, son " passeur ", l'homme de trente ans son aîné qui lui a tout appris - à peindre, à tricher aux cartes, à boire - lorsqu'il était adolescent. ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Le nombre des vies qui pénètrent la notre est incalculable

L'écrivain entre les mort-e-s et les vivant-e-s, entre les passés, les souvenirs et l'actuel. Elles et ils si présent-e-s, celles et ceux qu'il a aimé, avec qui il a tant partagé. Des êtres et les contextes de refus de l'ordre/désordre existant.

Quelques instants d'accompagnement en lecture.

Lisbonne et la mère. Les souvenirs. Un arbre, « … Je suis le manche de ta hache, le portail de ta maison, le bois de ton berceau et celui de ton cercueil… ». Les livres. L'aqueduc. « Je me penchai et laissai ma main flotter dans le courant qui coulait après elle ».

Genève, plaque tournante, hier des révolutionnaires, aujourd'hui « des mafieux du nouvel ordre économique mondial » et des bureaucraties en tout genre. Jorge Luis Borges, « Il ne s'est déshabillé que dans ses poèmes, qui lui servaient aussi de vêtements ». Jorge Luis Borges et son oeuvre, catalogue ou collection. « le souvenir qu'un homme garde de la femme qui l'a quitté il y a trente ans ; un porte-clés ; un jeu de cartes ; une violette séchée entre les pages d'un dictionnaire ; la trace d'une lettre inversée sur un buvard ; un livre tombé derrière d'autres livres qui le cachent ; une rose symétrique dans le kaléidoscope d'un bambin ; les couleurs d'un Tuner lorsque s'éteignent les lumières du musée ; des ongles ; un atlas ; une moustache qui grisonne sur les bords ; les rames du navire Argo… ». Les théâtres vides si pleins.

Krakow. « Plus tard, je fermai les yeux et imaginai que je battais un jeu de cartes ».

Ces fruits aux souvenirs, en particulier, celui qui englobe « à la fois l'obscurité et les rayons du soleil », celle dont « les rides me rappelaient la peau chaude au creux d'un coude halé », ceux créés pour les voleuses et les voleurs. Ce fruit aussi qui « darde alors sa langue dans la gorge du garçon, afin qu'il en avale la promesse ». L'autre dont l'effervescence de la fermentation chatouille les papilles ou dont la dégustation « ne vous préparait jamais à son noyau ». Sans oublier « les petits verres étincelants remplis de ce breuvage nous poussaient invariablement à chanter notre farouche indépendance – des chansons d'amour et de solitude ».

Islington. le pont d'Arc. Madrid.

L'écriture. « Écrire englobe l'orthographe, les ligne droites, l'espacement, l'inclinaison et la taille des lettres, leur lisibilité, les marges, l'entretien et la propreté du bec de la plume, l'absence de bavures, et, sur chaque page du cahier d'exercices, l'expression de la valeur absolue des bonnes manières ».

Et ces pages puissantes et variées sur « le Szum et le Ching ». Rembrandt et Le Cavalier polonais, Liz et Met. le couteau, « Au début du siècle, en 1906, quand les révolutions et les troupes armées tirant sur les foules faisaient l'actualité en Europe centrale et orientale, un homme a fabriqué ce couteau pour que son Eva ne risque pas de se couper les doigts ». Ce couteau de l'indécision, « Ouverte ou fermée, la lame est une lame de regret ». Danka. Mirek. Olek…

Des plongées dans la mémoire, pour un autoportrait pudique d'un homme aimant les livres, les histoires et les autres êtres humains.

