Doubles-jeux : A suivre... Livre IV

Quelque part entre performance artistique et littérature expérimentale, "À suivre..." est un coup de coeur !

Le 16 avril 1981, un détective privé prend Sophie Calle en filature. Elle sort de chez elle, marche dans Paris, se rend à divers rendez-vous, boit un café en terrasse... le rapport de surveillance, accompagné de quelques photos floues, retrace froidement ses faits et gestes.
Ce détective, c'est Sophie Calle elle-même qui l'a engagé.

"La Filature" est en fait un des quatre projets composant le recueil "À suivre..." (qui est d'ailleurs un des sept recueils du coffret "Doubles-jeux"). Dans "Suite vénitienne", Sophie Calle traque elle-même dans Venise un inconnu rencontré quelques jours auparavant.

J'ai eu spontanément envie de rapprocher ces expériences artistiques/littéraires de deux autres livres dont le projet m'avait touchée, et qui partagent des mécanismes d'écriture sous contraintes.

--> "Tentative d'épuisement d'un lieu parisien", de Georges Perec : j'y ai retrouvé ces descriptions méticuleuses du quotidien urbain (la tenue vestimentaire d'un passant, l'itinéraire d'un bus, les clients d'une boulangerie, l'envol d'un pigeon...) comme autant de petits événements à la fois uniques et récurrents.

--> "Les gens dans l'enveloppe", d'Isabelle Monnin : j'y ai retrouvé cette démarche consistant à confondre littérature et réalité, avec le décalage potentiel entre les intentions fantasmées des personnages (qui sont de vraies gens, en fait) et leurs véritables intentions. La solitude de l'autrice, aussi, qui mène son enquête en se demandant si elle a vraiment envie de la mener à bien –ce qui mettrait fin à l'expérience et dont l'issue risque être décevante.
Lien : https://fortyfiveweeks.wordp..

J'ai toujours eu envie de suivre des inconnus dans la rue pour me perdre, pour la surprise, pour découvrir autre choses, pour inventer leur vie... Je ne l'ai jamais fait.
Je ne savais pas que quelqu'un d'autre, Sophie Calle, en l'occurrence l'avait fait. Et ce que cela s'appelait de l'art...
La question maintenant est : le faire ou pas?