« La chose à savoir avec certitude, c'est si tu mens ou si tu essaies de dire la vérité. Tu ne peux plus te permettre de confondre les deux ».
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Dès la page du sommaire de D'ici là nous comprenons que nous voyagerons. Lisboa, Genève, Kraków, Londres, le pont d'Arc, Madrid, la Chine.
Le premier texte de ce recueil de John Berger nos entraîne à Lisbonne. Il nous parle de la ville, et de sa mère qui, bien que morte depuis longtemps, « comme les autres piétons qui remontaient la ruelle étroite, s'aplatit contre une devanture pour laisser passer le tram, tandis que celui-ci faisait tinter sa clochette. » Autre rencontre, autres souvenirs : Borges à Genève, ville carrefour des voyageurs, la preuve en étant que la Poste « fut conçue pour en imposer autant que sa cathédrale » ; ville qui n'a guère inspiré les peintres, et que John Berger décrit comme de nationalité neutre, de sexe féminin, d'âge « plus jeune qu'elle ne l'est en vérité » et de signes particuliers « légèrement voûtée en raison de sa myopie. » Ces deux textes sont absolument magnifiques.
Le voyage dans le temps et dans l'espace se poursuit à Cracovie avec Kern, le passeur, « l'homme qui m'a transmis tout ce qu'il savait, celui avec qui j'ai appris à traverser les frontières » ; puis à Islington, un quartier de Londres ; puis en Ardèche, là où John Berger visite la grotte Chauvet et décrit cette visite comme un voyage à l'intérieur d'un corps : « la roche calcaire a une teinte d'os ou de tripes. » Les descriptions sont poétiques, imagées, mais précise. « Les murs sont d'un jaune blanchâtre : pas celui que les fabricants de peinture vendent sous l'appellation ivoire, mais véritablement celui des défenses d'éléphant – très proche de la teinte défraîchie des vieilles dents humaines. »
Dans ce livre – pas si loin que cela du récit de voyage – Berger parle de lieux et de personnes, de personnes importantes, de ces « vies qui pénètrent les nôtres. » Et si l'une des convictions de l'auteur est que l' « on apprend à vivre – ou on essaie d'apprendre à vivre – en s'aidant des livres », des livres comme D'ici là se situent bien au-delà des modes, et sont justement de ceux qui peuvent participer à l'éducation de tout un chacun, pourvu qu'il soit amateur de littérature.
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Quel bon écrivain était John Berger (1926-2017), malheureusement je ne l'ai découvert qu'après sa mort. Ce petit livre semble être un 'outsider' dans son oeuvre : c'est un recueil très original de souvenirs de membres de famille et d'amis proches, enveloppés d'histoires sinueuses. La première histoire, 'Lisboa', baigne dans une atmosphère magiquement réaliste qui rend justice à la fois à la ville et à son sous-jacent philosophique : à Lisbonne, Berger miraculeusement rencontre sa mère, décédée depuis 15 ans ; alors qu'ils se promènent dans la ville, ils se remémorent, sa mère raconte la sagesse qu'elle a acquiert après sa mort (!), et il n'est donc pas surprenant que la saudade soit également évoquée. Ainsi suivent 7 histoires très diverses dans lesquelles Berger donne un aperçu de sa vie personnelle et de l'essence de la vie elle-même. J'en reprends 2 autres qui m'ont particulièrement frappé. Par exemple, le quatrième, "Some Fruit as Remembered by the Dead" donne une description très sensuelle des fruits; c'est une ode à l'apparemment ordinaire, qui m'a tout de suite rappelé les « Nourritures Terrestres » d'André Gide. Et l'histoire finale "Le Szum et le Ching" semble aller nulle part dans ses associations sans fin, mais est une belle évocation de la fragilité et de la beauté de la vie.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
La peinture des Cro-Magnon ne respecte pas les frontières. Elle coule librement, elle se dépose, elle se superpose, elle submerge des images déjà existantes, et elle perturbe sans cesse l'échelle de ce qu'elle charrie. Quel genre d'espace imaginaire les Cro-Magnon habitaient-ils ?
Les notions de passé et de futur ne sont-elles pas les nomades, soumises à l'expérience de l'ailleurs ? Ce qui est parti, ce qui est attendu, se cacheraient ailleurs, dans un autre lieu.
Tant pour les chasseurs que pour le gibier, savoir se cacher est une condition de survie. La vie dépend de l'abri trouvé. Tout se cache. Tout ce qui a disparu est allé se cacher. Une absence - comme celle des morts - se ressent comme une perte, bien sûr, mais pas comme un abandon.
Les morts se cachent ailleurs.
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Pourquoi n'as-tu jamais lu un seul de mes livres ?
J'aimais les livres qui m'emmenaient dans une autre vie. C'est pour cela que je lisais. Et j'en ai lu beaucoup. Chacun d'eux parlait de la vraie vie, mais pas de ce qui m'arrivait à moi, avant que je retrouve mon signet et que je continue ma lecture. En lisant, je perdais la notion du temps. Les femmes se posent toujours des questions sur la vie des autres ; les hommes sont souvent trop ambitieux pour comprendre cela. D'autres vies, des vies passées, des vies que l'on aurait pu vivre. Et j'espérais que tes livres parleraient de cette autre vie, que je souhaitais seulement imaginer, pas expérimenter - imaginer par moi-même, toute seule, sans mots. Alors, dans le doute, il valait mieux que je ne les lise pas. Je les regardais derrière la vitrine de ma bibliothèque. ça me suffisait.
(Lisboa)
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le souvenir qu’un homme garde de la femme qui l’a quitté il y a trente ans ; un porte-clés ; un jeu de cartes ; une violette séchée entre les pages d’un dictionnaire ; la trace d’une lettre inversée sur un buvard ; un livre tombé derrière d’autres livres qui le cachent ; une rose symétrique dans le kaléidoscope d’un bambin ; les couleurs d’un Tuner lorsque s’éteignent les lumières du musée ; des ongles ; un atlas ; une moustache qui grisonne sur les bords ; les rames du navire Argo…
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J'avais parlé à Katya de ma rencontre avec ma mère à Lisbonne. Tandis qu'elle était en vie, Nan-Nan (c'est le nom que lui donnaient ses petits-enfants) entretenait avec Katya un lien assez profond, dont elles n'avaient pas besoin de parler. Toutes pensaient que, pour trouver un quelconque sens à la vie, il était vain de chercher là où on nous disait de le faire. On ne pouvait trouver du sens que dans les secrets.
(Genève)
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Les panneaux de signalisation m'ont souvent fait penser à un conte de fées : Succession de virages, Passages d'animaux sauvages, Intersection, Passage à niveau, Carrefour à sens giratoire, Risque de chute de pierres, Descente dangereuse, Passage de troupeaux, Chaussée glissante.
Les dangers qu'ils annoncent, comparés au risque que l'on court dans la vie, semblent d'une simplicité rassurante.
(Le Szum et le Ching)
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Videos de John Berger (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de John Berger
John Berger and Susan Sontag speak about story telling and about the ethic of photography.
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